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L’autre de la spéculation : divination et règles des arrhes

Leçon de chrématistique conditionnelle ou la règle des arrhes en Grèce antique

Encadré 3. Version anglaise de l’anecdote sur le stratagème spéculatif de Thalès.

3. L’autre de la spéculation : divination et règles des arrhes

Donc, à la lumière des deux nuances apportées à la dimension spéculative de l’opération conditionnelle, on pourrait avoir tendance à conclure que la chrématistique ne serait qu’une version édulcorée de spéculation. Pourtant, un recul de 2 500 ans nous incite par ailleurs à aggraver le diagnostic sur son caractère spéculatif. En effet, une dimension forte de la spéculation est évacuée par la présentation de l’opération reproduite dans l’extrait ci-dessus. Pourtant, comme nous allons le montrer, si cette dimension oubliée de la spéculation est absente de la formulation explicite du philosophe, elle ne l'est pas de la morale pratique implicite qui a guidé les parties de ce marché à base d’arrhes.

L’infaillibilité supposée acquise de la prédiction céleste de Thalès cache un aspect fondamental de son opération spéculative : son caractère « hasardeux ». Si Thalès avait été unanimement tenu pour infaillible de la part de ses contemporains, le seul fait qu’il

se portât acquéreur des pressoirs aurait dû être dissuasif pour le propriétaire qui aurait de ce fait reçu une information sur la qualité de la récolte. En outre, Thalès aurait vraisemblablement fait l’objet de surenchères par plus riche et plus cupide103 que lui. On est dans une situation où un individu a une information privée dont on ne le soupçonne point. Admettre que cette information revête un caractère certain nous ramènerait en quelque sorte à une situation de type « délit d’initié ». Or, en face, le receveur des arrhes n’a pas la même prévision : il craint même vraisemblablement que les pressoirs à olives puissent être peu demandés une fois venu le moment de la récolte : le seul fait d’accepter de les vendre à l’avance est le signe d’une volonté de s’assurer un marché. Le récit précise bien que Thalès intervient « dès l’hiver précédent », autrement dit avant que la floraison printanière n’ait apporté un premier verdict… Son verdict anticipé, Thalès le confisque pour sa part à un ciel dont lui seul a su déjouer les signes. Dans ce deuxième cas d’option antique, les sciences divinatoires viennent une nouvelle fois servir d’éclaireur sur la vérité future de la prospérité des activités économiques. Cette divination sur le devenir du sous-jacent semble bien un motif préalable à l'engagement dans la dérive. Le monopole acquis par Thalès est bien un dérivé de son monopole cognitif (en l’occurrence de son intelligence en matière d’astronomie), autrement dit de son initiation privilégiée à la lecture d’événements futurs que la grande majorité de la société qui l’entoure admet de réserver à la discrétion des dieux. Parmi cette majorité, le(s) propriétaire(s) des pressoirs de Chio et de Milet, qui ne sachant pas quel sort les dieux réservent à la production d’olives, est (sont) disposé(s) à les céder, fût-ce conditionnellement, à l’avance. Certains grands succès historiques ultérieurs des contrats à terme et notamment conditionnels sont venus justement de leur capacité à maintenir la possibilité d’une production agricole malgré « l’aléa » (du moins l’incertitude, notamment climatique). Heureux le producteur qui trouve alors un spéculateur prêt à assumer un risque que lui ne saurait se permettre de prendre. Mais ce que nous apprend une étude attentive de la réalité des transactions est que la spéculation et l’assurance ne sont pas seulement solidaires par l’intermédiaire des contreparties : elles sont consubstantielles de la logique d’action de chacun des contractants. Le propriétaire spécule (au sens nouveau de prendre un risque sur la base d’une conviction)

sur le fait que la récolte ne sera vraisemblablement pas assez exceptionnelle lorsqu’il s’engage à les céder à bon prix malgré la possibilité d’un important manque à gagner (comme celui que le propriétaire concède finalement à Thalès qui exerce sont droit d’exploitation des pressoirs). De surcroît, en cas de récolte faible, le producteur aura été garanti d’un revenu supplémentaire acquis : les arrhes qu’il a reçues. Celui que l’on associe plus volontiers au spéculateur parce qu’il recherche une plus-value et un effet de levier s’assure finalement de s’engager à terme dans une transaction calibrée au niveau de prix auquel il pourra faire face et paye même le droit de se rétracter avec les arrhes qu’il concède, en cas de situation défavorable. Pouvoir disposer des moyens capitaux à un prix assuré, si cela s’avérait opportun : telle est la dimension assurantielle de l’intervention sur un marché à terme conditionnel moyennant le dépôt d’une « petite somme ».

C’est le caractère partiel de la présentation de l’option qui induit la condamnation morale de la part d'Aristote. En étant présenté exclusivement sous son aspect spéculatif avec, de surcroît, une négation de l’incertitude bilatérale concernant le véritable niveau de la récolte future, le stratagème apparaît au commentateur comme un abus de pouvoir qui est peu regardant de l’arrangement pragmatique passé entre des acteurs consentants. Est ainsi également occultée la dimension morale plus générale à laquelle emprunte l’outil de coordination auquel les acteurs de l'échange en question ont recours : en l’occurrence, les arrhes. C’est la position que nous allons continuer de défendre ici, en montrant que notre relecture de la transaction à base d’arrhes n’est pas le seul fait d’une projection rétrospective de la doxa actuelle sur la complémentarité entre spéculation et assurance. Le « monopole » qu’acquiert notre philosophe converti à une nouvelle forme de spéculation ne dérive pas seulement de son intimité singulière directe avec les secrets célestes, mais aussi de la loi des hommes. En effet, nous allons voir comment, moyennant paiement l’homme a substitué progressivement son caprice à celui du Ciel et des dieux à travers le droit conditionnel.

Les arrhes sont une forme juridique ou quasi-juridique remarquée de longue date par les spécialistes du droit antique. Une première interprétation sociologique originale des arrhes a été avancée par Gabriel Tarde (1893). Elle reste selon nous sujette à caution. Tarde insiste sur la fonction « sémiotique » des arrhes :

« Elles symbolisent la tradition future du prix au même titre que la remise d’une motte de terre ou d’une touffe d’herbe symbolise la tradition actuelle ou future du pré vendu. Prendre la partie pour le tout, ou plutôt exprimer le tout par la partie, c’est ce qu’en rhétorique on appelle une figure ; et cette figure là a cours spontanément aussi bien en mythologie, en politique, en poésie, qu’en droit. » (Tarde, 1994 [1893], p. 117)

Le caractère métonymique de l’arrhe souligné ici par Tarde est ramené — dans une perspective quelque peu évolutionniste — à un symptôme de « la poursuite universelle et constante d’un maximum d’utilité pour un minimum d’effort. »104 Celle-ci serait en effet observable non seulement en Droit mais dans des domaines aussi divers que le langage, la religion, l’industrie ou l’art. Cette intuition de Tarde s’avère au moins juste d’un point de vue ici dans la mesure où les arrhes sont représentatives pour Thalès de l’accès à un tout (le monopole sur tous les pressoirs). Et le caractère euphémique du produit dérivé est bien à la base de son levier potentiel.

Mais ce qui nous intéresse plus précisément, c’est le caractère effectivement optionnel et la morale qui fonde ce dispositif commercial. L’opération spéculative du sicilien sur les mines de fer rapportée à la suite de celle concernant Thalès est clairement une opération ferme qui n’implique le versement d’aucunes arrhes à l’avance. Au contraire, dans le cas de Thalès e texte réfère bien à une obligation unilatérale à l’instar de celle qui permet d’assigner le preneur d’une prime (autrement dit le vendeur d’une option) sur un marché dérivé contemporain. Les arrhes se distinguent bien de d’autres formes de dépôts, comme l’acompte notamment, par ces deux différences :

→ Elles ne supposent pas un engagement irrévocable ; → Elles ne sont pas une simple avance sur le règlement final.

En fait, un premier détour étymologique s’avère instructif à cet égard. Le terme original que Pellegrin traduit par « arrhes » est bien le terme d’origine sémitique

arrhabôn. D’après les spécialistes, ce terme est donc vraisemblablement arrivé en Grèce

104 Op. cit., p. 118. Tarde explicite ensuite les différentes manifestations du passage du tout à la partie en les illustrant d’exemples. Ainsi, il en cite cinq : 1/ « la loi de l’adoucissement phonétique » (mise en évidence par les philologues qui soulignent la tendance « paresseuse » à contracter et abréger les mots usuels) ; 2/ « l’abréviation de l’écriture ; 3/ el’adoucissement des ritese (passage progressif du sacrifice à l’offrande, par exemple) ; 4/ « les perfectionnements de l’industrie » 5/ enfin, « l’adoucissement des pénalités et aussi des procédures » (en dépit de leur multiplication).

par l’activité commerciale avec les peuples du Proche Orient au cours des siècles précédent (Masson, 1967). Le terme a une origine biblique, mais il désignait surtout couramment l’anneau des fiançailles. Signe d’un engagement, ce terme est passé dans le commerce et il semble bien avoir conservé son lien avec un usage commercial courant des phéniciens lorsqu’il s’impose en Grèce. En effet, d’après Finley (1952), les échanges entre Grecs étaient essentiellement des échanges « au comptant ». Il note cependant l’exception courante des arrhes105. Finley dresse ainsi l’inventaire d’une douzaine de références faites à cette pratique sur le millénaire qui s’étend d'Homère à la fin de l’empire romain. La spécificité de la pratique commerciale marquée par le versement d’arrhes est d’autant plus avérée que les spécialistes avancent l’argument probant que le recours au terme hébreux marque une originalité par rapport à d’autres formes de dépôts pour lesquels la langue grecque avait ses propres mots.

Or, comme l’admet Tarde lui-même, ce terme désigne un dépôt qui vient certes sanctionner la passation d’un marché, mais qui est fondamentalement associé à la « faculté de se dédire » :

« L’usage des arrhes se lie étroitement à la faculté de se dédire, qui est si habituelle en droit ancien, et si caractéristique. On est surpris de voir les anciennes législations de l’Orient, sans parler des nôtres, en particulier le droit musulman, regarder la vente, la donation, le prêt à usage, la société, le mandat, le dépôt, le mariage même parfois, comme des contrats essentiellement révocables au gré de l’une des parties et malgré l’autre, dans un certain délai qui a été s’abrégeant au cours du progrès législatif. D’après le Code de Manou, le vendeur a dix jours, ainsi que l’acheteur, pour se repentir et se dégager ; le Code brahmanique de Narada, postérieur, ne leur donne plus qu’un ou deux jours. On a trop vite induit de là que l’idée du contrat irrévocable manque absolument au primitif, et qu’à leurs yeux la volonté peut toujours défaire ce qu’elle a fait, l’engagement. C’est oublier le caractère sacré qu’ils attachent à leurs conventions conformes aux coutumes traditionnelles et conclues avec des compatriotes. Sans doute les enfants aiment fort à se délier quand leur caprice a changé, et ils changent souvent ; mais comme ils ne prévoient rien, pas même le changement de leur caprice, ils aiment fort à se lier irrévocablement. Les peuples enfants font de même. L’idée de se réserver l’avenir, de prévoir, exceptionnellement, que le vent de leur désir changera de direction, n’a pu leur venir d’abord que dans leur rapport avec des étrangers dans des conditions de libre concurrence et de mutuelle tromperie où la coutume, la commune protectrice de tous, n’intervient pas. Là, on cherche à se tendre un piège l’un à l’autre et on le sait : il est donc naturel de garder une porte de sortie pour échapper à un adversaire rusé. Aussi, est-ce là, je pense, que la faculté à se dédire a dû naître, sauf à se généraliser ensuite. Pour la bien comprendre, ne faut-il pas la rapprocher de ses multiples échappatoires que les antiques législations ont procurées aux contractants en faisant la longue énumération des vices du consentement ? Non seulement la folie, la contrainte, l’ivresse, l’erreur, sont des causes

de nullité en Droit musulman, mais encore la faiblesse de mémoire, la maladie, etc., et même le voyage. Imaginée par un peuple nomade cette dernière condition d’invalidité a l’air d’une mauvaise plaisanterie ; mais elle montre qu’il s’agit, dans la pensée du législateur, d’atteindre surtout les engagements contractés avec d’autres tribus, car c’est en voyageant qu’on les noue. Ces primitifs ont pour leurs contrats de ce genre précisément le respect douteux que nous portons à nos traités avec des puissances étrangères. » (Tarde, ibid., pp. 117-118)

C’est donc bien l’incertitude de Thalès lui-même et le caractère spéculatif — au sens moderne de « risqué » — que cette forme de transaction vient marquer. Il veut pouvoir renoncer, ou il est tributaire de cet usage des propriétaires de pressoirs de l’époque, mais la forme d’échange n’est pas innocente et ne mérite pas d’être purement et simplement noyée dans le long cortège des techniques chrématistiques. D’ailleurs, tout laisse croire que la philosophe de Milet n’aurait pas pu faire face à son engagement s’il n’avait pas pu récupérer au moins le prix de location qu’il s’était réservé par la sous- location106. Ainsi, la conditionnalité de l’accord passé par Thalès tient dans l’usage des arrhes même si cette conditionnalité n’est pas soutenue par un libellé grammatical écrit que nous aurions pu retrouver.

Il reste que la convention bilatérale ainsi passée a tout de même une dimension publique en ce qu’elle est validée par la morale collective et est réalisée devant des tiers pris à témoin. La thèse de Tarde, qui comme nous l’avons déjà noté est fortement marquée part un certain évolutionnisme, comprend les divers dispositifs de contrôle des engagements commerciaux107 pris comme autant de signes de l’extension des échanges entre membres de groupes étrangers (hors du cercle de la famille, la tribu ou de la communauté villageoise). Les arrhes seraient ainsi une forme d’évolution des

106 À cet égard, le doute et le flou subsistent sur la formulation : il consacre tous ses biens au versement des arrhes, mais on pourrait penser que le narrateur de l’anecdote inclut le prix de location dans les arrhes, comme s’il avait été réglé par avance (interprétation qui n’a jamais été retenue par aucun commentateur). Ceci témoignerait à coup sûr d’un usage impropre du terme. Et quoi qu’il arrive, ce témoignage nous aura permis de remonter à un usage commercial de type conditionnel bien plus représentatif que cette seule anecdote. L’intérêt de notre analyse reste donc largement insensible à la question de l’authenticité du caractère optionnel des modalités particulières du stratagème attribué à Thalès.

107 C’est ce que nous avons appelé par ailleurs des « dispositifs de défiance » (Martin, 2002), reprenant et réinterprétant ainsi la notion de « dispositifs de confiance » proposée par Karpik (1996) en montrant son revers.

transactions commerciales auparavant opérées au comptant avant d’être opérées à terme ou « à crédit ». Mais son raisonnement reste en partie hypothétique :

« La transition du comptant au crédit a dû, dans ces rapports externes, s’opérer par le paiement immédiat, non de la totalité, mais d’une fraction, d’abord considérable, ensuite minime, du prix. De là sans doute, l’usage des arrhes. Les arrhes, cependant, peuvent avoir eu, parfois, dès l’origine, et à coup sûr elles ont acquis plus tard une autre signification. » (Tarde, ibid., p. 116)

Il reste que, de façon plus certaine et documentée de longue date (Dareste108, 1889), les arrhes sont liées à un échange qui revêt un caractère cérémoniel et symbolique, à l’instar d’ailleurs de leur origine étymologie déjà signalée qui renvoie à la bague de fiançailles. En effet, le terme d’arrhes a aussi désigné le paiement de la petite fête d’auberge destinée à rendre le marché conclu officiel. Elles impliquent une mise en scène publique d’un engagement109 à terme dont la promesse reste conditionnelle. Il ne s’agit manifestement pas, dans son esprit originel, d’une affaire confidentielle. La publicité de l’accord dans l’anecdote qui nous a intéressé est implicite dans l’évocation de la possibilité de surenchère qui les accompagne. Une nouvelle fois, donc, nous pouvons voir qu’une communauté morale est impliquée pour valider la passation d’un engagement bilatéral même lorsqu’il est conditionnel (ici, en tant qu’il est révocable au moins unilatéralement). Et, cette communauté morale a souvent enchanté sa fonction de contrôle d’une dimension religieuse110.

108 Les travaux de Rodolphe Dareste constituent d’ailleurs une base documentaire de seconde main à laquelle Gabriel Tarde emprunte abondamment.

109 Encore aujourd’hui, dans certains pays comme l’Espagne les arrhes (las arras) font partie de la cérémonie matrimoniale : elles consistent en quelques pièces symboliques que les mariés se remettent mutuellement « en signe des biens qu[‘ils vont] partager », selon la formule consacrée.

110 Sur ce point encore nous nous alignons sur l’analyse de Tarde, à une prise de distance près vis-à-vis de ses considérations normatives et ethnicistes : « Plus que tout autre progrès, le progrès des croyances religieuses a favorisé l’extension du sentiment fraternel et, par suite, l’expansion des contrats hors de leur berceau étroit. Le serment était un sacrement. Le violateur polythéiste de la foi jurée redoutait la foudre de Jupiter. Combien l’Arabe serait plus fourbe encore et plus irrespectueux de sa parole [sic], avec l’étranger, sans les préceptes moraux du Coran ! Est-il bien sûr que l’habitude de respecter les engagements aurait jamais pris racine dans l’humanité, si l’on n’avait eu l’idée un jour de s’engager devant les fétiches de la famille ou de la tribu, devant l’autel des Dieux, la tombe des marabouts, les reliques des Saints ? » (ibid., p. 115).

Le principe des arrhes a survécu à plusieurs formes juridiques antiques : on le retrouve affublé du même terme dans le corpus juris civilis, à savoir la plus grande compilation de droit romain antique — qui a émané de l’ambition de l’Empereur romain d’Orient : Justinien 1er. Ce dernier souhaitait disposer d’un code de Droit utile à son empire et fidèle à la tradition romaine (Schmidlin, 1998). Ainsi, tout comme la stèle léguée par Hammourabi, cette œuvre est à mi-chemin entre codification et compilation. Bien qu’ils aient repris les textes classiques, les auteurs111 ont su adapter des textes d’époques très différentes (toute l’histoire romaine !), pour constituer un ensemble cohérent, assez différent du Droit romain classique. Dans le cadre des articles régulant l’achat-vente (emptio venditio), ce code explicite l’existence d’exceptions possibles à l’obligation de l’acheteur en référence aux droits hellénistiques supposés ignorants du concept de contrat consensuel112. La technique des arrhes est alors évoquée comme un moyen de lier le vendeur par la vente avant le paiement intégral du prix. Elles y sont décrites dans des termes homologues à ceux que nous avons explicités plus haut. Elles étaient constituées le plus souvent par une somme d’argent remise par l’acheteur au vendeur. L’acheteur pouvait par la suite se dégager du contrat en abandonnant les arrhes au vendeur. Cette pratique de la vente avec arrhes, insérée par Justinien dans sa compilation sous l’influence grecque, est cependant associée à une disposition supplémentaire : le vendeur pouvait de même se dégager en restituant le double des arrhes à l’acheteur. Ainsi, la conditionnalité113 serait bilatérale et aurait un prix

111 Promulgué en 529, le Code de Justinien fut rédigé par une commission de fonctionnaires impériaux et de professeurs des Ecoles de Droit; il s’agit d’un recueil de Constitutions impériales (leges) publiées depuis Hadrien. Cette œuvre législative prend une importance fondamentale en Occident car c’est sous cette forme reçue de Justinien que l’Occident médiéval, à partir du 12ème siècle adopte le droit romain.

112 Le contrat consensuel désigne le contrat « synallagmatique » qui engage à des obligations réciproques dont chacune est la contrepartie de l’autre. Nous utilisons ici les manuels classiques de droit