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L’obstacle entravant la réalisation des droits dans la procédure sur requête

Dans le document Le juge des requêtes, juge du provisoire (Page 129-146)

Section II. La qualification d’acte juridictionnel des ordonnances sur requête

B. L’application du critère de l’acte juridictionnel à l’ordonnance sur requête

1. L’obstacle entravant la réalisation des droits dans la procédure sur requête

159. Si un justiciable saisit les juridictions en vue de faire prononcer une décision pouvant être qualifiée de juridictionnelle, c’est bien qu’il est, par lui-même, incapable de parvenir au résultat recherché. Pour reprendre les termes de M. BRUILLARD, « un obstacle, matériel ou juridique, empêche certains sujets d’arriver par le seul effet de leur volonté à la satisfaction de leur intérêt légitime »1. Or, du fait même de la différence du rôle du juge qui, en matière gracieuse, s’appuie sur une volonté efficace du requérant2, cet obstacle ne saurait être identique au sein de la juridiction gracieuse qu’en matière contentieuse. Il faut donc préalablement définir la notion d’obstacle (1.), avant d’en faire application à l’ordonnance sur requête (2.).

a. La définition de la notion d’obstacle entravant les droits du requérant

160. L’obstacle, que Le Littré définit comme « ce qui empêche d'avancer, ce qui s'oppose à la marche », est susceptible de multiples variations, conséquence inévitable de l’infinie diversité des situations litigieuses. Il n’en est pas moins possible, dans une démarche de schématisation, de les regrouper en deux grandes catégories : les obstacles de droit, caractérisant la matière gracieuse, et les obstacles de fait, spécifiques à la juridiction contentieuse.

161. Dans le premier cas, la décision du juge gracieux se greffe sur une volonté efficace du requérant, c'est-à-dire une volonté en principe capable de produire pleinement les effets juridiques visés. C’est par mesure de précaution et afin de protéger les intérêts de certains tiers – voire du requérant lui-même – que la loi, ponctuellement, prive cette volonté d’efficacité, imposant alors le recours au juge pour lui conférer le « tertium quid »3 manquant. Il en résulte un acte hybride qui combine volonté privée et jurisdictio étatique, permettant de lever l’obstacle considéré.

Cependant, dans son étude de l’office du juge en matière d’ordonnance sur requête, Mme PIERRE-MAURICE met en avant le fait que certaines ordonnances adoptent justement ce modèle. Il arrive en effet que le requérant possède cette volonté efficace qui lui fait normalement défaut, mais que, en raison de la nécessité de protéger les tiers, et notamment les créanciers éventuels, la loi impose un contrôle préventif du juge en privant cette volonté d’effets à défaut de son intervention. Par

1 G. Brulliard, op. cit., p. 23.

2 V. Supra, n° 38.

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exemple, citant l’article 1008 du code civil1, elle estime que « doté en principe d’une volonté efficace, le requérant pourrait théoriquement se dispenser de l’intervention du juge. […] La formalité de la saisine est exigée parce que le testament olographe est un titre vulnérable, susceptible de falsification ou de supposition et qui ne répond pas aux mêmes garanties que l’acte authentique »2. Dans ce dernier cas en revanche, en raison du contrôle effectué par l’officier ministériel rédacteur de l’acte, le juge n’a pas à intervenir et sa saisine est inutile.

Un autre exemple, plus révélateur encore, est fourni par l’article L. 124-1 du code rural qui dispose que « les dispositions des articles L. 123-11 à L. 123-17 et les dispositions du chapitre VII du présent titre sont applicables aux échanges d'immeubles ruraux mentionnés au présent chapitre, qui sont assimilés aux échanges réalisés par voie d'aménagement foncier agricole et forestier. En cas d'opposition du titulaire de droits de privilèges, d'hypothèques ou de baux, l'acte d'échange est soumis, avant sa publication au bureau des hypothèques, à l'homologation du président du tribunal de grande instance statuant par voie d'ordonnance sur requête ». Dans la situation visée par ce texte, l’échange d’immeubles ruraux, les parties sont en principe libres de conclure seules ce type de conventions, sans solliciter de décision judiciaire. Ce n’est qu’en cas d’opposition d’un créancier privilégié que le juge intervient pour homologuer l’accord, opération gracieuse par essence3. Mme PIERRE-MAURICE en conclut que la requalification de telles décisions en décisions gracieuses est non seulement possible, mais surtout souhaitable4.

162. A suivre cette analyse, là où l’article 25 n’a été d’aucun secours pour qualifier l’ordonnance sur requête, l’analyse de l’office du juge au regard du critère de l’acte juridictionnel permet d’identifier avec précision des décisions gracieuses au sein du groupe général des ordonnances sur requête. Le critère serait ainsi l’obstacle de droit qui entrave une volonté potentiellement efficace du requérant, en raison de la nécessité de protéger des tiers pouvant être lésés par l’acte privé d’effets. Ceci est en somme logique : si la requête unilatérale est le mode normal d’introduction de l’instance en matière gracieuse, il aurait été surprenant de ne trouver aucun texte consacrant une ordonnance sur requête qui en relève.

163. Les résultats obtenus obligent à rajouter une quatrième catégorie d’ordonnances sur requête, les ordonnances gracieuses, ce qui scinderait la catégorie générale en quatre sous-catégories : les ordonnances sur requête provisoires, les ordonnances sur requête en la forme, les mesures

1 « Dans le cas de l'article 1006, si le testament est olographe ou mystique, le légataire universel sera tenu de se faire envoyer en possession, par une ordonnance du président, mise au bas d'une requête, à laquelle sera joint l'acte de dépôt ».

2 S. Pierre-Maurice, op.cit., n° 271.

3 I. Balensi, « L'homologation judiciaire des actes juridiques », préc.

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d'administration judiciaire et les décisions gracieuses. Ceci pose naturellement la question de la cohérence de l’ensemble, d’une part, et de la distinction entre les différents sous-groupes, d’autre part. La coexistence de décisions gracieuses et d’ordonnances sur requête provisoires ne semble pas poser de difficultés, dans la mesure où elles se distinguent quant à leur autorité, les premières étant définitives, les secondes provisoires. Par ailleurs, sur le plan matériel, la fonction de protection juridictionnelle provisoire les oppose radicalement. En ce qui concerne les mesures d'administration judiciaire, leur caractère non juridictionnel empêche toute assimilation aux ordonnances gracieuses ou provisoires par nature. C’est donc entre les ordonnances gracieuses et celles rendues en la forme des requêtes que le départ ne va pas d’évidence.

164. A l’évidence, les deux genres de mesures ont beaucoup en commun : elles tendent directement à la réalisation d’un droit subjectif, et, par voie de conséquence, sont toutes deux définitives, revêtues de la pleine autorité de la chose jugée. Le critère du provisoire ne peut donc servir pour les démarquer l’une de l’autre. Les critères légaux ne sont pas d’un grand secours non plus, étant donné leur inadaptation à l’ordonnance sur requête, tant pour l’absence de litige que pour l’exigence du contrôle judiciaire. Sur la première des deux propositions, on peut dire que même en retenant la conception modernisée du litige, proposé par Mme PIERRE-MAURICE1, qui est celui de l’adversaire intellectuellement visé, les résultats obtenus sont satisfaisants. Non seulement ce critère conduit à scruter la mentalité du requérant – a-t-il ou non des intentions belliqueuses ? -, procédé contestable en soi, mais surtout il fait dépendre la qualification de l’ordonnance d’un élément qui lui est totalement extrinsèque. Quant à l’obligation de saisir le juge, celle-ci est partagée par la matière gracieuse et par l’ordonnance sur requête en la forme, car dans les deux cas le requérant ne peut obtenir satisfaction que par la voie juridictionnelle.

165. En réalité, c’est encore dans l’étude de l’office du juge qu’il faut chercher le critère de distinction entre les décisions gracieuses et les ordonnances sur requête en la forme. Si la demande s’appuie sur une volonté individuelle potentiellement efficace mais privée de ses effets par la loi, elle sera gracieuse. Dans le cas contraire, elle relèvera des ordonnances sur requête en la forme, car le recours à la voie unilatérale n’est alors justifié que par le fait qu’elle est la seule, au sein du schéma procédural général, à permettre l’intervention de l’appareil judiciaire. Le domaine ces dernières est donc spécial et résiduel : pourront recevoir cette qualification les ordonnances qui ne répondent pas aux critères de la mesure d'administration judiciaire, ni à ceux, matériels ou structurels, de la mesure provisoire par nature, ni, enfin, n’appuieront aucune volonté efficace.

1 S. Pierre-Maurice, op. cit., n° 303 ; la conception tenant à l’assimilation entre litige et potentialité à faire grief doit en effet être d’emblée écartée car inappropriée et insuffisamment discriminante.

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Ajoutons enfin que la distinction qui vient d’être mentionnée entre ordonnances gracieuses et celles rendues en la forme des requêtes n’a que peu d’incidence pratique et son intérêt reste presque entièrement théorique. Sa seule implication est de conférer au juge davantage de pouvoirs pour instruire la demande lorsque la qualification gracieuse est retenue1. Gageons que dans la solitude de son cabinet, le magistrat ne s’embarrassera pas de telles subtilités.2

166. Ainsi précisée la notion d’obstacle entravant la réalisation des droits du requérant en matière gracieuse, reste à préciser la notion d’obstacle de fait qui caractérise la juridiction contentieuse. Celui-ci peut être défini comme la résistance, opposée par un tiers, à la prétention exprimée par le requérant de jouir des effets d’un droit subjectif, soit que ce tiers conteste l’existence de ce droit, soit qu’il s’en réclame lui-même titulaire. Dans les deux cas, il s’oppose, par son comportement matériel, passif ou actif, à ce que se produisent concrètement les effets du droit litigieux : le débiteur ne paye pas, l’occupant sans titre ne libère pas les lieux, etc…

D’emblée, il apparait qu’une telle conception heurte le caractère unilatéral de l’ordonnance sur requête contentieuse. Le requérant peut avoir exprimé une prétention, de manière judiciaire ou non, qui s’est heurtée à un refus. Mais il peut également n’avoir rien exprimé, et la saisine du juge des requêtes, première passe d’armes dans la bataille judiciaire, est une surprise pour le destinataire de la mesure qui n’a pas encore pu former de résistance. Pour autant, le requérant ne peut obtenir seul le résultat auquel il aspire : comment, dès lors, expliquer la nécessité de recourir au juge ? Au vu de l’insuffisance de la définition proposée, il convient de l’adapter au modèle de l’ordonnance sur requête contentieuse et d’en préciser le contenu.

b. L’application de la notion d’obstacle à l’ordonnance sur requête provisoire

167. La particularité de l’ordonnance sur requête provisoire, qui est d’être la seule décision contentieuse structurellement unilatérale, peut être exploitée pour déterminer précisément l’obstacle qui s’oppose au requérant. Or, il existe deux raisons de justifier l’usage de la voie unilatérale, à savoir l’effet de surprise, conditionnant l’efficacité de la mesure, qui est recherché, et

l’indétermination de l’identité de la partie adverse qui empêche l’utilisation d’un mode d’introduction

1 Il s’agit de la faculté de prendre en compte des faits hors du dossier (art. 26 CPC), de mettre en cause les tiers (art. 332 CPC) et de relever d’office son incompétence territoriale (art. 93 CPC).

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de l’instance nominatif1. La difficulté est alors de procéder une schématisation de ces cas de saisine du juge des requêtes au regard des critères de l’acte juridictionnel.

Toutefois, à l’analyse de l’infinie variété des situations qui motivent le recours à la juridiction des requêtes, il est possible de dégager deux séries d’hypothèses. Il est, d’une part, des cas où le requérant a la possibilité matérielle d’accomplir la mesure requise, mais son comportement, non avalisé par le juge, serait illégitime (α.). D’autre part, il est certaines situations dans lesquelles le requérant est dans l’impossibilité matérielle d’agir, seule l’autorité judiciaire pouvant parvenir au résultat recherché (β.).

α. La saisine du juge des requêtes en tant que recherche de la légitimité de la mesure sollicitée

168. Le plus souvent, le recours à la juridiction des requêtes est motivé par le besoin de se conforter à certaines règles du corps social, à s’assurer de la légitimité, à leur égard, de la mesure requise. En ce sens, il faut comprendre que le requérant est potentiellement capable de se satisfaire par ses propres moyens et d’accomplir les actes qu’il estime justifiés. Mais, ce faisant, il contreviendrait à la fois au principe d’interdiction de la justice privée et à l’ensemble des règles relatives à l’administration judiciaire de la preuve.

169. Pour ce qui est du premier, un auteur a pertinemment relevé que « le requérant qui aurait tenté de procéder d’office à la mesure sollicitée se serait mis hors la loi. Procéder à la saisie des biens de son débiteur est un vol, constater l’infidélité de son conjoint, une violation de la vie privée »2. En d’autres termes, c’est pour éviter le recours à la justice privée que l’ordonnance sur requête est rendue nécessaire. Lorsque le résultat souhaité implique une action coercitive, voire agressive, la volonté du requérant se heurte au monopole étatique de l’usage de la violence. C’est bien dans cette optique que se place le concept de protection juridictionnelle provisoire dans lequel s’intègre l’ordonnance sur requête. En effet, « le droit et la justice doivent […] être considérés comme un ordre qui prohibe l’usage de la force en général pour ne l’autoriser que sous la forme d’une sanction devant être exécutée par des individus déterminés dans des circonstances exceptionnelles »3, c'est-à-dire par des agents ou officiers publics habilités en vertu d’un titre judiciaire et limités par lui. C’est le fondement même d’une société organisée et pacifiée par le Droit, « condition première de l’ordre

1 V. Infra, n°s 816 s.

2 S. Pierre-Maurice, op. cit., n° 267.

3 A. Poullard, «Manières de juger. La représentation du pouvoir dans la fonction du juge», Institut des hautes études en sciences sociales 1999, http://www.reds.msh-paris.fr, spéc. p. 15.

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social »1. En somme, « le règne de la loi appelle celui du juge : la paix civile semble à ce prix »2. Dans cette mesure, il existe bien un obstacle à la réalisation effective du droit invoqué par le requérant. 170. Par ailleurs, il se peut que le requérant n’obtienne pas gain de cause en dehors d’une procédure juridictionnelle, non seulement en raison du caractère blâmable de son comportement, mais aussi parce que les éléments par lui recueillis ne seront pas recevables sur le terrain probatoire. En ce sens, lorsque le but immédiat du requérant est de se procurer la preuve de faits susceptibles d’appuyer une éventuelle demande en justice, même s’il ne commet aucun acte de violence, l’absence d’intervention du juge prive les preuves obtenues de son imperium, de sa légitimité première. De la même manière que pour les mesures d‘instruction in futurum3, l’élément de preuve ainsi obtenu sera contestable, de faible valeur probante, comme c’est notamment le cas pour les expertises officieuses4. Le caractère judiciaire de la mesure d’instruction ordonnée en justice lui confère le sceau de l’impartialité et de neutralité à l’égard des faits, la rendant sinon incontestable, du moins hautement fiable.

171. Enfin, et c’est sur ce point que les deux cas de figure précédemment évoqués se rejoignent, il arrive qu’un justiciable soit tout simplement dans l’impossibilité d’obtenir l’élément de preuve nécessaire, du moins sans commettre une grave voie de fait. Il en est notamment ainsi si la preuve en question requiert la collaboration d’un tiers ou est détenue par celui-ci, et que le requérant se heurte à un refus. Ne disposant d’aucun pouvoir de commandement, il ne peut, seul, forcer le tiers à s’exécuter. De plus, il a été jugé que l’article 10 du Code civil5 est sans application lorsque le concours en question est requis par un simple particulier6. Le pouvoir de l’institution judiciaire se manifeste ici dans son aspect impératif et se matérialise comme « capacité à faire agir – et même contraindre –

1 J. Béguin, «Rapport sur l'adage "Nul ne peut se faire justice à soi même"», in (dir.), Travaux de l'Association

Henry Capitant, t. XVIII, Journées lyonnaises, Paris, Dalloz, 1969, p. 41.

2 Ibid.

3 V. Infra, n° 862 s.

4 Cass. 1ère Civ., 28 mars 1995, Procédures 1995, n° 122, note R. Perrot ; cette décision, pour écarter les résultats d’une expertise menée officieusement par l’une des parties, mentionne notamment le caractère non-contradictoire de celle-ci, ainsi que le « travail consciencieux » (entre guillemets dans le texte de l’arrêt) de l’expert ; V° également, en matière d’identification des personnes au moyen de prélèvements sanguins extrajudiciaires, TGI Paris, 8 janvier 1991, RTD Civ. 1991 p. 720, obs. D. Huet-Weiller.

5 « Chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu'il en a été légalement requis, peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte ou d'amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts ».

6 Cass. 1ère Civ., 25 octobre 1994, Bull. Civ. I, n° 306, p. 222 ; l’arrêt mentionne expressément que le concours visé à l’article 10 « est celui qui doit être apporté non aux particuliers, mais à l’autorité judiciaire, en vue de la manifestation de la vérité ».

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autrui »1. C’est l’absence d’un tel pouvoir de contrainte qui caractérise alors l’obstacle opposé au requérant.

β. La saisine du juge des requêtes, unique voie de réalisation de la mesures sollicitée

172. C’est également par le biais de la notion de pouvoir que Mme PIERRE-MAURICE explique l’obstacle entravant les droits du requérant, lorsque la mesure voulue est tout simplement irréalisable matériellement par ce dernier. L’exemple topique d’une telle situation est fourni par la saisie conservatoire d’un compte bancaire, qui, pour être valablement pratiquée, exige non seulement une décision judiciaire mais aussi le concours effectif d’un huissier de justice. Mme PIERRE-MAURICE estime en effet que ce qui manque au requérant c’est le pouvoir, entendu comme « la prérogative d’exercer un acte, les attributs du droit subjectif »2. Elle ne rejoint cependant pas la définition du pouvoir proposée par M. GAILLARD dans sa thèse de doctorat. Pour ce dernier auteur, « le pouvoir se caractérise […] par le fait qu’il est confié à son titulaire dans un intérêt au moins partiellement différent du sien »3. M. GAILLARD fait une distinction fondamentale entre le pouvoir et le droit subjectif, qui est tourné vers la réalisation des intérêts propres de celui qui l’exerce. Il va jusqu’à affirmer que « cette summa divisio des prérogatives juridiques en droits subjectifs et en pouvoirs constitue le support essentiel de la découverte de la notion »4. Ce point de vue, auquel chacun sera par ailleurs libre de souscrire ou non, ne cache pas l’ambigüité du terme pouvoir, qui est utilisé dans de nombreux domaines : on parle ainsi de pouvoir politique, du pouvoir dans la représentation en droit civil, etc…

173. C’est plus précisément vers la notion de capacité, telle que l’a précisée M. GAILLARD, qu’il convient de se tourner. Celui-ci estime que « si on l’envisage comme l’aptitude à agir dans un intérêt distinct du sien et non plus comme la prérogative ainsi mise en œuvre, le pouvoir s’oppose clairement à la capacité que l’on définit souvent comme l’aptitude à agir valablement pour son propre compte. […] Le pouvoir désigne à la fois l’aptitude à agir dans un intérêt distinct du sien et le droit de prendre ainsi une décision contraignante pour autrui »5. Or, dans l’exemple choisi, celui de la saisie conservatoire, le requérant dispose bien d’une prérogative, à savoir le droit de recouvrer sa créance, ou, en d’autres termes encore, réaliser concrètement les effets du droit subjectif dont il est

1 A. Poullard, préc., p. 12.

2 S. Pierre-Maurice, op. cit., n° 266.

3 E. Gaillard, Le pouvoir en droit privé, thèse Paris II, 1981, n° 20.

4 Ibid.

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titulaire. Il n’en a simplement pas la capacité, au sens précédemment défini. Le concours du juge est indispensable, dans la mesure où la saisie affecte le patrimoine d’un tiers, le débiteur. Par

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