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L’effet négatif de l’ordonnance : l’absence d’impact sur le droit substantiel

Dans le document Le juge des requêtes, juge du provisoire (Page 163-170)

Section I. L’objet de l’autorité de la chose jugée : l’efficacité procédurale de l’ordonnance sur requête sur requête

A. L’ordonnance fait droit à la requête

2. L’effet négatif de l’ordonnance : l’absence d’impact sur le droit substantiel

218. La scission, du point de vue de leurs effets sur les droits des parties, entre les règles de procédure et les règles substantielles, peut être mise en évidence de manière chronologique. Il faut pour cela analyser à la fois les conditions dans lesquelles la décision procédurale est rendue (a.), et le moment de son prononcé (b.).

a. Quant aux conditions du prononcé de la mesure

219. Il est remarquable, du point de vue des conditions requises pour le prononcé de l’ordonnance sur requête, de voir qu’elles diffèrent totalement de celles requises pour la réalisation du droit substantiel. Il a déjà été démontré que l’écriture structurale des règles régissant les ordonnances sur requête provisoires n’a rien en commun avec celle du droit substantiel1. A la base de la procédure unilatérale se trouvent des concepts cadres comme l’urgence et la nécessité d’évincer le contradictoire, qui en sont les présupposés. Du point de vue de l’écriture structurale, il est bien entendu que les présupposés relatifs aux divers droits substantiels sont aussi nombreux que les droits eux-mêmes. Dans la mesure où les règles appliquées sont structurellement différentes, on ne

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saurait lier l’ordonnance sur requête à un droit substantiel en particulier ; c’est là une conséquence directe de la nature procédurale de la règle appliquée au provisoire.

Outre les présupposés, les effets de la règle appliquée sont également différents de ceux produits par un jugement de nature substantielle. Le seul effet produit par l’ordonnance sur requête est le prononcé d’une mesure dont le choix sera plus ou moins large selon la nature de l’ordonnance considérée. Cette mesure constitue le résultat que la règle de procédure impute à l’existence du chef de saisine invoqué devant le juge des requêtes. Par exemple, l’application de l’article 812 se traduirait ainsi : c (faits d’espèce) C (urgence + nécessité d’évincer le contradictoire) i D (droit d’obtenir une mesure unilatérale) d (prononcé de la mesure)1. Ce résultat est nécessairement différent de celui auquel conduit la règle de droit substantiel. Cette règle substantielle, il faut le rappeler, est différente dans tous les éléments qui la composent, à la fois dans son présupposé et dans les résultats que le rapport d’imputation fait produire à ce présupposé. Structurellement, la règle s’écrira (a) (A) i (B) (b). Pour fournir un exemple concret, le fait d’ordonner un constat d’adultère n’est pas soumis aux mêmes conditions que le divorce pour faute qu’il est susceptible d’entraîner. Par un effet de symétrie, l’issue de la procédure diverge radicalement : dans un cas, une ordonnance prescrivant un constat sera rendue, dans l’autre le lien matrimonial sera rompu.

220. L’indépendance de la mesure procédurale sur le plan de ses effets se manifeste également lorsque celle-ci vient à disparaître du fait de l’avènement d’une décision au fond. Le provisoire est en effet un droit de l’attente qui doit s’effacer dès que survient le définitif attendu2. Statuant sur le droit substantiel, le juge du principal, après avoir proclamé « B » correspondant au rapport d’imputation vis-à-vis du « A », devra aménager concrètement la situation des parties, c’est-à-dire « b ». De ce point de vue, la mesure ordonnée au provisoire ne constitue pas pour lui une situation de droit mais un simple fait3. Si le jugement au principal va dans le même sens que la mesure provisoire, aucun aménagement concret ne sera ordonné dans la mesure où les faits correspondent déjà au résultat voulu. Par exemple, lorsqu’une décision définitive consacre une créance sur laquelle une provision a préalablement été obtenue en référé, seule la situation juridique du créancier va changer, car par hypothèse il dispose déjà des fonds. Si, au contraire, le fond contrarie la décision provisoire, un aménagement sera opéré, mais il restera également cantonné sur le plan des faits : l’ordonnance provisoire elle-même ne disparaît pas de jure. Elle devient simplement caduque par disparition de son objet. Ceci ne pourrait se produire si l’ordonnance sur requête portait sur ce même droit

1 Le signe « i » désigne systématiquement le rapport d’imputation entre le présupposé et le résultat.

2 L. Merland, op. cit., pp. 385 s.

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substantiel : il faudrait alors la remettre en cause non par une procédure au fond structurellement indépendante, mais par l’exercice des voies de recours.

La dissociation du droit substantiel protégé et du mécanisme procédural qu’est l’ordonnance sur requête s’opère donc en premier lieu par un cloisonnement des conditions de mise en œuvre, ainsi que par un résultat différent imputé à la démonstration de celles-ci. Cependant, ce cloisonnement est susceptible d’une traduction plus technique en termes de protection juridictionnelle provisoire.

221. Pour cela, un rapprochement doit être fait avec la procédure voisine de référé, et plus spécialement avec l’interdiction, aujourd’hui disparue, de préjudicier au principal1. Celle-ci permet de mieux percevoir le lien entre le caractère procédural de la règle invoquée et la nature provisoire de la décision qui la concrétise. Si, aux termes de l’article 809 de l’ancien Code de procédure civile, il était interdit à l’ordonnance de référé de préjudicier au principal, c’est bien parce qu’elle était rendue « avant un jugement définitif », la prohibition servant à « éviter que le juge du fond ne risque d’être lié par l’interprétation des faits ou du droit telle que retenue par le Président »2. Cette formulation originelle étant issue du latin judicium signifiant procès3, son interprétation a changé pour finalement devenir, à l’aune du nouveau Code de procédure civile, l’exigence de l’absence de contestation sérieuse4. Mais aussi, et peut-être surtout, la codification nouvelle a défini le juge des référés comme celui qui n’est pas saisi du principal5. La notion de principal, dès lors confuse, n’a pas échappé à des tentatives de définition en doctrine, notamment vis-à-vis de la notion de « fond » en procédure civile6. Il est délicat de cerner cette notion avec précision lorsque les mêmes termes désignent, tantôt l’opposition entre le juge des référés et le juge du « fond » (ou du principal), tantôt l’ensemble des prétentions des parties au sens de l’article 4. La difficulté est d’autant plus grande que l’ordonnance de référé a elle-même un « fond », dans cette dernière acception7.

222. Le concept de « principal » dont, dans une formulation comme dans l’autre, le juge des référés ne saurait connaître, peut apparaître plus clairement à travers le prisme du provisoire et de la règle de procédure à laquelle celui-ci renvoie. Une analyse attentive des décisions censurant le juge des

1 Comp., en matière de contentieux administratif, l’article L. 511-1 du Code de justice administrative, qui dispose que le juge des référés n’est pas « saisi du principal ».

2 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse Strasbourg, 1993, p. 59.

3 V J. Ponelle, Le référé en cours d’instance, Sirey, 1934, p. 31 ; adde F. Horlaville, De la notion de préjudice au

principal en matière de référé : Les principes et leur application au contentieux provisoire de l'exécution, thèse

Paris, 1948.

4 Y. Strickler, op. cit., pp. 75 s.

5 Art. 484 CPC.

6 Y. Desdevises, «Variations sur le fond en procédure civile», in Mélanges Cosnard, Paris, Economica, 1990, p. 325.

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référés montre que celui-ci dépasse le cadre de sa saisine chaque fois qu’au lieu de faire application du corps de règles qui lui est propre, il applique des dispositions substantielles. Il lui est ainsi traditionnellement interdit de « trancher le litige et fixer les droits des parties »1 ou encore de prononcer des dommages et intérêts2. La raison en est simple : le juge de référé doit faire application de la règle de procédure autonome des dispositions substantielles. Celle-ci pourrait, à l’instar de l’ordonnance sur requête, s’écrire structuralement en ces termes : « A (« A’ » urgence / « A’’ » existence d’un différend / « A’’’ » absence de contestation sérieuse, etc…) i B (mesure urgente / conservatoire / de remise en état, etc…) ». A partir du moment où le juge du provisoire utilise le présupposé et le rapport d’imputation d’une règle de droit substantiel, il encourt inévitablement la censure. Par exemple, allouer à une partie des dommages et intérêts serait mettre en œuvre les règles de la responsabilité délictuelle3 et non plus des articles 808 et 809, ce qui ne peut être admis. En revanche, allouer une provision sur ces mêmes dommages et intérêts consiste bien en l’application de l’article 809, pour autant que la créance de réparation ne soit pas sérieusement contestable. Pour cette même raison, le juge des référés ne peut prononcer l’annulation d’un contrat4, mais il lui est possible de constater le jeu d’une clause résolutoire, car ce ne serait que prendre une mesure ne se heurtant à aucune contestation sérieuse ou justifiée par l’existence d’un différend.

Cette question des clauses résolutoires permet d’illustrer de manière parlante la dissociation des règles appliquées au provisoire et au fond. Lorsque les conditions d’une telle clause, que l’on retrouve surtout dans les baux de diverses sortes, se trouvent réunies, elle opère de plein droit et provoque l’anéantissement de la convention qu’elle supporte. Dans ce domaine, il est constant que le juge des référés peut constater le jeu de cette clause lorsque les conditions sont réunies5. En parlant de l’intervention de ce juge, M. STRICKLER écrit que « la garantie qu’elle offre au bailleur est puissante : le débiteur sait que s’il est défaillant, la clause jouera de façon automatique et qu’il n’y échappera pas »6. Concernant l’autorité dont doit être revêtue l’ordonnance de référé, la Cour de cassation décide qu’elle « n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas au juge

1 TGI Paris, 11 avril 1973, Gaz .Pal. 1973, 2, 546.

2 La solution constante, V. Cass. 3e Civ. 26 avril 1984, JCP 1984, IV, 210 ; plus récemment, Cass. Soc. 11 mai 2005, D. 2005, IR 1506.

3 Ou contractuelle, etc… sont ici visés tous les faits générateurs de responsabilité.

4 J. Normand, « Le juge des référés a-t-il le pouvoir de prononcer l’annulation des actes qu’il tient pour manifestement illicites ? », RTD Civ. 1982, p. 192 ; plus récemment, à propos de la résiliation d’un contrat de travail, Cass. Soc. 18 novembre 2009, Dr. et procédures 2010/02, n° 56.

5 V. déjà Cass. Civ., 29 juillet 1952, D. 1952 p. 744 ; plus récemment, la Cour de cassation censure pour violation de l’art. 488 al. 1 CPC la cour d’appel qui déboute l’appelant au seul motif qu’il se borne à critiquer les motifs de l’ordonnance de référé, V. Cass. 2e Civ., 1er février 2006, n° 04-13991, inédit.

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du fond saisi aux mêmes fins »1. Dans le même sens, la Cour décide encore que le juge du fond peut être saisi aux fins d'annulation du commandement ou de suspension de la clause résolutoire après que le juge des référés a déjà constaté le jeu de la cause résolutoire de plein droit2. Cette fragilité consubstantielle à l’ordonnance de référé conduit un auteur à estimer qu’en dépit de la célérité qu’elle procure, cette procédure n’est pas toujours avantageuse, car « c'est, en voulant gagner quelques semaines, prendre le risque de devoir plaider deux fois »3, au provisoire et au principal. Ces solutions, devenues classiques, s’expliquent parfaitement par l’autonomie de la règle appliquée au provisoire, sans qu’il ne soit besoin de diviser la chose jugée en degrés entre l’autorité « au provisoire » et « au principal ». Lorsque le bailleur s’adresse au juge, ce n’est pas seulement pour constater la résolution du bail, mais pour obtenir un résultat concret qui en est la conséquence nécessaire, comme obtenir l’expulsion du preneur, se voir allouer une indemnité d’occupation, etc... La démonstration qu’il produit au provisoire s’attache aux conditions de saisine du juge des référés. Ainsi, s’il agit sur le fondement de l’article 808 du Code de procédure civile, le jeu de la clause résolutoire caractérisera l’absence de contestation sérieuse4. C’est uniquement à l’aune de ces notions cadres que le juge des référés appréciera si les conditions de ce texte sont réunies, sans s’intéresser au contenu intrinsèque de la convention ou à sa validité. Preuve en est que s’il existe un doute sur ces derniers points, il en résultera une contestation sérieuse faisant obstacle à l’action en référé5. Il faut en déduire que si le juge du fond n’est pas tenu par la décision obtenue en référé, c’est qu’il n’existera entre les deux instances aucune autorité positive de chose jugée, laissant libre le juge du principal de trancher en sens inverse de l’ordonnance provisoire.

223. Symétriquement, si l’ordonnance de référé ne peut se fonder sur une règle de droit substantiel, elle lui est possible de passer outre certaines restrictions qui, sinon, auraient pesé sur le juge. A titre d’exemple, il est de jurisprudence constante que le président du Tribunal de commerce, peut, sur le

1 Cass. 3e Civ., 9 janvier 1991, JCP 1991. II. 21729, note H. Lévy, Rev. loyers 1991. 251, note P. Vaissette, RD imm. 1991. 394 , obs. Brière de l'Isle et Derruppé ; Cass. 3e Civ., 6 mars 1996, Bull. civ. III, no 15 ; D. 1996. IR 102.

2 Cass. 3e Civ., 12 octobre 1994, Bull. civ. III, n° 174, RD imm. 1995. 173, obs. Collart-Dutilleul et Derruppé ; Cass. 3e Civ., 6 mars 1996, Bull. civ. III, n° 62, JCP E 1996. II. 874, note crit. Lévy, Loyers et copr. 1996. Comm. 475, RD imm. 1997. 144, obs. Collart-Dutilleul et Derruppé.

3 N. Cayrol, Référé civil, Rép. Proc. Civ., 2011, n° 71.

4 V. Cass. 3e Civ., 16 janvier 2013, n° 11-25262, à paraître au Bulletin ; il est à noter que dans ce « référé contractuel », l’urgence n’est pas exigée, le juge tirant alors ses pouvoirs de la convention des parties et non de la loi, V. Y. Strickler et M. Foulon, « Les pouvoirs du juge des référés », Gaz. Pal. 26 mai 2012 n° 147, p. 17.

5 Cass. 3e Civ., 23 mars 1988, Rev. Loyers 1988 p. 215 ; Paris, 1ère ch., 5 février 1979, Rev. loyers 1980 p. 246, note J. V.

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fondement de l’article 873, ordonner à titre de mesure conservatoire la continuation d’un contrat qui aurait cessé en application des règles de droit substantiel1.

Ce détour dans le domaine du référé permet d’illustrer la dichotomie existant entre la règle de procédure et le droit substantiel, caractérisant la protection juridictionnelle provisoire dans son ensemble et l’ordonnance sur requête en particulier. L’efficacité de ce type de décisions est procédurale et, pour cette raison, exclut tout aspect substantiel. Si elles préservent le droit d’agir du titulaire du droit substantiel, les décisions rendues n’affectent nullement ce-dernier. Cette précision a une importance particulière, comme nous le verrons, pour la détermination de la portée de l’autorité de la chose jugée en matière de décisions provisoires par nature2.

b. Quant au moment du prononcé de la mesure

224. Un autre aspect important de la dissociation entre procédure et droit substantiel a trait au moment du prononcé de la mesure. De ce point de vue, il faut constater que la procédure unilatérale peut avoir cours concomitamment à la procédure au fond, sans que l’exception de connexité trouve application. Cette exception permet de joindre deux instances lorsqu’il existe entre elles « un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble »3, ceci pour permettre au juge d’avoir une vue sur l’ensemble du litige et éviter les contrariétés de décisions. Cela implique que les deux demandes soient de même nature4. Or, la jurisprudence décide que tel n’est pas le cas pour une procédure de référé, qui ne peut être jointe à une procédure au fond5. Bien entendu, il est aussi simple qu’habituel de justifier cette solution en disant que le provisoire et le fond ne se confondent pas. Cependant, une telle explication n’apporte pas plus de détails sur ce qu’est le provisoire. L’ensemble de ce qui a été dit à propos de la règle appliquée permet de clarifier cette solution. En ce sens, si une ordonnance de référé peut coexister avec une décision au fond sans être inconciliable avec elle, c’est parce qu’elle n’a pas le même objet. Il ne s’agit pas de deux décisions portant sur le même droit, dont l’une serait provisoire et l’autre définitive. Il s’agit de deux

1 V. Cass. 1ère Civ., 7 novembre 2000, D. 2001, p. 256, note C. Jamin et M. Billiau et p. 1137, obs. D. Mazeaud ; Cass. Com., 14 février 1989, D. 1991 p. 11 note F. Derrida.

2 Sur cette notion, V. Supra, n° 58.

3 Art. 101 CPC.

4 En ce sens, J. Barrère, «La rétractation du juge civil», in Mélanges Hébraud, Paris, Dalloz, 1981, p. 1, spéc. n°31.

5 Cass. 3e Civ., 20 octobre 1993, n° 91-17.264, Bull. civ. III, n°126 : la décision repose sur le fait que le référé et le fond ont un « fondement » différent ; la solution est ancienne, V. déjà Rouen, 8 mars 1949, D. 1949, somm. 52, RTD Civ. 1950 p. 97 obs. P. Raynaud ; Agen, 7 décembre 1951 JCP A 1952, IV, 1887, obs. G. Mandray, RTD Civ. 1953 p. 146 obs. P. Hébraud.

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décisions distinctes, mettant en œuvre des règles de droit qui ne peuvent être assimilées, règle de procédure d’un côté, droit substantiel de l’autre.

En matière d’ordonnances sur requête, le raisonnement est sensiblement identique. L’article 494 permet d’ailleurs expressément au requérant d’user de la voie unilatérale même si une procédure au fond est pendante, en disposant que « si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie ». La dissociation de l’ordonnance sur requête et du fond est d’autant plus évidente que les termes mêmes du texte impliquent que deux juridictions distinctes sont susceptibles d’être saisies. Enfin, l’article 497 étend la solution au référé-rétractation, qui peut être introduit « même si le juge du fond est saisi de l’affaire »1. Or, un même droit ne saurait être discuté de manière concomitante devant plusieurs juridictions à la fois, sans du moins que puisse être invoquée l’exception de litispendance ou de connexité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Encore une fois, la distinction entre fond et provisoire épouse la démarcation entre la règle de procédure et le droit substantiel. Le juge des requêtes n’ordonnant des mesures que si les conditions de sa saisine sont remplies, il ne peut statuer sur le droit substantiel, pour lequel le juge du principal est seul compétent.

225. Dans cette optique, il est remarquable que le terme « affaire », figurant dans l’article 497, obscurcit la différenciation entre les deux notions. Le juge du fond n’est par hypothèse pas saisi du même litige que le juge des requêtes. Une interprétation de ce vocable, au regard de la protection juridictionnelle provisoire, pourrait alors être proposée : l’ « affaire » serait le procès au cours duquel est discuté le droit substantiel en péril, celui dont la protection provisoire est sollicitée auprès du juge des requêtes.

Vue ainsi, l’efficacité procédurale de l’ordonnance sur requête fournit une explication cohérente à l’absence de lien entre la décision obtenue sur requête, provisoire et procédurale, et le jugement au fond, définitif et substantiel. L’étude des conditions et du moment du prononcé de l’ordonnance sur requête montre clairement la scission entre ces deux aspects de l’intervention juridictionnelle que sont la procédure et le fond. Mais, symétriquement, l’ordonnance sur requête a également un effet sur les droits des parties lorsque le juge rejette la requête qui lui est présentée.

169 B. L’ordonnance ne fait pas droit à la requête

226. Dans l’hypothèse où le juge des requêtes ne fait pas droit à la demande du requérant, l’ordonnance sur requête n’en a pas moins une efficacité procédurale. Il convient d’abord de préciser l’écriture structurale de la décision de rejet (1.), avant d’en détailler les effets (2.).

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