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54 Cité par (Hudon et Hadi, 2010)

Encart 1 : La recherche d’information perçue comme une cueillette de baies

3.2 Les modes de collecte des données

3.2.2 L’entretien semi-directif

En suivant Stéphane Beaud (1996, p. 227), il s’agit d’appréhender l’entretien, non pas de ma- nière isolée, mais en « [l’inscrivant] dans le déroulement réel de l’enquête de terrain ». Dans le chapitre « Comprendre », Bourdieu (2007) analyse le cas particulier de l’entretien en tant que technique de recueil de données pour l’analyse sociologique : en proposant de développer une approche compréhensive, il souligne les vertus de l’exemplification, de la concrétisation et de la symbolisation des entretiens, tels qu’ils ont été menés et étudiés, pour démontrer leur rôle dans la compréhension des phénomènes sociaux observés. L’entretien est une démarche qui soumet le questionnement à la rencontre ; il s’inscrit en ce sens dans une démarche participa- tive.

Pour connaître les pratiques, les gestes et le sens que les acteurs leur donnent, nous avons con- duit auprès d’acteurs d’âges, de compétences et de situations variées, des entretiens semi- directifs. Sur un sujet comme celui-là, nous tenons à souligner que la plupart des acteurs se sont volontiers exprimés : la durée de chaque entretien a été deux à trois fois plus importante qu’envisagée (de une heure à trois heures). Cela peut s’expliquer par le fait que l’entretien peut être considéré comme un espace d’attention, d’écoute, les acteurs exprimaient là leurs percep- tions de l’organisation des activités, du management, leur ressenti par rapport aux outils qu’on leur demande d’utiliser à des fins de gestion d’activités, de projets, des dispositifs TIC jugés le plus souvent « mal conçus » (déceptions, critiques du système, manque de reconnaissance, etc.) L’intégration dans l’équipe et la proximité avec les acteurs ont également permis d’établir faci- lement un rapport de confiance, et le tutoiement apparaissait comme évident (d’autant qu’il est l’usage par défaut à EDF).

De nombreux échanges informels sont venus compléter, préciser, affirmer ou valider les élé- ments recueillis au cours de l’entretien, ainsi que les pistes d’analyse suivies. L’évaluation en situation d’un outil, mettant à l’épreuve les résultats auxquels nous avons abouti, pourrait venir compléter nos analyses.

La grille d’entretien a été établie progressivement, comme nous l’avons dit, à l’issue d’une série d’entretiens exploratoires et des premières hypothèses formulées à partir des observations du terrain et des questions de recherche, telles qu’elles se formulaient alors. Semi-directif, dans

103 C’est ainsi que nous présentons, dans la conclusion et l’annexe 11, les premières analyses des pratiques information-

nelles d’une équipe d’opérateurs en centrale nucléaire, un terrain présentant d’autres problématiques, et des contextes soumis à des contraintes très différentes.

DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE 139

le sens où la grille d’entretien était commune à l’ensemble des acteurs rencontrés. Les ques- tions s’articulaient autour de quatre axes de recherche, correspondant aux questions de recherche telles que nous les formulions à ce moment là (encore relativement ouvertes et em- brassant, peut-être, une problématique ambitieuse, elles ont évolué entre temps). Ces questions (et les relances associées) étaient relativement ouvertes et le déroulement de l’entretien se vou- lait souple, afin de laisser place à une éventuelle réflexion que l’acteur aurait souhaité développer. Il s’agissait de créer une sorte d’espace-temps favorisant l’émergence de thèmes et de problématiques dont nous n’avions pas fait l’hypothèse.

Conduit en deux temps sur le lieu de travail des acteurs, devant leur poste informatique person- nel, la durée de l’entretien annoncée était d’une heure. Le plus souvent les entretiens ont duré entre une heure et demi et deux heures, allant jusqu’à trois heures, selon la disponibilité de l’acteur et le développement de ses réponses aux questions et relances que nous lui avons po- sées ou suggérées.

La première partie de l’entretien consistait à appréhender le profil de l’enquêté : sa forma-

tion, ses choix et son parcours professionnel ; puis à évoquer ses activités : les cadres dans lesquels elles s’inscrivent, la manière dont elles sont menées à bien, en introduisant notre volonté de se pencher plus particulièrement sur leurs composantes info-documentaires. Nous avons invité l’acteur à détailler une activité en particulier, afin d’appréhender un peu plus concrètement ce qu’il fait.

En outre, le premier temps de l’entretien consistait à établir un rapport de confiance entre l'enquêteur et l'enquêté (parfois anticipé au cours d’échanges informels). L’intervalle entre les deux parties de l’entretien visait à laisser du temps à la retranscription de la première partie, à une première analyse des données recueillies (notamment des exemples détaillés fournis par l’acteur interviewé) pour éventuellement procéder à certains ajustements lors de la deuxième partie de l’entretien.

La deuxième partie de l’entretien orientait de manière plus explicite les questions sur

l’environnement et les pratiques informationnelles de l’acteur : les dispositifs, les ressources informationnelles et documentaires exploitées, produites, partagées, stockées et classées (quels genres, quels niveaux de traitement et de structuration, quel système ou espace dédié ou choisi pour les gérer ou les rechercher) dans le cadre de leurs activités. Nous sommes re- partie de l’exemple de l’activité présentée au cours de la première partie de l’entretien, afin de saisir les articulations qui s’affirmeraient entre activités, contextes et pratiques.

Cette deuxième partie comportait des mises en situation de recherche d’information, de trai- tement et de gestion documentaire, autour d’une activité donnée, que nous avons tenté de reconstituer en nous inspirant de l’approche développée par Clot et Faita (2000). L’objectif ici était d’observer comment l’acteur s’y prenait pour interroger le moteur de recherche d’un environnement donné (le système de GED des documents patrimoniaux par exemple) en l’invitant à commenter ses actions, que nous envisagions dès lors tantôt comme des straté- gies tantôt comme des tactiques (Certeau, Giard, et Mayol, 1990, p. XLVI)104.

104 Si les deux notions relèvent de logiques d'action, de Certeau distingue la stratégie de la tactique (à laquelle il accorde

un développement plus important dans l’introduction), à partir de l'idée d'un propre. De Certeau présente la logique stratégique comme une manière, calculée, de négocier avec- et/ou de contourner un système. Il y a bien l'idée d'un calcul qui s'opère sur (ou en prise avec) un système bien identifié. La logique tactique, elle, est davantage improvisée, elle s'opère à l'occasion. Il y a comme une combinaison qui se fait sur le moment. La tactique se saisit de (et joue avec) l'occasion et serait en ce sens moins saisissable que la stratégie.

CHAPITRE 3 140

Enfin, nous avons introduit un axe de l’entretien destiné à recueillir des données sur l’évaluation des outils et dispositifs existants. Évoqué dans la présentation des objectifs de l’entretien, les acteurs interviewés se sont, la plupart du temps, exprimés sur ce point au cours de l’entretien. L’objectif ici était de recueillir des éléments sur la manière dont les ac- teurs formulent et problématisent leurs attentes vis-à-vis des dispositifs existants, ainsi que leurs besoins informationnels.

Tous les entretiens ont été enregistrés. Des notes ont été prises au cours de chaque entretien et nous avons également effectué plusieurs copies d’écran relatives à l’organisation des dossiers et sous-dossiers sur le poste de travail de l’acteur, et de ses bases Lotus Notes.

« J'appelle stratégie le calcul des rapports de forces qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir est isolable d'un « environnement ». Elle postule un lieu susceptible d'être circonscrit comme un propre et donc de servir de base à une gestion de ses relations avec une extériorité distincte. La rationalité politique, économique ou scientifique s'est construite sur ce modèle stratégique. (…) J'appelle au contraire tactique un calcul (oui, là il parle aussi de calcul en fait..) qui ne peut pas compter sur un propre, ni donc sur une frontière qui distingue l'autre comme une totalité visible. La tactique n'a pour lieu que celui de l'autre [une note renvoie ici aux travaux de Bourdieu, Détienne et Vernant qui développent également cette notion de tactique, ainsi que les recherches en sociolinguistiques, Garfinkel et Sacks]. Elle s'y insinue, fragmentairement, sans le saisir en son entier, sans pouvoir le tenir à distance. Elle ne dispose pas de base où capitaliser ses avantages, préparer ses expansions et assurer une indépendance par rapport aux circons- tances. Le 'propre' est une victoire du lieu sur le temps, vigilante à y 'saisir au vol' des possibilités de profit. Ce qu'elle gagne, elle ne le garde pas. Il lui faut constamment jouer avec les évènements pour en faire des occasions. » p. XLVI, Introduction générale, t. 1 « Arts de faire », 1990 (Folio Essais).

DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE 141

Chatou, le 10.02.2010 Présentation du projet de recherche

Cette enquête est menée dans le cadre dʼune étude portant sur la recherche dʼinformation, la classification et lʼindexation en situation de travail. Cette étude sʼinscrit dans le cadre dʼun projet ANR (conception dʼun prototype dʼun outil de gestion des connaissances), qui vise à améliorer le classement / la classification documentaire, pour rendre la recherche dʼinformation à la fois plus efficace et plus efficiente.

Lʼobjectif de ces entretiens est dʼidentifier les pratiques et besoins informationnels des acteurs enquêtés - je t'invite ainsi à les expliciter, avec tes mots.

Il sʼagit de dégager une méthodologie qui pourrait être utilisée de manière plus « systématique » pour aller vers une forme de modélisation des pratiques et des besoins informationnels des acteurs enquêtés, en faisant émerger leurs différentes variables contextuelles. On cherche ici à refléter lʼactivité de lʼagent à partir de ses activités documentaires.

Étapes de lʼenquête

Dans un premier temps, il sʼagit de comprendre quelles sont les activités des ingénieurs-chercheurs du groupe P1B. Puis nous tenterons dʼétablir un état des lieux des pratiques et des besoins informationnels, à partir dʼune série de plusieurs entretiens dʼobservations en situation

Cʼest ainsi quʼil est préférable de conduire lʼentretien devant le poste de travail, et quʼil serait intéressant, pour lʼétude, dʼeffectuer quelques copies dʼécran au cours de lʼentretien.

Cet entretien est organisé en 4 parties, destinées à :

1. appréhender le profil de lʼacteur enquêté,

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