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« La table de travail ne serait plus chargée d’aucun livre. À leur place se dresse un écran et à portée un téléphone. Là-bas au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les renseignements… De là, on fait apparaître sur l’écran la page à lire pour connaître la réponse aux questions posées par télé- phone, avec ou sans fil. Un écran serait double, quadruple ou décuple s’il s’agissait de multiplier les textes et les documents à confronter simultané- ment ; il y aurait un haut-parleur si la vue devait être aidée par une donnée ouïe, si la vision devait être complétée par une audition. Utopie aujourd’hui, parce qu’elle n’existe encore nulle part, mais elle pourrait bien devenir la réali- té pourvu que se perfectionnent encore nos méthodes et notre instrumentation. Et ce perfectionnement pourrait aller jusqu’à rendre automa- tique l’appel des documents sur l’écran, automatique aussi la projection consécutive. »

Paul Otlet, Traité de documentation, 1934.

Préambule : origine et cadres de la recherche Une thèse CIFRE et un projet ANR Quels terrains ?

1. Sujet et phénomène étudiés 1.1 L’activité d’information

1.2 L’accès à l’information: le paradigme du moteur de recherche 1.3 Organiser et structurer les connaissances : différentes approches 1.4 La questions des métadonnées

2. Problèmes et questions de recherche

2.1 Comment peut-on explorer le point de vue de l’utilisateur ? 2.2 Appréhender la notion de pertinence

2.3 La question des attentes et des besoins

2.4 Vers une sociologie des pratiques informationnelles

3. Cadres de référence

3.1 Inscription disciplinaire de la recherche 3.2 Démarche méthodologique

4. Objectifs de la recherche

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RÉAMBULE

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ORIGINE ET CADRES DE LA RECHERCHE

L’origine de ce projet de recherche s’inscrit dans la continuité d’un travail de collaboration entre deux équipes de chercheurs et une équipe d’ingénieurs-chercheurs issus du monde aca-

démique (l’équipe Tech-CICO5 et le laboratoire DICEN6) et du monde industriel (compétence

« Ingénierie des Connaissances », Département STEP, EDF-R&D7), réunis sur la base d’un

constat et d’une hypothèse.

Le constat est celui de la production croissante, de la diffusion mais surtout du stockage de données, d’informations et de documents, disponibles au sein de- et/ou gérés par des dispositifs informationnels numériques plus ou moins organisés, dont on peut d’emblée souligner la diver- sité : postes de travail, supports amovibles, serveurs partagés, Intranets, systèmes de gestion électronique de documents et bases de données, applications et environnements de stockage divers. L’introduction et l’accélération du développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), des outils, des supports, des modes de gestion, de diffusion et d’accès à l’information bouleversent les activités des individus, notamment professionnelles. En outre, toutes les traces numériques semblent désormais pouvoir être conservées, stockées de façon pérenne et potentiellement accessibles à tous et ce de façon quasi instantanée, une évolu- tion due à la généralisation des supports informatiques connectés, au travail comme dans le quotidien de façon plus générale. La recherche d’information est de plus en plus envisagée à partir de l’utilisation du moteur de recherche, qui laisse croire que l’individu peut aujourd’hui obtenir toute information pertinente à l’aide de simples mots-clés. Cette généralisation de l’accès potentiel à toutes sortes de documents est le point de départ de nos réflexions : com- ment gérer ces informations et ces documents afin de pouvoir s’y retrouver ? En effet, il s’agit de savoir comment penser et comment établir de nouvelles approches de l’organisation des connaissances face à l’inflation informationnelle.

L’hypothèse est que ces changements entraînent, entre autres conséquences, une transformation du statut et de la place du document au travail, dont la définition semble désormais bouleversée par l’avènement du numérique (Pédauque, 2003). Le « tout numérique » s’est imposé, et les disciplines étudiant l’objet information se trouvent depuis quelques années au cœur de ré- flexions traitant d’un nombre croissant d’enjeux et de problématiques posés par le numérique,

5 L’équipe Tech-CICO (Technologies pour la Coopération, l’Interaction et les Connaissances dans les collectifs) est

rattachée à l’Université de technologie de Troyes, UTT. Ses travaux portent sur l'analyse, la modélisation et l’instrumentation des activités coopératives. Sur un plan fondamental, l'objectif des recherches théoriques et empiriques menées dans l’équipe est de mieux comprendre le fonctionnement et les conditions de mise en œuvre d'une cognition collective et distribuée dans les activités humaines organisées et ce, en particulier, dans les nouveaux environnements technologiques où ces activités sont largement médiatisées par des supports et réseaux informatiques. Présentation : <http://techcico.utt.fr/fr/accueil.html> [Consulté le 15 juillet 2012].

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L’équipe DICEN (Dispositifs d'Information et de Communication à l'Ère Numérique), créée en 2009 au sein du Conser- vatoire national des arts et métiers – CNAM – à Paris, regroupe plusieurs chercheurs en sciences de l'information et de la communication et en informatique. Ses travaux visent à mieux comprendre sur un plan fondamental les dispositifs d'information et de communication contemporains et leurs transformations, pour être en mesure, le cas échéant, de pres- crire et concevoir des dispositifs techno-socio-organisationnels adaptés à différents terrains et à différentes problématiques. Présentation : <http://dicen.cnam.fr/> [Consulté le 15 juillet 2012].

7 La compétence ingénierie des connaissances (IK) met en œuvre des démarches pérennes de capitalisation et de partage

de connaissances, dans un souci de performance des pratiques métiers du groupe EDF. Ses travaux sont principalement orientés vers les activités d’exploitation et de maintenance des centrales nucléaires et hydrauliques. Elle développe en ce sens des méthodes et des outils pour identifier, analyser, organiser, mémoriser et partager les connaissances. Elle est l’une des onze compétences du département STEP (Simulation et Traitement de l’information pour l’Exploitation des systèmes de Production) d’EDF-R&D.

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lesquelles se renouvellent de manière accélérée. L’information est devenue une ressource dont la valeur économique et stratégique est de plus en plus affirmée et les organisations, tous sec- teurs confondus, s’intéressent de plus en plus aux problématiques relatives à la gestion de

l’information et à la préservation des connaissances8, pensée à EDF en terme de capitalisation

des connaissances. L’enjeu principal est celui d’assurer l’accès à l’information pertinente en situation opérationnelle. Cet enjeu soulève dès lors la problématique de son organisation, de sa structuration et de sa gestion. Aussi les entreprises tendent-elles à accorder une attention parti- culière et nouvelle à l’analyse des besoins, préalablement au choix de solutions logicielles de gestion et d’accès à l’information. Cet enjeu est prégnant et reconnu comme tel à EDF, autant dans les unités de production d’électricité, que dans les centres d’ingénierie ou à la direction de

la recherche et du développement (R&D)9.

La notion de préservation renvoie à celle de mémoire. La mémoire implique la conservation des documents et des informations sur la durée, mais aussi la faculté d’oubli, de tri entre l’important et le dérisoire, le fondamental et l’éphémère. Ces deux idées, préservation de l’essentiel et oubli raisonné, sont mises à mal par les prétentions du numérique et des TIC à pouvoir et à vouloir tout stocker, tout conserver, sans véritablement construire en amont des démarches de gestion de l’information et des connaissances associées. Cette problématique n’apparaît pas évidente à traiter, tant le défi posé par la conservation à long terme des informa- tions contenues sur des supports numériques ne connaît actuellement pas de réponse satisfaisante. Les TIC et les réseaux numériques laissent à penser que tout semble pouvoir être conservé, y compris les traces de navigation des internautes, et les « archives courantes », c’est- à-dire les documents nécessaires à l’activité des services qui les ont produits, sont hypertro- phiées. Or, il semble par ailleurs impossible d’assurer une conservation à long terme de l’ensemble de ces données, documents, traces, et on peut penser que la mémoire sélective du Web portera sur les contenus dont les caractéristiques techniques et les modes de gouvernance favoriseront leur persistance dans les espaces du Web (Bermès et Oury, 2009) – cette réflexion peut se décliner dans l’environnement de l’entreprise, sur un espace plus circonscrit que le Web.

Le traitement de l’information contenue sur des supports numériques constitue aujourd’hui un enjeu essentiel. Aussi s’agit-il de repenser les démarches de gestion documentaire (l’indexation au premier plan, mais également le cycle de vie des ressources informationnelles et documen- taires avec la prise en compte de la notion de version), afin de pouvoir d’une part en assurer une meilleure conservation, et d’autre part en faciliter l’accès pour en permettre une meilleure exploitation. Des sources et des ressources informationnelles et documentaires désormais stockées, classées, organisées mais aussi publiées et partagées au sein d’espaces et de systèmes informationnels dispersés et distribués. En déplaçant la focale depuis le document vers

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Nous définissons la notion de connaissances en la positionnant par rapport à celles d’information et de données, dans le chapitre 2 de ce travail. Nous précisons d’emblée que nous avons fait le choix de retenir le terme « information » à l’instar de (Taylor, 1986, p. 9) comme terme générique pour couvrir les données, l’information et les connaissances.

9 La démarche qualité, qui définit chaque processus métiers de l’entreprise, demande ainsi à tout projet porté par la R&D

ou l’ingénierie, de procéder à une « étude de besoins », préalablement au démarrage de chaque projet. De même on sollicite de plus en plus les acteur à travers la mise en place de groupes de travail, dans l’objectif de les associer dans la mise en place d’une nouvelle procédure, d’un nouvel outil, ou encore pour réorganiser les compétences du département; et l’on a constaté la multiplication de questionnaires – le plus souvent destinés à l’évaluation de la satisfaction d’un dispositif, adressés aux agents –, commandités par EDF et élaborés par des cabinets d’étude extérieurs.

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l’information, nous nous intéressons de plus près au processus de recherche d’information, l’avènement du numérique ayant favorisé le développement et la diffusion de nombreux dispo- sitifs de gestion et d’accès à l’information. Il convient alors de s’interroger sur les besoins et les pratiques des utilisateurs, appréhendés comme des acteurs-usagers. C’est l’objet principal de ce travail de recherche.

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