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54 Cité par (Hudon et Hadi, 2010)

Encart 1 : La recherche d’information perçue comme une cueillette de baies

2.1.5 Dispositif info-communicationnel

La notion de dispositif varie en fonction des contextes historiques et institutionnels. Elle semble toutefois connaître une certaine stabilisation autour d’un ensemble de traits significatifs. Dans

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le numéro que la revue Hermès y consacre (Jacquinot-Delaunay et Monnoyer Smith, 1999), la plupart des contributions l’appréhende comme un concept de l’entre-deux, mettant en avant son caractère de figure intermédiaire, tandis que d’autres soulignent son caractère hybride. Avoir recours à ce concept serait également remettre en question l’opposition dite classique entre

symbolique et technique selon Peeters et Charlier (1999, p. 16).

La notion de dispositif provient principalement de champs techniques. L’usage croissant de ce terme est lié à une technicisation grandissante de nos environnements quotidiens. Dans le champ théorique, le dispositif est un concept qui a servi à prendre en considération la dimen- sion technique de certains phénomènes sociaux. Michel Foucault l'a utilisé pour mettre à jour, en aval des discours, le travail des procédures et des technologies dans la constitution de la société. Cependant, chez ce dernier, ainsi que chez ses contemporains, cette dimension tech- nique reste connotée négativement, car elle est uniquement appréhendée comme un instrument d'aliénation, de contrôle social ou de pouvoir, alors qu'aujourd'hui, on assiste à une revalorisa- tion partielle de cette dimension. Il convient cependant de bien comprendre le sens de ce processus de revalorisation. Il ne s'agit pas d'occulter les dimensions de pouvoir qui sont affé- rents aux dispositifs techniques, mais de montrer plutôt que ces derniers ne s'y réduisent pas, que d'autres processus à l'œuvre sont également à éclairer. Ce mouvement de revalorisation tend donc à s'opérer plutôt sur le mode du déplacement que du renversement de perspective. En attribuant un nouveau statut aux objets s’opère une revalorisation de la dimension tech- nique, inhérente à la notion de dispositif. En sociologie et en philosophie, on observe ainsi un intérêt de plus en plus grand pour les objets techniques, ainsi que pour l’analyse des relations entre individus et objets, en témoigne notamment le numéro spécial de Raisons Pratiques (Conein, Dodier, et Thévenot, 1993). On peut, en outre, appréhender le dispositif comme un composé d’humain et de non-humain (Akrich et al., 2006).

Porter l’attention sur les dispositifs et leur dimension technique invite non seulement à observer la redéfinition du rapport des individus aux objets techniques, mais également à étudier la lo- gique organisationnelle propre à la technique. Le dispositif a une visée d’efficacité et d’optimisation des conditions de réalisation. Associé au concept de stratégie, il porte des lo- giques de moyens en vue d’une fin. Il est la « concrétisation d’une intention au travers de la mise en place d’environnements aménagés » (Peeters et Charlier, 1999, p. 18), même si l’intention peut lui « échapper », a posteriori. Il devient pragmatique et interactionniste, et moins « panoptique ». L’usage du concept s’intègre ainsi au champ de l’instrumentalité (Ibid.). En visant à aider, sinon à soutenir les activités, les dispositifs représentent actuellement une tentative d’instrumentation optimale de l’autonomie des acteurs (Peeters et Charlier, 1999, p. 18). Cette recherche de l’optimalisation des autonomies s’observe dans d’autres secteurs (sécu- rité routière, thérapie, action sociale, médias) et témoigne plus largement d’un certain

recentrage sur l’individu. Dans cette perspective, la conception du dispositif est guidée par

l’idée que c’est l’individu qui s’oriente dans le dispositif, et non l’inverse. Le dispositif peut se définir dans une fonction de support, de balise, de cadre organisateur à l’action ; « il crée des effets de signification qui procurent des ressources pour un auto-pilotage » (Peeters et Charlier,

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1999, p. 19). Dans cette acception, le dispositif organise et rend possible quelque chose ; mais il y a également l’idée d’une performativité des dispositifs.

Dans le domaine de l'information et de la communication, dispositif est le terme le plus cou- ramment employé pour désigner l'ensemble des substrats matériels de la communication. On parle de dispositif médiatique, de dispositif éditorial ou de dispositif info-communicationnel, pour « souligner que la communication suppose une organisation, repose sur des ressources matérielles, engage des savoir-faire techniques, définit des cadres pour l'intervention et l'ex- pression. La notion de dispositif porte en elle l'idée que l'outil de communication n'est pas neutre, à cet égard on peut l'opposer aux notions de « support » ou de « canal » (Jeanneret, 2005).

Appréhender les pratiques informationnelles en plaçant la focale sur les dispositifs qui les sou- tiennent « permet de s’affranchir d’une approche de la communication réduite à la relation, au contenu, aux signes pour prendre en compte le poids des ressources matérielles et techniques, mais aussi l'intervention des acteurs qui mettent en place et contrôlent ces ressources ». C’est ainsi que nous avons cherché à analyser les contraintes, les ressources et les possibilités des outils logiciels qui soutiennent les pratiques informationnelles des acteurs. Cet intérêt porté au dispositif info-communicationnel est lié au fait que toute intervention d’un acteur est de plus en plus médiatisée par des conditions matérielles, organisationnelles et sociales. Par ailleurs « si la tentation est récurrente, à chaque époque, de prophétiser une mutation totale des systèmes, c'est bien le mélange et l'hybridation entre les dispositifs qui prédominent inévitablement. » (Jeanne- ret, 2005).

Il s’agit ainsi de chercher à comprendre comment les dispositifs info-communicationnels fonc- tionnent, mais surtout comment ils sont utilisés ou pas par les acteurs, comment les normes et les formats qu’ils comportent influencent les pratiques informationnelles, les formes de la communication, comment ils s’associent avec d’autres dispositifs plus anciens, plutôt que de chercher à définir les dispositifs info-communicationnels émergents comme d’uniques vecteurs d’information.

En ingénierie, le dispositif (device en anglais) désigne souvent le composant d'un système, strictement lié à une fonction, alors que dans l'analyse sociale des pratiques informationnelles et communicationnelles, cette dimension technique est comprise dans le sens plus large d'une mise en ordre des signes, des relations et des pouvoirs. Dans la tradition critique, la notion de dispositif, héritée de Michel Foucault, tend à décrire un ordre social où s'exerce, par le discours et le regard, un contrôle des corps, alors que les débats contemporains en sémiotique tendent à faire du dispositif un ensemble de conditions de la communication qui, loin de la contraindre strictement, ne prennent tout leur sens qu'interprétées et appropriées par les acteurs sociaux. C’est cette conception du dispositif que nous retenons.

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2.2 Des représentations et des modèles pour expliciter les pratiques in-

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