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L'enquête ethnographique

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L’enquête ethnographique a été menée à Gaborone pendant plus de 10 mois, entre 2007 et 2009. La méthode ethnographique n’a pas été réservée aux services hospitaliers dédiés aux malades du sida. A la suite du travail effectué par D. Fassin en Afrique du Sud (2006a), l’ethnographie, appliquée à une recherche sur les enjeux sociaux, politiques et moraux, a concerné tout un ensemble de lieux moins traditionnels ou attendus dans une enquête portant sur la santé : réunions associatives, conférences nationales et internationales, collaborations universitaires. Également, les institutions et administrations nationales ont été des sites d’enquêtes instruisant sur l’ « État en pratique » par exemple dans le cadre d’interactions répétées avec le service de l'immigration25.

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En vue de conduire ce travail de recherche dans le cadre d’une thèse en sociologie nous avons décidé avec mon directeur de thèse, Didier Fassin, de placer au cœur de l’enquête un terrain ethnographique à l’hôpital. L’hôpital peut être considéré comme le reflet de l’organisation de l’État et de la société au même titre que dans le travail que D. Fassin entreprenait avec ses collaborateurs sud- africains à l'hôpital de Soweto à Johannesburg. Il s'agissait de considérer l'hôpital à la fois comme institution biomédicale et comme espace social révélant voire renforçant les processus sociaux et culturels d’une société donnée (Andersson et Marks 1989; Van der Geest et Finkler 2004).

J'ai conduit des observations au service des Urgences (158 heures d’observations, de janvier à avril 2007) puis, ensuite, au sein du service dédié aux patients séropositifs (Infectious Disease Care Clinic, que j'appelle « centre ARV», (112 heures, de février à juin 2007). Les observations ont été étendues au sein du service de gynécologie (42 heures d’observations), submergé par la prise en charge de la suite de fausses couches et d’avortements. Plus ponctuellement je me suis rendue dans le service de médecine interne (10 heures), dans lequel participent de nombreux cliniciens et étudiants en médecine de l’Université de Pennsylvanie (États-Unis) et d'autres services, pour accompagner des soignants et des patients (échographie, salle de travail, radiographie, laboratoire).

À l'hôpital Princess Marina, durant six mois j'ai ainsi recueilli des observations sur la prise en charge des malades, l'organisation des soins, les protocoles, l'accueil des patients, les relations médecins-patients, en somme le « traitement » des patients. J'ai utilisé ces observations et les discussions avec les soignants pour mettre en évidence le travail moral effectué par les soignants en particulier autour des antirétroviraux, considérés comme un bien précieux, mettant en jeu l'observance et l'obéissance. J'ai approfondi un volet de l'enquête concernant les femmes botswanaises qui bénéficient de traitements ARV pendant leur grossesse, et j'ai également documenté les suites des avortements ou des fausses couches qui instruisent sur les rapports de pouvoir, de

25 J’ai eu à me présenter de façon régulière au service de l'immigration, afin de régulariser ma situation et

celle de ma famille notamment pour tenter de prolonger le séjour de mon compagnon et de notre fille qui finalement n'a pu excéder 6 mois car nous n'étions pas mariés.

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genre, des inégalités sociales et les hiérarchies professionnelles, ainsi que sur les profondes tensions entre nationaux et étrangers.

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Ce travail d'observation hospitalière a été intégré à une enquête auprès des institutions nationales (le programme national d’accès aux ARV Masa, le ministère de la santé, les agences de coopération) et des associations ou réseaux d'associations. Durant sept mois d'enquête à Gaborone en 2007 j’ai réalisé une ethnographie multisituée, qui, outre l'hôpital, me conduisait à participer à des réunions à l'université du Botswana, à des « workshops » et conférences, des ateliers de recherches (à UB). J'étais bénévole, à raison d'un jour par semaine, auprès du Réseau botswanais sur les enjeux juridiques et éthiques en lien avec le sida (BONELA) afin de mettre en place une revue – que nous avions qualifiée de semi-académique – sur le sida au Botswana26. Le travail de collaboration avec le

département de sociologie du Botswana a également été un site d’enquête fructueux, par la richesse des interactions avec les membres du projet Schapera avec lequel j’étais affiliée, l’intérêt porté aux procédures administratives, aux relations des enseignants avec leurs étudiants, aux obstacles rencontrés par les chercheurs pour effectuer des enquêtes empiriques (et critiques). Ma participation dans le projet Corus (IRD) associant le Cameroun, le Burkina Faso et le Botswana autour de l’action publique face au sida m’a ainsi amenée à prendre en considération les tensions intrinsèques aux partenariats de recherche Nord/Sud au temps du sida.

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La plupart des entretiens ont été réalisés lors de « retours sur le terrain », échelonnés entre 2008-2009. Ce deuxième temps de l'enquête a été précieux grâce à l’établissement d’une distance temporelle et géographique du terrain, ainsi qu'à un travail de réflexivité et d'analyse préliminaire du matériau avant de poursuivre l'enquête. C'est dans ce deuxième temps que j’ai effectué le recueil des discours sur les pratiques et leur appréciation par d’autres informateurs (triangulation), qui garantit la rigueur de la méthode (Vidal 2005; Olivier de Sardan 2008). Au cours de plusieurs missions de terrain complémentaires (janvier-février 2008, octobre-novembre 2008, septembre-octobre 2009), à caractère plus intensif, j'ai mené la plupart des entretiens (tableau synthétique en annexe : 59 entretiens en totalité, entre 2004 à 2009, environ la moitié ont été enregistrés). J'ai orienté ces entretiens soit sur des informations précises (avec des partenaires techniques, par exemple), soit sur un recueil de mémoire institutionnelle (entretiens répétés avec des responsables de santé publique). D'ailleurs, c'est en m'adressant plusieurs fois à certaines personnes : patientes devenues des amies, aussi bien que responsables de santé publique, et dans le cadre d'entretiens enregistrés (et répétés, d’un séjour à l’autre) que j'ai trouvé une réelle matière permettant un approfondissement de ma compréhension des enjeux du traitement du sida (cas de Neo, Marylin, Dr Joy Alma, Dr Howard Moffat). Probablement la distance du terrain a-t-elle contribué à cet épaississement, tout comme sa déconnexion du processus d'observation. Le fait même de revenir a facilité le relâchement des

26 The Botswana Review of Ethics, Law and HIV/AIDS (BRELA), le premier numéro est sorti en juin 2007, le

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situations d'entretien, parfois tendues au départ, au bénéfice de l'installation d'une confiance envers ma démarche. Ces entretiens plus ciblés concernaient la perspective des acteurs sur les politiques de santé, l'organisation des soins ainsi que le rôle des acteurs de recherche biomédicale.

En effet, dans une troisième phase d'enquête j'ai procédé à d'ultimes entretiens très ciblés et menés hors du Botswana, en particulier à Boston, à Tours et à Paris avec des chercheurs de l'école de santé publique de Harvard et des acteurs de l'industrie pharmaceutique. J’ai conduit en mars 2011 un entretien avec le directeur exécutif du Harvard AIDS Institute à Boston puis un entretien avec un chercheur français ayant collaboré avec l’équipe de Max Essex. En mai 2012 j'ai obtenu deux entretiens chez Bristol Myers Squibb avec la responsable du programme d'accès aux médicaments et avec le président de la fondation Bristol Myers Squibb27. Pour comprendre l'importance de cette

dernière étape, il convient de donner des précisions sur les enjeux éthiques puis sur le processus de construction de l'objet de recherche.

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