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L’Afrique australe touchée : épicentre mondial de l’épidémie

Dans le document en fr (Page 89-91)

Dans les années 1980, l’épidémie se propageait dans la région sans être l’objet d’une attention exceptionnelle de la part des autorités sanitaires nationales ni des organismes internationaux qui semblaient considérer la région comme relativement épargnée par l’épidémie. Au début des années 1990, l’Afrique australe connut pourtant une progression très rapide de l’épidémie, en Afrique du Sud, Lesotho, Namibie, Botswana, Zimbabwe : ces « cinq pays (sont) passé(s) d’une relative préservation à un état d’hyper-endémie » (Fassin 2000 :106). En Afrique du Sud, la prévalence du VIH qui était de 1% en 1994 s’élevait à 10% dix ans plus tard. La rapidité extrême de la progression de la prévalence du VIH est surtout le fait des grands centres urbains : à Johannesburg, la prévalence du VIH augmente de 0.8% en 1988 à 18.8% en 1994 ; de 4% en 1992 à 16% en 1996 dans l’agglomération de Windhoek en Namibie (idem). Une véritable crise épidémiologique s’empara de la région australe, avec des caractéristiques renvoyant à une histoire commune : le régime d’apartheid et ses scories régionales, le travail migrant, les inégalités sociales et la violence {Citation}.

Un récit historique méticuleux du sida au Botswana est difficile à établir car peu de sources sont disponibles sur cette période des premiers cas et de la propagation épidémique. Aux Archives nationales88, j’ai consulté les bulletins épidémiologiques (Epidemiological Bulletin) qui décrivent les

premiers cas de personnes malades du sida à Gaborone. J'ai complété ces informations par des études épidémiologiques ou démographiques nationales, des études sur la presse et le sida dans les années 1980 et d'autres études de littérature secondaire. Une enquête épidémiologique conduite en

88 Comme je l’ai mentionné dans la section méthodologie, les archives sanitaires sont parcellaires aux

Archives nationales, indisponibles au ministère de la Santé, incomplètes à l’hôpital Princess Marina. Par exemple, j’ai consulté les rapports annuels de l’hôpital Princess Marina pour les années 1984, 1986, 1989, 1990, 1995.

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1984 comprenait un test pour les anticorps au VIH mais n'a trouvé aucune trace de VIH89. Le premier

cas de sida décrit à l’hôpital Princess Marina en 1985 était un homosexuel blanc (probablement sud- africain). Un responsable politique affirma fin 1985 que « le sida n'est pas un problème au Botswana, que c'est une maladie des homosexuels et qu'il n'y a pas d'homosexuels au Botswana » (Ubomba- Jaswa 1993, 13-14). Depuis ce moment, l’épidémie s’est diffusée rapidement. Le premier Botswanais infecté par le virus est déclaré un an plus tard, ce qui conduit les responsables politiques à revoir leur position. Le sida n'était plus la maladie de l'autre étranger. Le ministre de la santé annonça les modes de transmission et déclara que l'épidémie pouvait devenir « très grave et pourrait décimer une importante proportion de la race humaine », il recommanda des relations stables et fidèles (idem: 20- 23). Ce cas clinique de sida à l’hôpital Princess Marina fut décrit dans une édition spéciale au milieu de l’année 198690 du Epidemiological Bulletin dont l’éditorial s’intitule : « Time for Botswana AIDS

Control ». Dans la discussion de ce deuxième cas observé en février 1986, les auteurs précisèrent que le sida était encore rare mais qu’étant donné les modes de transmission connus et le rôle des lésions génitales dans la transmission par voie sexuelle, l’infection risquait de se propager parmi les gens « dépravés, ivres ou les prostituées qui ne peuvent guère attendre que ces lésions guérissent » (p. 279). La considération d’une maladie venant de l’étranger ou d’une maladie réservée aux personnes « aux mœurs légères » ne s’imposa cependant pas durablement dans le discours public91.

Au niveau national il existe peu d'indications fiables sur l'étendue de l'épidémie à la fin des années 1980. En 1990 la séroprévalence des adultes est estimée entre 2 et 3% (en 1995 elle est de 23%). Sur le plan épidémiologique, c'est au Nord du pays que l'accélération du VIH est d'abord remarquée. Une surveillance épidémiologique « sentinelle » parmi les femmes enceintes est mise en place à partir de 1992. La prévalence du VIH chez les femmes enceintes atteint 24% en 1992 et 34% en 1993. Dès 1992-93, la rapidité de la progression du VIH était sensible et explosa à Gaborone quelques années plus tard ainsi que dans les villes minières comme Selebi-Phikwe et à Francistown, la deuxième ville du Botswana, au Nord-Est du pays, à l'intersection entre un noyau de routes qui se dirigent vers la Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. Dans la Politique nationale du sida 1992, la réalité épidémiologique est déjà jugée très sérieuse :

Les études de séroprévalence du VIH parmi les femmes enceintes en 1992 a montré une forte prévalence de 12.7% à Maun, 14.9% à Gaborone et 23.7% à Francistown. Les résultats d’une étude similaire en 1993 indiquent que plus d’une femme enceinte sur trois à Francistown (...) Une estimation nationale du nombre de personnes vivant avec le VIH dans le pays s’élève à 92.000. Ces résultats placent le Botswana parmi les pays africains les plus affectés92

En 1997, la prévalence du VIH parmi les femmes enceintes est de 42.9% à Francistown, de 38.8% dans le Chobe (Nord), de 34.4% à Serowe/Palapye, de 34% à Gaborone, et 33% à Lobatse93.

89 National Health Status Evaluation survey 1984 et Family Health Survey 1988: p. 39 90 Botswana Epidemiological Bulletin, Vol. 6, No. 4, 1985.

91 Pour une analyse des articles de presse de cette période sur la question du VIH/sida, voir : Ubomba-

Jaswa, 1993.

92 Botswana National Policy on HIV/AIDS, approuvée et adoptée par le gouvernement par directive

présidentielle CAB:35/93 datée du 17 novembre 1993.

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De 1992 à 1999, la séroprévalence du VIH parmi les femmes enceintes a plus que doublé : 18% en moyenne en 1992 elle passe à 38% en 1999 (enquête dans huit centres de suivi prénatal)94. Il est

estimé qu’un enfant sur huit naît séropositif à la fin des années 1990. A ce moment les rapports épidémiologiques ne discernaient comme seul espoir que le fait que parmi les jeunes de moins de 15 ans la séroprévalence était de moins de 2%, soulignant l’enjeu pour cette génération de se prémunir d’une contamination par le VIH95.

G-C7#%&5(&RA#+4#AD"8%,*%&9%1&.%33%1&%,*%-,$%1&"7&0+$12","&<'EE/&S&/MME?(& Source : Botswana Sentinel Surveillance 2009

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