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antirétroviraux au Botswana

Dans le document en fr (Page 116-118)

À partir de la seconde moitié des années 1990 les médicaments antirétroviraux (ARV) pour traiter le VIH ont été rendus accessibles pour les malades dans les pays occidentaux riches mais cette thérapeutique restait absente du continent africain – en dehors des personnes qui étaient en mesure de payer leurs médicaments en s’approvisionnant dans le secteur privé. Ces médicaments étaient vendus à des prix prohibitifs – près de 15000 $ par patient et par an pour une trithérapie – et l'industrie pharmaceutique refusait de baisser les prix en arguant des coûts de recherche et développement exigés par de telles innovations pharmaceutiques. S'est engagée alors une bataille politique et morale entre les représentants de l'industrie pharmaceutique et un mouvement activiste international qui a allié actions spectaculaires, plaidoyer politique et expertise sur la question de la propriété intellectuelle. Peu à peu, le fait que les pays pauvres n'aient pas accès aux médicaments est devenu un « intolérable » (Dozon 2007) face auquel les acteurs de l'industrie pharmaceutique ont été amenés à réagir pour préserver leur image : ses responsables ont alors proposé une série d'initiatives allant de la baisse des prix à des programmes de coopération technique et pharmaceutique de plus grande ampleur. Ce basculement « moral » pour l’accès aux médicaments dans les pays pauvres a entraîné une transformation des acteurs (États, fondations philanthropiques, industrie pharmaceutique, à la suite du mouvement des ONG transnationales) et de leurs stratégies désormais orientées vers l’objectif d’accès aux médicaments en Afrique.

Dans ce cadre, le gouvernement botswanais a bénéficié de plusieurs initiatives en particulier d'une rencontre entre une compagnie pharmaceutique et un acteur philanthropique en pleine ascension, la fondation Bill & Melinda Gates. Cette alliance – ou partenariat – est ici replacée dans le contexte d'une transformation profonde des modalités de la coopération internationale sur la santé. Deux axes seront abordés: en premier lieu, les programmes de coopération proposés par l’industrie pharmaceutique et les fondations philanthropiques, en second lieu la coopération bilatérale et multilatérale. Ces deux types d’acteurs connaissent de profondes évolutions au tournant des années

Chapitre 3 – La coopération internationale pour l’accès aux ARV

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2000 en vue de permettre la généralisation des ARV en Afrique et dont le gouvernement du Botswana bénéficie de façon préférentielle tout en maintenant un très haut degré de contribution financière à la lutte contre le sida : près de 90% des dépenses liés à la lutte contre le sida sont issues du budget public national. Le gouvernement accueille cependant favorablement les partenariats de type philanthropique et pharmaceutique puis les nouveaux mécanismes de financement multi- et bilatéral : le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – qui s’avère inadapté au fonctionnement des institutions et de l’État botswanais – et le plan du président américain pour le sida « PEPFAR » - qui s’y implante avec succès133. Comment expliquer une telle configuration de la

coopération extérieure en vue de l’accès aux médicaments au Botswana ?

Section 1. Le Botswana, bénéficiaire de la philanthropie

pharmaceutique

D'après T. Brown, M. Cueto et E. Fee (2006) la transition de la « santé publique internationale » à la « santé globale » n'est pas uniquement un glissement dans les termes. Elle est le résultat de processus historiques et politiques aux termes desquels l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a vu son pouvoir et son influence défiés par de nouveaux acteurs comme les universités, les fondations philanthropiques et d'autres acteurs publics et privés dans le domaine des politiques de développement sanitaire au niveau mondial.

Tout d'abord, l'OMS a vu ses budgets diminuer, son autorité concurrencée par celle de la Banque mondiale, et l’organisation est entrée en crise dans les années 1980-1990. Mais, en second lieu, la perte de vitesse de l’OMS, l’entrée en lice de la Banque mondiale dans le domaine de la santé134 coïncident aussi avec l’arrivée du sida. Le discours sur les maladies émergentes et la

« biosécurité » a justifié un investissement croissant dans les industries pharmaceutique et biotechnologique aux États-Unis notamment (King 2002; Lakoff et Collier 2008) et a entraîné une diversification des acteurs dans le domaine de la santé au Sud. En troisième lieu, les ravages du sida sont à l’origine d’un renouveau de la philanthropie industrielle entrant en concurrence avec les acteurs phare de l'humanitaire comme les grandes ONG humanitaire. La fondation Bill et Melinda Gates, née en 1994, est emblématique de cette évolution, tout comme la fondation Soros (Guilhot 2004).

133 Le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose est né en 2001-2002 à la suite de

la réunion spéciale de l’Assemblée générale de l’ONU (UNGASS) qui a réuni plus de 180 États membres en juin 2001 et à abouti à la signature d’une Déclaration d’engagement pour l’accès aux soins. Le programme américain PEPFAR est également né dans ce moment de mobilisation et répond aussi à des objectifs politiques internes pour l’administration Bush discréditée par la guerre en Irak et des considérations électorales (soutien des églises chrétiennes).

134 On fait généralement remonter l’entrée en scène de la Banque mondiale dans le domaine de la santé au

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Ces différentes dynamiques définissent les contours d'une transformation des politiques et des pratiques de coopération dans le domaine de la santé, entrouvrant un vaste champ d'intervention marqué par un renouveau des intérêts (économiques, symboliques, politiques) d'acteurs multiples autour des questions de santé au Sud, et agissant dans le cadre de « partenariats » qui s'imposent comme la modalité privilégiée de l'action dans un champ qui se revendique de la « santé globale ». En quelques années naissent plusieurs partenariats publics privés pour la santé (Roll Back Malaria en 1998, Global AIDS Vaccine Initiative en 1999) qui se sont multipliées par la suite en lien avec l’intervention biomédicale face au sida. Afin de pouvoir généraliser les médicaments face au VIH/sida, le Botswana est devenu le bénéficiaire de plusieurs de ces initiatives phares.

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