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L’action culturelle : modèle professionnel

Dans le document La politique culturelle des agglomérations (Page 38-41)

et leadership politique

La politique culturelle de Montpellier a connu plusieurs périodes depuis la fin des années 1970. La première, qui court jus- qu’au milieu des années 1980, est marquée par la première conquête poli- tique de l’équipe socialiste dirigée par Georges Frêche. La ville était alors un dé- sert culturel, où n’émergeaient que quel- ques îlots d’avant-garde (festival du film abstrait, programmation de musique contemporaine) généralement liés à des considérations esthétiques personnelles d’élus locaux. Le traitement de la culture était doublement limité par une approche assez strictement comptable des deniers publics, et par une méfiance de l’équipe giscardienne en place à l’égard des milieux culturels. La première mandature socia- liste renverse donc brutalement la va- peur, pour programmer une politique de forte structuration de quartiers en équi- pement socioculturels (les « maisons pour 38

tous ») et de subventions largement ou- vertes aux différents acteurs culturels, dont la plupart étaient aux marges du professionnalisme. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 a bien sûr conforté cet investissement dans la culture. Mais elle a également marqué une évolution de ses logiques d’action.

L’orientation nouvelle se caractérise par une professionnalisation clairement assumée par le maire de Montpellier au nom de l’image compétitive de la ville, de l’excellence de l’offre artistique à destina- tion, notamment, de ces néo-montpellié- rains, et d’une certaine rentabilisation urbaine de l’investissement culturel. Il s’est agi de privilégier, dans chaque grand domaine culturel, une logique de tête d’af- fiche, à laquelle furent confiées la gestion d’une partie importante du budget cultu- rel municipal et la réalisation d’une mani- festation d’envergure. Cette sectorisation a entraîné une concentration et une spé- cialisation des modes de financement cul- turels, qui ont donné leur pleine mesure à la fin des années 1980.

Trois domaines sont particulièrement significatifs de cette logique : la danse, avec le Centre chorégraphique national, dirigé jusqu’à sa mort par Dominique Ba- gouet, puis par Mathilde Monnier, et le festival international de Montpel- lier-Danse ; le cinéma, avec le festival in- ternational du Cinéma méditerranéen ; et enfin la musique, avec le festival interna- tional de Radio-France et de l’orchestre philharmonique de Montpellier. Si le théâtre n’apparaît pas doté d’une mani- festation d’envergure à l’instar des autres secteurs, c’est en partie parce qu’il s’agit là d’un domaine où le conseil général de l’Hérault organise sa propre manifesta- tion, le « Printemps des comédiens ». Celui-ci se déroulait d’ailleurs au même moment que le festival international de Danse ; conséquence du conflit récurrent entre les deux exécutifs territoriaux. De- puis 1998, le nouvel exécutif départemen-

tal, désormais dirigé par une proche de Georges Frêche, s’est davantage placé dans une logique de complémentarité et de coopération avec les structures mont- pelliéraines.

À cette reconnaissance d’un modèle professionnel correspond une concentra- tion dans les mains du cabinet municipal de l’essentiel des prérogatives. Les ad- joints en titre, dont les délégations sont morcelées entre secteurs, subissent l’in- fluence des têtes d’affiche : René Kœring et Henri Maier pour la musique classique et le lyrique, Jean-Paul Montanari pour la danse en particulier.

Cette évolution des politiques culturel- les montpelliéraines se traduit par trois phénomènes :

• Le décalage croissant entre secteur phare d’une part, et animation sociocultu- relle et acteurs semi-professionnels de l’autre conduit à un certain élitisme artis- tico-culturel, parfois dénoncé par certains acteurs culturels et politiques. Cette ten- dance, quoique minoritaire, à dénoncer des choix urbains qui ne tiendraient pas suffisamment compte de l’identité territo- riale (c’est-à-dire les troupes locales de danse et de théâtre, groupes musicaux et artistes montpelliérains) a été partielle- ment à l’origine de quelques dispositifs censés réarticuler les deux univers de l’ac- tion culturelle (accueil de groupes de jazz montpelliérains lors des spectacles gra- tuits du festival de Radio-France, travail de formation et présentation de groupes de danse hip-hop lors du festival de danse..., accueil et coproductions théâ- trale et chorégraphique en partenariat avec le CDN et le CCN). Mais c’est surtout vers l’élargissement du public que l’effort s’est concentré (maintien d’un prix bas pour les spectacles ; concerts mobiles dans les quartiers excentrés ; contractualisa- tion avec les organismes collectifs d’entre- prises ou d’administrations, les universités). On notera que c’est au nom

pelliéraine que certains élus de villes pé- riurbaines, contraintes de s’associer à l’agglomération, se considèrent comme « étrangers » à celle-ci, et ne désirent pas en partager le destin.

Entretien avec le maire d’une commune distante de 12 km du centre ville de

Montpellier, novembre 1999 « ... Mais les gens sont libres d’aller au cinéma ! Ils paient leur place et contri- buent ainsi à la richesse de Montpellier. Quand on a construit les ports de com- merce, on n’a pas demandé aux étran- gers qui l’utilisaient de le payer ! À ceux qui nous traitent de parasites, je réponds que les Montpelliérains aussi nous para- sitent : ils viennent ici se balader, je n’ai jamais chassé personne, moi.

– Oui, mais pour le théâtre, l’opéra, la danse, etc., on sait bien que les tickets d’entrée ne couvrent que 10 % du coût ?

– Oh ! pour la danse, vous savez, on a ce qu’il faut. Cette semaine, on a eu les vins nouveaux, la semaine prochaine le festival de toilettage canin... Non les gens ont ici de quoi se distraire, croyez-moi ! »

• Le poids de cette politique sur la cul- ture urbaine elle-même conduit à une très forte domination des organisations publi- ques, et à une relative marginalité de dy- namiques culturelles qui ne trouveraient pas leur traduction dans une institution. Cette sur-institutionnalisation, qui n’est pas le fruit de la seule logique municipale, mais aussi des stratégies de l’ensemble des collectivités publiques, conduit d’abord à certaines zones de relatif déficit

culturel (l’art contemporain en particu- lier, les pratiques amateur). Elle entraîne ensuite une tentation d’instrumentalisa- tion de tout phénomène culturel émer- gent par les structures municipales. Lorsque celle-ci réussit, la voie de la pro- fessionnalisation s’opère à des degrés di- vers (cas du festival de cinéma, du livre). Lorsqu’elle échoue, elle conduit à une sur- détermination politique des enjeux cultu- rels (cas des conflits récurrents entre la ville et les cinémas Diagonal).

• Cette surdétermination politique conduit la culture à être un enjeu très fort des relations interinstitutionnelles. Les conflits liés à la majorité régionale asso- ciant les deux formations d’ex- trême-droite en sont évidemment une illustration de choix. Mais ils ne sauraient masquer le fait que les contraintes à la co- opération sont à la fois plus anciennes et plus structurelles (avec le conseil général pendant dix-huit ans, avec le conseil régio- nal depuis quinze ans, avec l’État, à cer- tains égards, depuis vingt ans). C’est notamment ce qui a motivé le recours à la structure du district pour élargir les mar- ges de manœuvre politiques en matière culturelle, notamment pour ce qui est de son secteur phare. L’intercommunalité vient, en quelque sorte, pallier les obsta- cles à la coopération avec les conseils géné- ral et régional.

Ce secteur phare1 dispose non seule-

ment d’un budget municipal croissant (en pourcentage du budget) mais il bénéficie aussi de cofinancements étendus et plu- riannuels. C’est lui qui cumule l’essentiel des opérations de mécénat ou de sponso- ring, qui obtient la plus grande reconnais- sance nationale, et qui est privilégié dans

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1. Nous définissons le secteur phare comme l’ensemble constitué des opérateurs culturels en charge de mani- festations d’envergure (festivals) et/ou d’une structure professionnelle reconnue (CDN, CCN...), et qui incarne la visibilité de la politique culturelle aux niveaux régional, national et international. Ce secteur se différencie du « secteur courant ». Celui-ci est au contraire constitué de l’ensemble des opérateurs culturels, profession- nels ou semi-professionnels, dont la reconnaissance, le mode de financement et la légitimité à porter une mani- festation d’envergure sont moindres ou inexistants, tout en étant subventionnés par les collectivités territoriales (communale et intercommunale).

les financements districaux. La ville de Montpellier fait ainsi montre d’originalité en France par l’assez grand développe- ment de l’intercommunalité culturelle. Celle-ci, autant en raison des logiques po- litiques qui y président qu’à l’examen des choix budgétaires du district, est très clai- rement tournée vers l’optimisation des charges d’équipement et d’investisse- ment propres au secteur phare. C’est la raison pour laquelle nous préférons par- ler, au moins au stade du bilan, d’inter- communalité culturelle plutôt que de coopération culturelle intercommunale. Compte tenu du leadership que le maire de la ville-centre exerce sur le district et de la très forte domination qu’il imprime sur la politique de ce dernier en matière cultu- relle, la capacité des autres acteurs politi- ques de l’agglomération à peser sur ces orientations, ou à en partager la défini- tion, est quasiment nulle.

La culture vue du district :

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