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Une « culture intercommunale » ?

Dans le document La politique culturelle des agglomérations (Page 66-71)

La charte culturelle signée le 24 mai 1996 entre l’État, la ville de Rodez et le district du Grand Rodez établit un parte- nariat « autour des trois axes majeurs qui fondent la politique culturelle de la ville et du district » :

– la protection, la restauration et la mise en valeur du patrimoine, avec comme projet principal la rénovation du musée Fenaille ;

– la création et la diffusion artistiques, à travers la rénovation des lieux de diffu- sion existants (MJC, Amphithéâtre) ;

– les enseignements artistiques (cons- truction de locaux pour l’antenne ruthé- noise de l’école nationale de musique du département de l’Aveyron).

La Charte a donc atteint ses objectifs, dont l’ambition se limitait à dégager une capacité de financement afin de finaliser la restructuration des équipements cultu- rels de la zone.

Cet ambitieux programme d’équipe- ment, initié depuis la fin des années 1980, impose désormais une attention particu- lière à la gestion de l’existant. Menée pa- rallèlement par la ville de Rodez et le district, une politique d’investissement culturel d’envergure a doté Rodez de structures nouvelles ou rénovées. C’est en grande partie l’existence de ces lieux de diffusion qui a dicté le « choix » d’une poli- tique volontariste en faveur du spectacle vivant, menée au niveau intercommunal. La capacité d’accueil du public, les impor- tants moyens techniques et matériels mis à la disposition des acteurs, créent les conditions favorables à un développement de la politique culturelle locale. Cepen- dant, malgré les investissements finan- ciers importants, et une réelle volonté politique, le projet culturel intercommu- nal ne se définit qu’en creux, en tant que soutien à la politique de développement économique. De ce point de vue, le passage en communauté d’agglomération signe ici l’ouverture d’une phase de réflexion sur le

contenu d’un tel projet. La mission de co-

ordination actuellement en cours, et confiée à la directrice de l’Amphithéâtre, a pour objectif de préparer l’élaboration de ce projet.

Une éventuelle évolution des pratiques locales en matière de politique culturelle est en partie fonction de ce qui a été fait jusqu’à présent. Précisons donc rapide- ment quels sont les équipements existants et les acteurs en place, avant de dévelop- per l’analyse des enjeux qui sous-tendent le débat autour d’un projet culturel d’ag- glomération.

Les structures

Un effort particulier en ce domaine a doté la zone d’équipements culturels mo- dernes et dont la capacité d’accueil est à même de répondre à une augmentation substantielle de la fréquentation actuelle. Les principaux domaines culturels sont couverts (musique, patrimoine, lecture publique, théâtre et danse) et les lieux de diffusion du spectacle vivant organisent leurs programmations dans une optique de complémentarité.

Les structures possédant une gestion communautaire

• L’Amphithéâtre : cette salle de spec- tacle polyvalente, d’une capacité d’accueil pouvant aller (selon la configuration) jus- qu’à 2 500 places, est située au sein d’un complexe sportif et culturel, au centre ville de Rodez. La directrice est en poste depuis trois ans. L’amphithéâtre reçoit aussi bien des spectacles de danse, de théâtre, que de grands concerts (musique classique, jazz, artistes de variété de re- nommée nationale). La saison se compose généralement d’une dizaine de spectacles, avec un système d’abonnements. La capa- cité d’attraction est variable selon l’événement proposé, et peut aller excep- tionnellement jusqu’aux métropoles régionales, mais le public vient fréquem- 66

ment des départements limitrophes (Hé- rault, Lozère). La gestion de l’Amphithéâtre est assurée par une société d’économie mixte, la SEM du Grand Rodez.

• Le musée Fenaille : créé en 1837 par une société savante, la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, ce musée qui abrite des collections archéologiques et historiques (25 000 pièces, dont un en- semble exceptionnel de statues menhirs) est géré jusqu’en 1993 par l’association créatrice. Une convention avec la munici- palité de Rodez entérine alors le don des bâtiments à la collectivité, et la mise en dé- pôt des collections pour 99 ans. Le musée est fermé depuis 1988, pour des raisons d’insécurité et d’exiguïté des locaux. Il fait l’objet d’un programme de restauration et d’aménagement bénéficiant de finance- ments croisés (ville, district, départe- ment, région, État, ainsi qu’une contribution de la Commission euro- péenne (Feder), pour un total de 50 KF). C’était une des dispositions principales de la charte culturelle signée en 1996. Sa ges- tion est désormais prise en charge par le district (officiellement depuis 1997). La réouverture est prévue pour 2002. La spé- cificité et la richesse des collections justi- fient l’ampleur des efforts financiers déployés, le rayonnement du musée étant « au moins international »1.

Les structures possédant une gestion municipale dépendent, à une exception notable, de la commune de Rodez

• la maison des jeunes et de la culture : créée en 1970, elle compte aujourd’hui plus de 2 000 adhérents, et une quaran- taine de clubs (animés par plus de 80 béné- voles). L’association « Loisirs, arts, rencontres et culture » (qui fait partie du réseau labellisé MJC) s’est vue confier par

convention la gestion et l’exploitation des locaux récemment rénovés2, qui compor-

tent une salle de spectacle d’une capacité de 350 places. La MJC développe donc deux types d’actions : animation sociocul- turelle ; politique de diffusion théâtrale. La municipalité a confié cette année au di- recteur une mission plus complète dans ce domaine : il est chargé de mettre en place une politique de création, de formation et d’animation théâtrale.

• Le musée Denys Puech : musée des Beaux-Arts fondé en 1910, c’est le seul lieu de diffusion de l’art contemporain sur l’agglomération. Il a développé une poli- tique active d’accueil du public scolaire, principalement ruthénois, mais destinée à s’élargir vers les écoles de la communauté. • La médiathèque : c’est un des équi- pements les plus visibles et les plus fré- quentés. Bibliothèque municipale depuis sa création (née des confiscations révolu- tionnaires), son développement a connu plusieurs étapes. Les nouveaux bâtiments datent de 1993, et leur aménagement est partie prenante d’un projet global : com- pléter l’effort de la municipalité de Rodez en faveur de la lecture publique par le dé- veloppement d’une offre audiovisuelle et multimédia. La médiathèque, dont la di- rectrice est en place depuis une vingtaine d’années, est un succès en termes de fré- quentation, d’attraction (49 % des abon- nés vivent hors des frontières communales, et 20 à 25 % du public hors de la communauté d’agglomération), et d’animation : elle propose plusieurs types d’activité (dans les domaines de la lecture, du cinéma, du théâtre) en s’appuyant sur un réseau de partenaires divers (en plus des partenaires institutionnels, une li- brairie et les cinémas ruthénois, des conférenciers, des associations).

67 1. Entretien avec la conservatrice, 7 juin 2000.

2. Pour laquelle l’État a versé, au titre du contrat de plan État-région, une subvention de 1,5 KF à la ville de Rodez. Le district a également participé et accorde une subvention annuelle à la MJC, comme à l’ACA (cf.

Sur la commune d’Onet-le-Château

L’ACA : cette salle de spectacle est, tout comme la MJC, située dans un bâtiment polyvalent, qui héberge également un centre d’activités socioculturelles. D’une capacité comparable à la MJC, elle déve- loppe une politique de diffusion de specta- cles grand public et jeunesse axée sur la variété et l’humour.

Au niveau départemental

La principale antenne en nombre d’élè- ves et tête de réseau de l’école nationale de musique du département de l’Aveyron est située à Rodez. Elle organise des événe- ments réguliers et ponctuels. La commu- nauté d’agglomération prend en charge la construction des nouveaux locaux de cette antenne.

Les acteurs

Le service culturel de la municipalité de Rodez gère un budget qui représente un peu moins de 10 % du budget munici- pal. Le responsable est secondé par une se- crétaire. Les missions du service culturel s’organisent de façon classique autour de cinq grands axes : coordination de la poli- tique culturelle ; gestion ; évaluation ; animation (directe et indirecte) et com- munication. Un « point ressources » est mis à la disposition des associations conventionnées, qui y trouvent assistance tant matérielle que juridique ou dans le domaine de l’évaluation.

La communauté, à la suite du district, ne dispose pas d’un service culturel. Les pôles de décision sont fragmentés en col- lectifs thématiques composés d’élus des communes membres. Le groupe de tra- vail du musée Fenaille, le comité de pilo- tage de l’Amphithéâtre définissent les grandes lignes, les orientations générales pour chaque structure, à partir des pro- positions formulées par les directeurs des établissements. Le président, M. Censi,

ainsi que le directeur général s’impli- quent personnellement sur les dossiers relevant de la politique culturelle. Les dé- cisions budgétaires sont votées en conseil communautaire. Ce fonctionnement que l’on pourrait qualifier de souple, fait la part belle aux pratiques de négociation, de par la variété des pôles dans lesquels les acteurs sont impliqués, et relève d’un subtil équilibre des rapports de force entre les différents intérêts à concilier (les attentes des acteurs culturels, celles des politiques, les contraintes budgétai- res et techniques portées par les adminis- tratifs).

La mission départementale de la cul- ture, en la personne de sa directrice, en- tretient de « bonnes relations avec les acteurs culturels locaux » (entretien du 15 juin 2000). Des partenariats réguliers et ponctuels sont instaurés, particulière- ment avec les directeurs des différents équipements (plus qu’avec le service cul- turel municipal), pour les projets de la Mission comportant une dimension ur- baine.

La Drac : il n’y a pas d’interlocuteur unique, les différents chargés de mission font office de correspondants pour les projets ou réalisations aidés par la région, selon le secteur de la politique culturelle concerné. Les relations de la ville-centre, comme de la structure intercommunale, avec la Drac sont unanimement quali- fiées de bonnes par les acteurs. Cepen- dant, elles se limitent à un « standard », qui ne correspond pas aux ambitions cul- turelles portées par les discours ruthé- nois.

Les associations sont de deux types. D’une part, les associations convention- nées par la municipalité de Rodez, qui se voient attribuer des subventions consé- quentes mais ont un cahier des charges à respecter : assurer l’organisation d’un ou de plusieurs événements annuels d’enver- gure, ou qui remplissent « une mission d’intérêt public, confiée par la ville ou en 68

lieu et place de la ville »1. D’autre part, les

associations non conventionnées, qui bé- néficient néanmoins de subventions. La vie associative est riche dans l’aggloméra- tion : sur Rodez uniquement, on compte 21 associations regroupant presque 4 000 adhérents.

Enfin, les directeurs des structures, déjà mentionnés, qui sont représentatifs de cultures professionnelles différentes (mais complémentaires), avec des présen- ces variables en termes de longévité, et qui sont amenés à travailler ensemble. La coo- pération directe est d’autant plus néces- saire à ce niveau qu’il n’existe aucun service culturel intercommunal.

U

NE CULTURE

D’AGGLOMÉRATION ? PRUDENCE ET LONGUEUR DE TEMPS

Le passage en communauté d’agglomé- ration apparaît comme l’occasion d’une réflexion sur le contenu d’une politique culturelle intercommunale. Le domaine du développement économique est l’objet d’un consensus total entre les différents partenaires sur les moyens dont doit se doter la communauté en fonction de cet objectif principal : faire de Rodez un « pôle d’excellence économique »2. En revanche,

l’investissement de la ville-centre et du district en matière d’équipements cultu- rels a été plutôt pensé dans une logique d’accumulation : cette phase de « grands travaux » touche désormais à son terme et la question du contenu se pose avec d’autant plus d’acuité.

La culture est traditionnellement ap- préhendée dans les programmes publics

comme un vecteur permettant d’affirmer l’identité de la collectivité. Rodez, capitale du Rouergue, ville chargée d’histoire (en témoigne de façon vivante, le foisonne- ment d’associations, de sociétés savan- tes... et, inscrites dans la pierre, les traces architecturales disséminées dans toute la ville3) aurait pu s’engager dans ce cré-

neau évident de la revendication d’une identité régionale occitane. Mais l’identité rouergate n’a jamais constitué le pilier central de l’action culturelle locale. D’une part, ici la « question identitaire » n’est pas problématique. Les revendications occitanistes en général ne sont pas viru- lentes ; et en Aveyron, le sentiment d’ap- partenance est suffisamment ancré dans les mentalités pour ne pas susciter de con- troverse. D’autre part, les décideurs ont d’emblée fait le choix de ne pas constituer cette dimension en enjeu : le district, puis la communauté, se sont engagés dans une politique de communication qui mise sur l’ouverture et le dynamisme. À cet égard, axer la politique culturelle locale sur l’identité occitane aurait pu apparaître comme un enfermement, un repli sur une étiquette réductrice et passéiste. L’identi- té locale n’est cependant pas niée (en té- moigne le festival d’été ruthénois : « l’Estivada, festival occitan ») ; elle n’est tout simplement pas érigée en attribut fondamental de la région. C’est le choix de la modernité qui est affirmé, dans les tex- tes institutionnels intercommunaux comme dans les discours politiques. Les missions de conservation et d’entretien d’une mémoire locale, à travers la conser- vation et la mise en valeur du patrimoine notamment, ne représentent qu’un aspect de l’action publique en matière culturelle.

La compétence culturelle n’est pas une nouveauté pour l’intercommunalité ru-

69 1. Entretien avec les responsables du service culturel de Rodez, 7 juin 2000.

2. Expression consacrée depuis la Charte intercommunale de 1990.

3. L’office du tourisme s’est engagé dans la démarche visant à faire accéder Rodez au statut de « ville d’art et d’histoire ».

thénoise : choisie dès l’origine au sein du thénoise : choisie dès l’origine au sein du district, ambitieuse dans la formulation plus que dans les faits, elle a surtout servi au financement des équipements structu- rants les plus lourds (dans une optique claire de mutualisation des dépenses), et dont la zone d’attraction dépasse objecti- vement le périmètre intercommunal. Les discussions préparant le passage en com- munauté d’agglomération ont permis une formulation plus précise des orientations en matière de politique culturelle (cf. su-

pra). Cependant la question des moyens à

engager (en termes financiers, mais aussi de structure et d’organisation) demeure suspendue à la définition d’un projet cul- turel de territoire.

La communauté d’agglomération a dé- fini des orientations sectorielles dans l’énoncé de la compétence culturelle (op- tionnelle et facultative), confirmant l’es- prit des textes antérieurs (dans la charte de 1996, mais aussi dans le projet de ser- vice du secteur culturel de la municipalité de Rodez, datant de 1998, où figurent déjà en filigrane les domaines d’intervention communautaire). Le patrimoine et le spectacle vivant (danse, grands specta- cles) sont les domaines relevant de l’inter- communalité, tandis que la lecture publique, l’animation socioculturelle et le théâtre demeurent du ressort des munici- palités. Il faut noter que des lacunes de- meurent dans ce dispositif provisoire : en particulier l’art contemporain et le ciné- ma (en ce domaine, c’est le secteur privé qui supplée l’absence d’engagement insti- tutionnel). En ce qui concerne le théâtre, il s’agit d’un secteur potentiellement bien couvert : la mission confiée au directeur de la MJC par la municipalité ruthénoise devrait permettre un fort développement de l’activité théâtrale, tant professionnelle que du point de vue des pratiques amateurs.

Le travail de réflexion sur la question du développement local, engagé depuis la

fin des années 80 au niveau intercommunal, a porté ses fruits. Les dé- cideurs politiques et économiques, réunis au sein du conseil de développement, ont défini un projet de territoire pour l’agglo- mération, en tenant compte des spécifici- tés locales et du contexte plus général. Grâce à ce soutien des collectivités, aux in- dustries traditionnellement présentes sont venues s’ajouter des industries de pointe, créatrices d’emplois qualifiés. L’évolution sociologique de la population du bassin d’emploi ruthénois a entraîné des exigences nouvelles en matière de cadre de vie, de formation, d’offre cultu- relle et de loisirs. Le choix pour le Grand Rodez de se positionner comme un pôle d’excellence économique supposait d’ac- croître la notoriété de la ville dans tous les domaines, et en particulier en ce qui concerne l’offre globale de services. La création au cours des années 90 de la Cin- quième Université (dépendant du centre universitaire de Toulouse), dont les for- mations classiques sont venues compléter la présence de l’enseignement supérieur technique, de même que l’effort consenti en matière d’équipements culturels, vi- sent ainsi à soutenir la compétitivité de la zone lors du démarchage des entreprises susceptibles de s’installer localement. Le développement d’une offre culturelle de qualité participe de l’attractivité de l’ag- glomération, c’est ce qu’exprime claire- ment M. Censi : « Pour créer de l’emploi il faut avoir un territoire compétitif, et pour être compétitif il faut se doter d’équipe- ments sociaux, sportifs et culturels qui font que l’agglomération va intéresser les investisseurs »1.

Mais une politique culturelle « de qua- lité » ne se limite pas à l’implantation d’équipements performants. Selon le mot d’un acteur, il s’agit désormais de dévelop- per l’action et la médiation culturelle : « Maintenant on a des Mercedes, mais il 70 1. In Le magazine du Grand Rodez, no35, printemps 2000.

faut mettre de l’essence dedans (...) on n’est pas encore à plein régime sur les éta- blissements »1.

Les travaux autour du contrat d’agglo- mération n’incluent pas à ce stade la dimension culturelle. Ils progressent rapidement sur la question du développe- ment économique, et le sentiment général peut se résumer ainsi : « La culture sui- vra », c’est-à-dire : elle sera pensée dans la continuité.

Après avoir dressé un bilan des prati- ques au sein du milieu culturel, en met- tant en évidence les attentes des différents partenaires à ce stade du pro- cessus d’intercommunalisation, on pour- ra définir les caractéristiques de l’action culturelle du Grand Rodez, sur son terri- toire comme dans ses relations extérieu- res.

Dans le document La politique culturelle des agglomérations (Page 66-71)

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