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Docteur en droit public, enseignant-chercheur à l’université de Reims Champagne-Ardenne

Dans le document La politique culturelle des agglomérations (Page 119-121)

Troisième district créé en 1959, le pays de Montbéliard a engendré, le 28 octobre 1999, la plus précoce communauté d’ag- glomération. La première initiative de co- opération se situait dans un contexte de forte croissance économique et démogra- phique, notamment dû à l’omniprésente industrie automobile. La population, de- venue multiculturelle, était passée de 50 000 habitants après-guerre à 100 000 dans les années 50. Un pouvoir écono- mique considérable se développait face à une multitude de communes émiettées. Le district répondit donc à une volonté de simplification des interlocuteurs et d’ac- compagnement du développement par les services publics indispensables (eau, or- dures ménagères, hôpital1, établisse-

ments d’enseignement...).

La seconde initiative se déroule au con- traire dans un contexte de reconversion, au terme d’une forte récession de l’emploi industriel. Des 43 000 salariés sur le site de Sochaux-Montbéliard, il n’en reste au- jourd’hui que 17 000. Il en résulte un désé- quilibre fondamental dans la structure de l’emploi. Le secteur tertiaire est inférieur à la moyenne française et inférieur au sec-

teur secondaire (48 % contre 50 %, et 2 % pour l’agriculture). L’un des enjeux ma- jeurs de ce territoire, à l’instar des zones de reconversion industrielle, est de re- constituer les bases d’une attractivité éco- nomique, en phase avec la tertiarisation de l’économie européenne.

La transformation du district en com- munauté d’agglomération fin 1999 est donc à la fois dans la continuité d’une pra- tique ancienne de coopération, mais s’ef- force aussi de répondre à des défis radicalement nouveaux. La structure in- tercommunale, rôdée à la prise en charge de domaines techniques, est en train d’élaborer un projet de développement. Ce changement se réalise à domaines de com- pétences constants. Le projet d’agglomé- ration identifie ainsi plusieurs défis à relever2:

– maintenir le pôle automobile ; – diversifier les activités industrielles à partir des savoir-faire ;

– tertiariser l’économie.

Le passage en communauté d’agglomé- ration est, derrière l’apparente continuité d’un processus placé sous le sceau de l’ur-

119 1. Réuni désormais avec celui de Belfort.

2. Cf. le projet d’agglomération adopté le 3 juillet 2000. On retrouve à peu près les mêmes enjeux et les mêmes moyens d’y répondre dans le projet de ville de Montbéliard, élaboré aussi en 2000.

gence publique, marqué par deux types d’incertitude, que nous retrouverons tout au long de cette présentation :

• Une incertitude pour déterminer quel est l’espace légitime de coopération. Elle est fortement liée à l’imbrication de plusieurs espaces au sein d’un même en- semble géographique. La commune, et no- tamment le destin de Montbéliard, ville-centre de l’agglomération, continue de représenter une échelle pertinente, et politiquement revendiquée, notamment pour certains enjeux d’action publique, comme la culture. L’agglomération est vécue comme une opportunité à saisir, no- tamment pour des raisons financières et stratégiques. Au-delà, l’aire urbaine se profile comme l’espace pertinent d’une ré- ponse aux enjeux socioéconomiques. L’une des spécificités de Montbéliard est en effet, nous le verrons, que l’aire ur- baine est dotée d’une existence politique réelle. L’association Aire urbaine 2000 a été fondée en 1984 au moment des gran- des difficultés économiques, entre Belfort, Héricourt, Montbéliard, le DUPM (dis- trict urbain du pays de Montbéliard) et le conseil général du territoire de Belfort à partir de deux idées :

– se rassembler pour faire le poids par rapport à l’État puis à l’Union euro- péenne (zone objectif 2 depuis 1989, lob- bying réactif) ;

– faire pendant à la capitale régionale, le pays de Montbéliard et le territoire de Belfort étant chacun équivalent démogra- phiquement et accumulant des fonctions d’ordre régional, le but étant d’attirer des services publics, des universités, des in- frastructures (TGV, autoroutes). La né- cessité de formuler un projet de développement réactive ce jeu entre plu- sieurs espaces possibles, sans qu’une même réponse puisse être apportée pour tous les dossiers.

• La seconde incertitude porte sur le niveau d’intégration intercommunale souhaité. La formule districale avait ceci

d’avantageux qu’elle était essentiellement orientée vers des problèmes « techni- ques » dont la mise en œuvre fonctionnait au consensus. La nouvelle donne de l’ag- glomération contient les germes d’un pou- voir renforcé, qui pourrait arithmétique- ment se passer du consensus. La voie de l’intégration « forcée », à la majorité, est crainte par une série d’acteurs, au pre- mier rang desquels figurent certains élus.

La culture est au cœur de ces incertitu- des spatiales et politiques. Elle est d’abord considérée comme l’un des vecteurs de la nouvelle attractivité territoriale. Les dé- bats nourris au sein des forums locaux sur l’avenir du territoire, insistent volontiers sur l’identité spécifique qu’a engendrée l’industrialisation passée : présence d’une culture technique à valoriser, mémoire in- dustrielle à patrimonialiser, culture popu- laire et ouvrière à prendre en compte dans la programmation des institutions cultu- relles.

Mais la culture est également l’un des services collectifs directement visés par la coopération intercommunale. Le district préexistant bénéficiait déjà, sinon de com- pétences culturelles, du moins de modali- tés d’intervention et de financements dans ce domaine. Peut-on, dans le cadre de la communauté d’agglomération, aller plus loin ? Et si oui, comment le faire ? Doit-on aller vers une intégration inter- communale comme le voudrait la loi Che- vènement du 12 juillet 1999, ou bien doit-on préserver l’autonomie communale et encourager les coopérations volontai- res ? La prise en compte de l’aire urbaine permet-elle de dépasser cette opposition radicale ? Tels sont les débats qui traver- sent l’ensemble des institutions et acteurs culturels du montbéliardais. Les discus- sions sur d’éventuels transferts permet- tront d’éclairer l’avenir de la politique culturelle en pays de Montbéliard, qui agi- tent les milieux politiques, administratifs et culturels locaux depuis plus d’un an et dont s’est emparée une association d’élus 120

de toute l’agglomération1, récemment

élargie aux professionnels.

Les positions institutionnelles revendi- quées sont bien sûr fonction des principa- les tendances politiques présentes dans l’agglomération :

– la droite, majoritaire, dans le groupe « Avenir du pays de Montbéliard » (35 dé- légués), se montre plus réservée quant aux perspectives d’intégration poussée.

– la gauche dans le « Groupe socialiste démocrate et républicain de la commu- nauté d’agglomération du pays de Mont- béliard (CAPM) » (18 délégués) et dans le « Groupe républicains, citoyens, commu- nistes, verts » (6 délégués), est par contre favorable à une montée en puissance plus rapide et plus affirmée.

Mais, derrière la « relative » cohérence des groupes politiques, se profile l’in- fluence de l’appartenance territoriale. Ainsi, l’enthousiasme général pour l’in- tercommunalité peut-il être, chez cer- tains, tempéré par un attachement à l’autonomie communale, politiquement plus sûr à un an des échéances électorales. Cette ambivalence des positions va jus- qu’à concerner le président de l’exécutif communautaire lui-même, Louis Souvet, par ailleurs sénateur-maire de Montbé- liard.

Nous examinerons successivement les éléments institutionnels, juridiques et fi- nanciers constitutifs de la communauté

Dans le document La politique culturelle des agglomérations (Page 119-121)

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