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CHAPITRE 3. LE CHU ET SES SERVICES : GESTION MOUVEMENTÉE DES

4. L’accueil et l’encadrement de stagiaires

Les formations initiales des infirmières et des aides-soignantes (populations qui nous

intéressent ici), se réalisent respectivement au sein d’Instituts de Formation en Soins

Infirmiers (IFSI) et d’Instituts de Formation pour les Aides-Soignants (IFAS). D’une manière

générale, cette formation se réalise en alternance entre des cours théoriques dispensés par les

écoles ou instituts, et la réalisation de stages au sein de services hospitaliers, prise en charge

par les services : encadrement de proximité et équipes soignantes. Suivant la procédure

prévue, les responsables des écoles de formation contactent les cadres de santé au fil de l’eau

pour les prévenir du nombre d’élèves qu’ils devront accueillir au sein de leurs services, ainsi

que des modalités associées : statut de l’étudiant, date d’arrivée, durée du stage, etc... Ce sont

ainsi les centres de formations qui répartissent les effectifs d’élèves au sein de l’ensemble des

services du CHU ; les services, eux, en ont la charge.

4.1.Une réforme en cours

La formation des infirmières dure trois ans, celle des aides-soignantes un an. Au cours de

leur cursus les élèves infirmières doivent réaliser une quinzaine de stages sur les trois ans, les

élèves aides-soignantes, six sur une année, et ceci dans différentes spécialités. La durée des

stages varie d’une semaine à deux mois maximum suivant l’avancée dans les cursus.

Nos observations au sein du CHU se sont déroulées alors que se mettait en œuvre une

réforme de la formation initiale (passage en formation universitaire LMD en septembre 2009).

Avant cette réforme, les élèves, au cours de leur cursus, étaient évalués par des examens écrits

réalisés à l’école et par des « mises en situation professionnelle » (MSP) qui se déroulaient

durant certains stages (2 MSP par an). Ces MSP se réalisaient au sein des services de soins, et

étaient évaluées par un binôme composé d’une personne du service (IDE ou cadre) et d’une

personne de l’école (« examinatrice »). L’ensemble des stages se soldait par une appréciation

des élèves par les équipes soignantes. Ces appréciations étaient notées sur une fiche

d’évaluation individuelle que l’élève remettait à son école. Enfin, les élèves infirmières, à la

fin de leur cursus (3

ième

année), réalisaient un « stage pré-professionnel » d’environ deux

mois, a priori dans le service où elles souhaitaient débuter leur activité professionnelle.

Avec la réforme les MSP ont disparu, l’évaluation des étudiants se réalise en continu par

des examens à l’école et par le biais d’un suivi continu en stage qui repose sur l’utilisation

d’un outil appelé « Portfolio », que les élèves doivent remplir eux-mêmes. Dorénavant, les

étudiants sont censés être encadrés par plusieurs personnes : un « maître de stage » qui

représente la fonction organisationnelle et institutionnelle du stage, il s’agit le plus souvent du

cadre de santé ; un « tuteur de stage » qui représente la fonction pédagogique ; un « référent »,

qui a une fonction d’encadrement pédagogique au quotidien (notons que l’on retrouve ici les

éléments des réformes sur l’alternance détaillés dans le chapitre précédent).

4.2.Davantage d’élèves et des discordances dans les cursus

Les manques d’effectifs et les départs en retraite prévus ont, pour partie, déterminé

l’augmentation des quotas de formation d’élèves au sein des écoles : l’IFSI du CHU a connu

près de 40% d’effectifs d’élèves IDE supplémentaires entre 2006 et 2009. Aujourd’hui, l’IFSI

compte environ 750 étudiants, ce qui représente six promotions (semestrielles) en même

temps, pour 39 formateurs. Les services du CHU doivent accueillir ce nombre plus important

d’élèves, qui de plus sont présents de manière continue sur l’ensemble de l’année, de sorte

qu’il y a souvent plusieurs étudiants à encadrer en même temps au sein d’un même service.

Dans ce contexte, les responsables des formations au sein des écoles, en charge

d’organiser les stages des élèves, rencontrent des difficultés accrues car ils ne sont plus en

mesure de respecter l’ordre suivant : dispense des cours magistraux sur une spécialité

médicale, puis réalisation d’un stage au sein d’un service lié à cette spécialité. Dans ce cas, la

progression des élèves n’est pas respectée. Cela produit de nouvelles contraintes, d’une part

pour les élèves, qui découvrent les spécialités directement en situation, et d’autre part pour les

personnels soignants qui ont à les encadrer : il faut leur apporter des connaissances « de

base » qu’ils ne possèdent pas.

4.3.La diversité des stages, et des élèves

Les services accueillent les étudiants des écoles du CHU, mais aussi d’autres centres de

formation, la Croix Rouge Française par exemple. Cela augmente encore le nombre d’élèves à

accueillir et participe à diversifier leurs modalités de prise en charge. Par exemple, s’ajoute à

la variabilité de la durée de stage en fonction de l’avancée des élèves dans le cursus, celle de

la durée des stages définie par chacun des organismes. Cette accentuation de la variabilité se

retrouve pour la fiche d’évaluation : les éléments à évaluer en fin de stage varient d’un centre

de formation à un autre.

En outre les équipes soignantes doivent faire face à une diversité d’élèves en termes :

- de métiers pour lesquels ils se forment : AS, IDE principalement, mais on retrouve

également des stagiaires kiné, manipulateurs radio et des sages-femmes ;

- d’enjeux des stages : mise en situation professionnelle prévue ou non, diplôme ou

- d’avancée des élèves dans leur cursus : du point de vue de l’année d’étude, des

stages déjà effectués, de cours théoriques en lien avec la spécialité du service déjà

suivis ou non ;

- des parcours des élèves : ils peuvent être issus soit de la formation initiale, soit de

promotion professionnelle (un agent hospitalier qui se forme pour être AS, ou un

AS qui se forme pour être infirmier).

Les personnels soignants précisent qu’il leur est difficile de se construire à chaque fois

une représentation de l’élève, de son niveau de connaissance, en vue d’adapter leur

encadrement à leurs besoins.

4.4.Des tentatives difficiles de formalisation

Nous avons perçu un intérêt commun aux différents services concernant la recherche

d’une formalisation des modalités d’encadrement en leur sein. Chacun d’eux rencontre des

difficultés face à cette mission. L’accueil et l’encadrement prennent place dans l’activité du

service : les élèves sont accueillis par l’équipe dans sa composition à ce moment-là. Il n’est

pas prévu par l’organisation, ni de temps officiel pour la formation, ni de personnels dédiés.

L’encadrement se réalise au cours de l’activité de soins des personnels présents. Les cadres

cherchent à faire en sorte que le nombre de ces personnels permette au mieux d’encadrer les

élèves. Mais, comme nous l’avons dit, les services font déjà face à une gestion quotidienne

difficile des effectifs. Les conditions d’encadrement sont donc différentes d’un jour à l’autre

et d’une vacation à l’autre, mais aussi et surtout dépendantes des conditions quotidiennes des

services.

Sur les trois services étudiés, un seul a élaboré de manière formelle un planning des

étudiants, consultable par l’ensemble du personnel. Y figurent les informations suivantes :

jour par jour, la présence des différents élèves (IDE et AS), ce qui donne des informations sur

la durée de stage de chacun ; y est également précisée l’école de formation pour chacun et le

nom d’un personnel soignant présent le même jour sur la même vacation. Les raisons qui ont

poussé les cadres à élaborer un tel outil, concernent les difficultés qu’ils rencontraient

auparavant pour savoir qui, parmi les soignants, serait en mesure de réaliser l’évaluation des

élèves en fin de stage, i.e. qui a suivi l’élève durant son stage.

Cependant l’utilisation de cet outil fait surgir d’autres problèmes. Par exemple, les

étudiants restent sur un secteur géographique du service durant l’ensemble de leur stage, alors

que les personnels soignants sont susceptibles d’en changer d’une vacation à l’autre, suivant

les roulements et les besoins du service. Le professionnel inscrit sur le planning et l’élève

peuvent alors effectivement être présents le même jour sur la même vacation, mais pas

forcément dans le même secteur ; en définitive ce ne sera pas ce professionnel qui aura

encadré l’élève ce jour-là. Qu’en est-il alors de l’ensemble des vacations indiquées ? Sur

l’ensemble du stage, combien de fois ce professionnel l’aura-t-il vraiment encadré ? Sera-t-il

alors en mesure d’évaluer l’élève à la fin de son stage ? Ces questions restent aujourd’hui

présentes car l’outil développé au départ pour permettre la meilleure évaluation possible de

l’élève, se retrouve inopérant face à la réalité des conditions dans lesquelles les stages se

réalisent.

Les deux autres services étaient en cours d’élaboration d’un projet d’encadrement. L’un

en était à la mise en place de réunions de travail pour définir collectivement les modalités

d’encadrement des élèves ; le second, lui, avait réalisé un document répertoriant le

fonctionnement du service, les pathologies présentes, etc. destiné à être distribué aux élèves

avant qu’ils n’arrivent. Mais au moment où nous y étions, ce document n’était pas encore mis

en circulation.

On voit bien par ces exemples de formalisation réalisée par les services, que

l’encadrement d’élèves est une réelle préoccupation. Mais selon nos interlocuteurs cela reste à

leur charge de manière individuelle et locale ; il n’y a pas de formalisation discutée entre les

différents centres de formations et les services de soins. On a pu également remarquer des

situations où les services ne découvrent que très tardivement la venue d’élèves (dans certaines

situations ils ne le découvrent que le jour même). Enfin, le fait qu’aucun des services n’ait

aujourd’hui de formalisation de l’accueil des élèves concernant leur prise en charge, les

contenus à transmettre et les modalités d’évaluation, laisse penser que ce sont les personnels

soignants eux-mêmes qui jusqu’ici le gèrent, et cela de manière individuelle, alors qu’en outre

eux-mêmes ne sont pas formés à l’encadrement, ou en tout cas ne l’étaient pas avant la

réforme.