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L’évaluation d’impact en droit international

LA PROTECTION DU MILIEU MARIN PAR LE DROIT DES POLLUTIONS ET NUISANCES

Chapitre 1 L’évaluation environnementale des activités

1.1. L’évaluation d’impact en droit international

L’évaluation d’impact en droit international s’est développée progressivement à partir de la fin des années 70 et de manière assez pionnière sur le milieu marin avant de connaître une consécration dans les années 1990. Présente dans de nombreuses conventions, elle est aussi l’un des principes de la Déclaration de Rio (Principe 17), on évoque aujourd’hui son appartenance dans une certaine mesure à la coutume internationale. Le milieu marin a donc été un terrain favorable au développement de l’évaluation d’impact sur l’environ- nement. Les conventions sur les mers régionales vont systématiquement l’intégrer à partir de 1978 avec la Convention régionale de Koweït du 24 avril 1978 pour la coopération dans le domaine du milieu marin contre la pollution du Golfe Persique. Ainsi dès 1981, elle figure dans la Convention d’Abidjan relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières dans la

région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre514 récemment ratifiée par la Mauritanie en 2012. En 1982, la

Convention sur le droit de la mer lui donne une portée mondiale par son article 206 consacré aux évaluations des effets potentiels des activités : "Lorsque des Etats ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d’entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations de la manière prévue à l’article 205 [consacré à la publication de rapports]". L’Autorité des Fonds Marins a détaillé cette

512 National Environmental Policy Act of 1969 42 USC ss.4321-47, January 1, 1970.

513 Julien Cazala, Le principe de précaution en droit international, Paris : LGDJ, 2006, 498 pages, p.89.

514 Art. 11 Convention régionale de Koweït pour la coopération en vue de la protection du milieu marin contre la pollution (Koweït, 24 avril 1978) ; Art. 13 Convention relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (Abidjan, 23 mars 1981) ; Art. 8 Convention concernant la protection de l’environnement marin et les aires côtières du Pacifique du Sud-Est (Lima, 12 novembre 1981) ; Art. 11 Convention régionale pour la conservation du milieu marin de la mer Rouge et du golfe d’Aden (Djeddah, 14 février 1982) ; Art. 12 Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes (Carthagène des Indes, 24 mars 1983) ; Art. 13 Convention pour la protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de la région de l’Afrique Orientale (Nairobi, 21 juin 1985) ; Art. 16 Convention pour la protection des ressources naturelles et de l’environnement de la région du Pacifique Sud (Nouméa, 25 novembre 1986). Adoptée en 1976, la Convention de Barcelone, Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (Barcelone, 16 février 1976) l’intégrera lors de sa révision adoptée le 10 juin 1995 par laquelle elle deviendra "Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée" art. 4.3 c) et d). Maguelonne Dejeant-Pons "Les conventions du Programme des Nations Unies pour l’environnement relatives aux mers régionales", Annuaire

obligation pour l’exploration et la prospection en matière de nodules polymétalliques dans la zone515. Enfin

dans un contexte où il est rare que les textes internationaux détaillent le contenu minimum d’une étude d’impact, il est intéressant de noter que l’étude sur les aspects juridiques intéressant l’environnement relatifs à l’exploitation minière et au forage en mer dans les limites de la juridiction nationale, réalisée par le Groupe

de travail d’experts du droit de l’environnement du PNUE, y procède516.

En Europe, une Directive a été adoptée dès 1985 sur l’étude d’impact517. Puis dans le cadre de la Commission

Economique des Nations Unies pour l’Europe, la Convention d’Espoo relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, est adoptée en 1991.

En 1992, l’étude d’impact s’impose à Rio comme un principe du droit de l’environnement, c’est le principe 17 de la déclaration sur l’environnement et le développement : "Une étude d’impact sur l’environnement, en tant qu’instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d’avoir des effets nocifs importants sur l’environnement et dépendent de la décision d’une autorité nationale compétente". Elle est également intégrée dans la Convention sur la diversité biologique (Art. 14) et est très présente dans

l’Agenda 21 notamment dans son chapitre 17 sur la protection des mers, des océans et des zones côtières518.

Ceci est confirmé dans le plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg en 2002 qui invite les États à "Renforcer les capacités dans les domaines de la science, de l’infor- mation et de la gestion marines, éventuellement en promouvant l’utilisation d’études d’impact sur l’envi- ronnement ainsi que de techniques d’évaluation environnementale et de rapport, pour les projets ou activités potentiellement préjudiciables aux environnements côtiers et marins et à leurs ressources biologiques et non biologiques"519.

La Commission du Droit International, créée en 1947 par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans l’objectif de favoriser le développement progressif et la codification du droit international520, a adopté un pro-

jet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses. L’Article 7 est consacré à l’évaluation du risque. Il dispose "Toute décision relative à l’autorisation d’une activité entrant dans le champ d’application des présents articles repose, en particulier, sur une évaluation du dommage transfron- tière possible du fait de cette activité, dont une évaluation de l’impact sur l’environnement"521. La Commission

dans son commentaire de l’article précise que l’évaluation du risque dans l’Affaire de la Fonderie de Trail a fait ressortir la nécessité d’une évaluation des conséquences d’une activité comportant un risque significatif522.

Enfin, il est intéressant de constater que 5 ans plus tard, et s’appuyant sur le commentaire de Birnie et Boyle, la commission du droit international renforce son argumentaire affirmant qu’il est "admis que l’Etat a, en 515 Art. 18 Décision de l’Assemblée concernant le Règlement relatif à la prospection et à l’exploration des nodules polymétalliques dans la Zone, ISBA/6/A/18, 2000  ; Recommandations à l’intention des contractants en vue de l’évaluation d’éventuels impacts sur l’environnement liés à l’exploration des nodules polymétalliques dans la Zone - émanant de la Commission juridique et technique, ISBA/7/LTC/1/Rev.1, 2010.

516 Commission du Droit International, Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et commentaires y relatifs, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol.II(2).

517 Directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, JOCE L 175 du 5.7.1985, p. 40–48.

518 Chapitre 17 intitulé "Protection des océans et de toutes les mers - y compris les mers fermées et semi-fermées - et des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques.

519 Nations Unies, Rapport du Sommet mondial pour le développement durable Johannesburg (Afrique du Sud), 26 août-4 septembre 2002, Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable §36 c). A/CONF.199/20.

520 Art. 1 des Statuts de la Commission du droit international. Elle sert en cela la mise en œuvre de l’art. 13 §1 a) de la Charte des Nations Unies, stipulant que l’Assemblée Générale provoque des études et fait des recommandations en vue d’encourager le développement progressif du droit international et sa codification Résolution A/RES/174(II). 521 Commission du Droit International, Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et commentaires y relatifs, Annuaire de

la Commission du droit international, 2001, vol.II(2).

522 Affaire de la Fonderie de Trail (Trail Smelter Case), sentences du 16 avril 1938 et 11 avril 1941, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. III, 1949 p. 1938 s., pp. 1973 et 1974.

vertu du droit international, des obligations de prévention qui mettent en jeu certaines normes minimales de diligence raisonnable. Conformément à ces obligations, les Etats sont tenus de n’autoriser les activités dan- gereuses comportant un risque significatif de dommage transfrontière que moyennant une procédure d’agré- ment préalable, en recourant à des évaluations d’impact environnemental et transfrontière et en contrôlant cet impact, selon que de besoin"523. Ceci tend à conforter l’idée que l’étude d’impact tout du moins dans ses

aspects transfrontaliers et vis à vis du milieu marin entre dans la coutume internationale524.

Dans ce sens, on peut constater que l’évaluation environnementale rentre progressivement dans la jurispru- dence internationale. Outre l’Affaire Fonderie de Trail précitée, elle est invoquée par la Nouvelle Zélande à l’encontre de la France devant la Cour Internationale de Justice dans l’affaire des essais nucléaires525. Si pour

des raisons de procédure, la cour n’a pas répondu à cette question, dans son opinion dissidente le juge Weera- mantry affirme que l’étude d’impact environnementale a "atteint le niveau de reconnaissance générale qui526

justifie que la Cour en tienne compte"527. En 1997, dans l’Affaire Gabcikovo-Nagymaros opposant Hongrie

et Slovaquie autour d’un barrage hydro-électrique. Le juge dit “Grâce aux nouvelles perspectives qu’offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité - qu’il s’agisse des générations actuelles ou futures -, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque des Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé”. Il invite alors les parties à examiner à nouveau les effets sur l’environnement de la centrale Gabcikovo-Nagymaros528. On observe ici la reconnais-

sance d’un élément complémentaire de l’étude d’impact : le suivi environnemental. L’obligation d’étude de l’impact sur l’environnement ne s’éteint pas avec la réalisation du projet. Elle se poursuit tout au long de la vie de celui-ci529.

Il convient de noter que de nombreuses institutions financières multilatérales imposant la réalisation d’éva- luations d’impacts préalables pour le financement de projets favorisent largement la pratique de ces éva- luations notamment dans des États en voie de développement530. En 1989, la Banque Mondiale a adopté la

directive opérationnelle 4.01 en la matière (aujourd’hui politique opérationnelle 4.01). Ces études d’impacts peuvent être l’objet de contestation devant le panel d’inspection de la banque mondiale531. C’est également

le cas de la Banque Européenne d’Investissement (EIB)532. Ainsi, l’étude d’impact réalisée pour le projet de

523 A l’appui de sa démonstration, la Commission cite, et traduit, Birnie et Boyle de la manière suivante: "Birnie et Boyle ont observé, au sujet du projet d’articles sur la prévention, que "... les traités et la jurisprudence ainsi que la pratique des Etats confirment amplement que ... les dispositions du projet de convention de la Commission sont considérées comme la codification du droit international existant. Elles représentent la norme minimale à laquelle sont tenus les Etats lorsqu’ils s’occupent de risques transfrontières et qu’ils donnent effet au principe 2 de la Déclaration de Rio", Patricia Birnie et Alan Boyle, International Law and the Environment, Oxford, Oxford University Press, 2002, 2e ed., 798 pages, p. 113 524 Sands P., Principles of International Environnemental Law, Cambridge: Cambridge University Press, 2003, 2° ed., 1116 pages, p. 824.

525 Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), C.I. J. Recueil 1995, p. 288.

527 Ibid. p. 344 ; Sands P., Principles of International Environnemental Law, op. cit., p. 133.

528 Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt de la C. I. J. du 25 septembre 1997, Recueil 1997, p. 7. 529 Patricia Birnie et Alan Boyle, International Law and the Environment, op. cit., p. 133.

530 Sands, op. cit. p. 821.Pour la Banque Mondiale, il s’agit de la directive opérationnelle 4.01.

531 Voir par exemple le cas : Ecuador: Mining Development and Environmental Control Assistance Project (1999) http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ EXTINSPECTIONPANEL/0,,contentMDK:22515642~pagePK:64129751~piPK:64128378~theSitePK:380794,00.html ; or Albania : Integrated Coastal Zone Management and Clean-Up Project (2007) http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/EXTINSPECTIONPANEL/0,,contentMDK:2251260 0~pagePK:64129751~piPK:64128378~theSitePK:380794,00.html

Sands P., Principles of International Environmental Law, op. cit., p. 822.

câble sous-marin Africa Coast to Europe (ACE) précise qu’elle respecte les obligations de la législation mau- ritanienne et de la BEI en matière d’étude d’impact533.

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