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Le droit applicable au tourisme

L’INTEGRATION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN DANS LA REGLEMENTATION DES ACTIVITES HUMAINES

Chapitre 4 Le droit applicable au tourisme

La Mauritanie est un vaste pays qui dispose d’une très grande variété de potentialités touristiques (désert, nature, histoire et culture) qui associées pourraient constituer des produits combinés originaux et donner à la destination "Mauritanie" une spécificité particulièrement attractive483. La découverte et les randonnées dans

le désert, les produits touristiques liés à la "culture", principalement les visites des villes anciennes classées au patrimoine mondial de l’humanité, les produits touristiques liés à la «nature», notamment ceux liés aux aires protégées telle que le PNBA ou le Parc National du Diawling constituent des atouts touristiques réels. De plus, la Mauritanie dispose d’un littoral sablonneux et facilement accessible qui est en mesure de constituer un complément d’attraction touristique.

Pourtant, le tourisme y est une activité très récente. Lecoquierre (2010)484 date le développement touristique

à l’hiver 1996-97 lorsque la coopérative Point Afrique a ouvert une ligne de charter directe Paris-Atar. La zone touristique se limite principalement à cette région saharienne : l’Adrar. Les circuits se concentrent dans un périmètre restreint, depuis Atar, la capitale régionale, jusqu’à Ouadane, en passant par Chinguetti, anciens relais sur la route des caravanes485 et sont bien loin des côtes. Néanmoins étant donné l’attractivité des côtes

mauritaniennes, un tourisme côtier pourrait s’y développer et il importe de s’attarder sur la prise en compte de l’environnement marin dans l’encadrement juridique de ce développement touristique. Tout ce potentiel ne peut actuellement pas être mis en valeur parce que le pays connaît des problèmes de sécurité. Ils ont entraî- nés des interdictions émanant d’autorités étrangères sous forme de zone rouge ou autres conseils de ne pas venir visiter le pays. Ceci a un lien de causalité direct avec l’absence de développement de tourisme de masse le long du littoral mauritanien à l’inverse des pays littoraux voisins, comme le Sénégal. Face à cette situation, les pouvoirs publics déploient des efforts considérables pour communiquer de manière positive et vulgariser le potentiel touristique du pays en participant à des salons internationaux sur le tourisme.

Le Ministère chargé du Tourisme a élaboré une Stratégie de développement du secteur du tourisme qui a été validée le 13 novembre 2007. Cette stratégie vise à attirer 100.000 touristes par an par le biais de la diversifica- tion des produits et des marchés, car le produit «désert» monopolisait, à lui seul, le secteur pour une clientèle à 90 % française. L’idée est désormais de chercher à développer un tourisme littoral et de faire profiter les tou- ristes des richesses des parcs nationaux en encourageant la mise en valeur de nouvelles zones (Tagant, Hodhs, littoral à proximité de Nouadhibou) en cohérence avec les programmes d’investissement des autres secteurs, comme par exemple le transport aérien. La stratégie reconnaît les risques environnementaux et sociaux liés au développement touristique (aménagements, comportements humains) non contrôlé, particulièrement dans certaines zones caractérisées par la fragilité de leur écosystème naturel et reconnaît également que la dégradation de l’environnement représente une contrainte au développement du tourisme.

4.1. Histoire du développement touristique

L’essor que connaît le secteur du tourisme ces dernières années et les développements futurs attendus trouvent leurs origines aux débuts des années 1970. Avant cette date, il n’y avait pas d’établissements touristiques à l’exception de Nouakchott où se trouvaient deux établissements hôteliers recevant les délégations offi- cielles : l’Hôtel Marhaba, et l’Auberge le Parc, une seule agence (AMAMI) qui assurait l’assistance maritime et la messagerie, une compagnie aérienne (Air Mauritanie), et un bureau (tenu par un Français) qui faisait le transit et la billetterie486. En 1973, le Gouvernement a créé la Société Mauritanienne du Tourisme et de

483 Diarra Moussa (2009), Comment le secteur touristique peut-il constituer un créneau porteur de développement pour la Mauritanie, Université de Nouakchott - Maitrise en

économie publique 2009.

484 Lecoquierre B. 2010. Enjeux et contraintes du développement touristique dans le Parc National du Banc d’Arguin in Boulay S. et Lequierre B. (Eds) Le littoral mauritanien à l’aube du XXIe siècle. Peuplement, Gouvernance de la nature, dynamiques sociales et culturelles, Karthala, paris, pp345-361.

l’Hôtellerie (SMHT) dont 51% du capital était détenu par le Gouvernement et le reste par Air Afrique et des investisseurs privés mauritaniens. Cette société a ouvert la même année et l’année suivante le Centre de chasse de Keurmacène, des gîtes d’étape à Atar, Chinguitti et Ouadane et des hôtels à Nouadhibou, notamment le Centre de pêche sportive. La Somasert (filiale de la SNIM en charge du tourisme) fut créée en 1987. A cette époque, les établissements existants recevaient des délégations officielles, et quelques amoureux de l’aventure et du Sahara (le premier circuit fut organisé à Nouadhibou et pour 4 personnes).

En 1994, la première Déclaration de politique générale du tourisme est adoptée en Conseil des Ministres. Cette déclaration envisage de cibler certaines activités comme la randonnée dans le désert, d’assurer l’héber- gement dans des petites unités légères (tentes, cases, villages, etc.), de promouvoir des produits spécifiques, comme la pêche, la chasse, le désert, les méharées, le bird-watching, etc. ou de valoriser les produits culturels et artistiques. C’est à cette époque que la mise en place d’un cadre institutionnel pour le tourisme est envi- sagé. En 2000, un rapport réalisé par une Commission technique interministérielle sous l’égide du Ministère en charge du tourisme soulignera également l’importance de mettre en place un cadre institutionnel adapté, intégrant tous les volets de l’activité touristique et disposant de la capacité requise pour en assurer le plein essor.

Le Schéma directeur touristique sera publié en décembre 2000. Il comporte une analyse de la situation exis- tante et des réflexions stratégiques sur la localisation de futures plates-formes touristiques.

En 2005, la finalisation de l’axe routier Casablanca-Dakar via Nouakchott, qui longe le littoral, a également contribué au développement du tourisme, notamment côtier en Mauritanie.

4.2. L’émergence d’un cadre juridique et règlementaire de l’activité touristique

Depuis 1996, un certain nombre de lois, de décrets et d’arrêtés ont été adoptés en vue de réglementer l’acti- vité touristique. On peut regretter qu’aucun de ces textes, ne fait référence ni à l’environnement marin, ni au littoral ni même à une approche durable.

Tableau : Les textes encadrant l’activité touristique487

Textes Juridiques Références au Littoral et/ou environnement

Loi n° 96-023 du 7 juillet 1996 portant organisation de l’activité touristique en

République islamique de Mauritanie487 Aucune

Décret n° 97-030 du 5 avril 1997 portant réglementation de la profession de guide en

Mauritanie Aucune

Décret n° 98-026 du 16 juillet 1998 fixant les modalités d’agrément des établissements

d’hébergement et de restauration Aucune

Arrêté n° 25 du 30 jour 1998 fixant les modalités de fonctionnement des commissions

consultatives des établissements d’hébergement et de restauration Aucune Décret n° 986083 du 18 août 1998 déterminant les normes et modalités de classement

des établissements de tourisme Aucune

Décret n° 2000-03 du 18 janvier 2000 fixant les modalités d’application et de

recouvrement de la taxe de promotion touristique Aucune

Décret n° 2000-05 du 16 février 2000 portant réglementation des agences et bureaux de

voyage Aucune

487 Loi n° 96-023 du 7 juillet 1996 portant organisation de l’activité touristique en République islamique de Mauritanie, Journal Officiel de la République Islamique de Mauritanie n° 882, 15.07.1996, pp.342-344.

Ces textes encadrent règlementairement l’activité touristique et auraient dû permettre, s’ils avaient été com- plétés par les décrets d’application initialement prévus et sous réserve qu’ils soient appliqués, de disposer d’un outil adéquat pour contrôler l’activité touristique nationale. Cependant, plusieurs décrets d’application sont manquants comme par exemple le Décret définissant les modalités d’approbation des plans de futurs établissements visés à l’article 12 de la Loi n°96-023.

Partant, la réglementation existante semble incomplète et surtout de plus en plus inadaptée au contexte ac- tuel. Pourtant, la Mauritanie pourrait choisir de s’orienter délibérément vers le marché du tourisme durable en instaurant des règles strictes de protection de l’environnement. Pour l’instant les textes juridiques relatifs

au tourisme n’intègrent pas du tout le concept de tourisme durable488 ni même celui d’environnement (cf.

tableau) à l’exception des plans d’aménagement des aires protégées.

4.3. L’encadrement institutionnel

Le secteur du tourisme est placé sous l’autorité du Ministre du commerce, de l’artisanat, du tourisme et de l’industrie. Les attributions de ce ministère et l’organisation de son administration centrale ont été précisées par le Décret n°077-2007/PM. L’administration nationale du tourisme est constituée par deux entités dis- tinctes, le Direction du tourisme et l’Office National du Tourisme (O.N.T).

• La Direction du Tourisme

Supervisée par le Ministre et son cabinet, la Direction du Tourisme a la responsabilité de l’exécution de la politique du Gouvernement en matière de développement touristique, elle est notamment chargée de mettre en valeur le potentiel touristique du territoire national par l’initiation d’études et l’élaboration de plans de développements touristiques ainsi que d’organiser et contrôler la formation d’un personnel spécialisé dans l’industrie touristique et hôtelière. Elle doit également élaborer une législation et une réglementation appro- priées et en suivre l’application.

• L’Office National du Tourisme

L’Office National du Tourisme (ONT) est un établissement public à caractère administratif créé en 2002. L’ONT est, d’après son décret de création, chargé principalement de renforcer les capacités institutionnelles de l’Etat et du secteur privé dans le domaine du tourisme à travers, entre autres, la gestion en régie ou en concession de service public du patrimoine touristique de l’Etat (gîtes d’étapes et autres structures d’héber- gement) ; le lancement de destinations touristiques nouvelles ; la conception et la commercialisation des circuits touristiques ; la recherche en matière de promotion du tourisme. Parmi ces missions il importe de noter que figurent également la protection et la valorisation des sites touristiques.

Malgré ces efforts, le tourisme reste limité. En 2006, l’Office National du Tourisme indiquait 60 000 touristes dans l’année, environ 5000 lits disponibles sur le territoire (2000 en hôtels et 3000 en auberge ou apparte- ments). Une offre spécifique axée sur l’écotourisme commence à être mis en place.

4.4. Le développement de l’éco-tourisme

La Mauritanie depuis le lancement de l’activité touristique semble se positionner sur un tourisme de nature qui correspond à des critères de durabilité. Ce positionnement se remarque à la fois dans des documents nationaux et dans des documents spécifiques à certaines aires protégées.489

4.4.1. Le choix d’un tourisme côtier durable dans les documents nationaux

En 2005 alors que la route goudronnée reliant Nouakchott à Nouadhibou venait d’être ouverte à la circu- lation, le Ministère des pêches et de l’économie maritime a approuvé le Plan Directeur d’Aménagement du Littoral mauritanien. Ce plan réalisé à l’échelle du littoral prévoit un développement du tourisme qui

repose sur “la complémentarité avec les produits du désert, et le développement de l’éco-tourisme”490. L’Or-

donnance relative au littoral de 2007 conserve cette idée et dispose que "le développement du tourisme côtier

doit être durable et respectueux d’une démarche de qualité dans les domaines culturel, maritime et rural491". L’expression éco-tourisme utilisée dans le Plan directeur d’aménagement du littoral y est remplacée par celle

de tourisme durable. Cependant le passage de l’un à l’autre ne porte pas forcément à conséquence. Froger492

en 2011 définissait l’écotourisme est comme "un voyage responsable vers des zones naturelles, qui encourage la conservation de l’environnement et assure la soutenabilité du bien-être des communautés locales" et le tou- risme durable comme "les formes alternatives de tourisme qui respectent et mettent durablement en valeur les ressources patrimoniales (naturelles, culturelles et sociales) d’un territoire de manière à minimiser les impacts négatifs que les touristes pourraient générer et de sorte que les pays et régions d’accueil retirent des bénéfices directs équitablement répartis tout en prenant part activement au développement de ces formes de tourisme".

4.4.2. Le positionnement du PNBA

Le Plan d’aménagement et de gestion du Parc National du Banc d’Arguin493 prévoit le développement de

l’écotourisme sur le territoire du parc à la fois pour valoriser, faire découvrir et contribuer à la conservation de ce patrimoine mondial mais également pour appuyer l’émergence d’une activité économique alternative à la pêche (diminution de la pression sur les ressources halieutiques), pour favoriser l’emploi et générer des

revenus dans la communauté Imraguen surtout pour les femmes494.

Bien avant ce plan, un document interne daté de juin 1999 intitulé “Stratégie de développement de l’écotou- risme pour le Parc National du Banc d’Arguin indiquait que le développement de cette forme de tourisme était devenu une priorité495.

Il est prévu de développer de nouveaux documents. Un Schéma directeur de l’écotourisme doit être réalisé. Le plan d’aménagement et de gestion du parc prévoit que ce schéma sera un document opposable aux tiers qui prévoira un zonage des espaces marins et terrestres. Il s’agira de délimiter clairement (sur carte et in

489

490 Ministère des Pêches et de l’Economie Maritime (2005), Plan Directeur d’Aménagement du Littoral Mauritanien. 74 pages. Point 2.5.. 491 Article 42 de l’Ordonnance n° 2007-037 du 17 avril 2007 relative au littoral.

492 Froger G. (2011). Tourisme et développement durable dans les pays du Sud : quels enjeux ? (Introduction générale) in Froger (éd.) Tourisme durable dans les Suds ? Collection

EcoPolis, Editions Peter Lang, 310 pages.

493 PNBA (2010), Plan d’aménagement et de gestion du Parc National du Banc d’Arguin, adopté le 28 janvier 2010 par le Conseil d’Administration du Parc. Nouakchott, 115 pages.

494 Le PNBA a institutionnalisé la mise en place de campements touristiques communautaires et/ou privés au sein des villages. Ces campements sont essentiellement tenus par les femmes. Les retombées financières sont partagées entre la coopérative et les femmes qui travaillent dans cette activité. Les produits et services touristiques sont limités aux locations de tentes et sorties en lanches pour découvrir le milieu marin, à la pêche “sportive” non-intensive et à quelques timides produits artisanaux (PNBA. 2009. Plan d’aménagement et de gestion du Parc National du Banc d’Arguin 2010-2014, 115pages).

situ) les sites à ouvrir ou à fermer au public, en permanence ou en alternance, les sites d’accueil du grand public ou d’un public spécialisé (scientifique, ornithologue, etc.), les sites d’éducation à l’environnement, d’observation, d’implantation des bivouacs ou autres types d’hébergement, des activités récréatives, spor- tives et ludiques.... D’autre part une charte de l’écotourisme est également prévue. Elle devra être réalisée en partenariat avec tous les acteurs concernés. La charte devrait alors constituer le cadre global dans lequel va s’inscrire toute la démarche de développement écotouristique, elle encadrera toutes les actions et définira les partenariats ainsi que les règles du jeu. Il s’agira d’un engagement volontaire et contractuel entre les parties concernées.

Dans les faits ces démarches restent complexes à mettre en œuvre et souffrent du cloisonnement institu- tionnel et du manque de coordination entre les différentes structures qui interviennent dans le domaine du tourisme.

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