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François Audigier, Université de Genève

5.2 À l’école, ÉDD et ID

Dans ces deux « mondes », la société et l’école, le DD n’a pas la même configuration. Bien sûr, l’intention générale est la même, informer et

6 Boutier Jean, Passeron Jean-Claude, Revel Jacques, Qu’est-ce qu’une discipline ?, Paris : EHESS,

2006.

7 Considère  Sylvie, Tutiaux-Guillon  Nicole, « L’éducation au développement durable : entre

“éducation à” et disciplines scolaires », Recherches en didactiques, n° 15, 2013, p. 111-133.

Tutiaux-Guillon Nicole, « Éducation au développement durable et histoire-géographie : les contenus disciplinaires au prisme d’une éducation à », in Daunay Bertrand, Fluckiger Cédric, Hassan Rouba

former le citoyen et l’élève en vue de lui donner des outils pour construire ses choix personnels, sociaux et politiques. Mais le citoyen rencontre informations et connaissances au gré de ses curiosités, de ses choix, de ses investigations personnelles, elles-mêmes plus ou moins suscitées par les sphères médiatiques. À l’école, les élèves sont dans une situation de « contrainte ». Si l’étude du DD est retenue par les plans d’étude ou par l’enseignant lui-même dans le cadre des libertés qui lui sont laissées, pour l’élève, il est matière à un travail, un travail obligatoire et évalué, mené dans un cadre horaire et une institution particulière, avec un contrôle des outils de travail. Une autre différence, elle aussi majeure, tient à l’organisation de l’enseignement en disciplines distinctes les unes des autres, chacune avec un curriculum et un horaire spécifiques. C’est à partir de cette organisation du savoir que sont initiées des collaborations entre plusieurs disciplines et l’IDS. Cette  IDS se fait le plus souvent autour de l’étude d’un objet commun vu par chaque discipline, et privilégie les contenus relatifs à cet objet.

Une autre manière de procéder est d’inscrire cette IDS dans des modes de présence différents avec les Éduc.  à, ici l’éducation en vue du développement durable. Celles-ci se réclament directement de la contribution nécessaire de plusieurs disciplines. Mais surtout, les Éduc. à déplacent les intentions d’apprentissage et invitent donc à reconsidérer l’IDS.

– Elles appellent, plus encore que certaines recommandations pédagogiques parfois inscrites dans les curriculums disciplinaires, à s’inspirer de « situations réelles », d’études de cas, de problèmes, etc.

– Elles sont orientées par l’avenir et par le développement d’une capacité à le penser avec donc aussi le risque et l’incertitude.

– Elles accordent donc une grande attention à la décision et à l’action, ce qui exige une nouvelle réflexion sur les acteurs, sur leurs intentions, sur leurs pouvoirs, sur leurs intérêts, sur leurs croyances, etc.

– Elles placent les connaissances et les méthodes disciplinaires comme des ressources en vue de construire des compétences. Celles-ci sont explicitement désignées comme devant être mises en œuvre en situation, autrement dit, elles sont la manifestation de la capacité du –

(éd.), Les contenus d’enseignement et d’apprentissage, approches didactiques, Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux, 2015, p. 101-118.

sujet à répondre à une situation donnée. Aux savoirs habituellement mobilisés par les disciplines scolaires, elles ajoutent des savoirs d’expérience, des savoirs d’action, etc.

– Elles explicitent les valeurs liées à la décision et à l’action, dans leur complexité, dans leurs tensions, dans leurs conflits potentiels : efficacité, justice, égalité, liberté, etc.

–  Elles invitent à de nouveaux dispositifs de travail plus ouverts, par exemple vers la pédagogie de projet.

Le « schéma Brundtland », complété par les deux dimensions Espace et Temps8, constitue la référence pour tout travail sur le  DD. Cette référence ouvre donc la question des relations entre les trois dimensions – environnement, économie et société – et les disciplines scolaires. De fait, il n’y a pas recouvrement. Aucune dimension ne correspond à une discipline scolaire spécifique, exceptée parfois l’économie qui reste cependant peu présente à l’école obligatoire. L’étude du DD appelle immédiatement une pluralité de savoirs provenant de différentes disciplines, principalement les sciences humaines et sociales et les sciences de la nature.

Si on examine de plus près aussi bien les curriculums que les outils pédagogiques utilisés par les enseignants des disciplines de sciences sociales – parmi eux les manuels –, on observe que les uns et les autres convoquent la quasi-totalité des catégories repérées dans les produits sociaux ainsi que la plupart des concepts qui y sont utilisés. Il n’est que d’ouvrir un manuel d’histoire ou de géographie pour constater que les élèves travaillent avec une aussi grande diversité de « documents » que celle présente dans ces mêmes produits. Ainsi, puisque ces disciplines scolaires –  citoyenneté, géographie, histoire  – prennent en charge ces catégories et ces concepts, elles sont de facto  ID. Nous parlerons d’une ID interne. Quant à la dimension « environnement », elle appelle des savoirs qui relèvent non seulement des  DSMS (les disciplines scolaires du monde social : histoire, géographie, éducation à la citoyenneté), mais également des sciences de la nature. Nous parlerons alors d’une ID externe9.

Que ce soit dans l’espace public ou à l’école dans le cadre d’une discipline ou dans celui d’une Éduc.  à, nous connaissons le  DD par

8 http://ise.unige.ch/isdd/?article191

9 Audigier  François, Sgard  Anne, Tutiaux-Guillon  Nicole (éd.), Sciences de la nature et de la

l’intermédiaire de très nombreux savoirs et informations qui sont divers et hétérogènes dans leurs formes et dans leurs contenus. Ainsi, notre connaissance du  DD, plus largement des objets sociétaux, n’est pas disciplinaire au sens scientifique du terme. Plus encore, les décisions qui concernent ces objets, qu’elles soient individuelles ou collectives, ne sont pas « disciplinaires »10. Elles s’inscrivent dans la complexité de nos sociétés, des rapports sociaux et humains.