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Comme didacticien, il nous est arrivé à maintes reprises d’engager des discussions sur l’origine de la didactique, et plus particulièrement dans le cadre de l’éducation et de la formation. Nous savons que les racines de la didactique remontent aux philosophes grecs avec les termes « enseigner » et « apprendre ». Cette présence des deux pôles, à savoir l’enseignement et l’apprentissage, ne permet pas de différencier, à l’origine, la didactique de la pédagogie. Toutefois, la didactique se distingue de la pédagogie par le rôle central des contenus disciplinaires et par sa dimension épistémologique, c’est-à-dire par la nature des connaissances à enseigner.

La didactique étant l’étude des questions d’ordre cognitif dans une situation d’apprentissage-évaluation dans le cadre d’une discipline scolaire

particulière, il est plus approprié, selon Thouin1, de parler des didactiques. En effet, la didactique d’une discipline scolaire (ainsi la didactique des mathématiques) repose sur des concepts, des théories et des modèles qui sont propres à cette discipline scolaire, car ils prennent en compte sa structure et sa nature propres. À vrai dire, la didactique disciplinaire ne se justifie pas uniquement par les savoirs qui lui sont propres. Alors, ne serait-il pas plus pertinent de parler des didactiques ou d’une didactique interdisciplinaire ?

Ce chapitre tentera de répondre à la question soulevée en proposant un regard plutôt interdisciplinaire sur un modèle pédagogique où les sciences de l’environnement sont au cœur du travail des élèves et de l’enseignant. Bien que l’interdisciplinarité semble caractériser de façon évidente les sciences environnementales dans la définition qu’elles se donnent d’elles-mêmes, sa mise en œuvre effective dans les écoles se heurte à des difficultés, notamment d’ordre intellectuel et organisationnel. Ainsi, nous nous interrogerons d’abord sur l’existence potentielle d’une didactique de l’interdisciplinarité. Nous poserons certaines bases théoriques au regard de l’intégration et de l’interdisciplinarité (au sens large et au sens strict). Puis, nous exposerons une réflexion sur la didactique des disciplines et dans laquelle nous souhaitons apporter certaines réponses. Nous présenterons ensuite le modèle Opération  PAJE (Partenariat Action Jeunesse en Environnement), lequel est au cœur de notre réflexion. Enfin, nous montrerons le potentiel de collaboration entre des disciplines.

7.1 Des disciplines scientifiques aux disciplines

scolaires : l’apport de la didactique

Nous faisons ici un bref retour sur les disciplines afin de mettre en évidence les liens existant entre les disciplines scientifiques et les disciplines scolaires par rapport à leur intégration. Par la suite, divers champs d’application en éducation seront abordés, plus spécifiquement dans le contexte des sciences et de la technologie (S&T). Nous tenterons ensuite de clarifier le concept d’interdisciplinarité dans ses déclinaisons.

Divers champs de recherche scientifique sont impliqués lorsqu’il est question de disciplines. Ainsi, certains de leurs rudiments scientifiques

peuvent être enseignés à l’école. Quant aux disciplines scolaires, composantes des disciplines scientifiques, elles sont malléables selon le système éducatif2. Pour le ministère de l’Éducation du Québec, le cours de S&T, aussi bien dans le primaire que dans le secondaire, se décline officiellement sous cinq  disciplines scientifiques (physique, chimie, biologie, astronomie et géologie), en plus de la technologie.

L’interdisciplinarité est une forme de collaboration entre les disciplines scolaires ou scientifiques qui tend à prendre plusieurs significations dans la recherche et dans la pratique. Comme son nom le laisse entendre, elle inclut le concept de disciplinarité3. La disciplinarité évoque aujourd’hui « des pratiques de recherche et d’enseignement dans

une communauté scientifique donnée, socialement et historiquement située et régie par un paradigme qui définit les présupposés et les objectifs des savoirs à construire »4. Afin de maîtriser la complexité d’un phénomène ou d’une situation, « l’esprit d’analyse a contribué

à l’atomisation des savoirs comme à la parcellisation des tâches »5, instaurant ainsi les disciplines. C’est au début du xixe siècle que se sont constituées les disciplines scientifiques par leur institutionnalisation6. Dans la construction personnelle et collective des savoirs, c’est-à-dire sur le plan épistémologique, les différents champs disciplinaires se nourrissent les uns des autres. C’est dans cette optique d’apport mutuel que s’articule l’interdisciplinarité, et ce selon l’importance relative de chacune des disciplines. Évidemment, le nombre de disciplines impliquées et leur degré d’interaction influencent la complexité de la mise en œuvre de l’interdisciplinarité.

2 Chevallard Yves, « Familière et problématique, la figure du professeur », Recherches en didactique

des mathématiques, vol. 17, 1997, p. 17-54.

3 Astolfi  Jean-Pierre, La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d’apprendre, Paris : ESF, 2008,

256 p.

Hasni Abdelkrim, « Statut des disciplines scientifiques dans le cadre de la formation par compétences à l’enseignement des sciences au secondaire », in Hasni Abdelkrim, Lenoir Yves, Lebeaume Joël (dir.),

La formation à l’enseignement des sciences et des technologies au secondaire, dans le contexte des réformes par compétences, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2006, p. 121-156.

4 Darbellay  Frédéric, « Vers une théorie de l’interdisciplinarité ? Entre unité et diversité »,

Nouvelles Perspectives en sciences sociales : revue internationale de systémique complexe et d’études relationnelles, vol. 7, n° 1, 2011, p. 65-87, p. 72.

5 Maingain Alain, Dufour Barbara, Fourez Gérard, Approches didactiques de l’interdisciplinarité,

Bruxelles : De Boeck Université, 2002, p. 18.

7.2 Vers une définition de l’interdisciplinarité

Depuis une vingtaine d’années, diverses publications7 se réfèrent à l’intégration des matières8, surtout dans le primaire9. L’intégration, que l’on pourrait qualifier d’interdisciplinaire au sens large, est toujours celle qui est le plus fréquemment utilisée10 dans les écoles du Québec. Toutefois, le Renouveau pédagogique du début des années 2000 propose des domaines d’apprentissage, lesquels sont une invitation à l’interdisciplinarité par l’amalgame des contenus et des disciplines. Au nombre de cinq, aussi bien dans le primaire que dans le secondaire, ces domaines sont essentiellement des regroupements de disciplines scolaires ; notre intérêt est dirigé du côté de la mathématique et de la science et technologie (M-S&T).

7.2.1 De l’intégration à l’interdisciplinarité

Il est difficile de discuter de la nature de l’interdisciplinarité sans aborder le concept d’intégration. Il existe une forte complémentarité qui articule la relation entre ces deux  concepts11. Ici, nous déclinons l’intégration sous deux composantes, lesquelles ont également été soulevées par Hasni12, soit l’intégration des savoirs et l’intégration des processus. Cet auteur inclut une troisième composante, celle du recours à une approche intégratrice, comme l’approche par problème et par projet ainsi que l’interdisciplinarité.

7 Larose François, Lenoir Yves, « La formation continue d’enseignants du primaire à des pratiques

interdisciplinaires : résultats de recherches », Revue des sciences de l’éducation, vol.  24, n°  1, 1998, p. 189-228.

Lenoir Yves, Larose François, Grenon Vincent, Hasni Abdelkrim, « La stratification des matières scolaires chez les enseignants du primaire au Québec : évolution ou stabilité des représentations depuis 1981 ? », Revue des sciences de l’éducation, vol. XXVI, n° 3, 2000, p. 483-514.

Samson Ghislain, Hasni Abdelkrim, Ducharme-Rivard Alexandre, « Constats et défis à relever en matière d’intégration et d’interdisciplinarité : résultats partiels d’une recension d’écrits », Revue des

sciences de l’éducation de McGill, vol. 47, n° 2, 2012, p. 193-212.

8 Nous limitons l’emploi de l’expression « matière scolaire » pour favoriser celle de « discipline

scolaire ».

9 Conseil supérieur de l’éducation – CSÉ, L’enseignement de la science et de la technologie au

primaire et au premier cycle du secondaire, Avis de la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Québec, Gouvernement du Québec, 2013.

10 Conseil supérieur de l’éducation – CSÉ, L’enseignement de la science et de la technologie au

primaire…

11 Beane James A., Curriculum Integration: Designing the Core of Democratic Education, New York:

Teachers College Press, 1997.

Bien que cette nuance soit éclairante, il n’en demeure pas moins que plusieurs acceptions de l’interdisciplinarité coexistent aujourd’hui dans les écrits professionnels et scientifiques. Dans les sous-sections suivantes, nous exposerons les conceptions retenues ici.

7.2.2  Un foisonnement d’expressions