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MARKETING ET DEVELOPPEMENT DURABLE

Section 2. LE MARKETING DU DEVELOPPEMENT DURABLE

2. LES APPORTS DU DEVELOPPEMENT DURABLE A L’ENTREPRISE

2.2. L’éco-conception

Quand on parle d’éco-efficacité et lorsqu’on revoit les définitions de ce concept, on se rend compte qu’elle ne met pas les produits de l’entreprise au cœur du sujet (Moutamalle, 2004). C’est alors qu’un autre concept complémentaire, centré quant à lui sur le produit, est venu soutenir celui de l’éco-efficacité, il s’agit de l’éco-conception. Cette démarche consiste à prendre en considération les critères environnementaux en amont, c'est-à-dire, que l’entreprise doit réfléchir à la diminution des externalités de ses futurs produits bien avant leurs productions, de sorte à ce qu’ils respectent les règles du développement durable tout au long de leurs productions, distributions, utilisation et leurs récupération en fin de cycle de vie.

a. L’éco-conception, une réflexion en amont

La démarche d’éco-conception, va plus loin que celle de l’éco-efficacité car, en plus d’intégrer les priorités de réduction des ressources utilisées, elle encourage l’innovation. Dés la phase de R&D, l’entreprise doit émettre des recommandations non seulement sur son prochain produit mais aussi sur les taux de diminution des effets négatifs qu’elle voudrait atteindre, ce qui stimule la réflexion et représente la nouvelle vision stratégique de l’entreprise. Il s’agit pour les industriels de prendre en compte la protection de l’environnement dans la conception des produits (biens et services) et d’intégrer la dimension environnementale au coté d’autres préoccupations : attente des clients, faisabilité technique, maîtrise des coûts1.

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Document normatif XP ISO/TR 14062 qui présente les principes de base et les différentes stratégies en matière de prise en compte de l’environnement dans la conception des produits (source réglementaire).

78 L’éco-conception se caractérise par une vision globale : « c’est une approche multicritères (eau, air, sols, bruit, déchets, matières premières, énergie, etc.) et multi étapes »1. Les caractéristiques initiales du produit sont primordiales et déterminantes, car c’est elles qui fixent les possibilités offertes en fin de vie du produit, plus le produit permet sa valorisation après usage plus on aura de chance de fermer la boucle, bien qu’elle le soit rarement.

       1 Moutamalle L., 2004, p. 110                

Figure n° 5 : le cycle de vie, ADEME 2001 Distribution

Utilisation du produit (consommateurs)

Valorisation du produit usagé (collectivités et professionnels) Fabrication

Matières premières, énergie (fournisseurs) Déchets ultimes CONCEPTION                   Faisabilité technique

Figure n° 4 : l’éco-conception ajoute une nouvelle dimension : la prise en compte de l’environnement, ADEME 2001

Attente des clients

Maîtrise des coûts

79 La démarche d’éco-conception est l’un des outils proposés par la Commission Européenne dans les mesures environnementales visant une amélioration continue de la performance environnementale des produits et des services dans un contexte de cycle de vie. Au niveau international, des experts ont normalisé la démarche d’éco-conception dans le cadre d’une ligne conductrice de type ISO.

Les entreprises sont contraintes à apporter des améliorations durables à leurs produits sous menace de perdre des parts de marché, certaines font même de l’éco-conception sans se rendre compte. En effet, l’amélioration des procédés techniques, les quêtes diverses pour l’économie d’énergies et la maîtrise des coûts font partie des majeurs préoccupations quotidiennes de ces entreprises. Il faut tout de même souligner, qu’il n’existe pas de produit qui ne consomme pas de ressources ou qui ne pollue pas, il devient donc, important que le concepteur vérifie que toute modification d’une caractéristique d’un produit ne dégrade pas d’autres caractéristiques, ou pour le moins que cette dégradation sera compensée par les bénéfices attendus. En outre, il faut aussi vérifier que la possibilité de recyclabilité du produit n’entraîne pas des conséquences nuisibles ailleurs (génération de plus de déchets…) de manière à éviter des déplacements de pollution, ou, du moins tenter d’arbitrer entre ces différentes sources de pollution pour déterminer celle qui doit être prioritairement réduite.. L’architecte et designer industriel William Mc Donough et son associé allemand, le chimiste industriel Michael Braungart (2002)1 ont développée la notion de l’innovation dans le

contexte du développement durable d’une autre façon.

b. L’éco-créativité

Selon Mc Donough et Braungart, plutôt que de s’attaquer physiquement aux problèmes environnementaux, il semble essentiel de convertir les activités humaines en processus cycliques compatibles avec les cycles naturels biologiques. Cette approche reste similaire à l’analyse du cycle de vie de l’éco-conception, mais la perception est plus biologique et donc plus proche de l’environnement.

L’approche de Mc Donough et Braungart stipule que tout produit est créé physiquement à partir de deux types de composants : des nutriments biologiques et des nutriments techniques.       

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Mc Donough W. and Braungart M., 2002, Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, North Point Press.

80 La solution serait dans le fait que la conception des produits doit permettre de réintégrer les nutriments biologiques au sein d’une boucle organique et de réutiliser les nutriments techniques dans un nouveau cycle industriel. Cette approche vise à réduire les contraintes environnementales en phase de recherche et développement (R&D) en réfléchissant aux différents modes possibles pour le recyclage du produit, tout en mettant l’accent sur le principe de biodégradabilité.

Ainsi, selon William Mc Donough, les produits fabriqués en matériaux non biodégradables sont des nutriments techniques qui doivent sans cesse circuler dans le cycle industriel. Il compare ce cycle industriel à un métabolisme et l’appelle le "métabolisme technique" qui donne ainsi vie au cycle technique. De même, il existe un métabolisme des matériaux biologiques qui donne vie au cycle biologique.

D’après cet auteur, il est primordial que les deux métabolismes soient distincts pour que le premier ne contamine pas le deuxième en créant une contamination croisée. Cette dernière créera un métabolisme hybride ingérable. Il est donc important que les composants qui conviennent au métabolisme technique soient tenus à l’écart du métabolisme biologique et vice versa.

L’exemple de Mc Donough présente la chaussure comme produit et explique qu’en marchant, les semelles de nos chaussures libèrent des petites particules. Chimiquement parlant, ces particules peuvent causer des dommages et peuvent contaminer le sol et en réduire la vitalité. Le sol est, ici, assimilé à un organisme vivant. Il souligne aussi que les dommages provoqués par ces particules peuvent se propager ailleurs dans l’environnement lorsqu’elles sont transportées par la pluie. Il recommande, alors, qu’il serait plus judicieux de créer des souliers avec des semelles biodégradables, de telle sorte à ce que l’usure des semelles par la marche nourrisse le métabolisme biologique au lieu de le détériorer. En même temps, les autres éléments de la chaussure peuvent être conçus avec des nutriments techniques qui seront recyclé industriellement.

Enfin, William Mc Donough propose 4 grandes visions en accord avec le fonctionnement biologique de la nature et qu’il considère comme sources d’innovation1 :

‐ Accroître radicalement la productivité des ressources : Même si cette idée nécessite la destruction de certain tabous comme affronter la peur du changement et       

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81 risque de ne jamais être réalisée, elle reste une proposition bien fondée qui incite la mise en place de technologies de pointe qui s’inspireraient du métabolisme de la nature et qui permettraient d’accroître la productivité de l’entreprise.

‐ Pratiquer le bio-mimétisme1 : Il s’agit d’apprendre à observer la nature et de

produire en imitant les cycles naturels de la vie, en imitant les interactions des écosystèmes vivants ou encore en imitant les organismes vivants. Grâce à des procédés pareils, les entreprises peuvent créer des matériaux totalement organiques et bios avec des performances accrues. Par exemple, le Kevlar2 est un produit pétrochimique qui possède des propriétés très intéressantes dans la mesure où c’est un matériau très dur et très résistant, très souvent utilisé dans la fabrication de protections, gilets et casques de combat, il est aussi très polluant. Une version plus organique et bio que le Kevlar pourrait être vue dans l’utilisation des toiles d’araignée. En effet, depuis 2002, des scientifiques québécois travaillent sur une soie dérivée de la soie d’araignée, complètement naturelle et 5 fois plus résistante que le kevlar.

‐ Instituer une économie de service et de location : Cette économie consiste à proposer des services spécialisés et recourir à la sous-traitance. Ainsi, les fermiers se consacreront entièrement à la production des récoltes alors que leur protection se fera par un sous-traitant. Ce dernier, pour réaliser des économies de coût évitera forcement l’utilisation intempestive des produits ce qui diminuerait la pollution environnementale. Etant l’unique responsable de la nocivité du produit et de son impact polluant le sous-traitant, se verra obligé de l’utiliser avec prudence et d’utiliser des produits moins dangereux pour la nature.

‐ Investir dans le capital naturel : chaque entreprise doit agir en faveur de la protection de l’environnement, aujourd’hui en destruction. Ainsi, toute entreprise se doit d’investir dans des projets environnementaux car ce sont des investissements à long terme qui conditionnent la pérennité de l’Humanité.

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Le principe de bio mimétisme est de renouer avec des systèmes qui tiennent compte et s’inspirent des lois de la nature pour assurer, à terme, la survie de l’espèce humaine – c’est l’enjeu de l’écologie industrielle qui invite à repenser les systèmes industriels, financiers et même sociaux à partir de cette simple question : si la nature devait créer un système devant rendre les services et les fonctions que nous attendons de celui-ci, comment s’y prendrait elle ? Comme dans le biodesign, il ne s’agit plus d’imiter une caractéristique isolée ni une forme, mais d’adopter une nouvelle philosophie de création, en essayant mentalement de faire ce qu’aurait fait la nature si elle avait eu à créer les fonctions que le designer doit transformer en objets.

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Est fabriqué à partir de dérivés pétrochimiques et d’acide sulfurique concentré, le tout étant chauffé à plusieurs centaines de degrés. Puis, il est soumis à des contraintes très fortes pour donner aux fibres la forme souhaitée. C’est un processus qui prend beaucoup d’énergie et génère des sous-produits toxiques.

82 Nous arrivons là, à la partie qui concerne le plus notre thèse, c’est-à-dire le rôle du marketing dans la politique de développement durable. Nous entendons parler de Marketing responsable, Marketing Ethique, Marketing vert ou encore Marketing sociale, mais au delà des aspects de communication, quel pourrait être le rôle le plus approprié du Marketing pour qu’il puisse servir d’une façon optimale la cause d’une démarche de développement durable au sein des entreprises ? Le marketing a dû se frayer un chemin à travers un certain nombre de réflexion et d’analyses avant de se retrouver au point actuel, sa version verte n’a pas fait mieux et a connu le même sort. Déjà, la GRI, qui établit des lignes directrices pour la production des rapports, n’a intégré des indicateurs, sur le marketing et la communication que dans sa troisième version, et qui portent principalement sur la publicité, la promotion et le sponsoring1. Ceci démontre non seulement le retard de l’intégration du marketing dans la réalisation des politiques de développement durable au sein des entreprises mais aussi l’incompréhension du rôle du marketing dans la concrétisation de ces politiques. Réduire son rôle à la variable communication s’avère être pénalisant, car le Marketing devrait plutôt donner une dynamique qui s’insert dans la création d’une "offre responsable" et avoir, donc, une implication plus en amont que la stratégie de communication des entreprises.

Tentons à présent de faire un tour d’horizon sur les différents aspects et rôles du marketing dans les politiques de développement durable.