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MARKETING ET DEVELOPPEMENT DURABLE

Section 2. LE MARKETING DU DEVELOPPEMENT DURABLE

4. DISTRIBUTION : COMMENT ETRE PERFORMANT SANS TROP POLLUER

Qui parle de distribution parle de réseaux et de circuits, cela implique dans le cadre d’une distribution matérielle des moyens de transport et une logistique, donc, des émissions de GES       

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Exemple cité dans Fougerat D. et Sibieude T., 1995, PME/PMI : Intégrer l’environnement dans votre gestion, economica.

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104 provoqué à 25 % par les transports1. Afin d’assurer une baisse de ces émissions, l’entreprise doit avoir commencé la réflexion en Recherche et Développement et en Production, d’où la nécessité d’avoir un suivi marketing dès le départ.

En décortiquant les effets des différents transports sur l’environnement, nous trouvons que le taux d’émission de GES émis par les voitures particulières est aux alentours de 14 % ne représente que 3,5 %2 de l’ensemble de ces émissions, l’émission de GES pour les camions est de 10 % et il tourne autour de 3.5 % pour le transport aérien. Le développement durable encourage les compagnies aériennes, par exemple, à maîtriser ces émissions en agissant sur trois facteurs : Le renouvellement de la flotte (favoriser l’innovation) ; l’optimisation de l’exploitation (améliorer les coefficients de remplissage des avions) et l’efficacité du réseau (mettre en œuvre des plates formes de correspondance (HUB)).

Le fabricant de meubles en kit, IKEA3, a réduit les coûts de sa chaîne logistique en s’attaquant aux effets environnementaux et aux coûts financiers liés à la distribution de ses produits. L’entreprise promeut les "paquets plats", qui optimisent le moindre espace de chaque carton. Cela permet à IKEA de remplir ses camions et ses trains de façon plus compacte, leur taux de remplissage a augmenté de 50 %. Résultat : la consommation de carburant a baissé de 15 %. Il a, par exemple, suffit à l’entreprise de réduire de trois centimètres l’emballage d’un canapé pour pouvoir en loger quatre de plus par camion. Un exemple plus extrême, au Japon, des agriculteurs ont décidé de faire pousser les pastèques dans des boites solides, le résultat est impressionnant, car, arrivant à maturité les pastèques ne sont plus ovales mais en cube. Cette technique permet des économies énormes en termes de stockage et de distribution et du coup réduire les effets négatifs liés au transport sur l’environnement.

L’entreprise a aussi un pouvoir d’influence non négligeable sur les distributeurs, en plus des ONG qui poussent vers le respect de l’environnement, une entreprise soucieuse du respect des préceptes du développement durable peut, dans certains cas, jouer un rôle important dans la propagation des politiques de développement durable au sein des entreprises de distribution.

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Jeanneau L., 2008, Les transports, moteur du réchauffement climatique, Alternatives économiques, Hors série, n° 78, Octobre, pp. 82-83.

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Hoummani N., 2004, Qu’est ce que le développement durable peut changer dans une compagnie aérienne ?, Revue Française du Marketing, n° 200, Décembre, pp. 83-90.

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105 Nous allons citer, dans ce qui suit, un exemple1 qui touche la ressource forestière qu’est le bois et que nous trouvons particulièrement significatif et permet une exposition du rôle de la distribution sous plusieurs angles. Dans ce contexte précis, nous allons voir le rôle de la distribution dans la certification et l’éco-certification.

Nous parlerons donc de "Timber Certification" ou l’éco-certification des produits, attestant que le bois provient de forêts durablement gérées, qu’il s’agisse de la grande distribution (notamment les Grandes Surfaces de Bricolage) ou des négociations en matériaux généralistes ou spécialistes.

La prise en compte du développement durable chez les distributeurs pourrait à moyen terme modifier leur stratégie marketing sur deux plans :

- Les produits bois devront répondre à de nouvelles exigences européennes en matière de sécurité des consommateurs (marquage CE) qui pourrait inclure ces aspects environnementaux ;

- Comme pour les autres entreprises, les distributeurs pourront créer un avantage concurrentiel autour de leur engagement volontaire dans une politique plus large de RSE.

Si les distributeurs des produits issus de l’industrie du bois ont intégré, pour la plupart, ces nouvelles approches dans leur stratégie marketing, ils doivent aussi prendre en compte d’autres paramètres. Car le développement durable pose clairement, à une plus vaste échelle, la question de leur responsabilité sociale, de leur engagement citoyen. La gestion de ses approvisionnements n’est en effet qu’une facette d’une politique globale de qualité de l’entreprise vis-à-vis de ses partenaires : fournisseurs, sous-traitants, salariés, clients, collectivités publiques et de l’environnement. Mais à la différence de beaucoup d’autres secteurs, la filière bois peut s’appuyer sur son expérience de l’éco-certification pour consolider une véritable politique de RSE. Avec, aussi, un atout de poids qui réside dans le fait de gérer un matériau naturel, renouvelable, recyclable et contribuant à la réduction des effets de GES.

Outre la filière "bois", de grands groupes internationaux de distribution ont compris qu’il fallait réorienter leurs politiques d’achat dans un sens plus respectueux de l’environnement       

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Exemple cité dans l’article de : Boilley E., 2004, Développement durable, transformer l’essai pour l’éco-matériau bois, Revue Française du Marketing, Décembre, n° 200, pp. 39-49.

106 chose qui, par effet de contamination, influencera tous les autres distributeurs. Si aujourd’hui, l’éco-certification peut donner un avantage commercial, dans un marché de niche, dans un futur proche, quand le produit éco-certifié deviendra un produit standard, le distributeur qui aura choisi de ne pas évoluer dans ce sens serai dans une situation délicate dans la mesure où il aura perdu tout avantage par rapport aux distributeurs qui auront anticipé ce changement.

5. COMMUNICATION

Une fois que les autres éléments du marketing mix auront été améliorés dans le sens du développement durable, il va falloir d’abord évaluer l’impact que cela va avoir sur la société et l’environnement. La préparation d’un argumentaire de communication doit commencer en phase de Recherche et Développement, ce qui exige un niveau assez haut en termes de connaissance de la chaîne de production ainsi que les caractéristiques de chaque produit. Sachant qu’il est quasiment impossible de réaliser un sans faute sur tous les éléments du mix marketing, les responsables vont devoir mettre en avant la meilleure performance de leur entreprise. Afin de toucher une audience plus importante, le recours aux médias est recommandé mais, il est aussi essentiel de publier le plus fréquemment possible le résultat des performances liées au développement durable, de cette façon, l’entreprise arrivera à toucher tous ses partenaires et démontrer la conformité de sa gestion avec la réglementation en vigueur.

Dans le cadre des entreprises engagées, les performances "durables" seront prises en compte comme étant un effort colossal et peut être même comme une action pionnière ce qui multipliera l’effet sur l’opinion publique et mettra la pression aux concurrents qui ne pourront être que suiveurs. D’un autre coté, ces entreprises pionnières seront peut être les premiers à tenter de convaincre leurs clients à changer de comportement, ou de payer un peu plus cher pour un produit plus respectueux de l’environnement, les réactions des clients à ce niveau seront imprévisibles mais, à long terme, leur comportement sera condamné au changement dans le sens de la législation.

La mise en avant de campagne démontrant la stratégie de différenciation (aller vers le mieux) peut être une arme redoutable contre les concurrents. L’exemple de Monoprix1 qui explique ses actions par une volonté de différenciation par rapport à ses concurrents reste assez frappant. Monoprix a été le premier distributeur à jouer la carte du développement durable.       

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107 Produits bio, effort sur l'accès aux magasins, meilleure gestion de l'énergie, de l'eau et des déchets, etc.

Le lancement du « Plan A » de Mark & Spencer marque le virage entamé en 2007 par ce grand distributeur vers une stratégie « durable », incarnée par un vaste programme environnemental et écologique. Ce plan d'action en faveur des écotechnologies (Environmental Technologie Action Plan – ETAP) a permis de réduire les émissions de CO2 de 40 000 tonnes depuis 2009. Le groupe a également économisé 10 000 tonnes d’emballages, détourné 20 000 tonnes de déchets des décharges et réduit l’utilisation d’eau de 100 millions de litres. Par ailleurs, deux millions de tonnes de vêtements ont été recyclées par le biais d’un partenariat avec Oxfam. D’après l'enquête 2009 Consumer Focus ("Green to the core?"- How supermarkets can help make greener shopping easier), Marks & Spencer et Sainsbury’s obtiennent la note "A" pour leurs stratégies vertes, alors que les deux enseignes étaient notés "C" en 2006. "Il est satisfaisant de noter que ces enseignes répondent à l'attente des consommateurs en matière d'environnement", souligne cette étude1.

D’autres entreprises ont décidé d’attendre la dernière minute pour commencer à changer, ce sont des entreprises qui ont décidé de respecter les réglementations après les autres. Cependant, face à la pression issue de réglementations, de concurrents et de toutes les parties prenantes, le rôle du marketing au sein de ces entreprises sera d’ordre classique et les dirigeants seront, tôt ou tard, obligés de se mettre à élaborer des stratégies défensives. La stratégie de l’entreprise se focalisera, donc, sur un seul objectif : le gain de temps (Comment faire pour maintenir le cap de notre système de production encore plus longtemps ?). En d’autres termes, l’entreprise sait que bientôt elle ne pourra plus fuir l’inévitable, mais elle persiste à attendre jusqu'à expiration des délais permis.

A moins qu’elle soit membre d’un groupe d’influence d’ampleur mondiale qui lui permet de gagner un peu plus de temps, ce type d’entreprises se retrouvera très rapidement sous l’emprise des actions marketing des concurrents et des ONG. Il deviendra vite le démon à exorciser avant de succomber enfin aux différentes offensives des parties prenantes.

Le rôle du marketing, là, ne sera pas actif mais passif aux actions des concurrents et des ONG. L’entreprise devra obligatoirement prendre des décisions par rapport aux attaques subies d’abord et puis aux dégâts infligés. Les effets subis peuvent être plus ou moins lourd selon la nature et la puissance du lobby auquel appartient ce type d’entreprise. Mais, le résultat à long       

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108 terme est incontestablement négatif traduit par une perte des avantages concurrentiels et une baisse de l’image de marque comme le cas de l’annonce des licenciements chez Danone1 qui est un témoignage de l’acuité des enjeux de la responsabilité sociale des entreprises auprès de l’opinion publique.

Cependant, la prise de conscience des clients finaux du bien fondé de la consommation verte a créé un attrait pour les produits verts et donc, un marché juteux. Ainsi, Ces entreprises et leurs hommes de marketing ont donné naissance à un nouveau concept qui insinue le changement des procédés de fabrication et la mise sur le marché de produits qui respectent les normes récentes de protection de l’environnement : "Le Greenwashing". Ce nouveau concept controversé et souvent utilisé à tort et à travers devient peu à peu un outil de communication douteux suggérant aux consommateurs des informations détournées ou incomplètes sur la réalité des produits.

Les hommes de marketing, dans ce cadre, peuvent avoir recours au Greenwashing pour améliorer l’image de leur entreprise. Ce concept qui signifie en français "verdurisation", "éco-blanchiment" ou encore "blanchiment écologique" est un phénomène qui consiste à donner à une entreprise une image respectueuse de l’environnement au travers d’une publicité, d’un produit ou d’un événement (Rixen, 2008)2.

Cependant, le Greenwashing qui parait soutenir une action de sensibilisation noble, se retrouve le plus souvent utilisé à des fins beaucoup moins nobles lorsqu’il est utilisé de sorte à créer une fausse image de l’entreprise et la confusion chez les consommateurs.

Nous allons dans ce qui suit présenter les vices qu’introduisent certaines entreprises afin de faire croire qu’elles ont opté pour un changement durable.

Entre Novembre 2008 et Janvier 2009, TerraChoice Environmetal Marketing a effectué une étude aux États Unies et au Canada. Le but de cette étude était de vérifier les prétentions d’un certain nombre de produits qui se disent plus respectueux envers l’environnement. Ces

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La décision de Danone, fait l’effet d’une bombe. Après l’annonce par Danone le 29 mars de la prochaine fermeture des usines de Calais et de Ris-Orangis, la CGT appelle au boycott, un appel déjà lancé par Le Canard enchaîné. Gintrant F., 2010, Boycott de Danone et de Nokia : une leçon pour les grandes entreprises, Agora Vox, 07 Août.

Le boycott de Danone, à la suite de l'annonce de son plan social, a eu un impact significatif sur ses ventes en France. Alet C., 2001, Danone : l'effet boycott, Alternatives Economiques, n° 198, décembre.

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109 produits jouent la carte de l’écologie dans leurs publicité ou PLV (Publicité sur le Lieu de Vente) afin d’attirer les clients soucieux de l’avenir de la terre.

Après avoir enregistré 4996 revendications vertes sur 2219 produits, TerraChoice les a vérifié en collaboration avec l’Organisation International pour la Standardisation, (ISO 14021), la commission fédérale de commerce aux US, l’agence de protection de l’environnement aux US, l’union des consommateurs et l’association des consommateurs canadiens. TerraChoice a finalement détecté une liste de fausses promesses ou encore des promesses qui prêtent à confusion. Ainsi, on peut parler de sept façons de tromper les consommateurs. Parmi les 2219 produits, 98 % auront usé de tromperies lors de leurs revendications. TerraChoice a donc tracé sept façons (péchés) de tromper le consommateur.