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D.K Démocrite, B, CLX

2 Ibid, CCLXCII. Voir également les Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF-Flammarion, Paris, 1964, p. 173. La traduction de Jean-Paul Dumont est « Les espoirs des insensés sont déraisonnables». Voir Les Présocratiques, traduit par Jean-Paul Dumont, Bibliothèque De La Pléiade, Paris, 1988, p. 914 3 Ibid, CCVII

philosophe, soit par un artiste, sont toujours celles qui se dédicaçaient à la capacité de raisonner de l’homme. Il suffit d’énumérer les dialogues platoniciens ou les sculptures grecques qui fascinent toujours des millions de gens par leur grandeur intellectuelle et leur fidèle reproduction et description de l’être humain. Admirables sont les sculptures des grands artistes de la Grèce antique car elles ont été faites avec une telle précision et une minutie encore inégalée. De nos jours, les capitalistes, par !’intermédiaire de la publicité et des médias, n’ont qu’un seul objectif : l’argent. La méthode employée par parvenir à leur fin est simple : ils s’adressent non pas à !’intelligence des vulgaires car leur mission serait vouée à l’échec mais ils les dupent en parlant directement à leurs instincts les plus bas. Le sexe et les préjugés sociaux tels que le sport et la mode sont omniprésents. La raison est simple : ce sont les deux choses les plus lucratives. Le capitalisme a compris depuis longtemps qu’il n’y a que le vice qui paie. C’est pourquoi la morale et cette religion perverse sont deux extrêmes irréconciliables. L’un exploite le vice pour s’enrichir par le vol et le mensonge, l’autre pratique la vertu pour parvenir au bonheur. Le premier s’attache aux biens matériels alors que l’autre désire les biens que procure la divinité. Malheureusement, cette idéologie perverse qu’est le capitalisme n’exploite que l’animalité humaine contrairement à la philosophie qui se préoccupe de l’aspect rationnel de l’homme. Bien qu’il existe toujours une tension entre les deux notions, les philosophes ont toujours cherché à les réconcilier pour permettre une harmonie qui le conduirait au bonheur. L’homme est par définition un animal raisonnable. Voilà ce qui différencie les Modernes et les Grecs anciens. Ces derniers n’avaient pas oublié cette importante différence spécifique.

Démocrite recommande que le commandement, autant pour l’individu que pour la cité, doit appartenir naturellement au meilleur, c’est-à-dire à l’être le plus raisonnable. Le véritable pouvoir, qu’il soit politique ou individuel, se situe dans la capacité pour l’homme de réfléchir et de raisonner. N’est-il pas vrai que les espoirs d’un être raisonnable valent mieux que les réalisations d’un insensé ? Et pourtant, la raison n’est pas la propriété exclusive de l’être de la pensée. Démocrite laisse entrevoir la possibilité pour un homme de méconnaître ce qui est raisonnable et être tout de même une personne

qui vit selon la raison (voir fragment 53)1. Une fois de plus, Democrite prévient les gens que la connaissance ne suffit pas. L’éducation est indispensable. L’harmonie des deux : un idéal philosophique.

Quelle est donc la conception de Démocrite de la sagesse ? D’abord, elle ne s’acquiert pas avec l’âge mais par !’entremise d’une éducation appropriée et une aide particulière de la Nature. Contrairement à la croyance populaire qui croit que la sagesse vient avec la vieillesse, Démocrite avance que !’acquisition de la sagesse est le fruit d’une étude qui se questionne sur elle-même. Cette étude doit développer un caractère bien équilibré qui permet au philosophe de vivre d’une manière bien réglée. La sagesse ne se forme pas par magie. Elle n’est pas le produit de longues incantations mythiques. Elle s’acquiert au terme d’un long effort tourné vers les études et la réflexion. Il faut absolument s’adonner à l’étude de la sagesse pour espérer l’atteindre. Il en est de même du bien (voir fragment 56) 1 2. Démocrite ajoute pourtant une distinction quelque peu décourageante. De fait, !’acquisition du bien passe nécessairement par un don de la Nature. Un don qui s’accompagne d’un effort inlassable vers le bien. Le philosophe est une personne qui sait qu’il est loin de la vérité. Le chemin de la sagesse est long et périlleux. Mais quelle est la cible de ce chemin ? Il faut tourner notre regard vers le fragment 118 qui exprime bien la pensée de Démocrite. Le vœu le plus cher de ce penseur était de trouver « une seule certitude causale plutôt que de devenir roi des Perses» (fragment 118) 3. La sagesse consiste donc à découvrir les causes véritables qui expliquent les phénomènes naturels mais surtout elles permettraient de mieux comprendre la pensée divine. Ce qui intéresse le sot, ce sont particulièrement les avantages de la fortune et les biens matériels alors que l’intérêt du sage est de découvrir les causes et les principes qui régissent la Nature. Le philosophe connaît les limites et les avantages du monde matériel. C’est la raison pour laquelle il se tourne vers la sagesse. Au plus profond de son être, le philosophe sait que la vérité et le bonheur ne sont pas

1 D.K. Démocrite, B, LUI. Voir également les Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF- Flammarion, Paris, 1964, p. 172

2 Ibid, LVI. Voir aussi les Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF-Flammarion, Paris, 1964, p. 172

dans les choses sensibles. Bien qu’il ne doive pas négliger les nécessités de la vie, il préfère profiter des avantages que procure la sagesse.

La sagesse consiste également à se connaître soi-même. Il existe une différence fondamentale entre le «connais-toi toi-même» de Démocrite et celui de Socrate. Mais il est quand même possible de trouver quelques similitudes entre les deux pensées. Cette connaissance de soi, pour Démocrite, a pour objectif d’éviter les excès qui nuisent à la tranquillité de l’esprit. Le sage ne s’affligera pas de ce qu’il n’a pas et il se satisfera de ce qu’il possède. Démocrite indique la voie au sage pour parvenir à cet état d’esprit. D’abord, la tranquillité de l’âme est accessible à celui :

« Qui ne se charge que de peu d’affaires, aussi bien à titre de particulier qu’à titre de citoyen ; il ne doit rien entreprendre ce qui dépasse ses forces et sa nature ; il doit se tenir sur ses gardes, afin de pouvoir négliger la fortune, même quand elle lui est hostile ou qu’elle semble l’entraîner irrésistiblement ; enfin, il ne doit s’attacher qu’à ce qui ne dépasse pas ses forces ; la charge que soutiennent nos épaules doit être moins lourde que facile à porter » (fragment 3) 1.

Ce penseur, avec ce fragment, reste fidèle à toute la sagesse grecque qui consiste à suivre les deux recommandations de l’oracle de Delphes. Le « connais-toi toi-même » et le « rien de trop » sont les ingrédients les plus importants à la recette du bonheur. La démesure a le don de rendre les choses agréables bien désagréables (voir fragment 172) 1 2. Les gens ne cessent pas de comparer leur vie à celle des plus misérables. Ils ne réalisent plus la chance qu’ils ont de posséder la santé ainsi que les autres biens matériels nécessaires à leur subsistance. Les sots se laissent rapidement entraînés par l’envie, la jalousie et la haine lorsqu’ils cessent de se comparer aux plus infortunés de notre société. Lorsqu’une personne compare sa condition humaine avec celle d’un autre individu, c’est à ce moment qu’elle réalise la chance qu’elle possède de vivre dans une condition physique et morale que lui procure la santé. De plus, dit

1 D.K. Démocrite, B, III. Voir la traduction des Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF- Flammarion, Paris, 1964, p. 169. Consulter au besoin Les Présocratiques, traduit par Jean-Paul Dumont, Bibliothèque De La Pléiade, Paris, 1988, p. 837

2 Ibid, CLXXII. Voir les Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF-Flammarion, Paris, 1964, p. 178. Voir la traduction de Jean-Paul Dumont : Les Présocratiques, traduit par Jean-Paul Dumont, Bibliothèque De La Pléiade, Paris, 1988, p. 889-890

Democrite, toutes ces comparaisons empêchent, en autre, l’âme humaine de verser dans les désirs violents qui la détournent des choses essentielles. Pour l’homme, la tranquillité de l’âme provient :

« De la modération dans le plaisir et de la mesure dans le genre de vie. L’insuffisance et l’excès provoquent d’ordinaire des changements fâcheux et causent à l’âme de grands troubles. Les âmes qui se trouvent agitées par ces brusques changements perdent leur équilibre et leur tranquillité. Il faut donc appliquer son esprit à ce qui est possible et se contenter du présent, ne tenir que peu de compte de ce qu’on envie et admire, ne pas y revenir sans cesse. On doit au contraire avoir sous les yeux la vie des malheureux, songer à leurs criantes misères ; ainsi notre état présent et notre situation de fortune nous paraîtront importants et enviables et, en cessant désormais de désirer davantage, nous ne serons plus exposés à nous tourmenter l’esprit » (fragment 191) \

Enfin, la sagesse consiste également à prendre conscience que l’homme possède, s’il le désire vraiment, tous les outils intellectuels et physiques pour se procurer les biens nécessaires à son existence. Le fragment 234 emprunte l’exemple de la santé. Elle est accessible à tout être humain qui perfectionne son âme d’acquérir des vertus telle que la tempérance. « Ils <les hommes> ne savent pas qu’ils possèdent en eux-mêmes le pouvoir de l’obtenir» 1 2, affirme Democrite. La mission première de la philosophie est de soigner l’âme des maux qui l’accablent. Elle doit procurer la santé à l’âme de la même manière que la médecine cherche à soigner le corps. Il est alors inutile d’adresser des prières à la divinité. L’homme doit plutôt concentrer ses efforts sur lui-même. Le secret se situe dans la pratique des vertus. Il faut savoir que ce ne sont pas « les forces physiques ni les richesses qui rendent heureux, mais la rectitude de la pensée et la largeur de la vue» (fragment 40) 3. Il ne reste plus qu’à examiner la description qu’a faite Démocrite du philosophe.

1 D.K. Démocrite, B, CXCI. Consulter la traduction française Les Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF-Flammarion, Paris, 1964, p. 180-181. Voir également Les Présocratiques, traduit par Jean- Paul Dumont, Bibliothèque De La Pléiade, Paris, 1988, p. 894

= Ibid, CCXXXIV

3 Ibid, XL. Contrairement à M. Dumont, M. Voilquin a traduit les expressions «la rectitude de la pensée» par le mot «droiture» et l’expression «la largeur de la vue» par le mot «pmdence».Voir Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF-Flammarion, Paris, 1964, p. 171

Le devoir premier du philosophe est de toujours dire la vérité car elle est la conduite la plus avantageuse et la plus respectable. Démocrite insiste beaucoup sur Γexcellence du caractère. Il existe de nombreux morceaux littéraires qui insistent sur la nécessité pour l’homme de s’exercer à perfectionner quotidiennement son âme 1. Être un homme juste et bon commence par soi-même. Tout se passe à l’intérieur de soi. Il faut apprendre à se respecter « beaucoup plus devant sa propre conscience que devant autrui » (fragment 244) 1 2. Le philosophe cherche constamment à éliminer le mal qui l’habite. Il doit lutter sans relâche pour se débarrasser de ses défauts et de ses préjugés sociaux qui le conduisent sur le chemin du malheur. Avant d’entreprendre toute critique sur son environnement sociopolitique, le philosophe doit commencer par se critiquer lui-même avant de juger les autres citoyens. La meilleure façon de convaincre une personne de commettre des actes justes est de pratiquer soi-même la justice. De cette manière, il n’y a pas de preuves plus convaincantes de son efficacité et de ses bienfaits. Le fragment 217 3 ne dit-il pas que les aimés des dieux sont ceux qui ont en haine l’injustice ? Il ne faut rien laisser pénétrer de mauvais dans son âme. Il faut d’abord se respecter soi-même. Il ne faut jamais avoir honte de poser des actions vertueuses malgré le regard hébété des vulgaires. Le philosophe sait que la pratique des vertus est la meilleure conduite à adopter pour parvenir au bonheur. Une action sans conscience ne mérite aucune reconnaissance de la part du philosophe. Il doit travailler fort pour gravir les échelons de la sagesse. Est-il nécessaire de rappeler que quiconque peut duper les autres personnes par la parole, mais la réussite de l’entreprise est difficile devant sa propre conscience. L’homme de bon sens arrive à triompher des défauts de caractère à condition de recevoir de l’aide d’un bon maître.

Cette problématique sur la conscience conduit inévitablement à la question de l’intentionnalité. Il ne suffit pas, pour Démocrite, de ne commettre aucuns actes injustes, mais il ne faut même pas vouloir les commettre. Les actions ne sont-ils pas les effets de