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D.K Anaxagore, B, XII 2 Ibid,

premier mouvement du νους (voir fragment 13) \ Mais quel est désormais son rôle dans Γunivers ? Il est vrai, à premier abord, que son mouvement ne s’arrête qu’à une explication mécaniste de la Nature. Il ne résout en rien le problème métaphysique de la connaissance divine. D’abord, Anaxagore dit que !’intelligence est séparée de la matière. Puis, il dit que la matière s’organise grâce à cette intelligence divine. Malgré le peu de commentaires qui permettraient un éclaircissement sur la pensée de ce philosophe de Clazomènes, ses paroles donnent l’impression à propos de la question « métaphysique » de s’être placé entre l’arbre et l’écorce. Il faut tout de même rappeler le fait qu’il fut un penseur qui resta fidèle à la philosophie présocratique. Les mouvements naturels ne sont pas le fruit d’un désordre perpétuel et d’un infini chaos. Ils s’organisent et ils sont gouvernés grâce à une entité divine. Malheureusement, la compréhension de ses explications ne dépasse guère la cause matérielle. Elle évite de fournir une explication finaliste.

Pourtant, il faut souligner sa grande contribution à la philosophie. Par rapport à ses prédécesseurs, la pensée d’Anaxagore aboutit à un tournant historique. Bien qu’il soit resté très imprégné de la philosophie présocratique, M. Léon Robin fait remarquer à juste titre que ce penseur a ouvert la voie à une philosophie qui met « l’être dans la qualité, en s’efforçant de l’élever de la sensation à !’intelligibilité, il préparait en effet la pensée à constituer le réel avec des formes ou des idéaux spécifiquement distincts. Bien plus, en attribuant, fut-ce incomplètement, la causalité efficiente à l’Esprit, il suggérait de substituer à la causalité mécanique et matérielle une causalité idéale de la fin et du bien»1 2. Il fut l’un des premiers à paver la voie à la révolution socratique.

1 D.K. Anaxagore, B, ΧΠΙ

2 Léon Robin, La pensée grecque et les origines de l’esprit scientifique. Éditions Albin Michel, Paris, 1963, p. 154

vm.

Démocrite d’Abdère

Democrite est certainement l’un des penseurs les plus fascinants des présocratiques. Bien que la plupart des fragments qui sont parvenus aux Modernes portent sur l’éthique, il faut néanmoins avouer que ses propos sont d’une pertinence inouïe. D’abord, il faut souligner qu’il critique, tout comme ses prédécesseurs, les mythes inventés de toutes pièces par les poètes. Même s’il attribuait à Homère une nature divine, il se méfia de ces récits fantastiques qui troublent et angoissent davantage l’âme humaine en imaginant des fables mensongères sur la vie après la mort qui ont comme conséquence d’empêcher l’âme de se purifier de sa crainte face à la mort. Par contre, Démocrite est beaucoup moins sévère à l’endroit de ce grand poète que certains autres penseurs puisqu’il laisse une place à un certain souffle divin qui peut inspirer les poètes. Homère était un être intelligent car il écrivait quand même des belles choses qui ne peuvent provenir que du beau. Or, la beauté pour Démocrite est « la vocation d’une intelligence inspirée par les dieux » (fragment 112) \ Encore faut-il se demander si cette beauté, de la bouche de Démocrite, ne serait pas la raison elle-même ? La place accordée à la divinité est très importante dans les passages de Démocrite. Il semble l’associer directement à la raison. Elle serait non seulement la cause de la beauté, mais elle représenterait aussi un modèle de la modération et de l’ordre. Le philosophe qui désire bien vivre doit également se conformer à la raison, c’est-à-dire avec modération et un respect pour la divinité. Une fois de plus, ce penseur dirige le philosophe sur le chemin de la divinité.

Mais ce qui le distingue nettement des autres présocratiques, c’est cette insistance sur le perfectionnement de son âme. Il est l’un des premiers grands penseurs à prescrire au philosophe de tourner son âme vers lui-même. Avant même de démarrer sa quête vers la sagesse, l’homme doit se connaître soi-même. Bien qu’aucuns passages ne le mentionnent explicitement et clairement, il est permis de constater que cette maxime de 1

1 D.K. Démocrite, B, CXII. Voir, pour la traduction française, les Penseurs grecs avant Socrate, par Jean Voilquin, GF-Flammarion, Paris, 1964, p. 175

l’oracle de Delphes a beaucoup joué dans la philosophie de Democrite. Déjà la question de la modération, écrit ci haut, soupçonnait la présence de cette célèbre maxime. Le bonheur et le malheur ne se trouvent pas dans les objets extérieurs, mais ils se constituent dans l’âme (voir fragment 170) \ À deux reprises, Démocrite refuse de blâmer le corps au profit de l’âme. Bien que le corps ait ses faiblesses, une âme désireuse de parvenir au bonheur ne doit porter intérêt qu’à elle-même. Démocrite avance, dans le fragment 187 1 2, que l’excellence de l’âme corrige la faiblesse du corps mais que la faiblesse corporelle dénudée de raison est absolument incapable d’améliorer l’âme. Plus encore, si Démocrite devait se prononcer, rapporte un auteur inconnu, sur le procès d’une âme accusée par son corps des mauvais traitements qu’elle lui a fait subir, un verdict de culpabilité serait prononcer contre l’âme car « ne Γa-t-elle pas ruiné par ses négligences ? Ne l’a-t-elle pas affaibli par ses enivrements ? Ne l’a-t-elle pas corrompu et déchiré par les voluptés ? » (fragment 159) 3. D’ailleurs, ne rend-t-on pas responsable la cause efficiente d’une action plutôt que la cause matérielle lorsqu’il y a un conflit entre deux citoyens ? Aucun procès n’a encore été fait à un objet matériel. Les maux proviennent de la perversité de notre esprit. Il ne faut donc pas blâmer le corps pour les folies de l’âme. L’âme est donc la clé du succès. Démocrite va même plus loin en prétendant que celui qui recherche les biens de l’âme, c’est celui qui recherche les biens divins alors que l’individu qui préfère les biens du corps se limite aux biens humains. Non seulement le philosophe est celui qui recherche les biens de l’âme, mais il désire surtout les biens divins. La route de la sagesse est désormais tracée. La divinité devient par conséquent la finalité des actions philosophiques.

Les conditions requises pour partir du bon pied sur le chemin de la sagesse sont nombreuses. Une fois que le philosophe s’est détaché des mythes grossiers sur la divinité, Démocrite incite le philosophe à étudier les questions qui portent sur l’éducation et !’instruction. Le but de l’éducation est de former des hommes de bien. Or, la nécessité d’un modèle est cruciale. Contrairement au Bien, la fréquentation assidue à des êtres

1 D.K. Démocrite, B, CLXX.