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Aristote, Éthique à Nicomaque ΙΠ, 3-5 Voir également les commentaires ci-hauts mentionnés sur l’éthique de Démocrite.

B. Le but du philosophe

2 Aristote, Éthique à Nicomaque ΙΠ, 3-5 Voir également les commentaires ci-hauts mentionnés sur l’éthique de Démocrite.

Le bon maître est celui qui est capable, plus que les autres, d'enseigner et d'expliquer à fond en quoi consistent le vice et la vertu à celui qui est sur le point d'accoucher. Il doit connaître les antidotes contre l'injustice et tous les autres vices. Il doit être capable de ramener les méchants dans le droit chemin en les guérissant de leurs fausses opinions qui les entraînent dans toutes les espèces de vices. L'enseignement ne saurait être donné par une personne qui ignore tous les maux et les remèdes du vice car celui qui ne sait pas ou celui qui ne possède pas ces connaissances ne saurait les donner ou les enseigner. L’enseignant doit apaiser les jeunes âmes fougueuses qui sont prêtes à se lancer dans toutes les directions sans préalablement juger de la validité des chemins à suivre. Son but n’est pas de tuer l’initiative mais il doit les guider, en tenant compte de leur nature, vers le bon chemin à emprunter pour acquérir le bonheur.

Comment reconnaît-on un bon maître ? Quels sont les critères qui permettent aux jeunes adeptes de recevoir une éducation de premier plan ? Ce maître, qu’a-t-il à offrir ou à donner ? D’abord, Socrate et Platon excluent avec quelques réserves la réputation. Tout d’abord, comment l’obtient-on ? Habituellement, elle s’acquiert d’après les résultats. Les sophistes acquièrent une certaine réputation parce qu’ils permettent aux jeunes de gagner rapidement de l’argent en prétendant enseigner la sagesse. Mais, quelle sagesse enseignaient-ils, demanda Socrate ? Pour les sophistes, la sagesse consiste dans l’art d’acquérir de la richesse et une réputation auprès des vulgaires. Le meilleur critère, selon Socrate, est la méthode. La préférée du philosophe d’Alopèce était de prendre les conclusions de la discussion et de montrer quelles étaient en désaccord avec les prémisses. Plus encore, le philosophe doit être en mesure de porter un jugement sur le contenu de l’enseignement qui mène au résultat. Or, la meilleure méthode est sans contredit, pour Platon, celle qu’utilisait son maître, c’est-à-dire la dialectique. Alors que les sophistes réfutaient les gens pour le plaisir de réfuter et de faire admettre des paradoxes à son adversaire afin de gagner le débat dans lequel ils s’étaient engagés, le sage, pour sa part, a toujours affaire à !’intelligence. Il est d’abord quelqu’un qui est capable de juger (paideia). L’enseignement sophistique ne s’intéresse qu’au résultat. Pour le sophiste, la pensée ne l’intéresse pas. Il n’y a que le résultat qui importe.

À l’image de l’architecte qui prône des grandes formules mathématiques qui lui servent à construire des ponts qui s’écroulent, le sophiste ne s’intéresse guère qu’aux produits finaux. S’il désire construire des ponts solides, l’architecte a intérêt à vérifier les raisons qui font que ses constructions ne tiennent jamais la route. Le sophiste aurait avantage à vérifier les effets de son enseignement. Le philosophe ne recherche pas uniquement le résultat, mais il sait aussi juger les choses en elles-mêmes. L’enseignement pervers des sophistes consiste à apprendre aux jeunes citoyens à poursuivre quiconque ose aller contre les règles pré-établies par le système juridique. Leur tactique n’a qu’un intérêt purement pratique. La pensée est complètement absente de leur enseignement. Leur méthode consiste à fabriquer de longs discours inspirés des poètes 1 qui avaient eux aussi une grande réputation de sages. À l’image de la rhétorique, les sophistes aiment bien se masquer derrière un personnage pour en présenter un autre. Ils aiment bien se présenter devant la foule en prétendant être sage dans plusieurs matières alors qu’ils ne font que répéter les absurdités qu’ils entendent sur la place publique. De fait, la persuasion, relève Socrate, n’a pas besoin de la science. Par exemple, un rhéteur peut être très persuasif devant une foule ignare. Pourtant, il va parler de choses qu’il ne connaît pas. Par contre, le médecin qui procède de la science ne peut convaincre que des gens spécialisés dans la médecine. La rhétorique va appliquer cette même médecine à la politique. Elle prétend être la politique alors qu’elle ne l’est pas. Elle emprunte le masque de la politique alors qu’elle n’est qu’un rejeton de celle-ci. Il n’est pas inhabituel de voir le monde politique infesté de sophistes. Les sophistes ont transposé la mentalité juridique à la politique. Le modèle parlementaire britannique est le plus exemple qui peut être cité. Ce système politique se compose d’un parti au pouvoir et d’un parti de l’opposition. Une fois de plus, l’obstination et la dispute sont au cœur des querelles politiques.

Mais, il y a pire encore. Subtilement, Platon, dans le Protagoras, dénonce l’enseignement facile des sophistes. Pour Protagoras, l’éducation des nouveaux sophistes ne passe pas par l’étude des arts libéraux tels la grammaire, la dialectique, l’astronomie,

1 De nos jours, les sophistes s’inspirent plutôt de leur sainte bible que est le code criminel, le code civil ou les autres différentes législations. Bien que leurs plaidoyers soient calqués sur le modèle littéraire et poétique, ils se servent régulièrement des contes fantastiques pour convaincre leur auditoire ignare et avare d’histoires imaginaires.

la musique ou la géométrie. Leur enseignement s’adresse tout de suite à l’art politique. Protagoras cherchait à former des êtres politiques. Il n’avait aucun intérêt marqué pour les sciences, à moins que celles-ci puissent servir à mieux convaincre son auditoire ou à réfuter ses adversaires. Platon voulait montrer que la politique ne s’occupe que du quotidien alors que la philosophie s’intéresse au monde intelligible. Le philosophe doit se rapprocher du divin ou des Idées. Pour ce faire, il doit s’éloigner des choses sensibles telles les passions et les choses purement matérielles. Dans le domaine politique, les sophistes jouent beaucoup avec les images et les représentations parce qu’elles sont agréables aux sens. De plus, elles sont beaucoup plus convaincantes parce qu’elles n’exigent pas un ardent travail de la raison. De cette manière, elles rejoignent une plus grande partie de la population. L’enseignement des sophistes ne s’intéresse qu’au monde sensible, c’est-à-dire aux choses particulières. Ils aiment bien se cacher derrière la notion de la justice pour masquer leur appât du gain qu’ils acquièrent au fond par le mensonge et l’injustice.

La délivrance de tous les préjugés sociaux et de tous les stéréotypes politiques est une ordonnance de premier ordre. Mais, plus important encore, est l'éveil de l'âme où se trouvent les idées dont la science qui sait écrire des discours vrais dans toutes les âmes. La vérité est le meilleur remède à l'ignorance. C'est pourquoi l'éducation doit développer chez les apprentis sages un esprit supérieur capable de découvrir par eux-mêmes la science. C’est pour cette raison que l'enseignement est, chez Platon, une réminiscence dont la recherche et !'apprentissage consistent à se ressouvenir. En effet, l'âme a déjà tout appris en contemplant les êtres divins. La maïeutique est un travail de l'esprit qui cherche à se ressouvenir de ces connaissances oubliées. Seule l'âme qui a vu le plus de vérités à l'aide de la science et de la dialectique, deviendra un homme qui sera passionné pour la sagesse. Ce qui intéresse le philosophe est de connaître l’Être, c'est-à-dire le ce que c'est, et non pas le fait pour un objet d'être telle ou telle chose selon les différents accidents. Un être correctement éduqué ne se contentera pas de la première image venue parce qu'il sera accoutumé de rechercher la vérité.