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Joseph Moreau, dans son livre intitulé La construction de !,idéalisme platonicien, (p 356) écrit plutôt que le bien est indéfinissable car il est une intuition.

B. Le but du philosophe

1 Joseph Moreau, dans son livre intitulé La construction de !,idéalisme platonicien, (p 356) écrit plutôt que le bien est indéfinissable car il est une intuition.

soutiennent-ils, est la plus haute connaissance dont la justice et les autres vertus tirent leur utilité et leurs avantages. De fait, tout l'homme agit en vue du bien ou ce qu'il croit être le bien. Une bonne action n'est pas autre chose que le produit du bien. Pierre Hadot ajoute « qu’il n’y a de savoir que dans et par la progression existentielle dans la direction du Bien » 1.

Comment reconnaît-on ses effets dans la vie concrète? Il existe trois points de repère où il peut se manifester. La difficulté de saisir le bien à l'aide d'une seule idée est très élevée, il est possible de l'appréhender à partir de trois notions que sont la beauté, la proportion et la vérité. La condition que pose Socrate est de posséder le pouvoir de connaître. Il semble alors que la reconnaissance de ces choses est possible seulement pour un individu qui maîtrise un esprit ordonné et bien formé. Il est vrai que ces trois idées sont souvent associées les unes aux autres. Dans la mesure et la proportion, explique Socrate, se trouvent la beauté et la vertu. Tout ce qui est beau est bon. Par exemple, une belle action consiste à bien se conduire. De cette façon, une conduite qui s'inspire du bien mène au bonheur. De même, !'acquisition des biens matériels doit être faite de façon belle et bonne puisque le philosophe les acquière justement. Une bonne action consiste à produire le bien. Donc le bien doit être la finalité de toutes les actions du philosophe. La difficulté est de savoir si ces actions correspondent à l'idée du bien puisqu'il semble impossible de le connaître. Il doit porter son regard sur les notions telles que la mesure, la proportion et la vérité. Seules ces trois idées semblent être en mesure de la guider adéquatement sur le chemin de la sagesse. Elles sont trois points de repère que le philosophe doit prendre en considération pour progresser sur la voie divine.

« Rien de trop », suggère au philosophe la première maxime de Delphes. La beauté ne se trouve pas dans les thèses extrémistes mais elle se situe entre les deux pôles. Or, il est vrai que ce qui est bon est beau et ce qui est beau est bon. Le bien doit nécessairement se positionner au centre des actions humaines. Aristote de Stagire, dans son traité intitulé l’Éthique à Nicomaque, ne cesse d’articuler cette thèse. Le philosophe, qui doit faire preuve de courage, doit éviter les deux pôles que sont la lâcheté et la témérité. Le courage

se trouve à l'intérieur de ces deux extrêmes. Donc une belle action vertueuse est posée dans le respect de la première maxime de Delphes. Pourtant, les propos de Socrate paraissent, à prime abord, tautologiques. Les beaux corps sont qualifiés de beaux en raison de l'usage en vue duquel ils servent ou en raison de leur utilité. Le traité des Lois soutient que la beauté consiste dans la rectitude et l'extension vigoureuse des membres et de leur mouvement. Intellectuellement, la beauté est déterminée par la raison. Un beau discours est un ensemble de propositions qui ne contiennent aucunes contradictions. Ces propos semblent refléter correctement les commentaires aristotéliciens qui portent sur l'éthique.

Pourtant, le mystère socratique du bien reste tout entier. La beauté et la vérité reposent sur la raison et sur le bien. Or, le bien peut être vu de deux façons. Il y a le bien considéré comme un moyen généralement ordonné à une fin. Les gens le poursuivent pour la fin. Il est alors un bien relatif à une fin. Par exemple, les vulgaires idolâtrent exagérément Γargent en vue de s’acheter des biens matériels. Il y a aussi le bien pris comme une fin. Il est une chose que les personnes recherchent pour lui-même. Or, Aristote de Stagire relève admirablement bien que s’il y a plusieurs fins, alors il doit y avoir également plusieurs biens. Par exemple, dans le domaine des arts, le bien du peintre ne sera pas celui du danseur. Le Bien universel doit descendre dans le particulier. Il doit inspirer toutes les actions humaines. Et pourtant, il doit exister une définition universelle qui rejoint le bien du peintre et celui du danseur. Le bien est une science. Elle sert à rendre les hommes savants et bons. Une fois de plus, le bien est associé à la vérité et à la beauté.

Le plus bel exemple est celui qui est fournit par Socrate dans le Gorgias. Le philosophe d’Alopèce distingue certaines disciplines qui ont un étroit rapport avec l’agréable et celles qui sont directement reliées à l’ordre et à l’harmonie. Alors que la législation, la justice, la gymnastique et la médecine visent l’harmonie et l’ordre qui pointent le bien, les arts comme la cuisine, la rhétorique, la sophistique et l’esthétique ne se préoccupent que de l’agréable et de l’apparence qui visent que les plaisirs sensibles qui s’attachent essentiellement au corps. Il est donc permis d’insinuer que Platon attachait au bien les notions de l’harmonie et de l’ordre. Ces deux mots sont attachés à la santé. Si la

médecine vise la santé corporelle qui consiste à l’union ordonnée de tous les organes, alors la philosophie qui vise le bien de l’âme doit se préoccuper de l’ordre et l’harmonie de la pensée. Une saine intelligence, proclamerait sûrement Platon, est celle où règne l’ordre et l’harmonie car elle vise le bien. Il est donc du devoir du législateur et du maître de veiller à la bonne démarche de l’éducation et de !’instruction pour qu’elles soient adéquatement combinées pour développer chez les jeunes adultes un esprit sain dans un corps sain. Le bon maître qui désire faire le bien pour ses étudiants doit leur apprendre à développer une intelligence organisée et structurée. La méthode (paideia) devient d’une importance capitale. Il est important que le philosophe soit en mesure de bien raisonner car les belles choses sont difficiles, disait un dicton grec. L’acquisition de la sagesse exige beaucoup de travail parce qu’il faut passer au travers de beaucoup de choses qui ont peu de valeurs pour arriver à celles qui en ont véritablement.

3. Dieu

Seul Dieu est parfaitement sage. C'est la raison pour laquelle le philosophe désire par- dessus tout le connaître. Il est le modèle par excellence pour une vie harmonieuse qui procure le bonheur. Il est absolument simple et vrai tant en acte qu'en parole. Il ne change pas de formes car seuls les êtres divins restent identiques. Ils ne dupent pas les humains par de faux discours, ni par l'envoi de signes. Ils s'occupent de l'Univers tout entier avec un soin particulier. Il dirige tout, il ordonne tout. Dieu est !'intelligence qui a formé le monde. Or, il peut être seulement compris par le raisonnement. Le travail du philosophe consiste à le connaître pour espérer parvenir au bonheur. Pour ce faire, la seule voie qui existe pour arriver à cette fin est la connaissance de l'âme. M. Piat enrichit cette thèse en écrivant que :

« Le caractère impératif de la loi morale ne vient pas seulement du rapport que nos actions soutiennent avec notre bonheur et celui des autres ; il se fonde aussi et plus encore sur la perfection même de Dieu. Dieu veut le meilleur ; il le veut avec une persévérance indéfectible et passe l’éternité à le réaliser dans le monde. Or le meilleur consiste en ce qu’il y ait le plus de bonheur possible ; et le moyen qui mène à cette fin universelle et suprême, ce n’est pas

seulement l’ordre physique, c’est aussi et principalement l’ordre moral. Dieu veut donc, et par-dessus tout, l’harmonie des volontés dans la justice : il impose de son chef le respect du Bien » 1.

Le Timée raconte qu'il ne peut pas y avoir « d'intelligence sans âme. Donc, Dieu mit !'intelligence dans l'âme, et l'âme dans le corps, et il construisit l'univers de manière à en faire une œuvre qui fut naturellement la plus belle possible et la meilleure » 1 2. Désormais, la route vers la sagesse est découverte. Un regard vers Dieu offre au philosophe le plus beau miroir des choses humaines pour lui permettre de reconnaître la vertu de l'âme. L'âme devient alors le pilier, le centre d'attraction du chercheur de sagesse. Elle ouvre la porte qui mène sur le chemin de la divinité. Tout ce qui naît procède nécessairement d'une cause. Toutes les productions de la Nature viennent de l'art et de !'intelligence que représentent les causes divines.

Il serait intéressant de comparer cette vision socrato-platonicienne avec celle des Stoïciens. Socrate et Platon donnent l'impression que le philosophe est celui qui cherche à comprendre la Nature en cherchant les principes et les causes qui la régissent. En partie, la philosophie stoïcienne se limitait à ce procédé scientifique. Pour Socrate et Platon, la philosophie ne doit pas se contenter de se conformer aux lois de la Nature dictée par le divin, mais elle consiste davantage à remonter vers le Divin pour vivre comme un dieu. Autrement dit, la voie stoïcienne consiste à se conformer à la nature pour permettre aux hommes de vivre heureux alors que la pensée socratico-platonicienne vise le bonheur en se servant des connaissances naturelles pour remonter jusqu'à la divinité.

Si la philosophie stoïcienne doit davantage être associée à un certain conformisme envers la Nature, la pensée socratico-platonicienne se démarque par sa capacité à reconnaître les signes divins à travers la Nature pour accéder à la connaissance divine. Bien que les deux philosophies s'accordent sur un point qui consiste à dire que la philosophie reste une démarche vers le bonheur, il est à noter que la pensée stoïcienne

1 Platon, par Clodius Piat, Éditeurs Félix Alcan, Paris, 1906,277 2 Platon, Timée. 30a-30b

reste à plusieurs égards une philosophie plus ou moins empirique, c'est-à-dire que la philosophie reste prisonnière du monde naturel qui l'entoure. La philosophie stoïcienne est une pensée fondée sur le « conformisme » alors que la pensée socratique est une pensée établie sur le détachement de l'âme du monde sensible. Si, chez les uns, le bonheur peut se trouver dans le monde sensible, il en est tout autrement de la pensée socratique. Bien que Dieu soit un point commun qui unit les deux philosophies, la voie pour !'acquisition du bonheur est quelque peu différente l'une de l'autre.

Quel est !'intermédiaire qui permet cette migration du philosophe vers le divin? De qui procède cet effort du philosophe pour ressembler à Dieu ? Cette notion est l'amour. Il faut de toute nécessité détruire le mythe très répandu en philosophie qui consiste à traduire les mots « philo » et « sophia » des deux termes que sont l’ami et la sagesse. Le philosophe n'est pas l'ami de la sagesse. C'est un amoureux de la sagesse. Bien que la philosophie ait grandement besoin de l'aide de ses semblables pour gravir les parois de la sagesse, l'amitié, pour Socrate et Platon, désigne davantage un certain attrait pour quelque chose. Même s'il est vrai que le philosophe a un certain désir pour la sagesse, il faut distinguer clairement le désir et l'amour. Alors que le désir est un appétit qui a surtout un lien avec le temps, l'amour est un désir permanent. Le désir suppose l'objet absent. Par contre, une fois que la personne obtient cet objet si désiré, l'appétit disparaît. L'amour est le premier mouvement de l'appétit. Le philosophe aime la sagesse pour elle-même. Il ne la désire pas, car une fois qu'il la posséderait, il ne la désirait plus. Or, le philosophe veut la posséder à tout jamais. C'est pourquoi les traités comme le Banquet et le Phèdre ne parlent que de l'amour. Il est cet intermédiaire entre le philosophe et le divin. La sagesse (ou la philosophie) est la voie qui permet à l'un d'acquérir l'autre. Pour préciser la définition du départ, le philosophe est un amoureux du divin, car il le voit comme un bien. Les bienfaits de la sagesse lui procurent également quelques heureux moments car ils le guident à travers les multiples obstacles de la vie philosophique.

D'ailleurs, c'est que raconte le Gorgias 1 lorsque Socrate rappelle à Gorgias, d'une entente commune, à savoir qu’une personne qui pose un geste en vue d'une fin, ce n'est

pas la chose qu'il veut mais la fin en vue de laquelle il l'a fait. Le philosophe ne veut pas de la sagesse pour elle-même, mais le bonheur qu'elle lui procurera. Socrate conseille au philosophe de porter un regard sur la question de la finalité. Bien qu'il soit important de choisir convenablement les bons moyens qui aident à parvenir à son principal but, le philosophe doit connaître la fin de ce qu'il recherche. Or, le sage veut être heureux en passant par une voie qui s’appelle la sagesse. C'est donc en vue du bien que le philosophe fait tout ce travail. Le Bien guide le sage dans ses actions quotidiennes. Le Bien est l'unique condition qui guide le philosophe vers le bonheur. Chaque geste posé par l’apprenti philosophe doit viser le bien car celui-ci indique les bonnes choses qu’il doit posséder pour parvenir au bonheur. Le philosophe ne doit pas acquérir des biens pour lui- même, mais pour le bonheur qu'ils sont susceptibles de lui procurer. La sagesse est un moyen pour le philosophe de parvenir au bonheur. Il n’est aucunement question de devenir un ami de la sagesse. Le sage est un amoureux d'une fin qu’est le bonheur. Or, l’être le plus heureux est Dieu. Si l’apprenti philosophe désire savoir si ce qu’il fait est correct, il doit en premier abord connaître la fin de ces mêmes actions. Par exemple, le médecin sait qu’il a correctement accompli sa tâche lorsque le patient retrouve la santé. Il en est de même pour le philosophe. Il sait qu'il a atteint son but lorsqu'il est heureux. Or, c’est par la présence du Bien que le philosophe est meilleur et qu'il peut accéder au bonheur. Dans le Banquet 1, Diotime prétend que l’amour est une sorte d’élan vers les bonnes choses et par conséquent, il conduira inévitablement les hommes vers le bonheur. De plus, les hommes ne peuvent qu’aimer que le Bien. Plus encore, l’amour est le désir de la possession perpétuel du Bien. Il n'y a qu’amour du Bien.

4. La perfection

Le philosophe est celui qui cherche à devenir aussi parfait que possible. Il veut se rendre aussi bon et beau que le comporte sa nature. La mission de la philosophie et la pratique des vertus consistent précisément à permettre au philosophe de se rendre meilleur. Or, le chercheur de sagesse doit obéir à la partie la plus divine en lui, c'est-à-

dire l'âme. Mais, l'acquisition de cette perfection est laborieuse et elle nécessite des pré- requis qui ne sont pas toujours présents à l'âme. D'abord, cette perfection s'obtient par une aide mutuelle. Le rôle de la dialectique prend ici tout son sens. Elle est non seulement l'outil qui permet d'acquérir les connaissances nécessaires sur le bien, mais elle est aussi le meilleur pôle d'attraction qui réunit deux êtres qui recherchent les moyens de devenir meilleur. Le philosophe aime les âmes qui marchent vers la perfection puisque le semblable attire le semblable. Il recherche les gens qui paraissent susceptibles de lui indiquer les directives à suivre pour progresser sur le chemin de la sagesse. La dialectique est un outil qu’utilisent deux personnes qui désirent en commun se perfectionner. Mais, elle n'est pas l'unique alternative. Socrate et Platon suggèrent également la découverte de bons maîtres. Des hommes honnêtes qui ont soigné les âmes d'un grand nombre de jeunes gens. Ils doivent également être en mesure de transmettre cette façon de corriger le mal de l'âme. Quelques dialogues platoniciens traitent de cette problématique. Il suffit de nommer le Gorgias qui cherche à faire le portrait de cet être à l’enseignement presque miraculeux. Le bon maître est-il celui qui met la vertu dans les âmes ou est-il juste une personne qui sait les soigner ? L'exemple donné par Socrate est celui de Périclès. A t-il mal soigné les âmes de ses fils ou n'a t-il pas su mettre la vertu dans leurs âmes ? Pour être parfait, il faut posséder la sagesse et les opinions vraies et fermes. Mais, cette sagesse est-elle transmissible aux autres âmes? Bien que Socrate et Platon n'aient jamais véritablement dévoilé le fond de leur pensée sur cette problématique, il semble que l'éducation soit la clé à cet important débat. Il est important que la philosophie recherche les études et les exercices qui perfectionnent les âmes. La perfection humaine passe par une éducation « presque » parfaite. Or, l'une des caractéristiques premières de cette éducation est de surmonter soi-même ses propres vices. Le philosophe doit expérimenter de ce genre de combat. Plus encore, il doit s’exercer efficacement à se départir de ces maux sous la surveillance d'un bon maître. Une personne ne peut pas être totalement tempérante si elle n'a pas été aux prises avec une foule de plaisirs et de désirs qui le poussent à l'imprudence et à l'injustice. Les outils qui permettent de vaincre toutes les difficiles étapes de la vie sont la raison, le travail acharné et l'art. La tempérance cherche à établir dans l'âme l'ordre et la règle qui forment les hommes justes et tempérants. Un parallèle peut être établit entre Socrate et Aristote. Ce dernier aurait déjà dit que les trois

choses nécessaires à l'éducation des jeunes personnes sont un bon naturel, un bon enseignement et du travail. Autrement dit, l'enfant a besoin de trois choses : l'esprit, l'exercice et la discipline. Et qu'en est-il de l'éducation du philosophe?

Le but de l'éducation est clairement explicité dans les dialogues platoniciens. D'abord, elle doit former à la vertu les jeunes enfants pour qu’ils aspirent ¿,devenir des citoyens parfaits qui sauront commander et obéir à la justice. Ces citoyens bien élevés seront capables de se comporter noblement en toutes rencontres pour faire face à toutes les difficultés de la vie. Une bonne éducation sert à faire des choix irréprochables. Il faut susciter chez l'élève le désir de la vie la plus belle et la meilleure. Elle doit mener la personne à une existence heureuse. La condition première est de semer la vertu. Le bonheur exige la pratique constante de la vertu. Très tôt, il faut que l'éducateur habitue les étudiants à aimer ce qui est aimable et à haïr ce qu'il est nécessaire de détester. Il faut pénétrer les âmes pour qu'elles acquièrent la vertu. Une bonne éducation imprime dans