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CHAPITRE 7. Etude 2. Elaboration et Evaluation d’un Groupe d’habiletés sociales

2. La remédiation cognitive dans le champ des habiletés sociales

2.2. Intérêt de la dimension métacognitive auprès des adolescents avec un TSA

La pratique de la remédiation cognitive auprès des enfants et adolescents bénéficie aussi des approches métacognitives (Franck, 2012 ; Lussier, 2008,2013 ; Lussier et al., 2018), particulièrement mis en avant dans les programmes de remédiation élaborés par Lussier (2008 ; 2013). De manière générale, cette auteure (2008 ; 2013) insiste sur l’importance de la prise de conscience de son propre fonctionnement et de la pensée autoréflexive dans les apprentissages et le développement personnel. Le lien potentiel entre la théorie de l’esprit et la métacognition (Carruthers, 2009 ; Flavell et al., 2000 ; Grainger et al., 2014 ; Kuhn, 2000 ; Lai, 2011 ; Lysaker et al., 2011, 2014 ; McMahon et al., 2016 ; Nichols & Stichs, 2003 ; Proust, 2007 ; 2010 ; Sodian & Frith, 2008) amène à penser des médiations intégrant une réflexion métacognitive (cf. Section 4.1 du Chapitre 7) auprès des adolescents participant au groupe, ceci afin de favoriser leurs capacités à se représenter les états mentaux en contexte de conversation.

Dans la littérature, le terme de métacognition intègre différents concepts, mais tout de même rassemblés pour désigner les processus permettant les « pensées sur la pensée » impliquant l’autoréflexion, la conscience de nos activités cognitives et ainsi l’autorégulation (Grainger et al., 2014 ; Kuhn, 2000 ; Lai, 2011 ; Lysaker et al., 2011, 2014 ; Proust, 2007, 2010). Carruthers (2014) distingue deux conceptions métacognitives. D’un côté, l’auteur évoque la dimension exécutive de la métacognition.

Dans ce sens, les processus exécutifs produisent un raisonnement « méta » ou « au-dessus » (p. 128) permettant de contrôler nos activités cognitives. Cette forme de métacognition est aussi assimilée aux processus de régulation et de surveillance consciente de nos performances et traitement d’informations (McMahon et al., 2016). D’un autre côté, Carruthers (2014) met en exergue les processus métacognitifs dépendant des capacités métareprésentationnelles dits « auto-dirigés », proches de la notion « d’introspection » ou assimilés à une forme de théorie de l’esprit appliquée à soi-même (Carruthers, 2009, 2014).

Carruthers (2009, 2014) s’inscrit davantage dans cette vision. En effet, l’auteur considère que les processus métacognitifs correspondraient à une forme de théorie de l’esprit auto-appliquée permettant de former des croyances sur nos propres états mentaux (Carruthers, 2009 ; Gazzaniga, 2000). Ainsi, les inférences impliquées dans la représentation de l’esprit d’autrui sont aussi sollicitées pour considérer nos états internes.

Les débats concernant la nature et les composantes de la métacognition sont à l’origine de nombreuses recherches (Carruthers, 2009 ; Flavell et al., 2000 ; Grainger et al., 2014 ; Kuhn, 2000 ; Lai, 2011 ; Lysaker et al., 2011 ; 2014 ; McMahon et al., 2016 ; Proust, 2007, 2010 ; Sodian & Frith, 2008). Dans une revue de littérature, Curruthers (2009) examine les différentes modélisations du lien entre la théorie de l’esprit et la métacognition. L’auteur explique que certains auteurs argumentent en faveur de l’influence préalable de capacités métacognitives pour former des représentations sur les états mentaux d’autrui (Carruthers, 2009 ; Goldman, 2006 ;). Sous cet angle, la progression de nos capacités introspectives favoriserait le développement de nos compétences pour inférer les pensées des autres (Carruthers, 2009). A l’inverse, Carruthers (2009) examine d’autres recherches pour lesquelles la métacognition résulte de la progression de la théorie de l’esprit. Selon cette perspective, le raisonnement métareprésentationnel conditionnant nos capacités à inférer l’intention d’autrui, favoriserait également la conscientisation de nos propres états mentaux (Fliss et al., 2013).

Ainsi, Carruthers (2009, 2014) suppose des processus communs à la théorie de l’esprit et la métacognition qui résulteraient d’une interprétation inférentielle (Carruthers, 2009, 2014).

Ces deux raisonnements impliqueraient donc des capacités métareprésentationnelles.

Précédemment, nous avons examiné la manière dont ces compétences étaient déterminantes pour inférer l’état mental d’autrui. La prise de conscience de nos propres états internes ou activités cognitives nécessiterait aussi un traitement inférentiel de nos discours internes et perceptions. Proust (2010) rapproche aussi ces compétences d’auto-attribution à une forme de théorie de l’esprit dirigée vers soi permettant une auto-estimation de ces certitudes, croyances,

performances, stratégies, etc. Proust (2010) ajoute à ces processus communs la capacité à réfléchir sur sa propre perspective à partir de ses expériences pour envisager celle de l’autre, ou s’adapter plus efficacement à une situation (Lysaker et al., 2011, 2014).

Ces notions de métacognition et de théorie de l’esprit se recoupent parfois dans les travaux portant sur les populations avec un TSA et la théorie de l’esprit, tant leurs conceptions paraissent proches et étroitement liées (Carruthers, 2009, 2014 ; Grainger et al. 2014). Par exemple, Grainger et al. (2014) s’intéressent à cette thématique en évaluant les compétences métacognitives et la théorie de l’esprit chez des adultes présentant un TSA sans déficience intellectuelle. Leur méthodologie s’appuie sur trois types d’évaluations. La théorie de l’esprit est évaluée à partir de petits dessins animés faisant interagir des personnages en forme de triangles (tâche initialement élaborée par Abell et al., 2000). Durant le visionnage, il est demandé aux participants d’inférer les états mentaux des figures (intentions, désirs, émotions) en expliquant leurs interactions. Pour évaluer la métacognition, les auteurs ont utilisé la tâche de métamémoireFeeling-of-knowing experience (FOK ; Hart, 1965). Lors de la passation de ce test, les sujets sont amenés à anticiper eux-mêmes leurs compétences pour mémoriser des paires de mots. Les résultats permettent ainsi de comparer la précision des estimations des participants avec leurs réelles performances. En outre, cette étude recourt au questionnaire sur la métacognition The Meta-Cognitions Questionnaire(MCQ ; Cartwright-Hatton & Wells, 1997) Cette échelle liste des phrases auto-déclaratives du type « j’ai peu confiance en ma mémoire des mots », à la suite desquelles les participants signifient leur niveau d’adhésion sur une échelle de Likert en 4 points. Les auteurs axent leurs analyses sur deux des sous-échelles de ce questionnaire, c’est-à-dire celle de la « confiance cognitive » et celle de la « conscience de soi cognitive ».

Les résultats suggèrent une altération des capacités métareprésentationnelles chez les personnes avec un TSA à travers des performances diminuées aux tâches métacognitives Feeling-of-knowing experience (FOK ; Hart, 1965) et à la tâche de dessins animés d’Abell et al. (2000) sollicitant la théorie de l’esprit. Les personnes avec un TSA apparaissent moins précises que la population typique pour juger leurs performances. Sur le plan qualitatif, les sujets présentant un TSA réalisent autant d’erreurs de « sur » ou « sous » confiance en leurs compétences. De ce fait, Grainger et al. (2014) interprètent ces données comme un signe d’une surveillance métacognitive troublée chez les participants avec un TSA. En revanche, les résultats obtenus au questionnaire métacognitif The Meta-Cognitions Questionnaire(MCQ ; Cartwright-Hatton & Wells, 1997) révèlent des résultats supérieurs chez les personnes avec un