• Aucun résultat trouvé

Les inflexions de la Déclaration sur les relations de l’OIT avec les acteurs de la mondialisation

La mondialisation de l’économie

B. Les inflexions de la Déclaration sur les relations de l’OIT avec les acteurs de la mondialisation

La Déclaration dans sa nouvelle version est proposée comme référence pour établir des partenariats multipartites, lancer et soutenir des initia-tives de coopération internationale « en vue de remédier à bon nombre de problèmes, que ni les gouvernements, ni les entreprises, ne sont en mesure de résoudre seuls ». C’est un appel figurant dès l’introduction de la version 2017 de la Déclaration à l’hybridation des programmes et des normes, par nécessité et par réalisme12. La Déclaration de l’OIT retient sur ce point les mêmes orientations que les textes des autres organisa-tions internationales sur les entreprises transnationales, dans le sens où ils soutiennent des consultations des organisations syndicales interna-tionales pour mettre en œuvre le devoir de diligence.

Sur la place des Etats, la Déclaration dans sa nouvelle version, semble avoir renoncé à ce que les Etats du siège interviennent auprès des en-treprises multinationales qu’ils domicilient. Il en est de même des Etats d’accueil. Pour les uns et les autres, la Déclaration énonce une simple promotion de ses préceptes. La Déclaration dans sa nouvelle version aurait pu aller plus loin et aborder la question des traités bilatéraux d’investissement signés entre des Etats membres au bénéfice des en-treprises transnationales. Elle aurait pu en effet encourager ses membres à ne pas accepter d’introduire des clauses de non modification de la législation – sociale – en vigueur au moment de la signature du traité, à intégrer les principes d’obligation, à faire respecter et protéger les droits humains et réparer les atteintes aux droits de l’homme – et par-delà, à ne pas admettre de clause pouvant remettre en cause ces

12 Voir les conclusions DAUGAREILH, RSE, 15.

La mondialisation de l’économie

47

obligations internationales des Etats ainsi que les principes fixés dans la Déclaration tripartite sur l’ensemble des questions sociales qui y sont traitées.

Le Rapport de 2019 sur le dialogue social transnational fait état d’un résultat de l’assistance technique fournie par le BIT en faveur du dia-logue social transnational en application de la Déclaration tripartite. Il s’agit d’une initiative du gouvernement japonais de promouvoir l’application de la Déclaration tripartite dans le secteur vietnamien de l’électronique dominé par des entreprises transnationales japonaises et coréennes. L’initiative regroupe la Chambre de commerce et d’industrie du Vietnam, la CGT du Vietnam, le ministère du travail, les entreprises multinationales et leurs fournisseurs directs au Vietnam. Un plan d’action pour des emplois plus nombreux et de meilleure qualité a été adopté ; un groupe de travail tripartite élargi sur la promotion de pra-tiques de travail socialement responsables dans le secteur de l’électronique a été créé13. C’est une contribution au dialogue social transnational multipartite (mandant tripartite national, entreprise transnationale, gouvernement du siège et du pays d’accueil) dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Plus que la procédure d’examen des différends relatifs à l’application de la Déclaration14qui reprend l’ancienne version et qui ne doit en aucun cas entrer en conflit avec les procédures internes de l’OIT, ce sont les procédures de suivi et de promotion qui ont évolué avec la nouvelle version. Concernant la procédure de suivi, la nouvelle version compile sans discriminer dans une annexe consacrée aux outils opérationnels, des outils de promotion aux niveaux national, régional et international via des points focaux nationaux tripartites (référence est faite à la Con-vention OIT n° 144 sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales de 1976). Mais ces points focaux qui rappellent les points de contact nationaux (PCN) des Principes directeurs de l’OCDE ne sont pas obligatoires pour les Etats membres.

13 Rapport sur le dialogue social transnational, OIT, 2019, 4-15.

14 La procédure peut être ouverte par un gouvernement, une organisation syndicale nationale d’employeurs ou de travailleurs ou une organisation internationale d’employeurs ou de travail-leurs. Il revient au Conseil d’administration d’approuver la réponse à apporter qui fera l’objet d’une publication au Bulletin Officiel du BIT.

Isabelle Daugareilh

48

Un deuxième outil apparaît dans cette annexe qui rend visible une pra-tique de l’OIT, lorsqu’elle est sollicitée, de participer au dialogue social transnational, soit au moment de la signature d’un Accord Cadre Inter-national, soit à l’occasion de la mise en œuvre d’une clause d’arbitrage en vertu de laquelle elle serait l’arbitre. Le texte va plus loin en ce sens que l’OIT peut être sollicitée sur l’application des principes de la Décla-ration menée en concertation entre une entreprise transnationale et un syndicat ; elle peut l’être aussi pour offrir un « terrain neutre » pour examiner des « questions d’intérêt mutuel ». A cette fin, est établie

« une liste de facilitateurs qualifiés auxquels il apporte un appui, si né-cessaire, pour faire en sorte qu’ils s’acquittent efficacement de leurs fonctions ». En d’autres termes, le texte stipule que des experts de l’OIT peuvent contribuer à faciliter le dialogue social transnational. Comment ne pas voir dans le texte une volonté affichée d’immixtion dans la négo-ciation collective transnationale et donc de soutien à une forme d’hybridation d’un processus d’autorégulation. La promotion du dia-logue sous toutes ses formes, et notamment dans les chaînes globales de valeur, est au cœur des instruments internationaux des organisations internationales et tient une place dans la dernière version de la Déclara-tion qu’elle n’avait pas dans la précédente.

III. Une immixtion de l’OIT dans le dialogue social transnational à la rescousse des Etats membres

L’OIT, dans le cadre de son centenaire, s’est intéressée au travail décent dans les chaînes globales de valeur, considérant que le dialogue social transnational en est une condition. Elle a invité les Etats membres à favoriser ce dialogue et le BIT à le soutenir. L’OIT, tout au long de ce processus de consultation, a cherché à mettre en exergue son rôle et son apport particulier au dialogue social transnational. Ce dernier donne lieu à la production de normes généralement négociées et conclues entre une entreprise transnationale et une organisation syndicale inter-nationale. C’est donc a priori un dialogue bilatéral et non tripartite.

L’OIT pourrait s’inscrire dans une démarche de transposition du tripar-tisme sur le plan mondial. Mais telle n’est pas l’option retenue. En effet, lorsque l’OIT intervient dans des modes d’autorégulation – hors en-ceinte de l’entreprise transnationale – qui ont pour champ d’application

La mondialisation de l’économie

49

des territoires nationaux, elle s’inscrit dans des processus multilatéraux.

C’est pourquoi, on peut soutenir l’hypothèse que l’hybridation de l’autorégulation pourrait avoir pour effet de venir en soutien aux Etats et aux acteurs nationaux.

Selon le rapport de 2019 de l’OIT y relatif, le dialogue social n’est pas défini de manière universelle, il peut revêtir diverses formes et prendre diverses expressions. « Il peut avoir lieu dans le cadre d’instances ad hoc ou institutionnalisées, de mécanismes bipartites ou multipartites, ou de dispositifs publics ou privés d’autoréglementation élaborés dans le con-texte d’une dynamique d’intégration économique et d’organisation de la production au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales tou-jours plus complexes »15. Cette diversification est d’émergence récente et fait suite au drame du Rana Plaza ; elle se traduit par un éventail d’accords ayant une dimension transnationale, rassemblant des ac-cords-cadres mondiaux (ou encore appelés acac-cords-cadres internatio-naux ou accords d’entreprise transnationale), des accords bilatéraux (d’une multinationale avec le syndicat de la société mère applicables dans toute la chaîne globale de valeur)16, des accords multi-entreprises conclus avec des syndicats mondiaux applicables dans un seul pays (Ac-cord incendie et sécurité au Bangladesh), des ac(Ac-cords multi-entreprises conclus avec les syndicats mondiaux applicables dans un seul pays et dans un seul secteur (accords en vertu de la stratégie des Accords-cadres transnationaux, ACT).

Deux exemples d’intervention de l’OIT dans des formes de dialogue social transnational ont permis de replacer des Etats sur la scène mon-diale des relations professionnelles (A) avec tous les risques que cela suppose (B).

15 Rapport pour la discussion d’experts sur le dialogue social transnational – Genève – 12-15 février 2019, BIT, MECBSD/2019.

16 L’exemple de ce type d’accord est l’accord Mango, conclu en juillet 2018 entre Mango et les CCOO (Confederación Sindical de Comisiones Obreras).

Isabelle Daugareilh

50