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La discrimination antisyndicale

B. Conventions de l’OIT

Sur un plan plus concret, les normes fondamentales sur la liberté syndi-cale (liberté d’association et droit de négociation) se trouvent dans les Conventions de l’OIT n° 87 et n° 98 qui font partie des conventions ayant recueilli le plus de ratifications. Ces deux conventions se complè-tent : alors que la Convention n° 87 s’intéresse aux relations des em-ployeurs, des travailleurs et de leurs organisations avec les autorités publiques (protection de la liberté syndicale contre les ingérences de l’Etat), la seconde porte sur les relations entre les employeurs, les

tra-15 Sur la discrimination en matière d’emploi, voir DUNAND/DREYER, Protection des travailleurs, 214 ss ; LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 107 ss ; PÄRLI/BAUMGARTNER/EYLEM/ JUNGHANSS/LICCI/WESSELINA,Arbeitsrecht, N 1440-1571 ; SERVAIS, Droit international, N 377-415.

16 Voir PÄRLI/BAUMGARTNER/EYLEM/JUNGHANSS/LICCI/WESSELINA, Arbeitsrecht, NN 1948-2124.

17 RS 0.103.1. Voir KUSTER ZÜRCHER, La liberté syndicale, 70.

18 RS 0.103.2. Voir KUSTER ZÜRCHER, La liberté syndicale, 73.

19 RS 0.101. Voir GONIN, N 45 ss ad art. 11 CEDH ; MALINVERNI, La Convention européenne des droits de l’homme, 411 ; PÄRLI, Bedeutung, 435 ss.

20 RS. 101. Voir AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, N 721 ; MAHON, Droits fondamentaux, N 139 ; WITZIG, Droit du travail, N 1924-1925.

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vailleurs et leurs associations respectives (protection, principalement, de la liberté syndicale des travailleurs contre les ingérences des em-ployeurs)21.

Le Comité a précisé que le niveau de protection de l’exercice des droits syndicaux qui découle de ces deux conventions constitue un minimum qui peut évidemment être complété par des garanties supplémentaires qui sont adaptées aux ordres juridiques nationaux22. Contrairement à de nombreuses conventions de l’OIT, la Convention n° 87 et la Convention n° 98 ne sont pas accompagnées de recommandations qui en précise-raient la mise en œuvre et les obligations des Etats les ayant ratifiées23. Relevons encore que de nombreux autres instruments de l’OIT visent à promouvoir la liberté d’association et le droit de négociation collective24, telle que la Convention OIT n° 154 du 3 juin 1981 concernant la promo-tion de la négociapromo-tion collective (C 154), également ratifiée par la Suisse25.

1. Convention OIT n° 87

La Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical a été adoptée le 9 juillet 1948 et est entrée en vigueur le 4 juillet 1950. Elle a été ratifiée par 155 Etats, dont la Suisse. Approuvée par l’Assemblée fédérale le 26 novembre 1974, elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 25 mars 197626.

Souvent décrite comme la plus fondamentale des conventions de l’OIT, elle vise à transposer de manière simple le principe de la liberté d’association, inclus dans les instruments constitutionnels de l’OIT, en règle de droit applicable dans la pratique27. Son objectif principal est de protéger l’autonomie et l’indépendance des organisations de

travail-21 LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 66 ; SERVAIS, Droit international, N 256.

22 CLS, Liberté syndicale, N 56.

23 Voir LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 61.

24 Voir CIF, Droit international, 137 ss ; LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 69 ss.

25 RS 0.822.725.4.

26 RS 0.822.719.7.

27 LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 60 ss.

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leurs et d’employeurs par rapport aux pouvoirs publics, dans leur consti-tution, leur fonctionnement ou leur dissolution28.

La Convention comporte quatre parties : liberté syndicale, protection du droit syndical, mesures diverses et dispositions finales29. L’article 2 défi-nit la liberté syndicale comme le droit pour les « travailleurs et les em-ployeurs, sans distinction d’aucune sorte […] » et « sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières » (liberté syndicale individuelle).

L’article 3 de la Convention précise les conditions d’établissement des organisations, établit leur libre fonctionnement et prescrit la non-ingérence des pouvoirs étatiques (liberté syndicale collective). Enfin, tout membre de l’OIT pour lequel la Convention est en vigueur

« s’engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical » (art. 11).

2. Convention OIT n° 98

La Convention concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective a été adoptée le 1er juillet 1949 et est entrée en vigueur le 18 juillet 1951. Elle a été ratifiée par 166 Etats, dont la Suisse. Approuvée par l’Assemblée fédérale le 18 mars 1999, elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 17 août 200030.

La Convention comporte six articles substantiels31. Elle apporte essen-tiellement une protection supplémentaire aux travailleurs contre la dis-crimination antisyndicale, et aux organisations de travailleurs et

28 CEACR, Etude d’ensemble sur les conventions fondamentales, N 55.

29 Pour une description, voir DUNAND/MAHON/BOUVERAT/BRÜGGER/HASSISSENE/MADER, Représen-tants des travailleurs, N 144-147 ; LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 61 ss ; KUSTER ZÜRCHER, La liberté syndicale, 61 ss ; PÄRLI/BAUMGARTNER/EYLEM/JUNGHANSS/LICCI/WESSELINA, Arbeitsrecht, N 282-287 et N 1986-1998 ; SERVAIS, Droit international, N 257-276.

30 RS 0.822.719.9.

31 Pour une description, voir DUNAND/MAHON/BOUVERAT/BRÜGGER/HASSISSENE/MADER, Représen-tants des travailleurs, N 148-150 ; LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 65 ss ; SERVAIS, Droit international, N 277-301.

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d’employeurs à l’encontre d’une ingérence des unes vis-à-vis des autres32.

A son article premier, qui fait plus particulièrement l’objet de notre con-tribution, il est précisé que les « travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à por-ter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi » (liberté syndicale individuelle).

Selon l’article 2 paragraphe 1, les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres (liberté syndicale collec-tive). Sont notamment assimilés à des actes d’ingérence les mesures tendant à provoquer la création d’organisations de travailleurs domi-nées par un employeur ou une organisation d’employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autre-ment, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs (art. 2 § 2).

La Convention n’impose pas aux Etats une méthode déterminée pour la mise en œuvre de ses dispositions33. Elle suggère toutefois deux moyens complémentaires. Premièrement, des « organismes appropriés » doi-vent être mis en place pour assurer l’application des normes de la Con-vention (art. 3). Secondement, les Etats liés doivent prendre des me-sures appropriées pour encourager et promouvoir les négociations collectives, dont la finalité consiste à régler les conditions d’emploi (art. 4).

III. Effectivité du droit de l’OIT dans l’ordre juridique suisse

Nous avons rappelé qu’il existe de nombreuses normes qui protègent la liberté syndicale et qui prohibent toute forme de discrimination anti-syndicale. On peut légitimement se poser la question de leur effectivité dans l’ordre juridique suisse. Il convient de distinguer deux aspects

32 LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, 66.

33 YIANNOPOULOS, La protection internationale, 53.

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complémentaires, l’applicabilité des normes internationales, plus parti-culièrement du droit de l’OIT, d’une part (A), et la mise en œuvre des droits fondamentaux, d’autre part (B).