• Aucun résultat trouvé

Le concept de servitude de conservation

3.2. Ses inconvénients

Le Groupe de travail sur les aspects juridiques et fiscaux des mesures de protection de certains espaces naturels a identifié les inconvénients suivants, relatifs à la sevitude de conservation:

un environnement légal mal adapté à l'utilisation de ce moyen pour les espaces verts;

la complexité relative du concept de servitude (ex: par rapport à l'acquisition);

l'appréhension des propriétaires quant au concept et aux effets de la servitude. » 75 3.3. Ses possibilités d'application

Il y a plusieurs applications possibles pour la servitude de conservation. Elle pourra convenir à plusieurs types d'habitats tout comme à une variété d'utilisateurs. Elle pourra porter sur un fonds de terre mais aussi sur les résidences et bâtiments qui s'y élèvent.

Les quatre cas fictifs qui suivent permettent de bien illustrer l'utilité des servitudes de conservation.

75GROUPE DE TRAVAIL SUR LES ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX DES MESURES DE PROTECTION DE CERTAINS ESPACES NATURELS, op.cit., note I I, p.21.

31

Cas fictif 1

Création d'une zone tampon en bordure d'un espace naturel protégé par l'État

FAITS:

Pierre Bélanger est un agriculteur de la région de Lanoraie. Il possède une terre adjacente à l'une des réserves écologiques du ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec. Pierre a vu d'un bon oeil la création de la réserve écologique. Il sait que la conservation de cette partie de la tourbière est essentielle à la protection de certaines plantes qui s'y trouvent et au maintien de la qualité de l'eau de consommation de la région. Pierre a également conscience que l'usage agricole qu'il fait de sa terre est susceptible d'amener une dégradation de la réserve écologique. En effet, le sol est pauvre et il doit régulièrement l'amender avec des fertilisants. Il ne cultive pas l'extrémité de sa terre qui est mitoyenne avec la réserve écologique. Cette portion est trop mouillée et nécessite des travaux de drainage trop onéreux pour le bénéfice qu'il peut espérer en tirer. Pierre doit toutefois payer les taxes foncières et les assurances sur cette parcelle de sa ferme au même titre que toute autre section qu'il utilise à des fins agricoles.

ANALYSE:

1. Pierre Bélanger possède une ferme sur laquelle se trouve une parcelle impropre à la culture;

Cette parcelle est zonée agricole selon la Loi sur la protection du territoire agricole. Pierre ne peut donc la vendre sans avoir obtenu l'autorisation de la CPTAQ76. De toute façon, qui serait intéressé à acheter ce bout de terre humide?

3. Pierre demeure propriétaire de cette parcelle malgré lui.

CONCLUSION:

Pierre pourrait établir une servitude de conservation en faveur du ministère de l'Environnement et de la Faune afin de constituer une zone tampon autour de la réserve écologique.

Cette servitude de conservation serait possible sans autorisation de la CPTAQ puisqu'une exception expresse est prévue pour la création de servitude à des fins de conservation".

Pierre reste propriétaire de sa parcelle mais n'a plus à payer les taxes foncières puisqu'il est possible d'être exonéré de leur paiement78. Il en va de même pour le -paiement des primes d'assurance responsabilité puisque cette charge incombe au

bénéficiaire soit, le MEF.

76Commission de protection du territoire agricole du Québec.

Le concept de servitude de conservation

Cas fictif 2

Conservation de l'usage agricole d'un territoire et création d'un espace naturel protégé

FAITS:

Marie Lanthier possède une ferme en périphérie du Montréal métropolitain. Elle y pratique l'agriculture biologique des légumes et exploite un verger. À l'extrémité de sa terre se trouve une ancienne érablière dont certains spécimens ont environ cent ans.

Durant la belle saison, Marie vend sa récolte aux passants et les invite à aller pique-niquer dans l'érablière. Elle souhaite que les gens puissent toujours profiter de ce qu'elle considère être un « trésor naturel ». Bien que le village où se trouve Marie ait toujours eu une tradition agricole, des développements résidentiels voient le jour à un rythme effarant. Marie est fréquemment sollicitée par des entrepreneurs qui désirent lui acheter sa terre, la lotir et revendre les parcelles subdivisées. Déjà, son voisin a fait dézoner sa propriété et projette d'y construire trente maisons unifamiliales. Marie sait qu'il• s'agit du sort probable de sa ferme si elle ne fait rien pour la protéger. Elle songe à prendre sa retraite dans 10 ans et aimerait voir sa fille, Léa, assurer la relève, mais qui sait ce qu'elle fera de la propriété familiale ? Marie a confiance au groupe de conservation qui oeuvre dans sa région. Déjà certains de ses membres lui ont prodigué des conseils afin d'exercer une coupe sélective dans son érablière mature. Cette opération a eu un franc succès et a permis à plusieurs jeunes spécimens de prendre de la vigueur.

ANALYSE:

1. Marie tient à remettre à sa fille son exploitation agricole. Elle appréhende toutefois que cette dernière décide un jour de tout vendre à un promoteur;

2. Marie désire permettre l'accès public à l'érablière;

3. Marie veut maintenir la vocation agricole du site;

4. Marie ne peut pas utiliser les techniques offertes par le Code civil du Québec puisque chacune d'elles comporte un terme. Marie vise la perpétuité;

5. Elle pourrait bien utiliser la technique de la servitude réelle à condition de pouvoir satisfaire les conditions imposées par le Code civil, la doctrine et la jurisprudence.

Or, le groupe de conservation avec lequel elle veut faire affaire n'est propriétaire

(Suite)

77Selon ce qui est prévu à l'article 37 de la proposition de loi; voir aussi la section 4.3 relative aux modifications de lois connexes.

78Sous réserve de modifications au système fiscal actuel et selon ce qui est prévu-aux propositions de réforme fiscale au chapitre 6, voir le paragraphe 6.2.2.2.1.

33

d'aucun site à proximité de la terre de Marie. Il est donc impossible d'établir une servitude réelle.

CONCLUSION:

Marie devrait faire une servitude de conservation dont le bénéficiaire serait le groupe de conservation local. Cette entente spécifierait que la vocation agricole de la terre devrait être maintenue-, que seule l'agriculture biologique y serait- pratiquée, - que l'érablière serait accessible au public. Elle prévoirait aussi que Marie pourrait continuer à exploiter son commerce tout comme le feraient ses héritiers. Elle conserverait le droit exclusif d'habiter sa résidence et celui de faire ce qu'elle voudrait sur une parcelle d'un hectare.

Les avantages pour Marie de procéder ainsi sont :

• de remplir ses exigences au niveau de la conservation;

• d'obtenir de l'aide du groupe de conservation pour l'entretien du boisé;

• d'obtenir une réduction de taxes foncières puisqu'elle ne sera plus taxée sur la partie sujette à la servitude79.

(Suite)

79Sous réserve de modifications au système fiscal actuel et selon ce qui est prévu au chapitre 6, voir le paragraphe 6.2.2.2.1.

Le concept de servitude de conservation

Cas fictif 3

Création d'un espace naturel protégé en milieu urbain FAITS:

Jean Lamoureux possède depuis plus de 50 ans une résidence, à Laval, en bordure de la rivière des Mille-Iles. Jean a choisi cet emplacement en raison de la beauté des lieux et pour le contact privilégié qu'il peut avoir avec la nature. Il est également propriétaire d'un îlot sur lequel il ne peut rien construire en raison du zonage applicable. De toute façon, l'îlot est bien trop petit et souvent submergé lors des crues printanières. Jean aimerait faire bénéficier du cours d'eau et de son îlot à d'autres personnes. Il entrevoit quitter le Québec dans un avenir rapproché, puisqu'à l'âge de 80 ans, les hivers lui semblent de plus en plus rigoureux. Jean désire donner sa propriété à son fils, Antoine, mais veut également s'assurer qu'il sera toujours possible pour les randonneurs nautiques de faire une halte sur son îlot et d'y apprécier toute l'activité faunique et floristique qui s'y produit.

Il serait possible de dissocier l'îlot de la résidence située sur la terre ferme en donnant l'un à son fils et l'autre à un organisme local de conservation. Jean est toutefois mal à l'aise avec cette idée. Les deux parcelles de terre ont toujours fait partie de la famille depuis des générations et il ne veut se départir d'aucune d'elles. Il désire pouvoir revenir sur l'îlot, à l'occasion, avec le sentiment que celui-ci appartient toujours à sa famille.

ANALYSE:

I. Jean désire protéger les caractéristiques naturelles de son îlot;

2. Jean peut donner sa résidence à Antoine mais celui-ci pourrait décider un beau jour qu'il en a assez de voir des plaisanciers faire escale devant chez lui;

3. Jean ne désire pas dissocier l'îlot du reste de la propriété.

CONCLUSION:

Une servitude de conservation consentie en faveur du groupe de conservation Eco-nature permettrait à Jean de protéger son îlot à coup sûr. Il contribuerait ainsi à la création d'un réseau de randonnée nautique, a des fins de plaisance et d'éducation. De plus, son don de servitude pourrait lui donner droit à certains avantages fiscaux.

35

Cas fictif 4

protection d'un immeuble historique FAITS:

Caroline Rioux possède une très belle maison de campagne dans la région de Rigaud.

Sans être reconnue comme immeuble historique au sens de la Loi sur les biens culturels80, cette résidence présente des caractéristiques architecturales intéressantes et représentatives de l'époque de sa construction (1900). Caroline n'habite pratiquement plus cette résidence qu'elle garde uniquement pour s'assurer de sa conservation. Elle aimerait la vendre mais elle a peur que son nouveau propriétaire n'y fasse des ajouts non conformes à l'architecture du début du 20e siècle. Caroline possède également derrière cette résidence un lopin de terre où vont parfois des oiseaux rares comme des bruants sauterelles. Elle a souvent vu des ornithologues amateurs sillonner son champ, jumelles à la main. Elle sait qu'un club d'ornithologues oeuvre dans la région depuis plusieurs aimées. Caroline encourage les gens à venir chez elle pour admirer la nature puisqu'à son avis c'est une des meilleures écoles au monde.

ANALYSE:

1. Caroline entend se départir de sa résidence de Rigaud car elle devient une charge financière trop lourde (taxes foncières, chauffage, entretien, rénovation, etc.);

2 Elle veut, si possible, s'assurer du respect de l'intégrité architecturale de la maison;

3. Elle désire que les ornithologues puissent continuer à faire de l'observation d'oiseaux dans son champ.

CONCLUSION:

Caroline Rioux pourrait établir sur sa résidence une servitude de conservation pour en protéger les caractéristiques architecturales. Elle pourrait également prévoir anaccès public à son champ et destiner ce dernier à une utilisation à des fins ornithologiques tout en permettant des aménagements attrayants pour l'avifaune. Le bénéficiaire de cette servitude pourrait être le Centre canadien d'architecture en ce qui concerne la résidence et le club d'ornithologie local, en ce qui concerne le champ. Caroline serait ensuite libre de vendre sa résidence à un acquéreur qui serait alors tenu de respecter ces servitudes.

8 °Précitée, note 26.