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Généalogie du projet et de son insertion dans les activités du Service Nutrition

Le pre adolescent construit comme homo medicus par les pouvoirs publics dans le cadre de l’e ducation pour la sante

4 Le « projet alimentation », un projet d’éducation alimentaire en milieu scolaire

4.1 Généalogie du projet et de son insertion dans les activités du Service Nutrition

Le « projet alimentation » étudié dans les deux collèges de l’enquête s’inspire d’une action imaginée par le Service Nutrition d’une collectivité territoriale. Ce service a été créé autour de 1989, aux dires d’Annie Larteau173, l’actuelle chef de service que j’ai interrogée. Il

ne portait pas le même nom et était un service qui réalisait des études (quantitatives) pour d’autres services du Conseil général, par exemple des études sur les vaccinations, ou sur les CDAG (centres de dépistage du SIDA). Il était donc composé d’un statisticien, de deux médecins (dont Annie Larteau), et d’une sociologue : la chef de service. En 1994, les deux médecins passent le concours (qui vient d’ouvrir) pour être titularisées en tant que médecins territoriales, et en 1995, Louise Parre, l’autre médecin, devient chef de service. En 1998, le service se charge d’une étude sur l’état nutritionnel des collégiens et des lycéens, en répondant à un appel d’offre de l’Institut de veille sanitaire. Il s’agit donc d’une étude non commandée par un service du Conseil général. On peut supposer que c'est par envie et par choix délibéré que le service a décidé de s’atteler à cette étude, même si Annie Larteau ne le précise pas. Une fois arrivés aux résultats de l’étude, assez alarmants concernant la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les jeunes du département, la chef de service actuelle et son équipe décident d’agir : « On s’est dit, on va essayer de mettre en place des actions intéressantes en relation avec ce qu’on a mis en évidence ». Le service bascule vers la conception et la mise en œuvre de projets.

En 1999, un colloque se tient lors duquel les résultats de l’enquête sont présentés à des « acteurs locaux intéressés à mettre en place des activités, des interventions ». À la suite de ce colloque, trois groupes de réflexion sont constitués. Un premier nommé « information / formation des adolescents » ; un deuxième qui réfléchissait à une façon d’améliorer l’offre alimentaire dans les établissements ; et un troisième groupe de réflexion sur la prise en charge du surpoids. C'est le premier groupe qui a donné naissance à l’action qui nous intéresse. Ce groupe était plutôt constitué de professeurs. L’infirmière d’un des deux collèges enquêtés

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faisait partie de ce groupe de réflexion. Des réunions ont eu lieu le soir de 18h à 22h une fois par mois pendant un an. Les réflexions ont abouti à trois dispositifs qui ont été testés en 2001 puis déployés sur un plus grand nombre de collèges en 2002 et pérennisés jusqu’à aujourd’hui. Il y a donc un dispositif « Éducation des adolescents à la consommation », un dispositif « l’offre alimentaire au collège » qui donne lieu à des distributions de fruits trois semaines dans l’année, et un dispositif « Prendre en charge les élèves en surpoids » qui consiste en des ateliers en petit groupe avec des professionnels de santé.

Pour reprendre le fil de l’histoire du service Nutrition, le statisticien est parti assez vite, en 1995 à peu près. Deux personnes ont été engagées en 2000 exclusivement pour les études, elles sont parties en 2007. Elles travaillaient pour les autres services sur les CDAG par exemple. Une ingénieure agronome est recrutée en 2005 puis deux infirmières sont engagées en 2007 et viennent renforcer l’équipe sur le plan humain, qui à partir de ce moment-là, ne prend plus en charge aucune étude commandée par d’autres services. Les seules études réalisées concernent les actions du Service, comme une étude sur les ateliers de prise en charge des élèves en surpoids.

Le fait que ce Conseil général soit impliqué dans la promotion et l’éducation alimentaire est assez hors du commun dans le paysage français. D’autant plus qu’à l’origine, en 2001, lors de la première mise en place des trois dispositifs, le programme était appelé « département174 site pilote ». Annie Larteau en est bien consciente: « Les politiques sont des politiques de gauche. Pour eux… Faire des actions à destination de la population, en plus des plus démunis ça a toujours été leur idée. On est quand même au niveau du Conseil général, je vais pas faire l’apologie de… de ma collectivité mais… En 1990, donc pour dire que le Conseil général était toujours déjà… Enfin était déjà à vouloir faire des choses qui sortent de l’ordinaire. Ça a été le premier à lancer le livre de naissance. C'est-à-dire que chaque enfant né sur une année dont les parents ont élu domicile sur le département reçoit un livre. »

Le dispositif « Éducation des adolescents à la consommation » a donc été imaginé par un groupe de réflexion. Le MIN (Marché d’Intérêt National) de Rungis, la DGCCRF (direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), le musée de la Publicité et un laboratoire d’analyse sensorielle ont participé à la conception de cette action. Chaque partenariat a donné lieu à l’élaboration d’un livret associé à un thème. Par exemple le livret sur la lecture des étiquettes a été réalisé en grande partie par la DGCCRF et

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la SEMMARIS (société gestionnaire du marché de Rungis). Ces livrets sont des bases sur lesquelles peuvent s’appuyer des professeurs volontaires pour réaliser des séances dans leur classe.

Le dispositif « l’offre alimentaire au collège » est bien davantage implanté dans les collèges du département que le dispositif « Éducation des adolescents à la consommation » qui nous intéresse. En effet, dans le premier, les fruits sont remboursés à 80% pendant les trois semaines réservées à cette action dans l’année. Le problème est que souvent, les collèges ne mènent aucune action pédagogique associée à cette distribution de fruits, « c’est un fruit qui est sympa qu’on met sur le plateau sans plus ». Ce dispositif a été repris par un autre service du Conseil général, faute de moyens humains dans le Service Nutrition qui perd peu à peu du personnel (notamment avec le départ de la chef de service, Louise Parre, en 2010). Avant sa reprise par le service de restauration scolaire, des efforts pédagogiques étaient faits par le Service Nutrition, avec la réalisation d’affiches, différentes chaque année sur la promotion des fruits. Le service actuel ne prend pas le temps de travailler cet aspect pédagogique et c'est donc au bon vouloir des établissements de mettre en place des activités autour de la distribution des fruits. Nous verrons que la situation est très différente dans les deux collèges enquêtés, qui participent tous les deux à ce dispositif.

Pour le dispositif qui nous intéresse, une implication des professeurs est nécessaire, puisque les livrets sont uniquement une aide à la réalisation des séances, qui doivent être conduites par les enseignants eux-mêmes. Ainsi, le dispositif est beaucoup moins implanté dans les collèges que celui sur « l’offre alimentaire au collège ». Pour choisir des collèges où aller enquêter, j’ai téléphoné à des personnes relais que m’avait indiqués la chef du Service Nutrition175. Elle m’avait donné une liste de collèges réalisant l’action. En téléphonant à chaque personne, je me suis vite rendue compte que la plupart des collèges censés réaliser l’action, la réalisaient soit très partiellement, soit sans suivre les livrets, soit pas du tout. Donc en réalité, les collèges qui mettent en place l’action se comptent sur les doigts d’une main. Annie Larteau l’explique ainsi : « Un prof avec le discours ambiant en ce moment que la pédagogie ils ont du mal, qu’ils ont du mal à finir leur programme, qu’ils sont toujours sur le qui-vive nanana donc… Y a quelques professeurs qui gardent, parce que pour eux… EduConso176 c’est quelque chose de sympa parce que ça permet une ouverture, autre que sur

175 De bonnes relations avec la chef du service Nutrition ont été entretenues du fait de la réalisation d’un stage l’année précédente dans ce service pour la fin de mes études d’ingénieur agronome (voir chapitre 3).

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EduConso est le raccourci utilisé par les membres du Service Nutrition pour parler du dispositif « Éducation des adolescents à la consommation ».

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l’établissement et que l’éducation nationale, et donc certains gardent EduConso». Les difficultés s’agrandissent encore puisque la personne qui s’occupait d’entretenir et d’étendre le réseau des enseignants ou autres personnes intéressés est partie en congé parental pour 3 ans : « je pense que EduConso va péricliter parce que y aura personne pour l’animer ». Il y a aussi une raison politique derrière : « Moi par rapport à ma directrice générale adjointe, ma DGA, j’ai plus de facilité à vendre la prise en charge des adolescents en surpoids que EduConso. Parce que EduConso pour eux c’est ce que fait le PNNS, pourquoi est-ce qu’un Conseil général ferait en plus ? Voilà. Donc même si les politiques acceptent qu’on continue, y a plus de budget pour la prise en charge du surpoids que pour EduConso, ça c’était évident, voilà. Et notre DGA est vraiment santé plutôt que… Prévention, pédagogie quoi. Ça c’est… ». L’ancienne directrice de la PMI avait un discours très dubitatif à propos de l’intérêt du dispositif (Annie Larteau rapporte ses propos) : « Je comprends pas là, pourquoi vous avez besoin de faire des outils pédagogiques, y en a plein ! Sur internet y en a plein ! Y a plein d’organismes, y a l’INPES, y a le CRIBS, y a plein de… Ca sert à quoi de faire ? Vous avez déjà des trucs qui sont tout faits ! Il suffit d’aller les prendre et puis c’est tout ! ».

Le dispositif « Éducation des adolescents à la consommation », bien qu’en perte de vitesse, est encore réalisé de façon approfondie dans certains collèges, c'est le cas d’un des deux collèges enquêtés. Il s’agit d’un programme d’éducation alimentaire, donc d’éducation à la santé, qui s’appuie sur certains de ses nouveaux principes et modèles.

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