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Des populations d’élèves aux origines socioéconomiques contrastées

différents d’un point de vue socioéconomique

4.1 Des populations d’élèves aux origines socioéconomiques contrastées

Au regard des statistiques disponibles pour les deux collèges, on observe de fortes différences concernant les origines sociales des élèves. Les élèves sont répartis en quatre catégories67 par le Ministère de l’Éducation Nationale.

66 Source : INSEE. 67

Les quatre catégories sont issues de la nomenclature des Professions et Catégories Sociales de l’INSEE. Favorisée A (FA) : Chefs d’entreprise de dix salariés ou plus, professions libérales, cadres de la fonction publique, professeurs et assimilés, professions de l’information, des arts et du spectacle, cadres administratifs et commerciaux d’entreprise, ingénieurs, cadres techniques d’entreprise, instituteurs et assimilés.

Favorisée B (FB) : Professions intermédiaires de la santé et du travail social, clergé ou religieux, professions intermédiaires administratives de la fonction publique, professions intermédiaires administratives du commerce ou des entreprises, technicien, contremaîtres ou agents de maîtrise, retraités cadres ou professions intermédiaires. Moyenne (MY) : Agriculteurs exploitants, artisans, commerçants et assimilés, employés civils ou agents de service de la fonction publique, policiers et militaires, employés administratifs d’entreprise, employés de commerce, personnels de service direct aux particuliers, retraités agriculteurs exploitants, retraités artisans ou commerçants ou chefs d’entreprise.

Défavorisée (DF) : Ouvriers qualifiés, ouvriers non qualifiés, ouvriers agricoles, retraités employés et ouvriers, chômeurs n’ayant jamais travaillé, personnes sans activité professionnelle.

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Collège % PCS FA % PCS FB % PCS MY % PCS DF Réussite BV

Malraux 7,7 7,5 29,5 55,3 75%

Renoir 49,7 9,5 28,5 12,1 90%

Tableau 2 : Répartition sociale des élèves des deux collèges (Source : IPES)

Le collège Malraux accueille une population majoritairement défavorisée et « moyenne » (pour reprendre les termes de l’IPES), alors que le collège Renoir accueille une population favorisée, même si une partie des élèves provient de milieux défavorisés ou moyens, du fait de la proximité de la cité HLM.

Le collège Malraux est un collège classé « sensible » (catégorie créée en 1992 par Jack Lang), « c'est-à-dire concentrant des problèmes d’indiscipline et de violence et pouvant à ce

titre bénéficier d’un plus grand nombre de personnels d’éducation (conseillers d’éducation, surveillants, aides éducateurs)68 » et « en zone de prévention contre la violence » (catégorie créée en 1997 par Claude Allègre). Ce deuxième qualificatif est utilisé pour des établissements qui font un travail de prévention et d’éducation en partenariat avec des acteurs locaux. Avec ces deux catégorisations, le collège bénéficie d’aides de l’État supplémentaires : les effectifs dans les classes sont moins importants (25 élèves par classe) que dans un collège « classique », une infirmière est présente à plein temps, les surveillants sont plus nombreux, deux CPE se relaient ou travaillent de concert selon les jours, une marge horaire supplémentaire de 30h est allouée « lui permettant de mettre en place les dispositifs

pédagogiques qu’il juge utiles pour la réussite des élèves69

».

Ce collège n’est pas en « zone d’éducation prioritaire » (catégorie créée en 1981 par Alain Savary), échelon du dessus, qui permet de bénéficier d’aides financières plus importantes. Cette catégorie est remplacée progressivement depuis la rentrée 2012 par le programme des écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite (Éclair), programme mis en place du fait de la non-efficacité des ZEP révélée par plusieurs études. « La politique

d’éducation prioritaire avait pour but de corriger les effets des inégalités sociales et

68 Agnès Van Zanten, L'école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue, Paris, Presses Universitaires de France, 2012 (2001), p. 81.

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économiques sur la réussite scolaire en visant les territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés. Toutes les études nous montrent aujourd’hui qu’elle ne joue plus son rôle70. » Certains des collèges en ZEP font également partie de réseaux « ambition-réussite », créés en 2006, pour ceux qui connaissent les difficultés les plus grandes. Les personnels et parents de Malraux ont écrit une lettre ouverte au Ministre de l’Éducation Nationale en 2011 pour demander entre autres « un abondement de 13 heures poste71 » pour le maintien d’un projet « d’intervention dans les classes difficiles », le projet « Phare » dont il sera question plus loin. Les aides apportées par l’État apparaissent donc comme insuffisantes aux yeux des personnels et des parents d’élèves.

Le collège Malraux est un collège en difficulté, très fortement ségrégué, à la fois ethniquement et socialement72. Le contexte éducatif dans lequel sont placés les élèves de ce collège n’est donc pas favorable à leur réussite, à la fois du fait de l’ « effet établissement73

» et du « school mix effect » ou « effet public » évoqué par Agnès Van Zanten74. En effet, le groupe de pairs est central dans la construction des pratiques sociales des élèves : « le peer-

group devient l’étalon de toutes choses, son rôle normalisateur s’observe tant dans les manières d’être que dans les modes vestimentaires et les goûts culturels propres aux plus jeunes75 ». Le groupe de pairs influence chaque élève dans son comportement envers l’école et le rejet de celle-ci est valorisé dans les collèges où les jeunes de banlieues sont concentrés. Comme Paul Willis l’a montré chez les ouvriers en Angleterre, la « culture anti-école » des « gars » leur permet de trouver leur place dans le groupe, contrairement aux « fayots76 ». Les élèves se construisent une identité sociale à l’école, elle n’est plus fournie par la socialisation primaire, mais par une socialisation horizontale. Ainsi, dans un collège comme Malraux, dans lequel la population dominante est d’origine sociale très défavorisée et majoritairement issue

70 http://www.education.gouv.fr/cid61272/annee-scolaire-2012-2013-dossier-de-rentree.html#24 71

Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale, 16 juin 2011.

72 Cf Anne Barrère et Danilo Martuccelli, « L'école à l'épreuve de l'ethnicité », Les Annales de La Recherche

Urbaine, N° 75, Mars 1996, Georges Felouzis et Joëlle Perroton, « Grandir entre pairs à l'école. Ségrégation

ethnique et reproduction sociale dans le système éducatif français », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 2009/5, N° 180, 2009.

73 Marie Duru-Bellat, Les inégalités sociales à l'école. Genèse et mythes, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 99. Cette sociologue montre que selon l’établissement dans lequel se trouvent les élèves, leurs chances de réussite ne sont pas les mêmes à niveau égal. « La reproduction sociale devient ainsi à la fois plus ouverte et

plus dépendante de la capacité de choix de l’établissement » (Felouzis, Perroton, 2009, p. 100).

74

Agnès Van Zanten, « Le choix des autres. Jugements, stratégies et ségrégations scolaires », Actes de la

recherche en sciences sociales, vol. 2009/5, N° 180, 2009b, p. 26.

75 Georges Felouzis et Joëlle Perroton, « Grandir entre pairs à l'école. Ségrégation ethnique et reproduction sociale dans le système éducatif français », op. cit., p. 98.

165 de l’immigration, la « culture de banlieue77

» est valorisée. On peut également parler avec Lepoutre de « culture des rues78 ». Les élèves ne respectant pas les codes de cette culture des rues sont désignés par les autres comme des « bouffons », ce sont souvent les bons élèves : « le terme " bouffon " indique d’ailleurs bien la caractérisation négative et le mépris

systématique dont ils font l’objet79

».

Le collège Renoir accueille une population sensiblement différente de celle du collège Malraux, comme on peut le voir du point de vue des PCS de la personne responsable de l’enfant. Il y a tout de même une petite minorité d’élèves qui sont issus de l’immigration et qui proviennent d’un milieu beaucoup plus défavorisé. Ainsi, à Renoir, coexistent des élèves issus des classes moyennes voire supérieures, et des élèves de milieux populaires. Ce collège est donc mixte socialement, et il est intéressant d’observer quelle culture domine (la culture légitime ou bien la culture des rues). Les deux cultures sont alternativement valorisées, selon les contextes et également selon les élèves : la situation est plus complexe qu’à Malraux.

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