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Le fonctionnement des Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté et la place des maîtres spécialisés

A – Le Réseau d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté (RASED)

1. Le fonctionnement des Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté et la place des maîtres spécialisés

Les RASED ont été créés par la circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990, il s’agit en fait d’une réorganisation des dispositifs déjà existants : les Groupes d’Aide Psychopédagogique (GAPP) créés en 1970. Les RASED sont composés de Psychologues scolaires, de Professeurs des écoles – maîtres E – chargés d’aides spécialisées à dominante éducative, qui s’attachent à aider les élèves qui manifestent des difficultés à comprendre et à apprendre, alors même que leurs capacités de travail mental sont satisfaisantes ; le RASED est aussi composé, mais ce n’est pas toujours le cas, de Professeurs des écoles chargés d’aides spécialisées à dominante rééducative , les « maîtres G », dont le travail consiste à faire évoluer les rapports de l’enfant aux exigences scolaires, restaurer l’investissement scolaire ou aider à son investissement.

C’est le maître de la classe dans laquelle est scolarisé l’élève en difficulté qui fait une demande d’aide auprès du RASED. En principe, les RASED contribuent à assurer une aide complémentaire pour accroître les possibilités des équipes

1 Viviane Isambert-Jamati, « Quelques rappels de l’émergence de l’échec scolaire comme “problème

social” dans les milieux pédagogiques français », in Eric Plaisance (Coord.), L’échec Scolaire…,, op. cit., pp. 155-163.

pédagogiques des écoles primaires à prévenir les difficultés préjudiciables à la progression dans le cursus scolaire.

Cependant la place des maîtres des RASED ne semble pas être acquise dans les écoles primaires et est à construire au quotidien, ce qui n’est pas sans influence sur l’accompagnement des élèves : « Une des grandes faiblesses du Réseau (RASED), c’est de ne pas savoir s’imposer suffisamment vis-à-vis des instits. De ne

pas leur dire en début d’année : soit vous considérez que le travail en Réseau c’est utile et vous faites appel à nous. Si vous faites appel à nous, vous essayez de faire l’effort de nous intégrer dans votre emploi du temps, soit effectivement vous n’en avez rien à faire, pour vous la piscine ou l’intervention de “monde et nature” c’est plus important que le Réseau. Il ne faut pas se leurrer, c’est exactement ce qui se passe. C'est-à-dire que l’on est moins important qu’une séance de sport, de musique et je ne sais quoi. Et encore, la piscine j’ai toujours respecté, c’est super la piscine […]. Les instits ne nous aident absolument pas. Parce que cela vient de la mauvaise presse du Réseau. Parce que souvent les Réseaux ont mauvaise presse […]. Ils ne nous prennent pas au sérieux » (Sophie, maîtresse E exerçant en RASED depuis huit

ans).

C’est en ce sens que Bernard Gossot dit que « les faiblesses, les négligences,

voire les résistances, relevées dans la mise en œuvre des actions [éducatives] risquent, si elles ne sont pas corrigées, de jeter le discrédit sur les réseaux et leurs acteurs. […]. Les réseaux d’aides spécialisés auront un avenir assuré si les différents responsables du système éducatif, les personnels spécialisés et les enseignants, savent œuvrer pour une participation effective du dispositif d’aides à la réalisation des missions de l’école »1.

Pour Cathy « maîtresse E » depuis quinze ans, mais qui a « pris congé du

Réseau » : « Le travail en Réseau est intéressant quand tout le monde s’accorde et joue le jeu. Quand il y a continuité entre ce que fait le maître E et l’enseignant de la

1 Bernard Gossot (rapporteur), « Les Réseaux d’Aides Spécialisées aux élèves en difficulté : examen de

classe. Tout le problème est là. […]. Quand il n’y pas continuité, le travail n’est pas efficace et puis comment les enfants s’y retrouvent ? »

Ainsi, les maîtres spécialisés sont conduits à se confronter au quotidien à leurs propres difficultés à se faire reconnaître comme acteurs essentiels dans le processus d’accompagnement des élèves en « grandes difficultés scolaires ». De manière sous-jacente, l’absence de reconnaissance des maîtres spécialisés révèle que la question de la difficulté scolaire n’est pas une question centrale dans certaines écoles primaires et in fine peut se produire une fragilisation des maîtres et une incohérence des actions à conduire1. Ce n’est pas un hasard si Cathy a quitté le Réseau et si Sophie, dont les propos sont particulièrement éclairants, « souhaite » le faire : « Dans la tête de l’instit, le Réseau est là pour le soulager. […]. On est là

pour les soulager. C'est-à-dire que les gamins qui sont signalés, c’est quand même des gamins qui sont un petit peu ravageurs, c’est quand même des gamins qui sont difficiles à tenir dans une classe, quand on les sort de la classe ça soulage pas mal les instits. […]. Il se trouve aussi qu’il y a une dérive, il y a une dérive actuelle du réseau […]. On répond en premier lieu au souhait de l’enseignant, on oublie notre boulot de maître E, on ne fait plus de la remédiation on fait du soutien […]. Si tu veux on ne fait pas du travail de remédiation. C'est-à-dire travailler, faire du soutien scolaire, c’est faire la même chose que ce qu’il [l’élève] fait dans la classe, c’est le renvoyer à ses propres difficultés scolaires » (Sophie).

Dès lors, non seulement Cathy et Sophie nous éclairent sur les difficultés que les membres du RASED ont à se faire une place au quotidien dans les équipes pédagogiques des écoles primaires, mais elles nous renseignent aussi sur ce qui se joue pour les élèves. Pour mieux comprendre, nous allons compléter les propos de Sophie par ceux d’une conseillère pédagogique chargée du suivi de RASED dans sa circonscription et qui au quotidien est en contact avec des nombreux enseignants et écoles.

1

Elisabeth Bautier, « Les dispositifs pour les élèves en difficultés. Quels élèves, quelles difficultés, quelle aide ? » in : Les pratiques de la classe en « milieux difficiles », Recherche et formation pour les

2.

Des « difficultés scolaires » à l’école primaire aux aides

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