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2.2 Travaux antérieurs de reconstitution d’historiques de crues

2.3.1 L’intérêt limité des archives de la presse locale

2.3.1.3 Exhaustivité géographique de l’information recueillie

Afin d’évaluer l’exhaustivité géographique des informations fournies par la presse, la “car- tographie” des crues a été retracée à partir des informations données par différents journaux. L’ensemble des bassins versants dans lesquels, d’après la presse, une crue importante a eu lieu, ont été recensés. La notion de crue importante étant relativement floue, nous avons considéré que toute crue ayant donné lieu à un débordement en lit majeur, ou ayant occasionné des dégâts significatifs, devait être retenue. Lors de la consultation de la presse toutes les informations reflé- tant le débordement des cours d’eau ont donc été recherchées et collectées : dégâts aux cultures, aux routes, aux ouvrages, voies de communication coupées, villes ou villages inondés, etc.. Lors- qu’une de ces informations a été trouvée, le cours d’eau correspondant a été répertorié comme ayant subi une crue importante.

Les cartes des bassins versants cités par la presse sont représentées, pour chaque événement étudiés, sur les figures 2.5 à 2.10.

Ces différentes figures illustrent la grande disparité entre les informations fournies, d’un journal à l’autre. Ainsi par exemple, pour la crue de 1891, l’Indépendant des Pyrénées Orientales ne cite que quatre bassins touchés alors que Le Courrier de l’Aude permet d’en recenser 12. Des différences importantes dans le nombre de bassins cités se retrouvent également pour les crues de 1874, et 1962. D’une façon plus générale on peut remarquer que jamais, pour les six crues étudiées, il n’y a une bonne correspondance entre les informations données par les différents journaux.

De plus, aucun journal ne se démarque réellement par la qualité et l’exhaustivité des informa- tions qu’il retranscrit. Ainsi, le Courrier de l’Aude qui semble traiter de façon assez complète les crues de 1875, 1891 et 1929, donne une information beaucoup plus partielle en 1874 et en 1921.

Enfin, même dans les cas ponctuels où un journal se distingue par la quantité d’informations données et le nombre important de bassins versants cités, il est loin d’être acquis que cette infor- mation soit exhaustive. A plusieurs reprises en effet, les cartes tracées font apparaître des secteurs non cités, situés géographiquement entre plusieurs bassins ayant connu des crues importantes. C’est le cas par exemple de l’Ognon en 1891 (figure 2.7), 1921 (figure 2.8), et 1962 (figure 2.10) ;

Fig. 2.5 – Carte des affluents cités par la presse suite à la crue du 23/09/1874

Fig. 2.7 – Carte des affluents cités par la presse suite à la crue du 25/10/1891

Fig. 2.9 – Carte des affluents cités par la presse suite à la crue du 13/09/1929

de la Clamoux en 1921 (figure 2.8) ; du ruisseau de Realses (affluent de la Salz) et du Haut-bassin de l’Orbieu en 1891 (figure 2.7).

Finalement, aucun des journaux consultés ne semble offrir une couverture régionale complète, et même la consultation de plusieurs journaux n’est manifestement pas suffisante pour com- bler les lacunes existantes. Quelques éléments d’explication à cette couverture très aléatoire des événements de crue peuvent d’ailleurs être avancés :

a Une disponibilité inégale de l’information

Jusqu’en 1940, et tout particulièrement avant la première guerre mondiale, l’information retranscrite dans les journaux est souvent due à des témoignages de particuliers ou d’élus, qui ont fait l’effort de signaler les événements aux journaux et d’en fournir la description. La disponibilité de l’information est donc très liée à la présence et à la bonne volonté d’observateurs locaux. Ces observateurs isolés peuvent suivant les cas et les lieux communiquer de façon plus ou moins détaillée sur les événements de crue. De plus, de tels témoignages ne peuvent raisonnablement être obtenus que dans des secteurs présentant une certaine densité de population. A ce titre, on peut remarquer que les quelques bassins versants choisis qui étaient uniquement barrés dans leur partie aval par un itinéraire routier (sans village à proximité du cours d’eau), ont été très peu, voire pas du tout cités (cf. figure 2.11).

Dans les cas où une couverture géographique assez complète a été obtenue (La Fraternité en 1874, le Courrier de l’Aude en 1891, La Dépêche du Midi en 1962), il est probable que l’information correspondante ait été fournie au moins en partie par la Préfecture, ce qui constitue une exception. En effet, en particulier en 1874 et 1891, les journaux fournissent, commune par commune, le détail des dégâts occasionnés (qui sont même chiffrés en 1874). Les documents retrouvés aux archives départementales, dans la série M, montrent que ce recensement des dégâts était réalisé par la Préfecture. Dans le cas de la crue de 1962, les sources d’information sont manifestement plus nombreuses, et probablement liées à la présence sur place de correspondants locaux.

b Une information autant liée aux enjeux locaux qu’à l’importance même des crues

Il est évident qu’étant donné le format réduit des journaux (2 à 4 pages maximum jusqu’en 1940), et la place limitée réservée aux informations régionales, cette information se limitait de fait aux dégâts les plus marquants occasionnés par les crues. Ces dégâts se produisaient dans les secteurs à forts enjeux (par exemple les vignobles, les villes importantes), souvent situés dans la plaine même de l’Aude ou à l’aval de ses affluents. De fait, l’information retranscrite par les journaux semble souvent plus liée à la vulnérabilité des secteurs cités qu’à la violence de la crue qu’ils ont connu. Cette information se limite souvent au secteur aval des affluents et ne permet donc pas toujours de remonter aux bassins amont qui nous intéressent ici.

De nombreux exemples illustrent bien le lien entre les enjeux locaux et l’information donnée par les journaux, et les difficultés inhérentes à ce lien. En 1875 l’Union de l’Aude et le Courrier de Narbonne décrivent des dégâts causés à Sigean par la Berre, où 2/3 des récoltes auraient été perdues. Cette information, localisée à l’extrême aval du cours d’eau, n’est pas suffisante pour caractériser la crue des deux bassins versants étudiés, qui sont situés beaucoup plus en amont (le Barrou et la Berre amont). En 1891, le Courrier de l’Aude décrit des dégâts très importants à Lagrasse, commune située à la confluence de l’Orbieu et de son affluent l’Alsou, où la caserne de gendarmerie ainsi que plusieurs maisons ont été démolies. Là encore il n’est pas possible de dire si ces dégâts sont dus à l’Alsou, à l’Orbieu, et dans ce dernier cas quels seraient les bassins versants amont concernés (Madourneille, Orbieu amont, ruisseau du Sou, Libre). Toujours en 1891, l’Indépendant des Pyrénées Orientales indique que le village de Couiza est “à moitié écroulé”, sans qu’il soit possible de dire quel cours d’eau, de l’Aude ou de la Salz (ou les deux), est à l’origine de ces dégâts. Des difficultés similaires sont rencontrées dans le cas des crues de 1921 et 1929. En 1921 le débordement de l’Orbieu est signalé, dans sa partie aval uniquement. En 1929 le Courrier de Narbonne décrit une trombe d’eau qui s’est abattue sur la région située entre Lézignan et Carcassonne, transformant “les nombreux petits cours d’eau qui se jettent dans l’Aude ou ses affluents en torrents tumultueux emportant tout sur leur passage”, mais aucune indication complémentaire n’est donnée.

c Synthèse sur les imperfections de la couverture géographique fournie par la presse

Pour donner une vision synthétique des imperfections de la couverture des événements de crue par la presse, la figure 2.11 présente, pour chacun des bassins étudiés, le nombre de crues (sur les 6 étudiées) pour lesquelles ces bassins ont été cités par un ou plusieurs journaux. On remarque très bien sur cette figure, notamment dans le secteur Minervois-Montagne Noire, que des bassins versants pourtant très proches ont été cités de façon très différente. L’Ognon par exemple, n’est cité que deux fois alors que l’Argent Double et la Cesse, situés à proximité (cf. figure 2.3 pour la localisation de ces bassins), le sont respectivement cinq et six fois. De la même façon le Ruisseau de Naval est beaucoup moins cité que l’Argent Double ou l’Orbiel pourtant là encore situés à proximité. Les affluents amont de l’Orbieu sont très peu cités alors qu’il est certain que l’Orbieu est concerné par un nombre important des crues étudiées.

2.3.1.4 Possibilités d’exploitation de l’information pour une reconstitution de débit