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2.2 Travaux antérieurs de reconstitution d’historiques de crues

2.3.3 Les archives départementales de l’Aude

Comme nous l’avons déjà vu les archives départementales de l’Aude, basées à Carcassonne, ont produit la grande majorité des cotes présentes dans l’Etat Général des Sources (419 cotes sur un total de 652). Ces cotes se sont avérées déterminantes pour la reconstitution des crues très anciennes, tout particulièrement celles ayant eu lieu au XIXeme siècle.

Le cadre de classement de ce fonds, commun au niveau national, se présente sous forme de sé- ries thématiques. Les séries pouvant présenter un intérêt pour l’étude des crues ont, comme nous l’avons déjà vu, été mises en évidence lors des travaux antérieurs : S (travaux publics), O (ad- ministration communale), M (administration générale et économie), W (versements postérieurs à 1940).

2.3.3.1 Les séries S et Sw

La série S regroupe l’ensemble des fonds relatifs aux travaux publics. La grande majorité des documents qu’elle renferme provient des services des Ponts et Chaussées, une partie également des services de l’Agriculture, des Eaux et Forêts. Aux archives départementales de l’Aude, la série Sw, pour sa part, contient des documents similaires, mais dont le versement aux archives départementales est postérieur à 1940 (ces mêmes documents se retrouvent parfois, dans d’autres départements, dans la série W).

a Archives du service hydraulique des Ponts et Chaussées

Ce service, créé dans l’Aude peu avant 18504, en complément du service ordinaire des Ponts et Chaussées, était en charge de la gestion des cours d’eau ainsi que des voies navigables. Aux archives départementales de l’Aude, les cotes correspondantes sont pour l’essentiel classées en distinguant les “canaux et rivières navigables” des “cours d’eau et rivières non navigables”.

Sur les quatre petits cours d’eau (non navigables) qui nous intéressent, le service hydrau- lique des Ponts et Chaussées a eu pour mission essentielle d’assurer la Police de l’Eau, mission qui revêtait une importance toute particulière à une époque où les cours d’eau étaient très utili- sés, pour l’irrigation des terres, mais également pour entraîner les nombreux moulins et usines. Jusqu’à la mise en place de l’électrification (début du XXemesiècle), ces différentes activités uti- lisant les cours d’eau se gênaient parfois mutuellement, rendant nécessaire le rôle d’arbitrage et de contrôle joué par l’administration, comme en témoignent les nombreux dossiers traités relatifs à des plaintes de particuliers. Dans le département de l’Aude, la gestion par l’administration de l’utilisation des cours d’eau s’est nettement renforcée dès la mi-XIXeme, probablement en liaison avec la création du service hydraulique des Ponts et Chaussées. On retrouve ainsi dans la série S, l’ensemble des dossiers de régularisation des barrages existants, puis d’autorisation concernant les

4la mise en place officielle des services hydrauliques des Ponts et Chaussées date de 1848 au niveau national.

nouveaux barrages établis sur les cours d’eau. Les premiers de ces dossiers datent de la première moitié du XIXeme siècle mais leur nombre augmente très fortement après 1850. Ces dossiers sont généralement classés sous l’appellation “Usines et moulins”, ou “Cours d’eau et usines”, et présentent l’énorme avantage d’avoir été classés par cours d’eau. Ils contiennent presque systéma- tiquement, pour chaque ouvrage traité, des plans détaillés permettant de connaître, localement, la section du cours d’eau ainsi que son profil en long. Ces plans, d’une qualité remarquable, sont dans un premier temps établis en cotes relatives (jusqu’à la fin du XIXeme siècle), ce qui ne permet pas de faire le lien entre des plans établis successivement dans le temps. Toutefois, dans le cas de l’Orbiel, un règlement général du cours d’eau a été mis en place dès 1850, et intègre le profil en long de tout le cours d’eau ainsi que la description (avec profils en travers) de l’ensemble des ouvrages existants. Ce document ne comporte malheureusement pas de cotes de crues histo- riques. Outre les autorisation relatives aux barrages, on retrouve également dans les dossiers de la Police de l’Eau, l’ensemble des autorisations relatives à des aménagements effectués par des particuliers sur les cours d’eau : renforcement et protection des rives, établissement des ponts et passerelles pour accès à des propriétés riveraines. Ces dossiers figurent dans les inventaires sous l’appellation “Police de l’Eau - réglementation des cours d’eau”. Là encore chaque dossier traité renferme généralement des plans, avec, dans le cas des passerelles et ponts, des cotes de crues servant à la justification de la section donnée à l’ouvrage. Ces cotes sont le plus souvent données sans date précise, avec la mention “cote des plus hautes eaux”, ou “cote des grandes eaux extraordinaires”. Il arrive tout de même que la date de la crue soit indiquée : ces documents deviennent alors particulièrement précieux puisque ils permettent à eux seuls d’estimer le débit de pointe de la crue concernée. Quelques exemples de plans issus de la série S sont présentés sur la figure 2.13.

Le service hydraulique des Ponts et Chaussées a également joué un rôle important dans tous les projets d’ouvrages d’art franchissant les cours d’eau (Ponts de chemin de fer, voirie vicinale et départementale). Il émettait systématiquement un avis sur la section à donner aux ouvrages (le “débouché linéaire”, i.e. la largeur de la section, et le “débouché superficiel”, i.e. la surface de la section), avis souvent étayé par les cotes atteintes par les crues historiques. Ces documents ne sont malheureusement pas regroupés au sein de cotes uniques, et sont généralement annexés aux dossiers relatifs à la construction de chaque ouvrage, dans les cotes issues du service ordinaire des Ponts et Chaussées ou du Service Vicinal, ce qui rend leur recherche plus laborieuse. Il existe une exception toutefois : les avis relatifs à la construction de certaines lignes de chemin de fer, qui ont été regroupés au sein de quelques cotes précises sous la dénomination “Service hydraulique - Ouvrages d’Art généralités”.

b Archives du service ordinaire des Ponts et Chaussées

La série S contient également les dossiers issus du service ordinaire des Ponts et Chaussées, dans lesquels se trouvent notamment l’ensemble des documents relatifs à la construction et à l’entretien des grands axes routiers (routes d’intérêt national). Dans ces dossiers, les cotes

Fig. 2.13 – Exemples de profils en travers indiquant la cote de crues historiques, issus de la série S aux archives départementales de l’Aude.

relatives aux ouvrages de franchissement des cours d’eau s’avèrent les plus intéressantes, car elles permettent de retracer l’historique des ouvrages, et des modifications successives de leur section (éventuellement lorsque ceux ci ont été emportés par une crue), rendant plus facilement exploitables les repères de crue souvent retrouvés sur ces ouvrages. De plus, les plans successifs qu’elles contiennent comportent assez fréquemment des cotes de crues historiques. Les dossiers relatifs aux travaux sur la voirie peuvent également s’avérer intéressants lorsque la voie concernée longe un des cours d’eau étudiés : les remblais et murs de soutènements sont alors parfois emportés par les crues, et l’on retrouve les dossiers relatifs à la reconstruction de ces murs, avec parfois la cote atteinte par la crue ayant occasionné des dégâts.

Les dossiers relatifs aux axes secondaires, et établis par le service vicinal (service qui ne dépendait pas des Ponts et Chaussées, jusqu’en 1940), ont pour leur part été transférés dans la série O (classement par commune).

2.3.3.2 Les séries O et Ow

La série O regroupe l’ensemble des cotes relatives à l’administration communale. De même que pour la série Sw, la série Ow correspond, aux archives départementales de l’Aude, à des versements effectués après 1940. Le cadre de classement diffère quelque peu entre ces deux séries (O et Ow). Dans la série O le classement est effectué par commune, et pour chacune d’entre elles les cotes sont réparties entre les thèmes “comptabilité communale”, “délibérations du conseil municipal”, et “vicinalité”. C’est cette dernière catégorie (représentant au plus 5 à 6 cotes par commmune), qui regroupe l’ensemble des dossiers de travaux effectués sur la voirie communale (y compris les ponts). Ces dossiers ont été établis par le Service Vicinal, service distinct de celui des Ponts et Chaussées jusqu’au milieu du XXeme siècle (la gestion des chemins vicinaux et départementaux n’a été acquise qu’en 1940 par les services des Ponts et Chaussées). Dans la série Ow, les cotes présentes, là encore issues du Service Vicinal, correspondent en quasi totalité à des travaux sur voirie départementale, mais sont cette fois classées par numéro de voie.

Le cadre classement des série O et Ow fait qu’il est relativement aisé d’y retrouver les archives relatives à la construction des ouvrages d’art et à l’entretien du réseau routier secondaire. Dans la série O ces dossiers sont inclus dans les cotes relatives à la “vicinalité”. La recherche dans la série Ow nécessite, au préalable, de retrouver l’ancienne dénomination des axes routiers qui s’avèrent intéressants (comportant des franchissements ou longeant le cours d’eau étudié), ces dénominations ayant souvent changé plusieurs fois au cours du temps. Ceci s’avère relativement aisé, les cotes de la série O relatives à la vicinalité comportant généralement des plans de chaque commune, précisant la dénomination de l’ensemble des voies à une date donnée.

Les dossiers présents sont très similaires à ceux trouvés dans la série S relatifs aux axes routiers d’intérêt national : présence quasi systématique de plans, avec dans le cas des ouvrages d’art le rapport du service hydraulique des Ponts et Chaussées relatif à la section à donner à l’ouvrage, ainsi souvent que quelques cotes de crues historiques.

2.3.3.3 La série M

Cette série, issue des services de la préfecture, présente une sous série (7M) relative aux “Cala- mités publiques, sinistres et événements malheureux”. Les dossiers présents concernent le recen- sement par l’administration des dégâts occasionnés par les catastrophes de toute nature (grêle, incendie, inondations, etc..) en vue d’une indemnisation des victimes par l’Etat. Dans l’Aude, le recensement ayant fait suite aux inondations de 1930 représente la grande majorité des dossiers présents.

Ces recensements étaient effectués via les communes et comportaient le chiffrage des dégâts, sans grand détail sur la nature de ceux-ci. Ces recensements présentaient en effet un caractère statistique et il est probable que la description des dégâts servant au chiffrage ne dépassait pas, dans la plupart des cas, l’échelon communal (certains dossiers relatifs à ces recensements ont

été retrouvés dans des archives communales, mais ont été jugés trop vagues pour apporter une réel complément d’information sur le niveau des crues). L’information présente dans la série M a donc un caractère très synthétique et qualitatif (généralement le montant des dégâts par commune). Elle peut éventuellement permettre de hiérarchiser certaines crues, en fonction des dégâts occasionnés, mais ne présente presque aucun intérêt pour la reconstitution des débits de pointe des crues historiques.

2.3.3.4 La série W

La série W regroupe en théorie l’ensemble des documents concernant la période post-1940, toutes administrations confondues. Toutefois, en pratique, il arrive que cette série soit constituée d’une collation des versements effectués aux archives départementales après 1940. Or la pratique des différentes administrations françaises fait que les documents versés peuvent parfois concer- ner des périodes très anciennes. Il n’est donc pas rare que des documents datant d’avant 1940 soient incorporés dans la série W, dans l’attente d’un reclassement dans les séries auxquelles ils correspondent réellement. Dans le cas de l’étude de l’Ardèche par exemple, la série W regroupait une part importante des cotes identifiées dans l’EGS, ces cotes pouvant concerner des périodes remontant jusqu’au début du XIXeme siècle [Naulet et al., 2001].

Toutefois, dans le cas des Archives départementales de l’Aude, le travail de reclassement des documents anciens versés après 1940 a bien été réalisé, donnant lieu par exemple aux séries Sw et Ow. Les documents présents dans la série W, concernent donc exclusivement la période post-1940. Pour beaucoup ces documents recoupent donc la période de jaugeage des cours d’eau étudiés (installation des stations de mesure, suivant les cas, entre 1962 et 1968). Ces documents présentent malgré tout un intérêt potentiel, en particulier pour l’étude des crues ayant eu lieu entre 1940 et le début des mesures systématiques.

Dans l’Aude, le classement de la série W est effectué par administration d’origine, mais un inventaire par thèmes (remis à jour récemment) existe également. La recherche dans cette série a donc été menée à la fois à partir des inventaires relatifs à certaines administrations (Préfecture : cabinet, sous-préfecture de limoux, police administrative, économie et subventions, urbanisme et environnement, secrétariat général, collectivités territoriales, protection civile ; Conseil Géné- ral : cabinet, SDIS5, services techniques ; DDE ; DDAF et Statistique agricole ; CODIS6), et à partir de l’inventaire thématique pour certains thèmes spécifiques (Agriculture, Forêts, Environ- nement protection de la nature et météorologie, Equipement travaux publics et aménagement du territoire, Protection civile et sinistres, Transports et voies de communication, Collectivités territoriales, Police administrative).

Les cotes identifiées dans l’EGS sont issues en grande majorité de la préfecture, et dans une moindre mesure de la DDE, de la DDAF et du conseil général. Comme dans le cas de la série

5Service Départemental d’Incendie et de Secours 6

M, les dossiers issus de la préfecture contiennent pour l’essentiel des documents à caractère statistique concernant les dégâts occasionnés par les crues, et leur indemnisation, ainsi que des dossiers relatifs à l’attribution de subventions à différents projets d’aménagement. Ces dossiers ne présentent que très rarement des éléments techniques. Quelques cotes relatives à la police de l’eau (beaucoup plus rares toutefois que dans la série S) sont présentes dans les fonds de la DDAF. Enfin, les aménagements effectués sur la voirie se trouvent dans les fonds de la DDE et du conseil général.

D’une façon générale très peu de documents d’intérêt réel ont été tirés de la série W. La plupart des cotes présentes recoupent la période de jaugeage des cours d’eau et présentent de ce fait un intérêt moindre. De plus, on peut également remarquer que beaucoup de cotes présentent dans la série W n’ont pas encore atteint leur délai de communicabilité (30 ans dans la plupart des cas).

Le seul document ayant réellement apporté un complément d’information est une étude hydro- géologique de 1972 relative aux pertes de la Clamoux, retrouvée dans les fonds de la préfecture, et qui a permis de comprendre le rôle important joué par le karst dans le comportement hydro- logique de l’Orbiel et de la Clamoux.