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2 Corpus d'observatoires Catalyse

2.3 Observatoire Odin@, Accem, Asturias, Espagne

2.3.5 Evaluation empirique

L'expérience d'Odina s'est avérée primordiale dans l'avancée de cette recherche. Fonctionnant en même temps que les deux autres expériences, mais ayant démarré après elles, nous avons pu ici d'une part expérimenter de nouvelles pratiques que l'expérience passée nous avait conduit à modéliser, et d'autre part évaluer de manière empirique l'efficacité de la méthode dans un contexte comparable à celui de Seraing, mais dans une autre culture, et sous une autre thématique.

2.3.5.1 Recette vs découverte

Notre conception d'appropriation par l'exploration, par une démarche heuristique n'est pas toujours bien ressentie par les acteurs de terrain qui n'aiment pas être pris pour des cobayes. On se heurte également parfois à des personnalités fortes qui ont l'impression d'être manipulés dans leur démarche, dans la mesure où ils ne contrôlent pas les tenants et aboutissants de la méthode. Toute la difficulté du transfert est dans cette situation focalisée sur une relation de pouvoir quasi hiérarchique.

Un chef de projet et une équipe demandent une marche à suivre très technicienne, à la manière des méthodes de formation en management de projet : tout peut être facilement consigné dans des fiches pratiques, organisées en phases aisément repérables (en général cinq au maximum afin de les mémoriser rapidement). Ils veulent une recette pour mettre en place un observatoire Catalyse, et veulent aussi s'en souvenir comme on connaît les ingrédients et la marche à suivre pour faire des crêpes. La société de consommation dans laquelle nous évoluons tend effectivement à renforcer ce côté consommateur inactif de notre personnalité.

Notre approche ne peut que s'opposer à ce point de vue, puisque nous préconisons la construction des savoirs, des savoirs faire et des savoirs être, par l'action. C'est dans le déroulement des activités que nous voyons réellement une possibilité de modélisation de cette fameuse recette. En effet, les ingrédients sont connus, en grande majorité. Certains peuvent être ajoutés, selon les besoins du projet. Rares sont ceux dont on peut se passer. Mais les dosages sont forcément différents d'un territoire à l'autre, et d'un moment à l'autre. Par exemple, la mobilisation du réseau de partenaires sur la constitution du répertoire va intimement dépendre de deux critères qu'il faut évaluer avant de lancer un tel projet.

Tout d'abord, le niveau d'implication des partenaires dans le projet est-il suffisant pour estimer que les outils communs vont leur être utiles ? Car ce critère d'utilité, au niveau individuel (pour la personne, pour sa structure…) est celui qui déterminera sa mise en œuvre, donc son développement, son alimentation : si je n'ai pas besoin de cet outil, je ne l'utiliserai pas, je n'y verserai pas les informations dont je dispose. L'intérêt collectif est rarement assez prédominant pour pousser un acteur à un acte de générosité ou considéré comme tel.

Le second critère, et non des moindres, est celui des capacités techniques des divers partenaires à opérer des apports dans les outils mis en place : disposent-ils des outils informatiques nécessaires ? Ont-ils besoin d'une formation spécifique ? D'un accompagnement méthodologique, technique, de rédaction de contenu ? Voilà un point qui est souvent mésestimé dans la conduite de projet. On pense a priori qu'un acteur est à même de rédiger un contenu comme la présentation détaillée d'une structure, la description d'un document dans un espace documentaire avec thésaurus, ou encore l'explicitation d'un terme technique dans un glossaire collectif. Il ne suffit pas de savoir remplir un formulaire en ligne et de savoir cliquer sur un bouton de validation pour participer à la vie d'un répertoire. Il faut aussi savoir comment rédiger, ce qui suppose un accompagnement spécifique que la

plupart du temps les équipes porteuses de projet ne peuvent mener, ne remplissant pas elles-mêmes les conditions nécessaires. Voilà une nouvelle compétence à transférer, double : savoir rédiger un contenu, en prenant en compte les recommandations éditées dans la partie consacrée à Catalyse, et savoir ensuite transférer ces compétences au sein des partenaires.

Pour un tel exemple, il faudra aussi évaluer la nécessité d'un tel outil au moment présent, relativement au coût humain qu'il demande, en temps investi, en formation, en relations avec les collectivités et institutions… Il est parfois préférable de temporiser lorsque l'on se rend compte que ces points posent des difficultés qui vont coûter trop de temps et de moyens pour les résorber. C'est précisément ce qui s'est passé dans le cas de deux observatoires, celui de Seraing en Belgique, et de Sigüenza en Espagne. A Seraing, en 2003, la situation interne à l'équipe porteuse du projet, Optima, n'a pas permis de réaliser une cartographie en réponse à un besoin spécifique de l'équipe d'animation. Cette tâche, nécessaire, a dû alors être effectuée au sein du centre MTI@SHS. Il est primordial de savoir rapidement évaluer la situation, et prendre la décision qui en découle, ce qui reste le rôle principal d'un manager (écouter, et décider). A Sigüenza, l'équipe est loin de posséder les compétences nécessaires à la constitution d'une cartographie contextuelle ; d'autre part, le peu de personnel disponible n'a pas permis d'organiser une formation spécifique pour répondre à ce besoin dans des délais satisfaisants. La collecte et le traitement des données est déjà une tâche primordiale pour l'équipe, qui doit aussi organiser et gérer les ateliers thématiques. Trop tôt pour espérer transférer ce type de savoirs, nous avons préféré choisir de réaliser ce travail au sein du centre MTI@SHS, afin d'organiser une formation complète lors d'une prochaine phase.

Ces évaluations de la situation sont parfois mal comprises par les chefs de projet, qui semblent penser que la méthode est forcément plus stricte et moins adaptable, à la manière d'une procédure technique, recette de cuisine ou manuel de mécanique. Il serait effectivement plus rassurant de n'avoir qu'à suivre des instructions précises sans avoir à analyse le contexte dans lequel on évolue. C'est oublier tout le pan des théories du changement, qui aident à appréhender les évolutions possibles d'une situation en fonction des faits nouveaux qu'on y injecte. A la manière d'un corps vivant, un observatoire va répondre à des stimuli que nous provoquons : confrontation à une nouvelle méthode, à une démarche participative où l'on doit partager son expérience et ses informations, à de nouveaux concepts théoriques et à de nouvelles pratiques, présence d'experts

(universitaires, étrangers, donc méfiance)… Ne pas prendre en compte ces paramètres est dangereux car cela conduit tout droit à une attitude attentiste, alors que de tels projets au contraire ont besoin de volontés constructives.

2.3.5.2 Approche communicationnelle

Nous avons tenu à concevoir ce type de SIM initialement pour son potentiel de travail collaboratif important. Je me suis rendu compte au fur et à mesure des aspects communicationnels qu'il recèle, et que l'on se doit d'exploiter, dans une logique dite de

communication sociale, où l'objectif et de "créer une image psychologiquement favorable de l'organisation auprès d'un public potentiellement « utilisateur »" [Mucchielli 2001]. Comme nous

avons pu le soulever, les aspects pratiques de la diffusion de l'information permettent, s'ils sont pensés en ce sens, d'atteindre d'autres objectifs opérationnels, où les sciences de l'information et de la communication sont présentes :

- Communiquer sur ses propres actions suppose effectivement d'annoncer le fait ; dans le même temps il est utile de convaincre du bien fondé de cette action, en expliquant les étapes, méthodes et outils nécessaires, les méta-données.

- Se poser comme source de référence, compétente pour qualifier les informations publiées (enjeu majeur à l'heure actuelle, défendu par des chercheurs comme J. Perriault par exemple)

- Participer à la démocratisation de l'utilisation des NTIC sur un territoire, en concevant et proposant des services en ligne, et en incitant les partenaires à les utiliser au quotidien ("socialiser la communication reste l'enjeu central" [Wolton 1999])

- Doter le monde social d'outils techniques mais aussi méthodologiques, dans une démarche collaborative

- Prendre conscience collectivement des interactions inévitables et même ici souhaitables (l'union fait la force, l'efficacité…)

- Concevoir les activités dans une approche systémique, où les échanges permettent la construction d'information, à l'aide également d'outils d'analyse des pratiques de communication

- Penser ses actes de communication dans un ensemble au service du projet, et l'englober dans une communication généralisée, ainsi que dans une métacommunication effective

- Utiliser dans ses travaux diverses théories comme la sémiologie, la sémionet, la psychologie, ou encore la didactique, afin de mener à bien ces aspects de communication (travail sur les chartes, sur l'écriture journalistique par exemple)

De nombreux éléments restent à développer dans les observatoires Catalyse ; il faut surtout prendre en compte la dimension temporelle, les activités partenariales demandant de se dérouler dans le temps, sans heurter des rythmes structurels voire sociétaux sur lesquels on n'a souvent pas d'influence. L'approche communicationnelle reste à adapter à certaines situations, et, comme d'autres observatoires ont pu le montrer, favorisent une structuration des compétences qu'il serait intéressant d'analyser.

2.4 L'observatoire Optim@ de Seraing : un système