• Aucun résultat trouvé

2 Corpus d'observatoires Catalyse

2.5 Un système d'information multimédia au service des acteurs : l'exemple du projet Eugénia

2.5.2 Détails du projet

Ce programme est tout à fait désigné pour être un terrain d'expérimentation de transfert méthodologique et technologique de systèmes d'information multimédia, de par sa forme pluri-partenariale, multiculturelle, impliquant des acteurs de toute sorte.

Nous allons nous attacher à en retracer les différentes phases, pour en modéliser les aspects pertinents. En effet, le déroulement chronologique du projet permet d'analyser les aléas de situations professionnelles qui vont donner lieu à de multiples transformations au sein des organisations (de la structure gestionnaire à la structure apprenante) comme individuelles (pratiques culturelles, savoirs et compétences, approches auto-structurées…). Nous avons besoin pour ce faire d'une vision diachronique.

2.5.2.1 Analyse du projet, perspectives

Difficile tant pour les coordinateurs et experts du projet que pour le centre MTI@SHS : méconnaissance des acteurs, des territoires et de leur contexte (au sens large : social, économique, culturel, politique…) ; nous ne savions pas si nous pouvions compter sur les acteurs en place. Nous avions l'habitude de travailler en accompagnement dit rapproché d'un chef de projet par observatoire Catalyse, ce que certains appellent du "coaching".

Dans le cas d'Eugénia, le premier problème rencontré dès le départ a été que l'un des partenaires principaux (le Département des Pyrénées Atlantiques) a refusé le jour de la signature du compromis de participation au projet de mettre en place sur son territoire un observatoire de type Catalyse. Il a donc été précisé que rien n'était obligatoire et que tout était en discussion ouverte. Cela est certainement parti d'un quiproquo, d'une méconnaissance des contenus, et d'une fierté mal placée et compromettante. Cet écueil évité, nous avions du mal à évaluer la somme de travail à produire par la suite : chaque partenaire allait-il mettre en place un observatoire de type Catalyse comme il était prévu au départ ? Si oui, sur quelles thématiques, avec quelles ressources, quelles compétences ?

2.5.2.2 Propositions d'organisation

Nous avons alors décelé deux urgences :

• Informer largement les partenaires de nos actions : expliciter la méthode Catalyse, montrer les compétences convocables au sein de notre laboratoire, distiller les principes de l'Intelligence Territoriale : entrer dans une phase de communication sur nos compétences, comme sur nos intentions.

• Développer le système d'information qui permettra au projet de se doter d'une première visualisation de son activité, et surtout de permettre les échanges entre les partenaires, dans l'optique de développer efficacement des compétences communicationnelles.

Ainsi les divers acteurs pouvaient se connaître, et améliorer leur communication. Nous avions pour objectif non seulement d'expliciter nos interventions, mais aussi de comprendre les contextes des partenaires, et leurs intentions.

Cela nous a logiquement amenés à réaliser dès le départ du projet des éléments de présentation de la méthode Catalyse et du centre MTI@SHS.

Nous avons dans le même temps mené un travail partenarial afin d'élaborer le système d'information : analyse conceptuelle selon l'expression et l'évaluation des besoins, proposition d'un modèle, réunions de mise au point (modifications, etc.), réalisation d'un prototype, évaluation, etc, selon un modèle conceptuel de travail en spirale (cf. Conception – production – évaluation, p. 181).

La première urgence passée, et l'avance du système d'information suivant sa procédure établie, nous avons évalué l'impact des présentations de la méthode auprès des partenaires. Leur vision restait très théorique, et manquait véritablement d'ancrage pratique. Aucun désaccord flagrant n'est apparu sur le fond théorique de la méthode (principes fondamentaux, définitions des acteurs, outils et procédures, cf. chapitre 3). La forme de présentation est perçue comme trop "universitaire" au sens "indigeste" de la formule. Les partenaires paraissent comprendre sans difficulté les présentations proposées, mais ne se sentent pas capables de retransmettre l'information, ou plus exactement, de convaincre des acteurs de leur terrain (politiques inclus) de l'intérêt de la démarche commune. Un partenaire hongrois s'est expliqué ainsi :

"C'est très intéressant ce que vous présentez, ça a l'air très utile et facile à mettre en place pour notre terrain, mais jamais je n'arriverai à expliquer ça à nos collègues."

Il a donc fallu réfléchir à ces deux problèmes, et il est apparu qu'en décortiquant des exemples concrets d'outils, et la procédure de leur réalisation, il serait possible que les partenaires eux-mêmes illustrent le propos théorique en modélisant les exemples présentés.

En leur demandant ainsi une autre démarche intellectuelle, basée sur l'activité individuelle (réflexion sur l'objet, modélisation d'une réalité selon ses propres critères culturels, visualisation des adaptations territoriales potentielles), il est indéniable qu'une appropriation d'une meilleure qualité est favorisée.

Une logique de plus grande accessibilité aux ressources (bases de données, documents, aides diverses sollicitées dans l’environnement professionnel…) doit ainsi primer sur une logique de pure transmission de savoirs ou de savoir-faire. La médiation entre le vécu en situation et sa conversion en objets de savoir devient ici une modalité pédagogique majeure. Se dégage ainsi un nouvel enjeu : l'exploration des différences entre les pratiques professionnelles et la méthode proposée. Convaincus que la meilleure manière d'apprendre à nager, c'est d'expérimenter la réalité du milieu aquatique (en se jetant à l'eau), il n'est pas pensable de dire à un partenaire qu'il comprendra les astuces de la méthode en l'utilisant, et pas avant… En revanche, un accompagnement à l'étude de ses propres pratiques professionnelles d'une part, un suivi concerté d'une utilisation de tout ou partie d'un observatoire Catalyse d'autre part, apporteront certainement de meilleurs résultats.

A la manière de l'approche systémique adoptée dans le logiciel Didatext [Masselot 1992 et 1993], il n'est pas question ici de rapprocher les acteurs d'une théorie qu'ils trouvent "lointaine" ; la mise en pratique de cette théorie leur permet, en revanche, d'explorer de quoi est composé ce fossé, et éventuellement de le combler, sans forcément en rapprocher les bords, fait matériellement impossible dans la réalité. D'un point de vue didactique, il est plus efficace de favoriser une démarche exploratoire, heuristique, afin de favoriser la construction en action des savoirs indispensables au maniement théorique de la méthode appliquée. Nous développerons ces points par la suite, en les expérimentant dans le cadre de ce projet, puis en les modélisant dans le dernier chapitre de cette recherche.