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2 Corpus d'observatoires Catalyse

2.4 L'observatoire Optim@ de Seraing : un système d'information multimédia comme outil d'observation

2.4.2 Besoins de structuration de l'information territoriale

Pendant la troisième année de fonctionnement, l'observatoire de Seraing a pris un tournant décisif. La collecte des données sur 2000 a permis dans un premier temps de consolider le partenariat, le dispositif dans son ensemble, et surtout de dessiner les grands axes d'intervention territoriale nécessaires ; en 2001, l'ensemble des partenaires a alors mis en place de véritables ateliers thématiques chargés de la mise en place des actions de terrain ; non sans surprise, nous nous sommes rendus compte début 2002 que les objectifs généraux avaient quelque peu échappé à l'ensemble du Groupe Opérationnel (GO).

Encadrés par l'Équipe d'Animation, elle-même accompagnée par l'association Optima (cibles en droit belge) et par les experts externes (les sociétés Tr@me, Abral et le centre MTI@SHS), les acteurs de terrain ont peu à peu perdu la vision générale et socioprofessionnelle du travail effectué au sein de l'observatoire.

GO Atelier Cellule action Organisation du recueil d'informations Réflexion + production de connaissance + proposition d'actions EA Gestion financière et administrative Optim@ Coordination et animation des actions

Suivi opérationnel des actions

Figure 18 : Optima, schéma d'organisation général

Le "GO" est ici le Groupe Opérationnel, regroupant tous les acteurs participant à l'observatoire. "EA" est l'équipe d'animation, qui émane des acteurs : ce sont des individus, représentant leurs structures, dont l'investissement institutionnel est plus fort que les autres, et qui ont décidé en conséquence de consacrer une partie de leur temps à travailler pour et dans l'observatoire, parfois moyennant une compensation financière au prorata du temps passé, parfois comme une tâche intégrée dans la fonction structurelle. La "base" réelle est donc constitué du GO, où tout le monde se retrouve, pour organiser le recueil d'information, et les grandes orientations des activités.

De ce GO, certains travaillent aussi dans l'équipe d'animation ; certains vont participer à un ou des ateliers thématiques, où il s'agit plus précisément de réfléchir concrètement aux problématiques liées au thème, d'interpréter les informations résultant des travaux d'observation, afin de proposer des actions de terrain (définition, faisabilité, conditions de mise en œuvre…). Enfin, ce sont des cellules actions spécialisées qui sont chargées de concrétiser ces propositions, cellules dans lesquelles participent également des acteurs issus du GO. À tous les moments des activités de l'observatoire, chaque acteur a la possibilité

réelle et matérielle d'intervenir à son gré, et à son rythme, selon les possibilités offertes par sa structure. Les membres de l'équipe d'animation font tout autant partie d'Optim@ que les salariés, tout comme les experts accompagnateurs sont membres du projet à part entière. Voilà pour l'explication de l'organisation, qui dans ce cas précis fonctionne très bien.

Le revers de cette organisation est qu'en peu de temps (environ six mois), les membres du GO qui ne sont pas dans l'EA, qui sont donc loin, par définition, des activités quotidiennes d'Optim@ et des experts, se sont trouvés comme délaissés, moins impliqués dans les rouages du développement de l'observatoire, rendant obscures une série de tâches pourtant nécessaires. Or sans clarté, sans cette transparence didactique qui favorise l'adhésion au projet, on finit par se poser des questions sur les finalités des travaux.

Analyser, et surtout interpréter des données, devenait une fin en soi : le reste demeurait, ou plutôt était redevenu flou. Il nous a fallu, lors d'une formation à l'analyse de bilans quantitatifs, nous apercevoir qu'il devenait important de marquer une pause dans l'évolution du processus régulier, quasi mécanique, de la marche d'un observatoire. Un point d'explication, disons même de formation méthodologique s'est avéré indispensable. Encore fallait-il l'organiser. Encore une fois, l'enjeu est dans ce genre de situation, de ne pas vouloir répondre rapidement à une demande concrète, immédiate ; il réside plutôt dans la capacité d'analyse du moment, de le figer afin de l'examiner, d'adopter enfin l'attitude méta qui permet de recibler les objectifs, et d'en trouver la porte d'entrée.

Un bagage universitaire est souvent lourd lorsqu'on est ainsi confronté aux réalités des besoins immédiats exprimés par le terrain. S'appliquer à soi-même une rigueur didactique devient alors un outil indispensable : réfléchir de nouveau à la méthodologie telle qu'elle a été modélisée par d'autres, puis expérimentée directement, donc adaptée aux contextes particuliers rencontrés au fil des ans, amène à éprouver un réel besoin de transposition didactique (cf. 4.3.3). On tâte du bout des pieds la fraîcheur de l'eau, on imagine ensuite les scenarii possibles pour y pénétrer réellement. Il est alors urgent de prendre le temps d'élaborer d'une part une stratégie de présentation, en impliquant des interlocuteurs – relais connaissant le contexte ; d'autre part, il faut, point par point, repasser la méthodologie connue, pour en tirer les éléments utiles à la phase considérée, puis pour formaliser leur présentation, leur explicitation qui conviendra à l'instance de communication spécifique.

La solution vient souvent, en plus du recul didactique indispensable, d'une certaine humilité. Nous ne connaissons pas les terrains suffisamment pour y évoluer sans risque. Les acteurs présentent de multiples cultures professionnelles qu'il faudra toucher par un même discours. Le langage a son importance : se calquer autant que faire se peut sur le vocabulaire utilisé par ces mêmes acteurs est un premier pas décisif. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui incitent, la plupart du temps, à laisser un chef de projet (relais local tout désigné) exprimer lui-même ce qu'il retire de la lecture d'un bilan. Cela lui permet aussi d'intégrer une dimension de transfert pédagogiquement intéressante : l'appropriation se construit par

la reformulation.

Mais un vocabulaire adéquat n'est pas tout ; sans tomber dans les travers péjoratifs de la vulgarisation scientifique, l'objectif est ici avant tout pragmatique. Il faut resituer chaque phase à sa place, chaque acteur, chef de projet ou d'atelier, externe, à la place qui est la sienne au moment T (les rôles et fonctions pouvant changer). Le second outil à mettre en œuvre est alors l'élaboration d'un langage commun : pas une moyenne, plutôt une nouvelle façon d'aborder et de décrire les événements, une typologie consensuelle, dans la forme comme dans le contenu. Le nœud du problème est alors amorcé : une démarche magistrale de type frontal est vouée à l'échec dans ce genre de situation, avec ce genre de public. Nous ne sommes pas là, comme les partenaires l'ont parfois laissé sentir (à bon escient), pour "prêcher la bonne parole"… La difficulté va donc résider dans l'idée de faire découvrir certains concepts aux acteurs eux-mêmes, d'entre en co-construction. Le pari réside en la capacité de l'expert intervenant à amener les partenaires à formaliser d'eux-mêmes un certain nombre d'idées et de questions, qui pourront guider les apports méthodologiques, faire surgir des points d'explication aux moments opportuns.

J'ai pu analyser qu'en de telles situations, il était profitable à l'appropriation conceptuelle d'utiliser sans en abuser l'appétit belliqueux de quelques acteurs comme moteur de la discussion ; d'autres ont naturellement soif de connaissance : il ne faut pas se passer de leurs questions, mais au contraire s'en servir pour rebondir, voire pour répondre aux premiers.

Il est souvent préférable de partir de l'expression des acteurs de terrain pour asseoir un argumentaire méthodologique et technologique, toujours difficiles à séparer en l'occurrence. Cette préconisation a encore montré sa supériorité dans l'observatoire de Seraing, où un exposé introductif n'a eu de réel effets que lorsqu'on a pu aborder les questions d'analyses spécifiques que se posaient les acteurs du GO. Les passer en revue, les

décortiquer ensemble afin d'y répondre le mieux possible a permis d'illustrer les propos encore récents, mais surtout d'y revenir, donc de reformuler exemples en main ce qui avait été dit peu avant. Il eut été finalement plus efficace d'inverser l'ordre des interventions, afin de distiller les approches méthodologiques et technologiques au fur et à mesure des présentations des données spécifiques. Les chiffres et graphiques discutés en commun, en servant de colonne vertébrale, permettent d'étayer un discours méthodologique en lui donnant une dimension concrète, immédiatement appréhendable, et surtout découvrable par les acteurs eux-mêmes, moyennant un accompagnement discret mais présent des autres entités. On obtient alors une procédure du type :

Iconisme  Verbalisation  Modélisations  Reformulations  Modèle cognitif

Il a semblé évident que la réaction à brûle-pourpoint sur la présentation de la procédure par Jean-marie Delvoye (Médecin, et directeur de l'ASBL Optim@), et sur les questions de l'Equipe d'Animation ont permis, sans préparation spécifique, d'opérer une étape de transfert par une formation "à la volée", non prévue. La seconde journée, dans la continuité de la première, n'a pas été aussi efficace. Le contexte d’intervention, totalement différent, n’a pas été analysé au préalable afin de cibler le public et la forme qu’il convenait d’appliquer au discours tenu. A la différence de la réunion avec l'Equipe d'Animation, l’intervention a voulu être intégrée à un plan pré-établi, mais l’analyse de la situation n’a pas été menée de manière complète et convenable pour en prendre en compte tous les paramètres : public, objectifs connus, enjeux structurels et individuels, organisation en formation de type classique (professoral) et non en réaction sur des questions et remarques émanant naturellement des participants (même si l’on sait accompagner la naissance de ces réactions).

On voit bien que l'objectif n'est pas ici de réinventer la pédagogie, ni la didactique, mais d'illustrer leur utilité lors d'un travail partenarial sur des systèmes d'information souvent abscons, et, comme souligné en introduction, d'en structurer l'efficacité dans une approche communicationnelle (compréhensive, et systémique).