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CHAPITRE 3 L’apprentissage des langues assisté par ordinateur : L’apprentissage des langues assisté par ordinateur :

3. L’apprentissage des langues assisté par ordinateur : de l’ordinateur permettant l’individualisation à

3.1. Eléments de présentation générale de l’ALAO

3.1.4. Etude de cas : simuler des échanges à l’oral avec un ordinateur

3.1.4.1. Présentation de la recherche

Le didacticiel utilisé

Le didacticiel qui a été utilisé pour cette étude de cas est Je vous ai compris 2 – désormais JVAC– ; il s’agit d’un programme de français langue étrangère créé à l'université Lille-III par Y. Chevalier, B. Derville et D. Perrin, et développé sous

environnement Speaker79 en liaison avec la société Neuroconcept. Ce didacticiel

propose deux séries d’activités à l’utilisateur ; la première s’organise autour de séquences vidéo et la deuxième, celle qui nous intéresse ici, est liée à ce que les auteurs ont appelé des « histoires interactives » ; il s’agit d’activités de simulations langagières. Dans une histoire interactive, l’apprenant est amené à jouer un rôle et à agir en fonction d’une histoire qu’on lui raconte et de missions qui lui sont confiées. Ces missions « donneront lieu à des interactions, des dialogues dans lesquels l’utilisateur devra faire

le point sur sa situation » (Derville, Perrin, 1998 : 67). Selon les auteurs, dans le

système qu’ils utilisent, « une interaction est une suite d’« échanges » » (ibid.) : le système propose une première réplique à laquelle l’apprenant répond en s'enregistrant à l’aide d'un micro, sans avoir à choisir dans une liste de répliques, puis le système enchaîne avec une deuxiè me réplique et ainsi de suite. Dans chaque interaction, il y a au maximum dix répliques : cinq du système, cinq de l’apprenant.

Dans l'histoire appelée « Aéroport », l’apprenant est invité à jouer le rôle d’un homme qui va passer le week-end à Toulouse chez des amis. Arrivé à la gare du nord à Paris, il lui faut prendre les transports en commun jusqu’à Roissy pour prendre l’avion. A chaque étape de l’histoire (achat d’un billet de RER, déclaration de vol de papiers, coup de téléphone aux amis, réclamation du billet d’avion, etc), l’apprenant enregistre donc plusieurs répliques en fonction des consignes données par le tuteur- narrateur et en réaction aux énoncés d’un personnage virtuel figurant sur l’écran (cf. annexe 8 : page-écran 1), puis le système lui propose automatiquement de réécouter l’ensemble du dialogue tandis que s’affichent à l’écran des répliques modèles (désormais RM) auxquelles il peut comparer ses productions orales (cf. annexe 8 : page-écran 2).

La simulation vise donc à faire produire à l’ apprenant des énoncés adaptés à la

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Il s’agit d’un système auteur, c’est à dire un logiciel permettant à l’utilisateur de gérer des documents multimédias et des protocoles d’exercices. Avec Speaker, des programmes ont été créés dans différentes langues étrangères.

situation de communication. Selon les trois auteurs, l’objectif des histoires interactives est « d’offrir des activités qui mettent en jeu des capacités dont l’apprenti aura besoin

lorsqu’il se trouvera confronté à des situations réelles » (Chevalier et al., 1997 : 136).

Le principal enjeu de ces histoires est donc communicationnel. Or, les interventions de l’apprenant n’ont aucune incidence sur le déroulement de l’histoire. En outre, l'une des spécificités de cette activité est l’absence d’évaluation finale des productions de l’apprenant. En effet, le système ne peut en aucun cas évaluer les réponses de ce dernier ni même lui fournir d’aide en remédiant à une situation d’incompréhension par exemple.

Objectif et problématique

Face à ces histoires interactives, dans lesquelles il est proposé à l'apprenant de participer ainsi à des dialogues avec des personnages virtuels, une question se pose : est-il possible d’affirmer comme le font les auteurs, qu’un tel dispositif peut « simuler

“l’urgence” de la communication » (ibid.) ? Bien entendu, la communication avec des

personnages fictifs d’une histoire sur cédérom est médiatisée et ne peut prétendre reproduire l’authenticité communicationnelle. Néanmoins, on peut se demander si ce type d’activité permet à un apprenant de simuler une interaction réelle, de reproduire un schéma de communication qu’il connaît.

Plutôt que d’observer plusieurs apprenants, nous avons choisi de réaliser une étude de cas en observant une seule apprenante, afin d’étudier de façon approfondie ses conduites verbales, para-verbales et non verbales. Les données ont été enregistrées grâce à une caméra vidéo dans le centre d’auto-apprentissage de la Maison des Langues et des Cultures de Grenoble.

Deux hypothèses ont guidé ce travail. La première était que les « simulations d’interaction langagière » proposées par JVAC, trop distinctes d’une situation d’énonciation réelle, ne peuvent simuler « l’urgence » de la communication et ne permettent donc pas à l’apprena nt de simuler une interaction réelle. Nous avons formulé une seconde hypothèse selon laquelle ces activités de simulation sur cédérom constituent néanmoins un environnement d’apprentissage efficace pouvant conduire l’apprenant à s’impliquer dans la tâche.

3.1.4.2. Résultats

Un certain nombre de raisons ont déterminé notre choix d’évoquer ici les résultats de cette précédente recherche.

Premièrement, l’analyse a permis de vérifier l’absence de similitude entre une interaction réelle et une « interaction » homme- machine, même avec un logiciel visant à simuler une situation de communication authentique. Si l’apprenante observée semble adopter le cadre d’action d’une véritable interaction en respectant les contraintes conversationnelles qui déterminent l’enchaînement des répliques, c’est uniquement lors de la simulation des trois premiers dialogues, dont les scénarios se trouvent être fortement stéréotypés et dont elle a déjà pris connaissance au cours d’une phase où elle a testé le logiciel. En revanche, dès qu’elle aborde des dialogues reposant sur des scripts plus ouverts, et dont les interventions sont moins prévisibles, elle produit des ruptures dans l’enchaînement des répliques, même lorsqu’elle reprend un dialogue deux fois de suite. Si une certaine liberté est laissée à l’apprenante concernant la forme de ses énoncés, son choix est très limité au plan pragmatique et au plan des contenus ; les possibilités d’écart et de variation par rapport aux RM sont très peu importantes. Ainsi, pour pouvoir « entrer » dans l’enc haînement des répliques, l’apprenant doit reproduire les RM après les avoir intégrées ; ses réponses sont pré-déterminées.

Dans une approche communicative « l’apprenant est considéré comme un

« communicateur », c’est à dire comme un partenaire dans la négociation du sens ou du « message communiqué » (Germain, 1993 : 206), or, en incitant l’apprenant à une

reprise des RM, ces histoires interactives favorisent la mémorisation et se rapprochent en cela d’activités de type linguistique. Il ne paraît donc pas possible de parler de simulation de l’« urgence » de la communication, ni même d’ « enjeu communicatif » dans ces échanges entre un apprenant et des personnages virtuels. De ce fait, il ne peut

être question non plus d’employer les termes d’interaction80 et d’activité communicative

à leur propos. Néanmoins, l’analyse a révélé la forte implication de l’apprenante du point de vue de la reconstitution de la cohérence et de la cohésion des dialogues ; aussi peut-on considérer que ces simulations constituent des activités réflexives sur la langue plutôt que des activités communicatives. Cette étude illustre clairement le fait que les

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L’idée selon laquelle le concept d’interaction doit être réservé aux interactions humaines a été reprise lors d’une journée, « Notions en questions » qui s’est tenue en 1999 à l’ENS. « Interactivité » et « interaction » constituaient les notions clés de cette journée ; elles ont donc été au cœur des débats et des exposés qui ont tenté de les distinguer mais aussi de les croiser (voir notamment, Bouchard, 2002 ; Mangenot, 2002).

supports actuellement proposés pour l’apprentissage des langues, et du FLE notamment, ne sont pas en mesure de satisfaire les besoins des apprenants du point de vue de l’expression orale et de la pratique de la communication.

Ces résultats n’ont fait que confirmer notre hypothèse selon laquelle les véritables pratiques communicatives se situent dans le cadre d’interactions humaines. Ils nous ont donc incitée à nous tourner vers l’étude de véritables interactions en contexte d’apprentissage du FLE, et plus précisément, vers celle des interactions entre pairs travaillant en dyade face à un même ordinateur. Le choix de cette situation d’apprentissage spécifique nous a conduit à nous pencher sur le domaine récent des apprentissages collaboratifs assistés par ordinateur qui fait l’objet de la section suivante.

3.2. Les Apprentissages Collaboratifs Assistés par Ordinateur