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CHAPITRE 3 L’apprentissage des langues assisté par ordinateur : L’apprentissage des langues assisté par ordinateur :

3. L’apprentissage des langues assisté par ordinateur : de l’ordinateur permettant l’individualisation à

3.2. Les Apprentissages Collaboratifs Assistés par Ordinateur (ACAO) (ACAO)

3.2.5. Recherches en ACAO pour les langues

3.2.5.2. Des logiciels non destinés à l’apprentissage collaboratif

Un certain nombre d’études visant à observer des apprenants travaillant en groupe ou en dyade devant un ordinateur ont cherché à comparer les interactions suscitées par l’utilisation de différents types de logiciels. Ainsi, R. G. Abraham et H.-C. Liou (1991) ont enregistré et analysé les interactions de trois dyades d’apprenants en anglais langue étrangère travaillant successivement sur trois logiciels différents : un tutoriel sur l’emploi de l’article (Articles), un programme simulant un entretien psychiatrique non-directif (ELIZA) et un logiciel de simulation de la gestion d’un stand de vente de limonade (Lemonade Stand). Précisons que seul le premier logiciel est destiné à l’apprentissage de l’anglais. Partant de l’hypothèse que les logiciels dits fermés suscitent des interactions pauvres entre pairs, ils s’attendent à ce qu’Eliza et Lemonade

Stand provoquent des interactions plus riches que l’exerciseur. Les conversations des

trois dyades sont analysées au plan quantitatif d’abord, par un relevé du nombre de mots, et au plan qualitatif ensuite, selon quatre critères : la longueur de chaque tour de

parole, le type de fonction des actes de parole réalisés, la longueur moyenne de chaque acte et la fréquence des négociations. Les premiers résultats étant non significatifs (même quantité d’interactions avec les trois logiciels, des actes de parole différents selon les logiciels mais des catégories qui ne permettent pas de tirer des conclusions), les auteurs introduisent une nouvelle variable qualitative relative aux sujets de discussion (« topics »). Le tutoriel Article a favorisé l’explicitation de règles formelles sur l’utilisation de l’article, Eliza a suscité des interactions sur un grand nombre de sujets, mais selon les auteurs c’est Lemonade Stand qui a entraîné la meilleure pratique en suscitant des commentaires évaluatifs sur le thème de la gestion d’une petite affaire. Deux des conc lusions tirées par les auteurs au terme de cette étude nous semblent devoir être notées :

Cette étude suggère que les étudiants peuvent avoir une pratique de la langue intéressante dans ce type d’activité en petit groupe devant un logiciel, comparable à bien des égards à la pratique obtenue dans des activités de groupe sans ordinateurs »98. (Abraham, Liou, 1991 : 103).

Ce premier constat assez général, indiquant que la pratique langagière des apprenants, dans le cadre d’un travail de groupe devant un ordinateur, est comparable à celle que l’on peut observer lorsque des groupes d’apprenants travaillent sans ordinateur, nous paraît intéressant et nous aurons à revenir sur cette question dans le cadre de nos propres analyses.

Une autre de leurs conclusion porte sur les effets du type de logiciel utilisé sur les interactions : « […] nos résultats montrent que les caractéristiques des logiciels influent

à la fois sur les fonctions langagières et sur les thèmes de discussion »99 (Abraham, Liou 1991 : 104). L. Desmarais (1998) signale une autre expérience du même type (Meskill, Jiang, 1996) ayant abouti aux mêmes conclusions. Rappelons que des constats identiques ont été effectués dans des travaux portant sur l’étude des interactions entre pairs réalisant différent s types de tâches sans ordinateur. Ainsi, face à un ordinateur, les interactions entre apprenants varient suivant le type de logiciel utilisé et le type de tâche proposé, de même qu’elles varient suivant le type de tâche réalisé lorsqu’ils ne travaillent pas face à un ordinateur. Même s’il convient de ne pas surestimer le rôle de la variable tâche car comme l’ont montré L. Nussbaum et al. (2000), et comme nous le montrons également dans nos analyses, les interactions verbales et les modalités de

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Traduction de l’anglais empruntée à F. Mangenot (2001b : 109).

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réalisation d’une même tâche par différents binômes varient d’un binôme à l’autre, il semble pertinent de considérer que certaines tâches sont plus favorables que d’autres aux interactions et à la collaboration entre pairs.

L. Desmarais (ibid.) évoque une autre recherche de type expérimental conduite par Chang et Smith (1991) qui, voulant déterminer l’effet du travail en petit groupe sur l’apprentissage (plus spécifiquement sur la compréhension orale), ont comparé l’impact du travail individuel et en dyades auprès d’apprenants débutants en espagnol ayant travaillé sur deux leçons d’espagnol sur vidéodisque interactif. A l’issue des séances de travail, les auteurs n’ont constaté aucune différence significative entre les sujets quant à leur capacité de compréhension.

Dans une étude récente, M. Eisenbeis (2003) a observé des binômes d’apprenants100

de FLE réalisant une activité à partir d’un didacticiel de compréhension orale dans le cadre d’une séance de travail en semi-autonomie. La perspective et l’approche de cet auteure sont très différentes des études majoritairement quantitatives qui viennent d’être évoquées, mais elle se rapproche en revanche du travail de D. Little avec Autotutor. A partir du constat selon lequel des apprenants, ayant des difficultés de compréhensio n orale, n’effectuent pas correctement les activités de compréhension orale d’un didacticiel de FLE et utilisent de façon inappropriée les aides fournies par celui-ci, M. Eisenbeis formule l’hypothèse que le travail en binôme « favorisera une véritable

activité de compréhension orale et de travail sur le sens […] » (2003 : 4). Elle réalise

une analyse qualitative des interactions verbales en adoptant comme angle d’analyse celui des schémas réparateurs. Elle cherche à repérer les particularités des réparatio ns réalisées dans ce dispositif et leurs effets sur la manière dont la compréhension orale est travaillée.

Afin de répondre aux questions ouvertes posées par le didacticiel suite au visionnement d’un reportage vidéo, les apprenants sont d’abord amenés à formuler et à confronter des hypothèses sémantiques concernant le document visionné. La nécessité, ensuite, de saisir les réponses par écrit, conduit les apprenants à focaliser les réparations sur les problèmes de langue. Lorsqu’ils sont incertains de leur réponse, le didacticiel leur offre la possibilité de réécouter une partie du reportage avec les sous-titres, « véritable forme de feedback d’aide à l’apprentissage qui permet aux étudiants de

vérifier leurs hypothèses » (ibid. : 9). Enfin, au moment de la consultation des réponses

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Il s’agit d’étudiants étrangers de niveau avancé préparant un diplôme de français à l’université de Lille 3.

proposées par le didacticiel, les étudiants sont amenés à « réajuster » leur réponse en la comparant à celle du logiciel et donc, à approfondir encore le travail de construction du sens. Le principal intérêt de cette recherche réside dans le fait d’avoir pu établir un lien entre les caractéristiques de la tâche, l’étayage proposé par le logiciel et les schémas réparateurs actualisés par les binômes. Elle a su mettre en lumière les effets de l’interactivité logicielle sur la « démarche de compréhension orale onomasiologique (du

sens à la forme) » (ibid. : 8) qu’accomplissent les deux apprenants de façon

collaborative.

Avant d’achever ce tour d’horizon sur les interactions entre pairs devant un ordinateur dans le cadre de l’apprentissage des langues, il importe d’évoquer certains travaux dans lesquels les auteurs se sont intéressés à la rédaction et au travail sur traitement de texte.