• Aucun résultat trouvé

3 Le th´ eor` eme d’Ehrenfest

Nous allons calculer ici l’´evolution au cours du temps de la valeur moyenne d’une grandeur. En appliquant le r´esultat aux variablesr et p, nous retrou-verons une forme semblable `a celle des ´equations de la m´ecanique classique.

Nous comprendrons alors comment la m´ecanique quantique se raccorde `a la m´ecanique classique.

3.1 Evolution de la valeur moyenne d’une observable

Consid´erons une quantit´e physiqueA(qui peut d´ependre explicitement du temps) et sa valeur moyenne a= ψ|A|ψ. Calculons la d´ˆ eriv´ee par rapport au temps de cette expression :

d dt a=

d

dt ψ| A|ψˆ + ψ|

∂tAˆ + ψ|Aˆ d

dt|ψ . Utilisant l’´equation de Schr¨odinger et sa conjugu´ee hermitique :

i¯hd|ψ

dt = ˆH|ψ et −i¯hd ψ|

dt = ψ|Hˆ , (7.5)

nous obtenons : d

dt a= 1

i¯h ψ|[ ˆA,Hˆ]|ψ+ ψ|∂Aˆ

∂t|ψ . (7.6)

Cette formule, trouv´ee par Dirac en 1925, est appel´e th´eor`eme d’Ehrenfest : il fut en effet retrouv´e et publi´e par Ehrenfest en 1927, comme ´etape vers un r´esultat plus ´elabor´e. Si l’op´erateur ˆAne d´epend pas du temps, on a :

d

dt a= 1

i¯h ψ|[ ˆA,Hˆ]|ψ . (7.7) L’´evolution dans le temps des grandeurs physiques est donc gouvern´ee par l’hamiltonien, observable ´energie, par l’interm´ediaire du commutateur de chaque observable et de cet hamiltonien. Cela est directement li´e au fait que l’hamiltonien r´egit l’´evolution temporelle du syst`eme, via l’´equation de Schr¨odinger.

Nous voyons ici la relation ´etroite entre ´evolution dans le temps et hamilto-nien du syst`eme. Cette relation existe aussi en m´ecanique classique, comme nous le verrons au chapitre 15. Il est remarquable et ´etonnant que deux concepts physiques aussi profonds et myst´erieux par la diversit´e de leurs as-pects, le concept de temps et le concept d’´energie, soient si intimement li´es.

Nous reviendrons ´egalement sur ce point en consid´erant l’´evolution dans le temps des syst`emes, au chapitre 17.

3 . Th´eor`eme d’Ehrenfest 151 3.2 Particule dans un potentiel V(r)

Appelonsqiles trois variables de positionx, y, z, etpiles trois coordonn´ees de l’impulsionpx, py, pz (i= 1,2,3). Les op´erateurs ˆqi et ˆpi ob´eissent aux lois de commutation :

qi,qˆj] = 0 ; [ˆpi,pˆj] = 0 ; [ˆqj,pˆk] =i¯h δj,k . (7.8) On en d´eduit les relations de commutation :

qj,pˆmj ] =m(i¯h)ˆpm−1jpj,qˆjn] =−n(i¯h)ˆqn−1j , (7.9)

Supposons maintenant que l’hamiltonien est ind´ependant du temps. En choisissant ˆF = ˆH, on obtient les ´equations d’´evolution :

Nous verrons au chapitre 15 l’´etonnante similitude de structure entre ce r´esultat et les ´equations d’Hamilton-Jacobi de la m´ecanique analytique.

L’hamiltonien d’une particule dans un potentielV(r) est : Hˆ = pˆ2

2m +Vr) . (7.12)

En substituant dans (7.11), on obtient : d r

dt = p

m (7.13)

d p

dt = − ∇V(r) (7.14)

L’´equation (7.13) est la d´efinition correcte de la vitesse de groupe d’un paquet d’onde. Elle relie la valeur moyenne de l’impulsion `a la vitesse moyenne, d´efinie comme la d´eriv´ee par rapport au temps de la position moyenne. Cette relation est identique `a celle trouv´ee classiquement. Au contraire, l’´equation (7.14) diff`ere de l’´equation classique :

d p

dt =−∇V(r)

r=r (7.15)

puisqu’en g´en´eralf( r)= f(r).

La limite classique. Supposons que la distribution en position soit piqu´ee autour d’une valeur r0. Alors ∇V(r) ∇V(r0), et les ´equations (7.13) et (7.14) pour les valeurs moyennes sont essentiellement les mˆemes que les

´equations classiques du mouvement1. Cette observation constitue le th´eor`eme d’Ehrenfest (1927), qui assure en particulier que l’on retrouve la dynamique classique pour le mouvement d’un objet macroscopique : quand les incerti-tudes quantiques ∆r et ∆p sont trop petites pour ˆetre d´etect´ees, on peut raisonnablement consid´erer que les paquets d’onde sont localis´es `a la fois en position et en impulsion et la notion de point mat´eriel reprend un sens. C’est la base du principe de correspondance, qui garantit que la m´ecanique classique

´emerge comme limite de la m´ecanique quantique.

Pour ´evaluer le crit`ere de validit´e de l’approximation classique, consid´erons un mouvement unidimensionnel. On a alors :

d soit, en prenant la valeur moyenne :

f=f(x) +∆x2

2 f(x) +. . .

o`u ∆x2 =(x− x)2. Le terme non classique dans l’´evolution de la valeur moyenne sera n´egligeable si :

|∆x2f(x)/f(x)| 1 , soit, en revenant au potentielV :

∆x2d3V

c’est-`a-dire si le potentiel varie lentement sur l’extension du paquet d’ondes.

Notons que cette condition est toujours v´erifi´ee siV(x) est un polynˆome du second degr´e.

3.3 Constantes du mouvement

Revenons au r´esultat (7.7). Celui-ci nous permet de d´eterminer `a quelle condition la quantit´e a reste constante lors de l’´evolution du syst`eme. Il suffit pour cela que l’observable ˆAcommute avec l’hamiltonien ˆH. On a alors, quel que soit l’´etat,d a/dt= 0. Donnons quelques exemples importants d’application de ce r´esultat :

1Une analyse plus d´etaill´ee est pr´esent´ee dans l’appendice D `a partir de la repr´esentation de Wigner de l’op´erateur densit´e de la particule.

3 . Th´eor`eme d’Ehrenfest 153 Conservation de la norme. Si ˆAest l’op´erateur identit´e ˆI, on obtient :

d ψ|ψ dt = 0 .

Ce r´esultat est une cons´equence directe du caract`ere auto-adjoint de l’hamil-tonien, qui permet d’´ecrire (7.5).

Conservation de l’´energie pour un syst`eme isol´e. Pour un probl`eme ind´ependant du temps, le choix ˆA= ˆH donne :

d E dt = 0 .

Conservation de l’impulsion. Consid´erons le mouvement d’une particule libre, d’hamiltonien ˆH = ˆp2/2m. Les observables ˆpx,pˆy,pˆz commutent avec Hˆ et on a donc :

dpi

dt = 0 i=x, y, z .

Tout comme en physique classique, ce r´esultat n’est plus vrai si la particule

´

evolue dans un potentiel inhomog`eneV(r), car les ˆpine commutent alors plus avec ˆH.

Conservation du moment cin´etique. Consid´erons le mouvement d’une particule dans un potentielcentralV(r). Classiquement, le moment cin´etique L =r×pest alors une constante du mouvement. Ce r´esultat reste vrai en m´ecanique quantique. On v´erifiera que :

pˆ2 2m,Lˆi

= 0

Vr),Lˆi

= 0 i=x, y, z ce qui entraˆıne :

dLi

dt = 0 i=x, y, z .

Ce r´esultat n’est plus vrai si l’invariance par rotation est bris´ee, c’est-`a-dire si le potentiel V(r) d´epend non seulement du module de r, mais aussi des angles polaire et azimutalθ etϕ.

Plus g´en´eralement, quand un probl`eme physique pr´esente une certaine sym´etrie (translation, rotation, etc.), celle-ci se traduit par le fait que l’hamil-tonien du probl`eme commute avec un op´erateur reli´e `a cette sym´etrie (l’impul-sion, le moment cin´etique, etc.). Grˆace au th´eor`eme d’Ehrenfest, on sait alors que la valeur moyenne de cet op´erateur est une constante du mouvement. Tout comme en physique classique, il importe donc, face `a un probl`eme nouveau, de savoir identifier ses sym´etries pour en tirer parti.

Remarque : si est ´etat propre de ˆH, la valeur moyenne ad’une ob-servable ˆAquelconque est ind´ependante du temps.