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M´ecanique quantique Cours de l’´Ecole polytechnique

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(1)

M´ecanique quantique Cours de l’´ Ecole polytechnique

Jean-Louis Basdevant et Jean Dalibard

F´evrier 2002

(2)
(3)

Table des mati` eres

Avant-Propos 7

Constantes physiques 13

1 Ph´ enom` enes quantiques 15

1 L’exp´ erience de Franck et Hertz . . . . 17

2 Interf´ erences des ondes de mati` ere . . . . 20

3 L’exp´ erience de Davisson et Germer . . . . 24

4 R´ esum´ e de quelques id´ ees importantes . . . . 29

2 La fonction d’onde et l’´ equation de Schr¨ odinger 33 1 La fonction d’onde . . . . 35

2 Interf´ erences et principe de superposition . . . . 36

3 Paquets d’ondes libres . . . . 40

4 Mesures d’impulsion et relations d’incertitude . . . . 45

5 L’´ equation de Schr¨ odinger . . . . 48

6 Mesure d’impulsion par « temps de vol » . . . . 50

3 Grandeurs physiques et mesures 55 1 Une mesure en m´ ecanique quantique . . . . 56

2 Grandeurs physiques et observables . . . . 58

3 R´ esultats possibles d’une mesure . . . . 61

4 Fonctions propres de l’´ energie et ´ etats stationnaires . . . . 64

5 Courant de probabilit´ e . . . . 66

6 Franchissement de barri` eres de potentiel . . . . 67

4 Quantification des ´ energies de syst` emes simples 77 1 Etats li´ ´ es et ´ etats de diffusion . . . . 77

2 Oscillateur harmonique ` a une dimension . . . . 80

3 Puits de potentiel carr´ es . . . . 84

4 Conditions aux limites p´ eriodiques . . . . 89

5 Puits double ; la mol´ ecule d’ammoniac . . . . 92

6 Applications du mod` ele du double puits . . . . 97

3

(4)

5 Principes de la m´ ecanique quantique 103

1 Espace de Hilbert . . . 104

2 Op´ erateurs dans l’espace de Hilbert . . . 106

3 Le th´ eor` eme spectral . . . 108

4 Mesure d’une grandeur physique . . . 112

5 Principes de la m´ ecanique quantique . . . 114

6 Structure de l’espace de Hilbert . . . 117

7 Evolution r´ ´ eversible et mesure . . . 120

6 Syst` emes ` a deux ´ etats 127 1 Espace de Hilbert ` a deux dimensions . . . 128

2 Un exemple familier : la polarisation de la lumi` ere . . . 128

3 Le mod` ele de la mol´ ecule d’ammoniac . . . 132

4 Mol´ ecule NH

3

dans un champ ´ electrique . . . 135

5 Champ oscillant et effet maser . . . 140

6 Principe et applications du maser . . . 142

7 Commutation des observables 147 1 Relations de commutation . . . 148

2 Relations d’incertitude . . . 149

3 Th´ eor` eme d’Ehrenfest . . . 150

4 Observables qui commutent . . . 154

5 L’oscillateur harmonique . . . 159

8 L’exp´ erience de Stern et Gerlach 169 1 Le principe de l’exp´ erience . . . 169

2 La description quantique du probl` eme . . . 173

3 Les observables ˆ µ

x

et ˆ µ

y

. . . 175

4 Discussion . . . 177

5 Description compl` ete de l’atome . . . 180

6 Evolution de l’atome dans un champ magn´ ´ etique . . . 183

7 Conclusion . . . 187

9 ethodes d’approximation 189 1 M´ ethode des perturbations . . . 189

2 La m´ ethode variationnelle . . . 195

10 Le moment cin´ etique 201 1 Relations de commutation . . . 202

2 Valeurs propres du moment cin´ etique . . . 202

3 Le moment cin´ etique orbital . . . 208

4 Moment cin´ etique et moment magn´ etique . . . 213

11 Premi` ere description des atomes 219

1 Syst` eme ` a deux corps – Mouvement relatif . . . 220

(5)

5

2 Mouvement dans un potentiel central . . . 222

3 L’atome d’hydrog` ene . . . 227

4 Atomes hydrog´ eno¨ıdes . . . 236

5 Atomes muoniques . . . 236

6 Spectre des alcalins . . . 238

12 Spin 1/2 et r´ esonance magn´ etique 243 1 Espace de Hilbert du spin 1/2 . . . 245

2 Description compl` ete d’une particule de spin 1/2 . . . 247

3 Moment magn´ etique de spin . . . 248

4 Variables d’espace et de spin non corr´ el´ ees . . . 251

5 La r´ esonance magn´ etique . . . 251

13 Addition des moments cin´ etiques 263 1 Addition des moments cin´ etiques . . . 264

2 Structure fine . . . 272

3 Raie ` a 21 cm de l’hydrog` ene . . . 275

14 Etats intriqu´ es, Paradoxe EPR 287 1 Le paradoxe EPR . . . 288

2 La cryptographie quantique . . . 296

3 L’ordinateur quantique . . . 301

15 Lagrangien et hamiltonien 307 1 Formalisme lagrangien et principe de moindre action . . . 308

2 Formalisme canonique de Hamilton et Jacobi . . . 311

3 M´ ecanique analytique et m´ ecanique quantique . . . 313

4 Particule dans un champ ´ electromagn´ etique . . . 315

5 Force de Lorentz en m´ ecanique quantique . . . 316

16 Particules identiques 323 1 L’indiscernabilit´ e de deux particules identiques . . . 324

2 Syst` eme de deux particules ; op´ erateur d’´ echange . . . 326

3 Principe de Pauli . . . 328

4 Cons´ equences physiques . . . 331

17 Evolution des syst` emes 345 1 Perturbations d´ ependant du temps . . . 346

2 Interaction d’un atome avec une onde lumineuse . . . 349

3 D´ esint´ egration d’un syst` eme . . . 356

4 Relation d’incertitude temps-´ energie . . . 363

18 Processus de collision 369 1 Notion de section efficace . . . 370

2 Calcul quantique ` a l’approximation de Born . . . 373

3 Exploration des syst` emes compos´ es . . . 379

(6)

4 Th´ eorie g´ en´ erale de la diffusion . . . 384

5 Diffusion ` a basse ´ energie . . . 388

19 Physique qualitative 393 1 Particule confin´ ee et ´ energie de l’´ etat fondamental . . . 394

2 Forces gravitationnelles et ´ electrostatiques . . . 398

3 Catastrophe gravitationnelle . . . 404

20 Historique de la m´ ecanique quantique 409 1 L’origine des concepts quantiques . . . 409

2 Le spectre atomique . . . 410

3 Le spin . . . 412

4 La m´ ecanique quantique matricielle . . . 413

5 La m´ ecanique ondulatoire . . . 415

6 La formalisation . . . 415

7 Quelques rep` eres dans l’histoire r´ ecente . . . 416

A Notions sur les probabilit´ es 419 1 Notions fondamentales . . . 419

2 Exemples de lois de probabilit´ es . . . 420

3 Variables al´ eatoires . . . 421

4 Moments d’une distribution de probabilit´ e . . . 423

B Distribution de Dirac, transform´ ee de Fourier 427 1 Distribution de Dirac ou « fonction » δ . . . 427

2 Distributions . . . 429

3 Transformation de Fourier . . . 432

C Op´ erateurs en dimension infinie 437 1 El´ ements de matrice d’un op´ erateur . . . 437

2 Bases continues . . . 438

D L’op´ erateur densit´ e 443 1 Etats purs . . . 444

2 M´ elanges statistiques . . . 447

3 Exemples d’op´ erateurs densit´ e . . . 449

4 Syst` emes intriqu´ es . . . 452

E Solutions des exercices 455

(7)

Avant-propos

Felix qui potuit rerum cognoscere causas (Heureux celui qui a pu p´ en´ etrer les causes secr` etes des choses) Goscinny et Uderzo, Ast´ erix en Corse, 1973, page 22 voir aussi : Virgile, G´ eorgiques, II

La m´ ecanique quantique a d’inattendu que l’on n’arrive pas jusqu’` a pr´ esent

`

a la mettre en d´ efaut. La seule indication qu’une « nouvelle » forme de phy- sique pourrait exister se trouve dans la cosmologie, et concerne les 10

−43

premi` eres secondes de l’univers. Cela contraste avec toutes les autres th´ eories physiques. La physique quantique a germ´ e au d´ ebut du XX

e

si` ecle de l’in- terrogation des physiciens devant une quantit´ e de faits exp´ erimentaux qui s’accumulaient sans pouvoir ˆ etre interpr´ et´ es globalement. Interrogation extra- ordinairement ambitieuse et f´ econde qui en fait l’une des grandes aventures intellectuelles de l’humanit´ e, peut-ˆ etre la plus grande du XX

e

si` ecle.

Sa naissance est inattendue. On raconte qu’au d´ ebut du XIX

e

si` ecle, Au- guste Comte affirmait qu’il serait ` a jamais impossible de connaˆıtre la compo- sition chimique des astres faute de pouvoir aller y voir

1

. S’il avait aussi pens´ e

`

a l’int´ erieur d’un four chaud, qui sur ce plan n’est gu` ere plus engageant, Au- guste Comte aurait, par la raison pure, pos´ e le berceau exp´ erimental de la m´ ecanique quantique.

La physique quantique perce fortuitement dans une id´ ee de Planck sur le rayonnement du corps noir, probl` eme reconnu comme fondamental par les physiciens de l’´ epoque. Elle se d´ eveloppe en parvenant ` a d´ emˆ eler l’´ echeveau des donn´ ees spectroscopiques. Son existence doit beaucoup ` a l’astrophysique, naissante elle aussi, qui au XIX

e

si` ecle fournissait en abondance des spectres.

On s’´ etait rendu compte que les spectres, complexes, caract´ erisaient les ´ el´ e- ments. On y avait d´ ecouvert des r´ egularit´ es (Balmer, Rydberg). L’analyse ph´ enom´ enologique donnait un ensemble de recettes efficaces et utiles (Ryd- berg, Rayleigh, Ritz). Mais rien ne laissait pr´ esager le bouleversement des fondements de la physique auquel cette m´ eticuleuse classification allait me- ner.

Sa destin´ ee est presque inattendue. Construite d’abord ph´ enom´ enologi- quement pour expliquer les lois du rayonnement, elle allait d´ eboucher sur une

1

James Lequeux : Histoire de l’astronomie, dans Le Grand Atlas de l’Astronomie (En- cyclopaedia Universalis).

7

(8)

explication compl` ete de la mati` ere, de la structure des atomes et des mol´ ecules.

La th´ eorie atomique cesse d’ˆ etre source de bavardage, devient r´ ealit´ e, et cela frappe les esprits. Dans un article publi´ e en 1948 et intitul´ e 2400 ans de ecanique quantique, Schr¨ odinger

2

qualifie D´ emocrite, Emp´ edocle et Leu- cippe, inventeurs de l’atomisme, de « premiers physiciens quantiques » . Il salue l` a avec enthousiasme l’effort de tous ceux qui avaient particip´ e ` a la compr´ ehension de la structure fondamentale de la mati` ere. L’atomisme, qui n’est rest´ e pendant plus de deux mill´ enaires qu’une doctrine philosophique, a

´ et´ e d` es l’origine source d’ˆ apres d´ ebats. D` es 500 avant J´ esus Christ, Parm´ enide et les El´ eates prˆ onaient au contraire une nature continue de la mati` ere. Leib- niz

3

, en 1704, pensait avoir d´ emontr´ e « pourquoi la notion des atomes est chim´ erique et ne vient que des conceptions incompl` etes des hommes ». Bien entendu, nos lumi` eres sur les atomes et les mol´ ecules nous sont venues d’abord des chimistes du XIX

e

si` ecle qui pouvaient r´ eduire les lois des r´ eactions chi- miques ` a des nombres entiers, puis de la th´ eorie cin´ etique de Maxwell et Boltzmann qui expliquait les propri´ et´ es thermodynamiques des gaz ` a partir de l’hypoth` ese mol´ eculaire. En ´ etant capable de d´ ecrire quantitativement ce que sont les atomes, la m´ ecanique quantique consacre leur essence.

L’´ etendue de son champ d’application est ´ egalement inattendue. Rapide- ment, toute la physique et toute la chimie deviennent quantiques. La th´ eorie rend compte des atomes, de la structure mol´ eculaire, mais aussi de la structure nucl´ eaire, des propri´ et´ es des ´ electrons dans les solides, de la conductibilit´ e, des chaleurs sp´ ecifiques, etc. L’astrophysique, pay´ ee de retour, connaˆıt un extra- ordinaire d´ eveloppement grˆ ace ` a la th´ eorie quantique. Celle-ci permet une compr´ ehension profonde et fine du rayonnement, et ouvre des acc` es nouveaux et quantitatifs au cosmos, ` a sa composition, aux conditions physiques qui y r` egnent. La th´ eorie quantique seule permet de comprendre certains ´ etats et processus cosmiques : formation et ´ evolution d’´ etoiles, existence d’astres quantiques comme les naines blanches ou les ´ etoiles ` a neutrons.

Le bouleversement intellectuel et philosophique qu’elle a provoqu´ e est consid´ erable. Bouleversement conceptuel : pour la premi` ere fois, non seule- ment la raison pure, mais ce qu’on croit ˆ etre le « sens commun » sont mis en d´ efaut par les faits exp´ erimentaux. On doit construire une nouvelle fa¸con de penser le r´ eel, une nouvelle logique. Il faut fa¸conner une intuition quantique, contraire ` a l’intuition imm´ ediate. On voit percer une r´ evolution ´ epist´ emo- logique. La pens´ ee philosophique va jouer un rˆ ole profond dans la domesti- cation de cette science nouvelle. Kirkegaard, H¨ offding, Wittgenstein et bien d’autres, avaient d´ ej` a d´ ecouvert les traˆıtrises du langage courant. Le langage int` egre de fa¸con occulte quantit´ e d’a-priori ; or, un champ exp´ erimental nou- veau requiert des concepts et un langage qui lui sont propres. Telle « ´ evidence » n’est que le fruit de notre intuition et de notre perception imm´ ediate des choses. La m´ ecanique quantique semble se complaire ` a leur donner raison.

2

E. Schr¨ odinger, 2400 Jahre Quantenmechanik, Annalen der Physik 3 , 43 (1948).

3

G.W. Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain.

(9)

9 Elle heurte un certain rationalisme. Il est ´ etonnant de constater que si, ` a l’heure actuelle, le formalisme, l’appareil math´ ematique et le cadre op´ eratoire de cette th´ eorie sont universellement reconnus, il existe encore des d´ ebats acharn´ es sur son interpr´ etation et ses implications philosophiques

4

. Pour la premi` ere fois sans doute, l’esprit humain se sent parfois domin´ e par une v´ erit´ e qu’il a lui-mˆ eme construite.

Ce qui ´ etait r´ eellement insoup¸conn´ e dans la th´ eorie quantique ´ etait qu’elle s’attaquerait si directement et avec tant de succ` es ` a la structure fondamen- tale de la mati` ere. Il n’y a pas d’indication exp´ erimentale, aujourd’hui, qu’un cadre conceptuel plus riche est n´ ecessaire pour percer le secret des compo- sants ultimes de la mati` ere et de leurs interactions. Parce qu’elle constitue une th´ eorie « compl` ete » des processus fondamentaux qui gouvernent les lois de la physique, cette derni` ere y a gagn´ e une nouvelle et incomparable dimen- sion.

Par sa puissance analytique et pr´ edictive, la physique quantique a permis de pr´ evoir des effets dont les applications n’ont cess´ e, depuis une cinquantaine d’ann´ ees, de bouleverser d’innombrables secteurs de la technologie, d’ouvrir des voies nouvelles, de changer l’ordre de grandeur de ce qu’il ´ etait conce- vable de r´ ealiser. Fabriquer un mat´ eriau ayant des propri´ et´ es thermiques ou m´ ecaniques adapt´ ees ` a un usage donn´ e, d´ etecter une d´ eficience dans une fonc- tion biologique et y rem´ edier de fa¸con pr´ ecise, sont des op´ erations de moins en moins empiriques, de plus en plus raisonn´ ees. Le d´ eveloppement de la phy- sique des semi-conducteurs, celui de la micro´ electronique, puis de l’acquisition et du traitement de l’information, de l’acc` es au savoir, du d´ eveloppement de la communication qui en r´ esultent, impr` egnent notre vie quotidienne. Ils consti- tuent une v´ eritable « r´ evolution » dans l’histoire de l’humanit´ e, qui multiplie la puissance de l’esprit comme la r´ evolution industrielle du XIX

e

si` ecle avait multipli´ e la force de l’homme. Ce gigantesque bond technologique modifie pro- fond´ ement l’ensemble de la vie ´ economique, sociale, politique, au point que l’adaptation de la soci´ et´ e ` a ce progr` es devient en soi une question de premier plan, les scientifiques eux-mˆ emes ne percevant que lentement les r´ epercussions intellectuelles et sociales de ce d´ eveloppement.

Certes, le nombre de probl` emes qui se posent croˆıt rapidement ` a mesure que l’on avance. Le passage au macroscopique, ` a la physique de « l’infiniment complexe » , requiert les m´ ethodes et concepts propres de la m´ ecanique sta- tistique. On ne peut pas tout ramener au microscopique. L` a aussi, mˆ eme si des progr` es consid´ erables ont ´ et´ e faits dans les derni` eres d´ ecennies, une mul- titude de nouvelles questions s’ouvrent sans cesse. Mais il est ind´ eniable que la physique a chang´ e de dimension et de perspectives en entrant dans l’` ere quantique.

Rappelons enfin que la construction de la m´ ecanique quantique doit beau- coup ` a la collaboration active des math´ ematiciens. Le cadre math´ ematique de

4

Voir par exemple B. d’Espagnat, A la recherche du r´ eel et Une incertaine r´ ealit´ e,

Gauthier-Villars, 1981 et 1985.

(10)

la th´ eorie fut pos´ e assez rapidement par Hilbert et Von Neumann. La struc- ture de la th´ eorie, comme celle de la th´ eorie quantique des champs, a ´ et´ e et reste une source fructueuse de sujets de recherche en math´ ematiques.

La p´ edagogie de la m´ ecanique quantique a suscit´ e des d´ ebats peut-ˆ etre aussi ˆ apres que ceux sur ses fondements. La plupart des premiers trait´ es ´ etait ax´ es sur l’un des deux pˆ oles suivants. Dans les uns, on consacrait plusieurs chapitres ` a l’explication des ´ echecs des conceptions classiques pour se lancer dans des similitudes longues et parfois obscures. L’autre m´ ethode, plus radi- cale, consistait ` a exposer d’abord les beaut´ es et vertus math´ ematiques de la th´ eorie en mentionnant succinctement et sch´ ematiquement quelques affirma- tions ou faits exp´ erimentaux. Une troisi` eme voie s’est fait jour dans les ann´ ees 1960. Elle consiste ` a d’abord d´ ecrire les ph´ enom` enes quantiques en introdui- sant, voire en inventant, les structures math´ ematiques au fur et ` a mesure que la n´ ecessit´ e s’en fait sentir.

Dans les vingt derni` eres ann´ ees, la situation a consid´ erablement ´ evolu´ e pour trois raisons essentielles.

La premi` ere est exp´ erimentale. Bon nombre d’exp´ eriences fondamentales et faciles ` a discuter, mais dont la r´ ealisation ´ etait techniquement difficile, sont devenues accessibles. Donnons-en deux exemples. L’un est l’exp´ erience d’interf´ erences d’atomes dans un dispositif de trous d’Young ; elle date des ann´ ees 1990 et nous la d´ ecrivons au chapitre 1. Cette exp´ erience permet de parler concr` etement et de fa¸con claire de ce qui n’´ etait avant qu’une exp´ erience de pens´ ee (gedanken experiment). Le second exemple est celui des interf´ erences de neutrons que nous mentionnons au chapitre 12. Ces exp´ eriences, men´ ees au d´ ebut des ann´ ees 1980 aupr` es de r´ eacteurs ` a haut flux, ont mis un terme ` a une controverse de 50 ans sur la mesurabilit´ e de la phase de la fonction d’onde, que ce soit dans un champ gravitationnel ou dans un champ magn´ etique.

La deuxi` eme raison provient de ce que nous pouvons appeler la mise ` a bas des paradoxes. La r´ eponse exp´ erimentale aux in´ egalit´ es de Bell est l’une des

´ etapes intellectuelles les plus importantes de l’histoire de la m´ ecanique quan- tique. Nous poss´ edons des r´ eponses exp´ erimentales, quantitatives, ` a des ques- tions qui frˆ olaient la m´ etaphysique. Ces exp´ eriences, comme d’autres exp´ e- riences sur les ´ etats intriqu´ es que nous ´ evoquons au chapitre 14, ont chang´ e notre fa¸con de penser. En un sens, on r´ ealise maintenant qu’en opposition avec la majorit´ e des physiciens de son ´ epoque, c’est Einstein qui avait raison de penser que l’interpr´ etation de la m´ ecanique quantique pose un v´ eritable probl` eme physique, mˆ eme si la solution ` a laquelle il pensait n’´ etait peut-ˆ etre pas la bonne. Plus r´ ecemment, le d´ eveloppement th´ eorique de la d´ ecoh´ erence et sa v´ erification exp´ erimentale sur les syst` emes m´ esoscopiques ont constitu´ e des pas en avant consid´ erables dans la compr´ ehension des fondements de la m´ ecanique quantique.

La troisi` eme raison provient de l’extraordinaire d´ eveloppement des m´ e-

thodes num´ eriques de simulation et d’imagerie par ordinateur. Nous pouvons

v´ eritablement faire une repr´ esentation visuelle de processus sur des ´ echelles

(11)

11 tr` es courtes dans l’espace-temps. Cela permet une appr´ ehension intuitive di- recte radicalement nouvelle de la th´ eorie et de ses cons´ equences. En exergue de son livre An Introduction to the Meaning and Structure of Physics, L´ eon Cooper ´ ecrit, en fran¸cais dans le texte : « S’il est vrai qu’on construit des cath´ edrales aujourd’hui dans la Science, il est bien dommage que les gens n’y puissent entrer, ne puissent pas toucher les pierres elles-mˆ emes ». Les moyens multimedia permettent d’envisager de nouvelles cl´ es d’acc` es ` a ces monuments modernes.

Dans ce livre, qui repose sur une exp´ erience d’enseignement de 25 ans ` a l’Ecole polytechnique, nous avons fait grand usage de ces trois aspects. Peut- ˆ

etre davantage du premier et du troisi` eme, mˆ eme si le deuxi` eme a jou´ e psy- chologiquement un rˆ ole cl´ e, illustr´ e au chapitre 14. Nous avons suivi une ligne assez traditionnelle, en commen¸cant par la m´ ecanique ondulatoire pour pro- gressivement se familiariser avec les notions math´ ematiques essentielles. Nous avons fait de notre mieux pour introduire les outils math´ ematiques ` a partir de consid´ erations « probl´ ematiques » sur la structure des ph´ enom` enes. Le livre est accompagn´ e d’un CD-rom dˆ u ` a Manuel Joffre, qui contient des exemples, applications, illustrations, liens web, dont nous esp´ erons qu’ils seront utiles pour apprivoiser la th´ eorie. Bien entendu, nous ne pouvons pas pr´ etendre que ce livre soit exempt d’abstraction ou de th´ eorie : les math´ ematiques sont le langage de la physique. Se forger une intuition directe des ph´ enom` enes quan- tiques est une affaire personnelle qui ne peut r´ esulter que de la pratique de la th´ eorie et des faits exp´ erimentaux, avec tout l’inattendu qu’ils comporteront.

Nous tenons ` a remercier tous les coll` egues qui nous ont aid´ es, tant dans l’enseignement de l’´ Ecole polytechnique que dans la r´ edaction des versions successives de ce texte. Nous voudrions ici rendre hommage ` a la m´ emoire d’´ Eric Par´ e et ` a celle de Dominique Vautherin. ´ Eric, un merveilleux ami et un physicien des particules remarquable, est disparu accidentellement ` a 39 ans en juillet 1998. Dominique, th´ eoricien qui avait fait d’importantes contributions

`

a la physique nucl´ eaire et au probl` eme ` a N corps, a gard´ e tout son humour, sa g´ en´ erosit´ e et sa merveilleuse intelligence dans le combat contre une maladie qui l’a vaincu en d´ ecembre 2000 ` a l’ˆ age de 59 ans. Tous deux ont fait des contributions d´ ecisives ` a ce texte.

Nous remercions chaleureusement tous nos coll` egues de la merveilleuse

´

equipe d’enseignement avec qui nous avons travaill´ e et eu beaucoup d’´ echanges : Manuel Joffre bien entendu, Florence Albenque, Herv´ e Arri- bart, Alain Aspect, G´ erald Bastard, Adel Bilal, Alain Blondel, Jean-No¨ el Chazalviel, Jean-Yves Courtois, Nathalie Deruelle, Henri-Jean Drouhin, Claude Fabre, Hubert Flocard, Philippe Grangier, Denis Gratias, Gilbert Grynberg, Fran¸cois Jacquet, Thierry Jolicoeur, David Langlois, R´ emy Mosseri, Pierre Pillet, Daniel Ricard, Jim Rich, Emmanuel Rosencher, Andr´ e Roug´ e, Michel Spiro, Alfred Vidal-Madjar et Henri Videau. Chacun trouvera,

¸c` a et l` a, une id´ ee ` a lui.

L’un de nous (JLB) exprime sa gratitude ` a Yves Qu´ er´ e, co-auteur d’une

(12)

premi` ere version de ce texte, ` a Bernard Sapoval, Ionel Solomon et Roland Omn` es pour leur aide et leurs encouragements lors du d´ ebut de cet enseigne- ment. il remercie ses coll` egues math´ ematiciens Laurent Schwartz, Alain Gui- chardet, Yves Meyer, Jean-Pierre Bourguignon et Jean-Michel Bony, et Marcel F´ etizon, professeur de Chimie ` a l’Ecole Polytechnique, pour de multiples et fructueuses collaborations interdisciplinaires. Il souhaite rendre hommage ` a la m´ emoire de Bernard Gregory, et ` a celle de Michel M´ etivier.

Palaiseau, mars 2001,

Jean-Louis Basdevant et Jean Dalibard

(13)

Constantes physiques

Unit´ es :

Angstr¨ om 1 ˚ A = 10

10

m ( taille d’un atome) Fermi 1 fm = 10

15

m ( taille d’un noyau) Electron-volt 1 eV = 1, 60218 10

19

J

Constantes fondamentales :

Constante de Planck h = 6, 6261 10

34

J s

¯

h = h/2π = 1, 05457 10

34

J s

= 6, 5821 10

22

MeV s Vitesse de la lumi` ere c = 299 792 458 m s

1

¯

hc = 197, 327 MeV fm 1973 eV ˚ A Perm´ eabilit´ e du vide µ

0

= 4π10

7

H m

1

,

0

µ

0

c

2

= 1

Constante de Boltzmann k

B

= 1, 38066 10

23

J K

1

= 8, 6174 10

5

eV K

1

Nombre d’Avogadro N

A

= 6, 0221 10

23

Charge de l’´ electron q

e

= q = 1, 60218 10

19

C et e

2

= q

2

/(4π

0

) Masse de l’´ electron m

e

= 9, 1094 10

31

kg, m

e

c

2

= 0, 51100 MeV Masse du proton m

p

= 1, 67262 10

27

kg, m

p

c

2

= 938, 2 7 MeV

m

p

/m

e

= 1836, 15

Masse du neutron m

n

= 1, 67493 10

27

kg, m

n

c

2

= 939, 57 MeV Constante de structure fine (sans dimension) α = e

2

/(¯ hc) = 1/137, 036 Rayon classique de l’´ electron r

e

= e

2

/(m

e

c

2

) = 2, 818 10

15

m

Longueur d’onde de Compton de l’´ electron λ

c

= h/(m

e

c) = 2, 426 10

12

m Rayon de Bohr a

1

= ¯ h

2

/(m

e

e

2

) = 0, 52918 10

10

m

Energie d’ionisation de l’hydrog` ene E

I

= m

e

e

4

/(2¯ h

2

) = α

2

m

e

c

2

/2 = 13, 6057 eV Constante de Rydberg R

= E

I

/(hc) = 1, 09737 10

7

m

1

Magn´ eton de Bohr µ

B

= q

e

¯ h/(2m

e

) = −9, 2740 10

24

J T

1

= −5, 7884 10

5

eV T

1

Magn´ eton nucl´ eaire µ

N

= h/(2m

p

) = 5, 0508 10

27

J T

1

= 3, 1525 10

8

eV T

1

Les valeurs mises ` a jour peuvent ˆ etre consult´ ees sur

http ://wulff.mit.edu/constants.html

(14)
(15)

Chapitre 1

Ph´ enom` enes quantiques

Toute mati` ere commence par un grand d´ erangement spirituel.

Antonin Artaud

La naissance de la physique quantique s’est produite le 14 d´ ecembre 1900, lorsque Planck, devant la Soci´ et´ e Allemande de Physique, proposa une formule simple en parfait accord avec les exp´ eriences sur le spectre du rayonnement du corps noir. Planck avait d’abord obtenu son r´ esultat ` a partir d’argu- ments empiriques, mais s’´ etait aper¸cu qu’on pouvait d´ eduire le point central de son argumentation ` a partir de la thermodynamique statistique en faisant l’hypoth` ese curieuse que des oscillateurs m´ ecaniques charg´ es, de fr´ equence ν, ne pouvaient ´ emettre ou absorber de l’´ energie lumineuse que par quantit´ es discr` etes (des « quanta » d’´ energie n hν). Planck comprit que le quantum d’action h, est une constante fondamentale :

h 6, 6261 10

34

J s . (1.1)

Les quanta de Planck ´ etaient myst´ erieux, mais son r´ esultat ´ etonnamment efficace. Jusqu’en 1905, pas plus la communaut´ e scientifique que Planck lui- mˆ eme n’appr´ eci` erent la port´ ee de sa d´ ecouverte. A cette date, Einstein publie son c´ el` ebre m´ emoire Sur un point de vue heuristique concernant la production et la transformation de la lumi` ere,

1

suivi d’une s´ erie d’articles fondamentaux o` u il rel` eve et rectifie certaines incoh´ erences dans les raisonnements de Planck.

Si l’on pousse les id´ ees de celui-ci, il faut admettre que la lumi` ere elle-mˆ eme a des propri´ et´ es « quantiques », et Einstein introduit le concept de quantum de rayonnement, appel´ e photon par Lewis en 1926, particule qui, pour une lumi` ere de fr´ equence ν ou de pulsation ω, a une ´ energie :

E = = ¯ avec ¯ h = h

2π = 1, 0546 10

34

J s. (1.2)

1

Annalen der Physik 17 , 132 (1905) ; traduit en anglais par A.B. Arons et M.B. Peppard, American Journal of Physics 33 , 367 (1965).

15

(16)

Au passage, Einstein comprend l’explication et les lois de l’effet photo´ elec- trique, d´ ecouvert en 1887 par Hertz, et ´ etudi´ e syst´ ematiquement par Lenard entre 1899 et 1902, puis par Millikan. Le photon est ´ egalement pourvu d’une impulsion :

p = ¯ h k |k| = 2π/λ , (1.3)

o` u k est le vecteur d’onde de l’onde ´ electromagn´ etique, comme le prouveront en 1923 les exp´ eriences de Compton (diffusion des rayons X par les ´ electrons libres d’une mince feuille d’aluminium).

Mˆ eme si les quanta de Planck ´ etaient myst´ erieux, ils ´ etaient bien accept´ es par la communaut´ e scientifique, ´ etant donn´ e la qualit´ e de son r´ esultat. Au contraire, les quanta d’Einstein soulev` erent de s´ erieuses controverses qui per- sist` erent plusieurs ann´ ees. Plusieurs physiciens consid´ eraient l’id´ ee comme absurde car en contradiction flagrante avec les ´ equations de Maxwell qui d´ ecrivent l’´ energie et l’impulsion du rayonnement comme des fonctions conti- nues tant dans l’espace que dans le temps. Einstein en ´ etait bien conscient, mais il pensait que les mesures en optique ne concernaient que des moyennes dans le temps, et qu’il ´ etait concevable que les ´ equations de Maxwell fussent in- suffisantes d` es lors que l’on avait affaire ` a des processus quasi-instantan´ es. Ein- stein qualifiait son hypoth` ese corpusculaire de « pas en avant r´ evolutionnaire ».

Il avait compris la « dualit´ e » de la manifestation des propri´ et´ es de la lumi` ere qui peuvent ˆ etre ` a la fois ondulatoires et corpusculaires. C’est la d´ ecouverte primordiale, le v´ eritable point de d´ epart de la th´ eorie quantique.

La seconde ´ etape se situe pendant les ann´ ees 1912–1914. Niels Bohr, en cherchant un mod` ele coh´ erent de la structure des atomes, effectue la synth` ese entre le principe de combinaison des raies spectrales de Ritz, le mod` ele atomique de Rutherford (qui venait, en 1911, de d´ ecouvrir l’existence du noyau), et les quanta de Planck et Einstein. Bohr postule que les ´ energies des ´ edifices atomiques et mol´ eculaires n’adoptent que des valeurs discr` etes, et que l’´ emission ou l’absorption de lumi` ere par ces ´ edifices ne se fait que pour certaines fr´ equences lumineuses bien pr´ ecises :

ν

if

= |E

i

E

f

|/h , (1.4)

o` u E

i

et E

f

sont les ´ energies du syst` eme avant et apr` es l’´ emission (ou l’absorption). Ayant eu fortuitement connaissance de la formule empirique de Balmer, Bohr devine une r` egle de quantification des ´ energies et d´ eveloppe en quelques semaines son c´ el` ebre mod` ele de l’atome d’hydrog` ene. Le m´ ecanisme de l’´ emission et de l’absorption de la lumi` ere restait obscur dans la th´ eorie de Bohr. Il ne fut expliqu´ e que plus tard, en particulier par Einstein. Cepen- dant, d` es 1914, les exp´ eriences de Franck et Hertz montraient directement la quantification des ´ energies dans les atomes.

Ainsi, l’histoire avait voulu que la quantification du rayonnement fˆ ut d´ e-

couverte avant celle de la mati` ere. Cette derni` ere, cependant, semblait impli-

quer un caract` ere « discontinu » des lois de la nature qui heurtait la sensibilit´ e

(17)

1 . L’exp´ erience de Franck et Hertz 17 de certains physiciens, et c’est avec enthousiasme qu’Einstein, entre autres, ac- cueillit la remarquable hypoth` ese ondulatoire de Louis de Broglie, en 1923. De mˆ eme que la lumi` ere pr´ esente un comportement corpusculaire, de mˆ eme, sup- pose Louis de Broglie, les particules, par exemple l’´ electron, peuvent pr´ esenter un comportement ondulatoire. A toute particule de vitesse v et d’impulsion p = m v , de Broglie « associe » une onde, de longueur d’onde :

λ = h/p . (1.5)

Cette hypoth` ese ondulatoire permettait d’entrevoir la quantification de la mati` ere comme un ph´ enom` ene d’ondes stationnaires, et restaurait la conti- nuit´ e tant d´ esir´ ee par Einstein.

Louis de Broglie s’´ etait inspir´ e d’une s´ erie de travaux th´ eoriques, notam- ment de Marcel Brillouin. Par ailleurs, il fr´ equentait le laboratoire de son fr` ere Maurice de Broglie, et il s’´ etonnait d’entendre les physiciens parler du mˆ eme ˆ

etre physique tantˆ ot en tant qu’« ´ electron », tantˆ ot en tant que « rayon β » dans la radioactivit´ e.

La th´ eorie de la m´ ecanique quantique dans son formalisme actuel s’est faite tr` es rapidement entre 1925 et 1927, et apparaˆıt comme le fruit de la conjonction exceptionnelle des talents de physiciens et de math´ ematiciens comme Schr¨ odinger, Heisenberg, Born, Bohr, Dirac, Pauli, Hilbert, Von Neu- mann, etc. Cette synth` ese remarquable, suivie d’exp´ eriences cruciales qui al- laient rapidement ancrer la nouvelle m´ ecanique, provenait de tout un travail exp´ erimental et th´ eorique effectu´ e dans le premier quart du XX

e

si` ecle, dont nous n’avons relev´ e ci-dessus que quelques ´ etapes marquantes.

Parmi toutes les exp´ eriences, nous en avons choisi trois, particuli` erement exemplaires. Au § 1, nous pr´ esenterons tout d’abord l’exp´ erience de Franck et Hertz, premi` ere d´ emonstration exp´ erimentale de la quantification de l’´ energie dans les atomes. Nous discuterons ensuite au § 2 une exp´ erience montrant le comportement ondulatoire de corpuscules mat´ eriels, des atomes en l’occur- rence, et nous en d´ eduirons au le caract` ere probabiliste de la physique quan- tique. Nous ´ evoquerons enfin au § 3 la premi` ere d´ emonstration exp´ erimentale, due ` a Davisson et Germer, du comportement ondulatoire des ´ electrons au tra- vers de leur diffraction par un r´ eseau cristallin.

Ces exp´ eriences sont exemplaires car elles montrent la difficult´ e de p´ en´ etrer le monde quantique. L’intuition, la « raison » , et le « bon sens » que nous avons fa¸conn´ es ` a partir de la physique classique rec` elent des pi` eges inattendus.

Exemplaires aussi parce qu’elles contiennent l’essentiel des concepts nouveaux qu’il faut ´ elaborer pour comprendre les ph´ enom` enes quantiques.

1 L’exp´ erience de Francket Hertz

Les id´ ees de Niels Bohr re¸curent une confirmation exp´ erimentale ´ eclatante

et inattendue d` es 1914. James Franck et Gustav Hertz ´ etudiaient ` a l’´ epoque un

ph´ enom` ene aussi important par ses applications pratiques que du point de vue

(18)

fondamental : les rayons cathodiques et les d´ echarges ´ electriques dans les gaz rar´ efi´ es. Ils se posaient comme beaucoup d’autres le probl` eme de l’am´ elioration des tubes ´ electroniques, notamment pour le perfectionnement du t´ el´ ephone ` a longue distance.

En 1914, Franck et Hertz font une d´ ecouverte ´ etonnante en bombardant une vapeur d’atomes de mercure avec des ´ electrons acc´ el´ er´ es ` a des ´ energies de quelques eV. Tant que l’´ energie des ´ electrons est inf´ erieure ` a un certain seuil, E

s

= 4,9 eV, la collision est parfaitement ´ elastique : les ´ electrons ´ emergents ont la mˆ eme ´ energie que les ´ electrons incidents. Rien d’anormal : la masse d’un atome de mercure est 400 000 fois sup´ erieure ` a celle de l’´ electron, son

´ energie de recul est n´ egligeable. L’´ enorme surprise est que lorsqu’on atteint l’´ energie de seuil E

s

= 4,9 eV, les ´ electrons sortants perdent pratiquement toute leur ´ energie dans la collision. Au-dessus de cette valeur, une fraction des ´ electrons ´ emergents ont une ´ energie inf´ erieure de pr´ ecis´ ement 4,9 eV ` a leur ´ energie initiale, les autres ont conserv´ e leur ´ energie.

Par ailleurs, lorsque l’´ energie des ´ electrons est sup´ erieure ` a ce seuil, on observe que les atomes de mercure ´ emettent un rayonnement ultraviolet de longueur d’onde λ = 253,7 nm, ce qui ne s’observe pas si l’´ energie des ´ electrons est inf´ erieure au seuil. Or la raie du mercure ` a λ = 253,7 nm est connue depuis longtemps dans la spectroscopie de cet ´ el´ ement, elle correspond ` a une fr´ equence ν qui satisfait la relation = 4,9 eV !

Cette observation est une confirmation simple et directe des id´ ees de Niels Bohr sur la structure de l’atome et sur la spectroscopie. L’interpr´ etation des r´ esultats de Franck et Hertz corrobore parfaitement que l’´ energie d’un atome ne peut adopter que des valeurs discr` etes, ou quantifi´ ees, et que les raies de la spectroscopie correspondent ` a des transitions entre ces niveaux d’´ energie. En entrant en collision avec l’atome, l’´ electron peut lui transf´ erer son ´ energie, et le porter de son niveau d’´ energie le plus bas ` a un niveau d’´ energie sup´ erieure, per- dant dans ce processus la diff´ erence d’´ energie correspondante. Bien entendu, cela ne peut se produire que si l’´ energie de l’´ electron incident est sup´ erieure ou ´ egale ` a cette diff´ erence d’´ energie entre niveaux atomiques. Une fois port´ e dans le niveau d’´ energie sup´ erieur, l’atome se d´ esexcite en ´ emettant un rayon- nement ` a la fr´ equence de Bohr.

Le r´ esultat de Franck et Hertz, qui obtiendront le prix Nobel en 1925 pour cette d´ ecouverte, est salu´ e par la communaut´ e scientifique. C’est en effet la preuve m´ ecanique directe de la quantification de l’´ energie dans les syst` emes atomiques et mol´ eculaires. Franck et Hertz poursuivirent cette exploration syst´ ematiquement, mettant en ´ evidence les raies suivantes du spectre du mer- cure et d’autres ´ el´ ements, comme l’h´ elium. Cette m´ ethode, dans sa conception, est ` a la base de quantit´ e de d´ ecouvertes, notamment en physique nucl´ eaire et en physique des particules ´ el´ ementaires.

Un exemple assez r´ ecent concerne les mol´ ecules diatomiques. Dans une

telle mol´ ecule, par exemple la mol´ ecule de monoxyde de carbone CO, les deux

atomes peuvent vibrer l’un par rapport ` a l’autre le long de l’axe de la mol´ ecule.

(19)

1 . L’exp´ erience de Franck et Hertz 19 Pour de faibles ´ elongations, ces vibrations sont sinuso¨ıdales. Nous ´ etudierons ce type de probl` eme au chapitre 4. Le r´ esultat concernant les niveaux d’´ energie d’un tel oscillateur est particuli` erement simple. Si ν d´ esigne la fr´ equence de l’oscillateur classique correspondant (2πν =

k/m o` u k est le coefficient de la force de rappel et m la masse r´ eduite), les niveaux d’´ energie sont ´ equidistants, de la forme :

E

n

= (n + 1 2 ) hν .

La diff´ erence d’´ energie entre deux niveaux est un multiple entier de . La v´ erification exp´ erimentale consiste ` a envoyer un faisceau d’´ electrons d’´ energie donn´ ee (typiquement 2 eV) sur un faisceau mol´ eculaire de basse temp´ erature. Un d´ etecteur mesure la distribution en ´ energie des ´ electrons

´

emergents. L’´ energie perdue par un ´ electron incident a ´ et´ e transf´ er´ ee aux mol´ ecules. D’apr` es la th´ eorie, cette ´ energie est n hν (n = 0 collision ´ elastique, n = 1, 2 . . . collision in´ elastique). On s’attend donc ` a une s´ erie de pics ´ ega- lement espac´ es dont la position nous donne la fr´ equence de vibration de la mol´ ecule.

x 3

0 1 2

Perte d'énergie E1-E2 (eV) Jet

moléculaire de CO

Electrons diffusés

E1 E2

Electrons incidents

Courant électronique diffusé

Fig. 1.1: Spectre en ´ energie des ´ electrons diffus´ es par un faisceau de mol´ ecules de CO ` a une ´ energie incidente de E

1

= 2,05 eV. Les pics du signal cor- respondent ` a l’excitation des modes de vibration des mol´ ecules apr` es colli- sion avec un ´ electron. L’ordonn´ ee de la courbe correspondant aux collisions in´ elastiques (moins probables que les collisions ´ elastiques) a ´ et´ e multipli´ ee par 3.

Les r´ esultats

2

pour la mol´ ecule CO sont repr´ esent´ es sur la figure 1.1. Ils font bien ressortir l’espacement constant des niveaux vibrationnels. A l’aide de ces donn´ ees, on d´ etermine l’espacement des niveaux ∆E = de CO, et sa fr´ equence de vibration :

∆E 0,26 eV ν 6,5 10

13

Hz .

2

G.J. Schulz, Phys. Rev. 135 , 988 (1964).

(20)

Ce type d’exp´ erience a ´ et´ e fait avec toute une s´ erie de mol´ ecules diatomiques, sur la structure desquelles on obtient ainsi des renseignements pr´ ecieux.

2 Interf´ erences des ondes de mati` ere

L’exp´ erience fondamentale qui prouve le comportement ondulatoire des particules, pr´ evu par Louis de Broglie en 1923, date de 1927. Elle est due

`

a Davisson et Germer, qui mirent en ´ evidence la diffraction d’un faisceau d’´ electrons par un cristal de nickel. Pour analyser les ph´ enom` enes quan- tiques fondamentaux que cette exp´ erience met en relief, nous nous r´ ef´ ererons d’abord ` a une exp´ erience plus simple conceptuellement, mais plus d´ elicate ` a r´ ealiser : les interf´ erences d’un faisceau de particules dans un dispositif de fentes d’Young. Nous exposerons l’exp´ erience de Davisson et Germer dans la section suivante.

x

D a

S1

S2

C I

x xi

Fig. 1.2: Exp´ erience d’interf´ erences avec des fentes d’Young : une onde monochro- matique de longueur d’onde λ arrive sous incidence normale sur une plaque perc´ ee de deux fentes lin´ eaires distantes de a. L’´ eclairement I(x) d’un ´ ecran ` a une distance D a fait apparaˆıtre une figure d’interf´ erences avec un interfrange x

i

= λD/a.

2.1 Interf´ erences avec deux fentes d’Young

L’exp´ erience d’interf´ erences d’ondes optiques, acoustiques ou d’ondula- tions ` a la surface d’un liquide, repr´ esent´ ee en figure 1.2, est simple ` a r´ ealiser.

Une onde plane monochromatique de longueur d’onde λ provenant d’une source S est envoy´ ee perpendiculairement ` a un ´ ecran E dans lequel sont perc´ ees deux fentes parall` eles S

1

et S

2

. Ces deux fentes se comportent comme des sources secondaires, et l’intensit´ e recueillie sur un ´ ecran ` a la sortie r´ ev` ele les interf´ erences des faisceaux issus de ces fentes.

L’amplitude A

c

de l’onde arrivant en un point C est la somme des ampli- tudes A

1

et A

2

issues des deux fentes, et l’intensit´ e I

c

est :

I

c

= | A

c

|

2

= | A

1

+ A

2

|

2

. (1.6)

Cette formule est ` a la base du ph´ enom` ene d’interf´ erences. L’intensit´ e I

c

est

forte si les amplitudes A

1

et A

2

sont en phase, elle s’annule si elles sont en

(21)

2. Interf´ erences des ondes de mati` ere 21 opposition de phase. Nous supposons ici que x et a sont tous deux faibles devant D (x est la distance du point C au centre de l’´ ecran (voir figure 1.2), et D est la distance entre le plan des fentes et le plan d’observation). Dans cette approximation, la diff´ erence de longueur entre les trajets S

1

C et S

2

C est δ xa/D. Cette diff´ erence se traduit par un d´ ephasage φ entre les amplitudes A

1

et A

2

: φ = 2πδ/λ = 2πxa/(λD). Par cons´ equent, l’interfrange x

i

, d´ efini comme la distance entre deux franges cons´ ecutives sur l’´ ecran, est x

i

= λD/a.

3,5 cm

85 cm atomes froids

écran de détection 1 cm

Fig. 1.3: A gauche : exp´ erience de fentes d’Young r´ ealis´ ee avec des atomes de n´ eon, pr´ ealablement refroidis par laser au milliKelvin. A droite : distribution observ´ ee exp´ erimentalement ; chaque point de la figure correspond ` a l’impact d’un atome sur la plaque d´ etectrice. Les franges d’interf´ erences sont clairement visibles.

2.2 Les interf´ erences d’atomes dans un dispositif ` a deux fentes Le principe et le r´ esultat d’une exp´ erience d’interf´ erences effectu´ ee avec des atomes

3

dans un dispositif de fentes d’Young est repr´ esent´ e sur la figure 1.3.

Un nuage de quelques millions d’atomes de n´ eon est d’abord captur´ e et refroidi au milliKelvin dans un pi` ege laser. Il est ensuite lˆ ach´ e, sans vitesse initiale,

`

a 3,5 cm au-dessus d’un ´ ecran perc´ e de deux fentes parall` eles, de largeur 2 microns et s´ epar´ ees par 6 microns. Les atomes sont d´ etect´ es lorsqu’ils frappent une plaque situ´ ee 85 cm sous le plan des deux fentes. La plaque d´ etectrice enregistre l’impact de chaque atome, un impact ´ etant repr´ esent´ e par un point sur la figure 1.3.

On observe que ces impacts se distribuent suivant un syst` eme de franges parfaitement semblable ` a celui obtenu dans des interf´ erences lumineuses ou acoustiques. Il y a des zones sombres (beaucoup d’impacts ; flux d’atome in- tense) parall` eles a la direction des fentes, qui alternent avec des zones claires (peu ou pas d’impacts ; flux d’atomes faible).

L’exp´ erience peut ˆ etre recommenc´ ee avec d’autres particules : ´ electrons, neutrons, mol´ ecules. Dans tous les cas, la distribution des impacts sur l’´ ecran

3

F. Shimizu, K. Shimizu, H. Takuma, Phys. Rev. A 46 , R17 (1992) et communication

priv´ ee.

(22)

r´ ev` ele une figure d’interf´ erences. L’interfrange mesur´ e est x

i

= λD/a, o` u la longueur λ et l’impulsion p = m v des particules de vitesse v , sont reli´ ees par la relation de de Broglie :

p = h/λ . (1.7)

Le calcul pr´ ecis des franges d’interf´ erences dans l’exp´ erience montr´ ee en figure 1.3 doit prendre en compte la variation de la longueur d’onde de de Broglie λ = h/p au fur et ` a mesure de l’acc´ el´ eration des atomes par le champ de pesanteur. La vitesse des atomes au niveau des fentes est de 0, 8 m s

1

; au niveau de la plaque d´ etectrice, elle est de 4 m s

1

.

2.3 Aspect probabiliste des interf´ erences quantiques

Le contenu physique des exp´ eriences d’interf´ erence de particules, atomes ou ´ electrons, est beaucoup plus riche qu’un ph´ enom` ene ondulatoire habituel.

En lui-mˆ eme, le r´ esultat est extraordinaire parce que les atomes sont des cor- puscules ponctuels dans cette exp´ erience. Leur dimension est de l’ordre d’une fraction de nanom` etre, donc tr` es inf´ erieure ` a toutes les ´ echelles de longueur du probl` eme consid´ er´ e, distance des fentes a ou interfrange x

i

. A l’inverse, une onde emplit tout l’espace ! Une onde ´ electromagn´ etique, par exemple, est constitu´ ee par l’ensemble des valeurs des champs en tous les points de l’espace.

Afin de progresser, analysons ce qui se passe si l’on envoie les atomes un par un sur le dispositif, en les pr´ eparant de la mˆ eme fa¸con, ce qui est tout ` a fait concevable en pratique. Les r´ esultats importants sont les suivants.

1. Chaque atome est d´ etect´ e en un point bien pr´ ecis de l’´ ecran. Ceci confirme que les atomes (ou les ´ electrons) sont assimilables ` a des parti- cules ponctuelles dont la position peut ˆ etre d´ etermin´ ee avec une pr´ ecision bien meilleure que les distances typiques du probl` eme, comme la distance des fentes ou l’interfrange.

2. Comme nous le fait pressentir le r´ esultat exp´ erimental, le point d’impact est al´ eatoire. Deux atomes, pr´ epar´ es dans ce qui nous paraˆıt ˆ etre les mˆ emes conditions initiales, auront des impacts diff´ erents.

3. Si la plaque est perc´ ee d’une seule fente, S

1

ou S

2

, on observe une distribution d’impacts I

1

ou I

2

centr´ ee ` a l’aplomb de S

1

ou S

2

. Cette distribution ne pr´ esente pas de structure ` a l’´ echelle de l’interfrange x

i

, comme on peut le voir sur la figure 1.4a.

4. Si la plaque est perc´ ee des deux fentes S

1

et S

2

, la distribution d’un grand nombre d’impacts r´ ev` ele des franges d’interf´ erences comme le montrent les figures 1.3 ou 1.4b.

Les observations 1, 2 et 3 montrent que nous sommes en pr´ esence d’un

ph´ enom` ene de nature fondamentalement probabiliste. Deux exp´ eriences faites

dans ce que nous pensons ˆ etre les mˆ emes conditions initiales, m` enent ` a des

r´ esultats diff´ erents. S’il n’y avait pas l’observation 4, nous pourrions expli-

quer le ph´ enom` ene en termes classiques. Nous manipulons quotidiennement

des ph´ enom` enes al´ eatoires (pile ou face, distribution de cartes, etc.) qu’en

(23)

2. Interf´ erences des ondes de mati` ere 23

(a) (b)

Fig. 1.4: Des particules d’impulsion p arrivent ` a incidence normale sur une plaque perc´ ee d’une fente (` a gauche) ou de deux fentes (` a droite). La largeur de chaque fente est b = 10 λ et la s´ eparation entre les centre des fentes pour la figure de droite est a = 30 λ (avec λ = h/p ). Chaque figure montre une distribution typique des impacts sur un ´ ecran situ´ e ` a une distance D = 10

4

λ derri` ere la plaque. La longueur de chaque fenˆ etre de d´ etection est 4200 λ . Ces distributions sont des simulations par ordinateur.

toute rigueur on pourrait traiter de fa¸con d´ eterministe si l’on faisait l’effort d’acqu´ erir suffisamment d’information. Nous cachons la difficult´ e de manier cette information derri` ere une description probabiliste, infiniment plus com- mode, mais nullement n´ ecessaire en principe.

Malheureusement, l’observation 4 rend impossible le principe d’une telle description. En effet, nous serions alors face au probl` eme logique suivant.

– On envoie les atomes un par un, il s’agit de ph´ enom` enes al´ eatoires ind´ ependants.

– Chaque atome est pass´ e forc´ ement par l’une des fentes.

– On peut mesurer par quelle fente chaque atome est pass´ e (avec des compteurs, ou en ´ eclairant les fentes S

1

et S

2

, etc.).

– Faisant cette mesure, on peut s´ eparer les atomes en deux lots : ceux qui sont pass´ es par S

1

, ceux qui sont pass´ es par S

2

.

– Pour les atomes pass´ es par S

1

, tout se passe comme si S

2

´ etait bouch´ e.

Leur distribution est celle de la figure 1.4a, et de mˆ eme pour S

2

. En termes de probabilit´ es usuelles, si l’on rassemble les deux lots, le r´ esultat obtenu en ouvrant les deux fentes devrait ˆ etre la somme I

1

+ I

2

de ces deux distributions. Or il n’en est rien comme on le constate sur les figures 1.3 et 1.4b. Bien au contraire, ouvrir une seconde fente, c’est-` a-dire m´ enager une possibilit´ e suppl´ ementaire, a empˆ ech´ e l’atome d’arriver en des endroits qu’il peut atteindre lorsque une seule fente est ouverte !

Bien entendu, il existe une explication coh´ erente ` a tout cela. Le fait cen-

tral est que pour mesurer par quelle fente sont pass´ es les atomes, on doit

faire une exp´ erience diff´ erente de celle de la figure 1.3. Dans cette nouvelle

exp´ erience, on observe effectivement la distribution de la figure 1.4a, donc pas

d’interf´ erences. Si, en revanche, l’on observe les interf´ erences (figure 1.4b),

il n’est pas possible de d´ eterminer physiquement par quelle fente est pass´ e

chaque atome. Autrement dit, il n’est pas possible simultan´ ement d’observer

les interf´ erences et de savoir par quelle fente chaque atome est pass´ e.

(24)

De cela nous tirons deux conclusions fondamentales :

1. Si l’on ne mesure pas par quelle fente passent les atomes, on peut ob- server des franges d’interf´ erences. Mais si l’on effectue cette mesure, les interf´ erences disparaissent. En physique quantique, une mesure perturbe en g´ en´ eral le syst` eme.

2. Les atomes n’ont pas de trajectoire au sens classique : observant l’im- pact d’un atome dans une exp´ erience d’interf´ erences, nous ne pouvons pas dire par o` u il est pass´ e ` a chaque instant ant´ erieur. La proposition paradoxale « il est pass´ e par les deux fentes ` a la fois » est non seulement parfaitement admissible, mais conforme ` a la r´ ealit´ e comme nous le ver- rons. En physique quantique, la notion de trajectoire, un des fondements de la m´ ecanique newtonienne, ne r´ esiste pas ` a l’analyse exp´ erimentale.

Bien entendu, ce ph´ enom` ene serait bien compliqu´ e ` a expliquer si nous n’avions pas la chance qu’il ressemble autant ` a l’interf´ erence et ` a la diffrac- tion des ondes ´ electromagn´ etiques, avec une formule simple λ = h/p. Nous avons affaire ` a un ph´ enom` ene ` a la fois ondulatoire et probabiliste, et nous allons profiter des techniques de la physique ondulatoire pour en construire la th´ eorie.

De fa¸con semblable au traitement classique des ph´ enom` enes d’interf´ erences, nous allons introduire des amplitudes de probabilit´ e A

1

(x) et A

2

(x) pour qu’un atome issu de chaque fente, l’autre ´ etant bouch´ ee, atteigne le point x du d´ etecteur. Nous supposerons que l’amplitude de probabilit´ e A(x) que l’atome atteigne ce point, les deux fentes ´ etant ouvertes, est la somme A(x) = A

1

(x) + A

2

(x), et que la probabilit´ e pour que l’atome atteigne ce point est, comme en (1.6), le module carr´ e de cette somme :

P (x) = |A(x)|

2

= |A

1

(x) + A

2

(x)|

2

.

Nous verrons au chapitre suivant comment ces id´ ees se mettent sous forme quantitative.

3 L’exp´ erience de Davisson et Germer

3.1 Diffraction des rayons X par un cristal

On irradie un cristal avec un faisceau (quasi-) monochromatique de rayons X, c’est-` a-dire une onde ´ electromagn´ etique de longueur d’onde λ entre 0,01 nm et 1 nm. Pla¸cant au-del` a du cristal une plaque photographique, on observe, en plus d’une tache centrale correspondant ` a des rayons X non d´ evi´ es apr` es travers´ ee du cristal, des taches s´ epar´ ees, intersections de la plaque par des faisceaux diffract´ es.

L’interpr´ etation de cette exp´ erience est tout ` a fait semblable ` a celle des

interf´ erences. Consid´ erons un cristal, que nous supposons monoatomique, dont

la maille ´ el´ ementaire comprend un atome et est d´ efinie par les trois vecteurs

a

1

, a

2

et a

3

. Supposons le cristal parall´ el´ epip´ edique et compos´ e de N

i

mailles

(25)

3 . L’exp´ erience de Davisson et Germer 25

O

x 1 x 3

x 2 r α

k k'

cristal

Fig. 1.5: Diffraction de rayons X par un cristal.

´

el´ ementaires dans la direction x

i

(i = 1, 2, 3). Prenons l’origine de telle fa¸con que la position r

α

d’un atome quelconque du cristal soit :

r

α

= n

1

a

1

+ n

2

a

2

+ n

3

a

3

avec n

i

= 0, 1, . . . , N

i

1 . (1.8) Nous supposons que l’onde incidente est une onde plane de vecteur d’onde k et d’amplitude ψ( r , t) = ψ

0

e

i(k·r−ωt)

. Nous supposons ´ egalement que, lors- qu’elle atteint un atome α, l’onde est diffus´ ee ´ elastiquement (c’est-` a-dire sans modification du module de k ).

Nous souhaitons calculer l’amplitude diffus´ ee par tous les atomes du cristal dans une direction d´ efinie par le vecteur k

tel que |k

| = |k|. L’amplitude de l’onde sph´ erique diffus´ ee en r par le centre α a pour forme g´ en´ erale :

ψ

α

( r , t) = F ( k , k

) ψ

0

e

i(k·r−ωt+ϕα)

.

Le facteur F ( k , k

) est l’amplitude de diffusion ´ el´ ementaire, la mˆ eme pour tous les atomes. Le facteur de phase e

α

, avec :

ϕ

α

= ∆ k · r

α

k = k k

,

provient de la diff´ erence de marche entre l’onde diffus´ ee par α et celle diffus´ ee par l’atome situ´ e ` a l’origine. Si nous n´ egligeons la diffusion multiple pour simplifier, l’amplitude totale ψ de l’onde diffus´ ee par le cristal dans la direction k

est la somme de ces amplitudes, ψ =

α

ψ

α

, qui est proportionnelle ` a : G(∆ k ) =

α

e

i∆k·rα

. (1.9)

Introduisons un nouveau syst` eme d’axes, appel´ e r´ eseau eciproque, d´ efini par les vecteurs a

1

, a

2

, a

3

tels que a

i

· a

j

= δ

ij

. Soient ∆k

i

les coordonn´ ees de ∆ k dans ce syst` eme. Il vient :

G(∆ k ) =

n1,n2,n3

e

i(n1∆k1+n2∆k2+n3∆k3)

= G

1

(∆k

1

) G

2

(∆k

2

) G

3

(∆k

3

)

(1.10)

(26)

avec :

G

j

(∆k

j

) =

N

j−1 nj=0

e

inj∆kj

= 1 e

iNj∆kj

1 e

i∆kj

. (1.11) Chaque point de la plaque photographique correspond ` a une direction k

. L’intensit´ e du signal re¸cu en ce point est proportionnel ` a l’´ energie v´ ehicul´ ee par l’onde, donc au module carr´ e de l’amplitude :

I( k

) = | F( k , k

) |

2

| G

1

|

2

| G

2

|

2

| G

3

|

2

avec | G

i

|

2

= sin

2

(N

j

∆k

i

/2) sin

2

(∆k

i

/2) . La pr´ esence de taches de diffraction provient de ce que la variation de

|G

i

|

2

en fonction de ∆k

i

est rapide. Pour des directions ´ emergentes telles que

∆k

i

= 2nπ (n entier), cette fonction vaut N

i2

, et elle ne prend de valeurs non n´ egligeables que sur des intervalles de largeur 2π/N

i

autour de ces valeurs. Ces directions d´ efinissent une s´ erie de faisceaux diffract´ es. La largeur des taches est inversement proportionnelle ` a la taille du cristal.

Remarques

1. Le calcul pr´ ec´ edent devrait ˆ etre compl´ et´ e : les ∆k

i

sont contraints par la relation |k| = |k

|, soit ∆ k · (∆ k −2 k ) = 0. Des conditions d’orientation du cristal par rapport ` a k doivent ˆ etre remplies pour mettre tous les termes en phase et qu’il y ait d’autres solutions ` a cette ´ equation que

k = 0.

2. Ce calcul montre que la mesure des taches de diffraction permet de connaˆıtre le r´ eseau r´ eciproque ( a

i

), donc le r´ eseau cristallin ( a

i

).

3. Plus g´ en´ eralement, si l’on ´ etudie la diffusion des rayons X par un ´ echan- tillon de mati` ere condens´ ee solide ou liquide, cristallis´ ee ou non, de den- sit´ e ´ electronique ρ( r ), la somme discr` ete de l’´ equation (1.10) devient e

i(k−k)·r

ρ( r ) d

3

r. L’amplitude diffus´ ee dans la direction k

est pro- portionnelle ` a la transform´ ee de Fourier de la densit´ e ´ electronique dans l’´ echantillon. Cette propri´ et´ e est ` a la base de toutes les ´ etudes de cristal- lographie des solides cristallins, des liquides, des verres et des mat´ eriaux organiques ou biologiques.

3.2 Diffraction des ´ electrons

En 1927, grˆ ace ` a Davisson et Germer, on obtient la preuve exp´ erimentale que les ´ electrons qui sont notoirement des particules (constitutifs de la mati` ere, ils ont une masse et une charge ´ electrique bien d´ efinies) pr´ esentent le com- portement ondulatoire pr´ evu th´ eoriquement par Louis de Broglie en 1923.

L’exp´ erience de Davisson et Germer consiste ` a envoyer sur un cristal de nickel

un faisceau d’´ electrons monocin´ etiques obtenus par extraction ` a partir d’un

filament m´ etallique chauff´ e. Au-del` a du cristal, on recueille les ´ electrons, soit

dans un compteur, soit sur une plaque fluorescente. On observe ici encore des

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