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Comment construire un terrain ?

B) Le Lieu-Dit : du début de l’enquête à la construction du terrain

1) Début et déroulement de l’enquête au Lieu-Dit

Le choix du Lieu-Dit en tant qu’objet concret à interroger à travers le prisme de la vulgarisation des sciences sociales en milieu militant a tout d’abord été le fruit d’une discussion et d’un accord mutuel avec ma directrice de recherche. Comme énoncé dans l’introduction, le début de cette enquête a en effet été animé par la volonté de trouver un objet pouvant être étudié par le recours à des observations et à des entretiens semi-directifs avec des personnes rencontrées sur le terrain. À la différence d’autres objets évoqués avec elle (associations et syndicats étudiants, association de réflexions et de débats d’idées proches d’organisation politiques …), Le Lieu-Dit avait a priori la particularité de ne pas présenter de barrières à l’entrée trop importantes et m’était par ailleurs quelque peu familier dans la mesure où j’avais déjà pu m’y rendre à certaines occasions. À la fin du mois de novembre 2017, j’ai donc décidé de m’y rendre à deux reprises afin de procéder à un premier travail d’observation et de me familiariser avec le lieu. La première fois, à l’occasion d’un événement intitulé « Débat : Présentation "Critique de la sécurité" Accumulation capitaliste et

pacification sociale", Eterotopia, 2017 » . Consacré à la présentation d’un ouvrage publié par la 1

maison d’édition Eterotopia, cette rencontre était organisée à l’initiative des membres de la rédaction de la collection À présent dans laquelle cet ouvrage a été publié, avec la présence de ses principaux auteurs dont Claude Serfati, chercheur d’inspiration marxiste associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Le deuxième événement a eu lieu peu de temps après et s’intitulait « Café-Débat : Contre les violences faites aux femmes, libérer la parole, reprendre la rue

! » organisé par des membres de la section Paris Nord-Est du parti politique à tendance anarchiste

Alternative Libertaire.

Sans que je n’aie pour autant élaboré une grille d’observation rigoureuse, ces premiers pas sur le terrain me permirent néanmoins de prendre un certain nombre de notes dans la perspective de transcrire les situations auxquelles j’avais pu assister, ainsi que de constituer mes premiers matériaux d’enquête dans la perspective de faire avancer mes réflexions théoriques au sujet de la

Je propose de mettre en annexe les captures d’écran de la présentation des événements affichée sur le site

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internet du Lieu-Dit. Ceci permettra à mon sens de mieux rendre compte du contexte de ces derniers au lecteur ou à la lectrice. Voir annexe n°1 p.256

vulgarisation des sciences sociales en milieu militant. Cependant, ces deux premières observations m’ont laissé pour le moins dubitatif et m’ont même mené à remettre en cause la pertinence du Lieu- Dit en tant qu’objet concret à interroger par le prisme de cette question. Certes, ces situations observées semblaient confirmer l’inscription de ce lieu dans un “milieu militant”. Mais les situations de vulgarisation des sciences sociales que je m’attendais à observer n’étaient pas aussi lisibles que ce que je pouvais imaginer. D’un côté, ces sciences semblaient faire preuve d’une évidente présence à travers des éléments concrets. Le premier événement se caractérisait en effet par la présence de chercheurs pleinement identifiables, tandis que le second donnait à voir la mobilisation, par les acteurs observés, de références ou de concepts semblant provenir des sciences sociales. De l’autre, les moments ou les situations dans lesquelles ces sciences étaient explicitement parlées et discutées par les individus présents étaient très irrégulières, voire peu explicites. J’ai eu alors l’impression que les sciences sociales n’étaient pas si présentes que cela, ou du moins, que l’enjeu de ces situations n’étaient pas nécessairement de les mettre en présence ou de les discuter. À ce stade de l’enquête, les matériaux que j’avais pu constituer lors de ces observations me paraissaient alors peu satisfaisants, me menant alors à reconsidérer le choix même de mon objet.

Toutefois, ma directrice de recherche, ainsi que Colin Robineau , m'ont tous deux incité à 1

poursuivre mon enquête en m’encourageant à rencontrer et à discuter avec les personnes ayant l’habitude de fréquenter le lieu. À la fin du mois de janvier 2018, j’ai donc décidé de me rendre sur place peu de temps après l’ouverture du bar afin de prendre contact avec Hossein, gérant et responsable du Lieu-Dit. En lui présentant brièvement mon projet de recherche et mon souhait de pouvoir réaliser des observations et des entretiens avec des personnes fréquentant le lieu, Hossein a tout de suite été réceptif et m’a proposé de me mettre en relation avec un certain nombre de personnes au profil varié (« intellectuels », « militants associatifs », « militants politiques », « chercheurs », « éditeurs » …). Durant cette enquête, Hossein a donc été un précieux « allié » qui 2 3

m’a permis de contacter et de découvrir des réseaux d’acteurs ayant l’habitude de fréquenter le lieu pour différentes raisons. Afin de les rencontrer, Hossein m’a proposé de venir aux événements

Pendant mon enquête, Colin Robineau était un post-doctorant en SIC que j’avais sollicité au début de ma

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recherche afin de me donner des conseils sur la manière de démarrer mon enquête de terrain au Lieu-Dit. Il avait en effet réalisé sa thèse sur un objet assez proche du Lieu-Dit en menant une étude ethnographique dans un squat autonome de l’Est parisien.

Ces termes sont ceux utilisés par Hossein lors de notre première rencontre.

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BEAUD, S. et Florence WEBER, Guide de l'enquête de terrain : produire et analyser des données

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susceptibles de m’intéresser pour qu’il puisse me les présenter directement. Ainsi, le choix des personnes rencontrées et interrogées sur le terrain a été fortement influencé par l’ordre successif des événements auxquels j’ai pu assister. Cette manière de procéder ne permettait donc en aucun cas d’atteindre une représentativité du public du Lieu-Dit. Par ailleurs, cette représentativité n’aurait pu être qu’illusoire dans le cadre d’une démarche empirique . Toutefois, cette modalité avait le mérite 1

de me permettre de faire réagir les personnes interrogées au sujet des événements auxquels nous avons communément assisté. Elle me permettait donc de comprendre ces derniers à partir de points de vue extérieurs au mien.

Après avoir réalisé un premier entretien avec Hossein, ma troisième observation eut lieu le mercredi 7 février 2018 lors d’un événement intitulé « Débat / Palestine : Un peuple, une

colonisation avec Akram Belkaïd et Olivier Pironet » et me permit de rencontrer les premières

personnes enquêtées. Cet événement était organisé à l’initiative de l’association des lecteurs du journal Le Monde Diplomatique, les Amis du Monde Diplomatique (AMD) et consistait en la présentation du dernier numéro de la revue Manière de voir (édité par ce même journal) consacré à la Palestine. Après avoir assisté à l’événement, Hossein me présenta deux personnes : Arnaud , 2

membre du bureau de l’association contribuant à la rédaction d’articles pour Le Monde

Diplomatique à certaines occasions, et Keltoum, une habitante du quartier ayant l’habitude de se

rendre au Lieu-Dit sur son temps libre. Si ces deux personnes ont accepté de m’accorder un entretien, Arnaud me proposa également de faire circuler ma demande d’entretien par mail au reste des membres du bureau de l’association. C’est donc par ce biais que j’ai pu rencontrer quelques semaines plus tard Jean-Luc et Patricia. Lors de ce même événement, je pus aussi solliciter une personne que Hossein ne m’avait pas présentée, Clotilde , également adhérente de l’association 3

mais non-membre du bureau.

Ma quatrième observation eut lieu le lendemain, le jeudi 8 février 2018, à l'occasion de l’événement « Débat : Ordonnances Macron. Ils les ont votées, et maintenant, on fait quoi ? », organisé par le syndicat SUD-Asso, membre de l’union syndicale Solidaires qui regroupe des salariés du secteur associatif. Cet événement consistait en une présentation des « ordonnances Macron » et de leurs BEAUD, S. , « L'usage de l'entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l'«entretien ethnographique »,

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Politix, n°35, 1996, pp. 226-257

Cette personne a souhaité conserver son anonymat en changeant son prénom.

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Idem.

principales conséquences sur le code du travail, suivie d'un débat avec les membres du public concernant les moyens d’y réagir. Cette fois-ci sans l’intermédiaire de Hossein, cet événement me permit de rencontrer Laurent, syndicaliste permanent de SUD-Commerces & Services (syndicat également membre de Solidaires) qui était chargé, ce soir-là, de faire l’« exposé » au sujet des 1

« ordonnances Macron » et qui accepta de m’accorder un entretien malgré le peu de temps dont il disposait. Lors de cette soirée, je pus également faire la connaissance d’Alice , militante dans le 2

collectif Front Social dans lequel Laurent était également investi. Enfin, cet événement me permit de prendre contact avec un des membres du syndicat SUD-Asso, mais qui étant donnée l’heure avancée de la soirée, me proposa d’envoyer un mail au syndicat en expliquant ma démarche afin que l’un ou l’une de ses membres se proposent de répondre à mes questions. C’est ainsi que je pus réaliser un entretien avec Virginie quelques semaines plus tard au local de l’union syndicale de Solidaires.

Ma cinquième observation eut lieu la semaine suivante, le mercredi 14 février 2018, à l’occasion de la rencontre « Débat : Faut-il brûler Che Guevara ? » organisée par la Société Louise Michel (SLM), association de réflexion politique créée par Daniel Bensaïde en 2010 , et un temps proche 3

de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR). Janette Habel, membre du conseil scientifique de l’association ATTAC, maîtresse de conférences à l’Institut des hautes études d’Amérique latine et spécialiste de Cuba, avait été invitée pour discuter de la mémoire de Che Guevara dans les organisations politiques actuelles, suite aux polémiques suscitées par l’exposition organisée par la Mairie de Paris peu de temps avant cet événement. À la fin de ce débat, Hossein me présenta à Michaël, philosophe marxiste, anciennement directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ayant longtemps milité avec la LCR. Après que ce dernier ait accepté de m’accorder un entretien, Hossein me présenta à une autre personne, Francis, responsable de publication de la revue papier

ContreTemps, ancien membre, lui aussi, de la LCR.

Ce terme est celui utilisé par Laurent lors de notre entretien.

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Cette personne a souhaité conserver son anonymat en changeant son prénom.

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Cette association succède à la Société pour la résistance à l’air du temps (SPRAT), un cercle de discussions

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informelles actif dans les années 1990 essentiellement composés d’intellectuels et de militants proches de la LCR. La SLM entendait néanmoins s’ouvrir davantage aux différentes tendances de la “gauche révolutionnaire”.

Enfin, ma sixième et dernière observation eut lieu le mercredi 21 février 2018, lors d'un événement intitulé « Campagne - migrants 20e ‘Ne les laissons pas faire’ ». Ce dernier était organisé à l'initiative d’un « inter-collectif » présent dans le XXème arrondissement de Paris, Ne les laissons pas faire, constitué « dans le but de mettre en place une campagne d’information et de mobilisation

autour de la situation des migrant-e-s dans nos quartiers, et contre le futur projet de loi anti- migrants du gouvernement » . À travers cette soirée, cet inter-collectif souhaitait faire connaitre ses 1

activités auprès du public du lieu et convaincre les personnes présentes de les rejoindre. Afin de marquer le commencement de l’événement, l’inter-collectif avait invité trois personnes intervenantes : la première membre de l’association Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés (GITSI), la seconde d’un syndicat de travailleurs sans-papiers, et la troisième de l’inter- collectif à l’initiative de cet événement. À cette occasion, Hossein tint à me faire rencontrer Vanina, une militante de cette organisation, également membre du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et d’autres collectifs fréquentant régulièrement Le Lieu-Dit.

Pendant cette enquête, deux autres personnes ont également répondu à mes sollicitations d’entretien sans lien avec les événements du Lieu-Dit auxquels j’ai assisté. La première fut Thierry, ami de Hossein fréquentant Le Lieu-Dit depuis ses débuts, et anciennement syndicaliste permanent à SUD- Santé. Par la suite, les membres des AMD me mirent en contact avec Louis, également serveur au Lieu-Dit, membre d’ATTAC ayant récemment adhéré aux AMD. Hossein a également souhaité me mettre en relation avec Nicolas, éditeur à la maison d’édition Libertalia. Malgré plusieurs tentatives de rendez-vous, son emploi du temps trop chargé n’a malheureusement pas permis de réaliser un entretien avec lui. À l’exception de Jean-Luc, Michael, Laurent et Virginie, l’ensemble des entretiens a été réalisé au Lieu-Dit ou bien dans un café à proximité. Pour les deux premiers, les discussions ont été organisées à leur domicile. En ce qui concerne Laurent et Virginie, tous deux m’ont invité à réaliser l’entretien à leur local syndical respectif afin de convenir plus facilement à leur emploi du temps.

Cité depuis la présentation de l’événement sur le site internet du Lieu-Dit. Voir annexe n°1 p.260

2) Élaboration du guide d’entretien et traitement des

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