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Contre l’exploitation, une critique des conditions matérielles

de la critique de l’urbanisme

Chapitre 4. Les trois horizons de la critique de l’urbanisme

4.2 Contre l’exploitation, une critique des conditions matérielles

Les premières critiques qui ont été formulées à l’égard des villes modernes (comprendre des villes industrielles) portaient sur les conditions d’existence matérielles des populations citadines, suite à l’explosion démographique et au développement d’une industrie urbaine, en Europe dans le courant du 19e siècle. Ce type de critique est poussée par un sentiment d’indignation à l’égard des conditions urbaines. Ce registre argumentatif repose en premier lieu sur une dénonciation des injustices, provoquées et reproduites par l’organisation sociale, politique et économique des villes. Sans prétendre en faire un exposé exhaustif, j’en décrirai deux temps forts, qui me semblent en être les principales résurgences. D’une part, le mouvement critique de la seconde moitié du 19e siècle, formulé par les auteurs marxistes et réformistes, en premier lieu desquels, Friedrich Engels. D’autre part, le renouveau que connut cette critique dès les années 1970, et jusqu’aujourd’hui, autour de la théorisation et de la dénonciation de la ville néolibérale.

La ville industrielle et la naissance de l’hygiénisme

Parmi les écrits qui, au 19e siècle, ont critiqué les conditions d’existence dans la ville industrielle, ceux de Friedrich Engels se distinguent sur deux aspects97. D’une part par le recours extensif qu’il fait de l’enquête de terrain et de la statistique. D’autre part, l’emphase portée sur les causes de ces conditions et non plus seulement sur une dénonciation formelle de l’urbain — qui présidait aux critiques préurbanistes. Selon lui, la ville n’est pas tant à l’origine des maux de la société industrielle, qu’elle en est le produit, et le reproducteur. Aussi, pour Engels, il ne suffit pas de modifier la forme des villes, mais c’est au niveau de l’organisation économique et politique qui préside à leur destinée qu’il faut agir. Dans La situation des classes laborieuses en Angleterre, en 1845, il rend compte de la misère du prolétariat, et de la ségrégation dont la classe ouvrière est l’objet, reléguée dans les « mauvais quartiers » et rendue invisible. La

97 Dans L'urbanisme, utopies et réalités, François Choay (1965) pointait déjà l’importance des écrits de Engels dans l’histoire de la pensée urbaine.

quotidienne, à travers les pratiques de la consommation et des loisirs, des rapports de genres et de l’habiter. (Le Breton, 2012, p. 33)

Ainsi, si les deux registres ne s’opposent pas nécessairement l’un l’autre, et ont souvent été portés alternativement par des acteurs semblables, leur préséance a différé selon les époques et les contextes géographiques, l’un ayant tantôt l’avantage sur l’autre. Ils ont en outre sous-tendu des constructions idéologiques différentes. Cette différenciation laisse également paraître un parallèle fort avec la distinction que font Boltanski et Chiapello entre critique sociale, et critique artiste. Parallèle peu surprenant en ce que la critique de la ville a très souvent accompagné — ou est issue — d’une critique du capitalisme.

Dans les pages qui suivent, je vais détailler les conditions de l’émergence de ces discours critiques, ainsi que leur contenu. Sans prétendre à l’exhaustivité — tant il a été écrit sur la ville et l’urbanisme — ni à la généralisation — la littérature mobilisée ici étant majoritairement française et dans une moindre mesure suisse et britannique —, l’objectif de cette section est avant toute chose de chercher à comprendre comment se charpentent ces registres critiques, et contre quelles conceptions de la ville ils se sont construits. Je reviendrai d’une part sur la critique des conditions matérielles (de l’exploitation), puis sur celle de la vie quotidienne (de l’aliénation). À ces deux registres, j’en ajoute un troisième, celui d’une critique professionnelle, interne au monde de l’urbanisme. Cette critique spécifique à l’urbanisme est une critique que la profession s’adresse à elle-même, elle se nourrit des discours et des actions des autres registres, mais porte bien sur les outils, et les processus de production de la ville, autant que sur les formes urbaines produites. Dans la Digression 2, j’aborderai un concept, jusque-là volontairement mis de côté, qui illustre la trajectoire du diotscours critique de la ville. À savoir la notion de droit à la ville.

Conçu comme un outil argumentatif critique à l’encontre de la production industrielle et capitaliste de la ville, le droit à la ville s’est répandu dans les discours sur la ville, invoqué tant par des groupes militants, que par des politiques et professionnels de l’urbain, pour légitimer leur action.

4.2 Contre l’exploitation, une critique des conditions matérielles

Les premières critiques qui ont été formulées à l’égard des villes modernes (comprendre des villes industrielles) portaient sur les conditions d’existence matérielles des populations citadines, suite à l’explosion démographique et au développement d’une industrie urbaine, en Europe dans le courant du 19e siècle. Ce type de critique est poussée par un sentiment d’indignation à l’égard des conditions urbaines. Ce registre argumentatif repose en premier lieu sur une dénonciation des injustices, provoquées et reproduites par l’organisation sociale, politique et économique des villes. Sans prétendre en faire un exposé exhaustif, j’en décrirai deux temps forts, qui me semblent en être les principales résurgences. D’une part, le mouvement critique de la seconde moitié du 19e siècle, formulé par les auteurs marxistes et réformistes, en premier lieu desquels, Friedrich Engels. D’autre part, le renouveau que connut cette critique dès les années 1970, et jusqu’aujourd’hui, autour de la théorisation et de la dénonciation de la ville néolibérale.

La ville industrielle et la naissance de l’hygiénisme

Parmi les écrits qui, au 19e siècle, ont critiqué les conditions d’existence dans la ville industrielle, ceux de Friedrich Engels se distinguent sur deux aspects97. D’une part par le recours extensif qu’il fait de l’enquête de terrain et de la statistique. D’autre part, l’emphase portée sur les causes de ces conditions et non plus seulement sur une dénonciation formelle de l’urbain — qui présidait aux critiques préurbanistes. Selon lui, la ville n’est pas tant à l’origine des maux de la société industrielle, qu’elle en est le produit, et le reproducteur. Aussi, pour Engels, il ne suffit pas de modifier la forme des villes, mais c’est au niveau de l’organisation économique et politique qui préside à leur destinée qu’il faut agir. Dans La situation des classes laborieuses en Angleterre, en 1845, il rend compte de la misère du prolétariat, et de la ségrégation dont la classe ouvrière est l’objet, reléguée dans les « mauvais quartiers » et rendue invisible. La

97 Dans L'urbanisme, utopies et réalités, François Choay (1965) pointait déjà l’importance des écrits de Engels dans l’histoire de la pensée urbaine.

précision de ses observations va de l’influence des règles foncières sur les principes constructifs, à l’examen de statistiques macroéconomiques. Mais surtout, il dénonce la ville industrielle comme un instrument d’exploitation du prolétariat. D’une part, via la rente foncière — le maintien dans la misère et, concomitamment, l’enrichissement par le prélèvement de loyers — qui fait du bien-fonds un actif comme un autre. D’autre part, via l’isolement individuel et l’égoïsme qui président aux rapports sociaux dans les grandes villes, où

« chacun ne se considère mutuellement que comme des sujets utilisables » et dont en résulte une « guerre de tous contre tous » (Engels, 2009 [1845], p. 55).

Pour Engels, la ville industrielle est le produit direct du capitalisme. À l’inverse de beaucoup de penseurs contemporains de la ville, il ne propose pas d’améliorations formelles de la ville et de son organisation, il rejette l’idée qu’un système d’allocation des ressources foncières basé sur l’offre et la demande puise résoudre les problèmes de logement et préconise, comme seule solution, l’expropriation et l’occupation des immeubles :

Ce n’est pas la solution de la question du logement qui résout du même coup la question sociale, mais bien la solution de la question sociale, c’est-à-dire l’abolition du mode de production capitaliste, qui rendra possible celle de la question du logement. Vouloir résoudre cette dernière avec le maintien des grandes villes modernes est une absurdité. Ces grandes villes modernes ne seront supprimées que par l’abolition du mode de production capitaliste.

(Engels, 1969 [1887], pp. 64–65)

La critique engelsienne de la ville industrielle pose un regard froid, extrêmement précis et documenté sur les conditions de vie de la population urbaine, et s’écarte des modèles utopiques des théoriciens des 18e et 19e siècles. Elle a le mérite de renverser le rapport de causalité qui présidait jusqu’alors dans l’art urbain : pour Engels, il ne servirait à rien d’agir sur la forme de la ville elle-même, c’est en changeant le système économique et politique que l’on changera la ville. À sa suite, ce registre critique va se déployer de manière importante dans la seconde moitié du 19e et le début du 20e siècle, quoique généralement porté par des auteurs plus réformistes que révolutionnaires.

Les principales occurrences de ces descriptions de l’exploitation urbaine sont formulées par les réformateurs anglo-saxons — qui ont favorisé la généralisation des social surveys destinées à mesurer la pauvreté et les conditions de vie des

classes ouvrières urbaines. Parmi eux, je m’arrêterais très brièvement sur Charles Booth. Dans les années 1880, Booth, un industriel conservateur britannique fut l’un des premiers — dans son œuvre encyclopédique Life and Labour of the People in London — à développer des outils statistiques pour mesurer et représenter la pauvreté des quartiers centraux de Londres (W. K. D.

Davies, 1978). A contrario des descriptions contemporaines des conditions de vie des classes ouvrières urbaines — à l’instar de celles d’Engels — qu’il juge trop

« émotionnelles » et « impressionnistes » (Topalov, 1991)98, Booth développe une approche systématique qu’il met à l’œuvre dans ses cartes de la pauvreté londonienne. Surtout — et en cela Booth rejoint Engels —, il rejette les appréciations très moralistes de son époque qui considéraient que « le taudis était fondamentalement causé par un problème moral de comportement et de faiblesse d’ambition personnelle » (Mansfield, 2010, p. 168), pour privilégier une explication basée sur les « conditions d’emploi » défavorables de la classe ouvrière (Hennock, 1976). Il identifie en effet les poches de pauvreté urbaine là où, dans la ville, la main-d’œuvre se trouve en trop grand nombre. Mais contrairement à Engels, Booth ne prône pas de refonte du système économique, mais enjoint à agir sur la forme urbaine. Sa solution, décharger les centres-villes en « [encourageant] les ouvriers à s’installer en banlieue » (Mansfield, 2010, p.170) préfigurait certains des préceptes de l’hygiénisme. Ses études exhaustives, et notamment son travail cartographique, dans la lignée des « cartes sanitaires » du début du 19e (Topalov, 1991, p. 28) s’inscrivent dans la naissance d’une science de la ville.

Ce type de critique a ainsi conduit, à la fin du 19e siècle, à la montée en puissance du mouvement hygiéniste prônant, pour des raisons sanitaires, plus d’air, de lumière, de verdure, et moins de promiscuité. Hygiénisme99, qui inspira la mise en place des instruments d’urbanisme du début du 20e — « la loi sanitaire

98 On peut toutefois se demander si Booth a lu Engels. Si La situation des classes laborieuse en Angleterre est publié en Allemagne en 1845, le livre n’est traduit en Anglais qu’en 1887 pour sa version américaine et en 1892 dans une édition britannique (Topalov, 2004).

99 D’abord porteur de préceptes moraux, l’hygiénisme devient, au tournant du 19e siècle, un corpus de pratiques, avec le développement de la technologie sanitaire et ses différentes professions associées, avant d’être pleinement intégré dans les thèmes de l’urbanisme naissant (Frioux, 2013).

précision de ses observations va de l’influence des règles foncières sur les principes constructifs, à l’examen de statistiques macroéconomiques. Mais surtout, il dénonce la ville industrielle comme un instrument d’exploitation du prolétariat. D’une part, via la rente foncière — le maintien dans la misère et, concomitamment, l’enrichissement par le prélèvement de loyers — qui fait du bien-fonds un actif comme un autre. D’autre part, via l’isolement individuel et l’égoïsme qui président aux rapports sociaux dans les grandes villes, où

« chacun ne se considère mutuellement que comme des sujets utilisables » et dont en résulte une « guerre de tous contre tous » (Engels, 2009 [1845], p. 55).

Pour Engels, la ville industrielle est le produit direct du capitalisme. À l’inverse de beaucoup de penseurs contemporains de la ville, il ne propose pas d’améliorations formelles de la ville et de son organisation, il rejette l’idée qu’un système d’allocation des ressources foncières basé sur l’offre et la demande puise résoudre les problèmes de logement et préconise, comme seule solution, l’expropriation et l’occupation des immeubles :

Ce n’est pas la solution de la question du logement qui résout du même coup la question sociale, mais bien la solution de la question sociale, c’est-à-dire l’abolition du mode de production capitaliste, qui rendra possible celle de la question du logement. Vouloir résoudre cette dernière avec le maintien des grandes villes modernes est une absurdité. Ces grandes villes modernes ne seront supprimées que par l’abolition du mode de production capitaliste.

(Engels, 1969 [1887], pp. 64–65)

La critique engelsienne de la ville industrielle pose un regard froid, extrêmement précis et documenté sur les conditions de vie de la population urbaine, et s’écarte des modèles utopiques des théoriciens des 18e et 19e siècles. Elle a le mérite de renverser le rapport de causalité qui présidait jusqu’alors dans l’art urbain : pour Engels, il ne servirait à rien d’agir sur la forme de la ville elle-même, c’est en changeant le système économique et politique que l’on changera la ville. À sa suite, ce registre critique va se déployer de manière importante dans la seconde moitié du 19e et le début du 20e siècle, quoique généralement porté par des auteurs plus réformistes que révolutionnaires.

Les principales occurrences de ces descriptions de l’exploitation urbaine sont formulées par les réformateurs anglo-saxons — qui ont favorisé la généralisation des social surveys destinées à mesurer la pauvreté et les conditions de vie des

classes ouvrières urbaines. Parmi eux, je m’arrêterais très brièvement sur Charles Booth. Dans les années 1880, Booth, un industriel conservateur britannique fut l’un des premiers — dans son œuvre encyclopédique Life and Labour of the People in London — à développer des outils statistiques pour mesurer et représenter la pauvreté des quartiers centraux de Londres (W. K. D.

Davies, 1978). A contrario des descriptions contemporaines des conditions de vie des classes ouvrières urbaines — à l’instar de celles d’Engels — qu’il juge trop

« émotionnelles » et « impressionnistes » (Topalov, 1991)98, Booth développe une approche systématique qu’il met à l’œuvre dans ses cartes de la pauvreté londonienne. Surtout — et en cela Booth rejoint Engels —, il rejette les appréciations très moralistes de son époque qui considéraient que « le taudis était fondamentalement causé par un problème moral de comportement et de faiblesse d’ambition personnelle » (Mansfield, 2010, p. 168), pour privilégier une explication basée sur les « conditions d’emploi » défavorables de la classe ouvrière (Hennock, 1976). Il identifie en effet les poches de pauvreté urbaine là où, dans la ville, la main-d’œuvre se trouve en trop grand nombre. Mais contrairement à Engels, Booth ne prône pas de refonte du système économique, mais enjoint à agir sur la forme urbaine. Sa solution, décharger les centres-villes en « [encourageant] les ouvriers à s’installer en banlieue » (Mansfield, 2010, p.170) préfigurait certains des préceptes de l’hygiénisme. Ses études exhaustives, et notamment son travail cartographique, dans la lignée des « cartes sanitaires » du début du 19e (Topalov, 1991, p. 28) s’inscrivent dans la naissance d’une science de la ville.

Ce type de critique a ainsi conduit, à la fin du 19e siècle, à la montée en puissance du mouvement hygiéniste prônant, pour des raisons sanitaires, plus d’air, de lumière, de verdure, et moins de promiscuité. Hygiénisme99, qui inspira la mise en place des instruments d’urbanisme du début du 20e — « la loi sanitaire

98 On peut toutefois se demander si Booth a lu Engels. Si La situation des classes laborieuse en Angleterre est publié en Allemagne en 1845, le livre n’est traduit en Anglais qu’en 1887 pour sa version américaine et en 1892 dans une édition britannique (Topalov, 2004).

99 D’abord porteur de préceptes moraux, l’hygiénisme devient, au tournant du 19e siècle, un corpus de pratiques, avec le développement de la technologie sanitaire et ses différentes professions associées, avant d’être pleinement intégré dans les thèmes de l’urbanisme naissant (Frioux, 2013).

de 1902 et les premières aides aux habitations bon marché » entre autres —, et qui culmina avec la politique des grands ensembles de l’après-guerre (Merlin

& Choay, 2009, p. 455). C’est donc une réponse essentiellement formaliste qui fut donnée à cette critique, sans remise en cause du fonctionnement économique et politique. Lors des premiers grands travaux d’assainissement, comme ceux de Paris, l’équipement et la viabilisation des villes furent accompagnés — voire intrinsèquement liés à — de stratégies spéculatives, visant la captation de la plus-value engendrée par la rénovation de la capitale (Harvey, 2008; Tribillon, 2009). Loin d’avoir amélioré les conditions de vie du prolétariat, elle les a même péjorées :

The proliferation and overcrowding of lodging houses close to the center;

the construction of poorly ventilated, cramped, and poorly serviced dwelling houses that became almost instant slums; and the celebrated “additions,”

which in some cases transformed the interior courts behind Haussmann’s splendid facades into highly profitable working-class slums, were all a direct concession that worker incomes were insufficient to afford decent housing.

Far from ridding the city of slums, Haussmann’s works, insofar as they assisted the general rise in rents at a time of stagnant worker incomes, accelerated the process of slum formation, even in the heart of the city. (Harvey, 2003a, p. 193)

Les évolutions théoriques en urbanisme, notamment la tentation scientiste, et l’établissement des préceptes du modernisme — principalement autour des CIAM et de la charte d’Athènes — ont également apporté leur réponse à la crise de la ville industrielle. La notion de crise du logement, héritée du 19e siècle, connaît un renouveau au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de pénurie. « La conjonction d’une volonté politique, d’une planification cohérente, de l’industrialisation des techniques du bâtiment et d’outils financiers performants » (Vieillard-Baron, 2008, p. 26) vont favoriser, en France, la construction d’abord de grands ensembles en périphérie des villes, puis dans les années 1970-1980, de cités nouvelles, dans les marges plus lointaines.

Le renouveau marxiste des années 1970

Les critiques d’inspiration marxiste de la ville et de l’urbanisme connaissent un renouveau autour des années 1970. Celui-ci est, d’une part, le résultat de l’effervescence intellectuelle dans les sciences humaines à la fin des années 1960 — et de la réinvention des études urbaines100 qui s’émancipent en partie de leur rôle de prestataire de service pour adopter une posture de « dialogue radical » (Scherrer, 2010, p. 193). D’autre part, ce type de critiques se cristallise autour de revendications concrètes, portées par les mouvements sociaux des années 1960, pour se déposer dans les « luttes urbaines ». Ces luttes urbaines sont décrites par Manuel Castells (1973, 1983) comme des mouvements sociaux portant sur des problèmes spécifiquement urbains. Pour Castells, l’éclosion de ces mouvements urbains est concomitante des évolutions du capitalisme et de la planification urbaine. Il décrit les contradictions d’un système économique qui nécessite une organisation urbaine sans failles afin de garantir le bon fonctionnement du travail productif, mais qui, pour autant, échoue à répondre aux « besoins collectifs » (logement, équipement, transport), ceux-ci n’étant pas rentables. L’État prend alors un rôle massif dans la question urbaine pour assurer le bon fonctionnement du système économique. On nomme alors « planification urbaine » ce rôle qu’endosse l’État dans la réduction du risque et des conflits. Mais surtout, avance Castells, la planification n’est pas un instrument de changement social, elle est d’abord un instrument de domination et de « régulation des contradictions » :

On assiste à une tendance générale à présenter comme «urbains» toutes sortes de problèmes et de conflits (depuis la «criminalité» jusqu’à la révolte

On assiste à une tendance générale à présenter comme «urbains» toutes sortes de problèmes et de conflits (depuis la «criminalité» jusqu’à la révolte