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Le contrat joue parfois un rôle décisif dans l’engagement de la

Chapitre second : La protection des tiers contre l’inexécution contractuelle

Section 1 : Les obligations des contractants

B. Des atteintes hors matière de sécurité

80. Le contrat joue parfois un rôle décisif dans l’engagement de la

responsabilité du contractant envers le tiers. C’est ainsi que dans une espèce, un maître d’ouvrage avait conclu avec une société des marchés pour la construction de logements sous la direction et la surveillance de deux architectes. Cette société avait sous-traité la fourniture et la pose des menuiseries extérieures à une entreprise qui avait elle-même obtenu ces menuiseries d’un vendeur qui les a fabriquées. Cependant, les châssis de fenêtres n’étaient pas parfaitement étanches et ce vice caché avait été dénoncé dès qu’il s’était manifesté. La Cour d’appel avait retenu la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond qui ont justifié leur décision dès lors qu’ils ont relevé que les « châssis étaient impropres à l’usage auquel ils étaient destinés ». De sucroît, la Cour régulatrice a admis la responsabilité du fabricant in

solidum avec tous les défendeurs, puisque ses fautes « avaient concouru à la

réalisation de l’entier préjudice subi par le maître de l’ouvrage » 58.

De même, cette logique a été adoptée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 juin 198859. En l’espèce, un maître d’ouvrage avait agi contre un sous-traitant afin de réclamer la réparation de malfaçons. Mais la Cour d’appel, en se plaçant sur le terrain de la responsabilité délictuelle, l’avait débouté de sa demande. En se pourvoyant en cassation, celui-ci souligne que les juges du fond ont méconnu les règles de la responsabilité contractuelle, et par conséquent, son droit d’invoquer l’obligation de résultat. Il soutient que « le maître d’ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose, à cet effet, contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ». Cependant, la Cour de cassation a affirmé que « l’obligation de

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résultat d’exécuter des travaux exempts de vices, à laquelle le sous-traitant est tenu vis-à-vis de l’entrepreneur principal, a pour seul fondement les rapports contractuels et personnels existant entre eux et ne peut être invoquée par le maître de l’ouvrage, qui est étranger à la convention de sous-traitance ».

Dans un autre cas, un entrepreneur avait été chargé par un maître d’ouvrage de l’exécution de travaux de construction d’une salle de cinéma sur les plans et la direction d’un architecte. Après la réception définitive, la salle avait été louée à une société qui s’était trouvée obligée de procéder à des travaux de réfection importants pour éviter tout éventuel danger. C’est pourquoi, la société locataire assigna l’entrepreneur représenté par son syndic de faillite, ainsi que l’architecte, pour réparer le dommage qu’elle prétendait avoir subi. La cour d’appel ayant déclaré que la société locataire était fondée à invoquer les règles de la responsabilité délictuelle, le pourvoi reprocha à l’arrêt attaqué, qui avait condamné l’architecte, de ne pas prendre en considération deux points essentiels. Premièrement, que la responsabilité de celui- ci ne peut être engagée vis-à-vis du locataire de la salle qu’en présence d’une faute caractérisée commise au préjudice de ce dernier. Deuxièmement, que la faute imputable à l’architecte est de nature contractuelle. Cependant, la Cour de cassation réaffirma sa position en déclarant que « si, dans les rapports des parties entre elles, les dispositions de l’article 1382 du Code civil ne peuvent, en principe, être invoquées pour le règlement de la faute commise dans l’exécution d’une obligation contractuelle, elles reprennent leur empire au regard des tiers, étrangers au contrat »60. D’une part, les juges du fond ont constaté que la faute personnelle de l’architecte est due à une erreur de conception et à un défaut de surveillance dans l’exécution du plafond recouvrant la salle de cinéma. D’autre part, ils ont affirmé que la société locataire n’a pas la qualité d’ayant cause à titre particulier de la société propriétaire mais celle d’un tiers vis-à-vis de l’architecte. Ainsi, la Cour de cassation a approuvé la décision de la Cour d’appel qui a accordé la réparation à la société lésée.

59 Cass. 3e civ., 22 juin 1988 : D. 1988, IR, 200 ; JCP 1988, II, 21125, note P. JOURDAIN ; RTD Civ.

1989, 110, note Ph. RÉMY – Cass. 3e civ., 5 févr. 1991 : D. 1992, IR, 91.

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Un arrêt rendu par la troisième chambre civile le 13 décembre 198961 rejoint ce courant jurisprudentiel. Des associés d’une société civile immobilière, attributaires en jouissance d’un appartement et d’une terrasse, ont fait aménager cette terrasse sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte et d’un décorateur avant de céder leurs parts dans la société. Leurs cessionnaires se plaignaient d’infiltrations dans l’appartement en provenance de la terrasse. La Cour d’appel déclara l’architecte responsable à leur égard sur le plan quasi-délictuel. Pour autant, l’architecte condamné, a évoqué dans son pourvoi en cassation contre ce jugement que le dommage résulte de l’exécution d’obligations purement contractuelles et que la Cour d’appel devait faire application des règles de la responsabilité contractuelle. Cependant, la Cour de cassation rejeta sa demande en affirmant « qu’en l’absence d’une subrogation englobant l’action contractuelle de droit commun appartenant aux cédants à l’encontre de leur locateur d’ouvrage ou de toute cession d’une telle action, la cession des parts d’une société d’attribution donnant vocation à l’attribution de locaux en jouissance et, après partage, en propriété, a pour objet un titre immobilier incorporant un droit de créance sur la société, seule propriétaire de l’entier immeuble ». Elle ajouta que les juges du fond en ont exactement déduit que les cessionnaires des parts ne disposaient pas d’une action contractuelle contre l’architecte, et qu’en recherchant la responsabilité de celui-ci sur le plan quasi-délictuel, ont légalement justifié leur décision.

Ces solutions jurisprudentielles ne sont toutefois pas exclusives. C’est ainsi qu’il a été jugé que le maître d’ouvrage « dispose contre le fabricant de matériaux posés par son entrepreneur d’une action directe pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication, laquelle action est nécessairement de nature contractuelle »62.

Ayant appréhendé le domaine de la responsabilité du contractant débiteur d’une obligation contractuelle envers le tiers, il convient d’examiner le fondement et la mise en œuvre de cette responsabilité. L’évolution jurisprudentielle en la matière n’a pas été saluée par toute la doctrine.

61 Cass. 3e civ., 13 déc. 1989 : RTD Civ. 1990, 287, obs. P. JOURDAIN 62