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8.1 Les Mesures d’Insertion Sociale pour Jeunes Adultes en

Difficulté (MISJAD)

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Le canton de Vaud se caractérise par une politique spécifique à l’égard des jeunes adultes (18 à 25 ans) au bénéfice du Revenu d’Insertion, qui vise une insertion durable de ces jeunes dans le marché du travail, ceci avant tout par la formation professionnelle certifiée.

Ce dispositif comprend deux volets financé par le Service de Prévoyance et d’Aide Sociale (SPAS): les Mesures d’Insertion Sociale pour Jeunes Adultes en Difficulté (MISJAD) ainsi qu'un programme de soutien à la formation, le programme FORJAD.

Les MISJAD font donc partie des Mesures d’Insertion Sociale (MIS) proposées aux bénéficiaires de l’aide sociale qui ont pour objectif un des trois axes suivants : le rétablissement du lien social, la préservation de la situation économique ou la formation et le recouvrement de l’aptitude au placement (art. 47 LASV).

Elles font partie de la troisième catégorie et s’adressent spécifiquement aux jeunes adultes en difficulté (JAD). Elles concernent 20 mesures dans lesquelles 286 jeunes sont placés22, pour 3200 JAD à l’aide sociale, ce qui fait apparaître un important manque de place à disposition. Tout JAD est tenu de participer à une mesure proposée par les assistants sociaux du Centre Social Régional (CSR) sur la base d’un « bilan social » et d’une démarche dans laquelle le JAD doit définir « un projet d’insertion correspondant à ses capacités et ses potentialités » (art. 50.2, LASV). Les mesures sont alors « conçues comme une étape préparatoire à l’entrée

en apprentissage et visent à la fois à la définition d’un projet professionnel « réaliste et

21 Mise à part les textes cités, les informations de ce chapitre proviennent d’un entretien téléphonique avec Noelie Schweitzer, responsable des MIS au SPAS le 29.11.13 et de documents du SPAS qui m’ont été transmis suite à cet entretien (la directive sur les Mesures d’Insertion Sociale du RI et la convention de collaboration entre le SPAS et le MIS).

Elles sont également issues de la Loi sur l’Action Sociale Vaudoise (LASV) et des articles relatifs aux Mesures d’Insertion Sociales qui figurent dans les annexes de mon travail (Annexe 2, p. 170)

réalisable », à tester la motivation du jeune et enfin à l’aider à trouver une place en apprentissage » (Bonvin, Dif-Pradalier & Rosenstein, 2013, p.68).

Pour ceux qui refusent d’aller en MIS, une sanction est prévue et le forfait « incitatif » qui est donné aux jeunes qui participent à une mesure leur est retiré23. Pour ceux qui acceptent de « participer activement à la définition du projet et à sa concrétisation » (art.4, LASV), le rôle des assistants sociaux du CSR est important puisqu’ils déterminent largement le choix de la MIS en fonction du bilan social, du projet d’insertion et des places disponibles (Bonvin, Dif-Pradalier & Rosenstein, 2013, p.68).

La mesure est contractualisée et les objectifs sont fixés entre les parties. Les mesures s’étendent sur 3 à 6 mois et peuvent éventuellement être renouvelées, s’il s’avère que cela fait sens pour chacune des parties.

8.1.1 Conception et pratiques

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Si ces mesures dites « d’insertion sociale » visent à favoriser l’accès à la formation professionnelle ou à l’emploi, le présupposé est, globalement que « l’insertion sociale passe par l’accès à la formation et au travail » et dès lors que le travail des professionnels dans ce domaine doit porter sur « le développement de compétences sociales et professionnelles requises sur le marché du travail »25.

Concrètement, même si les moyens d’action permettent une certaine marge de manœuvre, les MISJAD doivent travailler sur trois axes définis par le SPAS comme prioritaires : L’élaboration du projet professionnel (atelier d’un demi-jour minimum par semaine), le rattrapage scolaire (un demi-jour minimum par semaine) et l’accompagnement social nommé aussi appui psycho-social.

Cet accompagnement social se fait en parallèle et consiste généralement en un suivi individualisé de type « coaching » (conseil et soutien) qui s’attache particulièrement aux questions de « compétences transversales », de « régularité » et de « savoirs-être ».

L’idée est également de développer le « niveau de confiance et d’estime de soi, de socialisation et d’autonomisation comme processus préalable ou concomitant à leur inscription dans un dispositif qualifiant ou de retour à l’emploi » (convention de collaboration avec le SPAS, p.2). Ceci implique l’organisation d’ateliers divers visant à augmenter « l’estime de soi » et les « savoirs-être ».

De manière générale, les ateliers collectifs consistent en des ateliers de recherche d’emploi/formation ou de rattrapage scolaire et visent le développement de compétences sociales et professionnelles nécessaires à l’insertion dans le monde du travail.

23 Le montant total se trouve alors inférieur à la norme du Revenu d’insertion car le forfait incitatif n’est pas en plus mais est inclus.

24 Il s’agit ici de décrire la conception du travail dans les mesures et les pratiques dominantes promues par le canton. Les éléments mis en avant viennent alors, en plus de présentations officielles, en grande partie des explications de Mme Noelie Schweitzer, et de la convention de collaboration entre les mesures et le SPAS qui définit les grandes lignes de l’intervention prescrite.

De manière transverse, un des éléments central du suivi consiste en l’élaboration d’un « projet professionnel individualisé ». Dans cette optique, la mission du professionnel est d’analyser la situation individuelle du jeune et d’être en charge du développement d’un projet d’insertion tant au niveau de la définition du projet que de la recherche de stages professionnels ou d’un apprentissage. Il s’agit d’évaluer les compétences du jeune, ses acquis scolaires et professionnels puis d’accompagner la confrontation progressive au marché du travail (Avenir Social, 2013). Une fois le projet professionnel validé et testé, il s’agit d’accompagner vers la formation. Dans ce processus, on différencie le suivi d’un jeune qui n’a aucune idée concernant son projet, d’un jeune qui a une idée précise et réaliste ou de celui qui a une idée fixe et non réaliste.

Le travail des professionnels des MIS, que décrivent notamment Bonvin, Dif-Pradalier et Rosenstein, s’apparente à ce qui a été décrit dans le cadre théorique général : un travail « sur » et « avec » le jeune pour arriver à un projet « aussi réaliste et réalisable que possible ». Cela implique, de la part des professionnels, une action « qui consiste à adapter les préférences

initiales du jeune à la double contrainte des limites perçues, de ses capacités personnelles et des opportunités existant dans son environnement proche, ce qui correspond au « principe de réalité » si souvent évoqué par les travailleurs sociaux » (2013, p.69).

Selon la conception défendue par le SPAS, travailler l’élaboration d’un projet professionnel ne serait possible que lorsque le jeune est à même de respecter le « cadre de la mesure », notamment sur le plan des horaires, de la régularité et du respect des règles. Cela implique parfois un travail préalable pouvant durer pour certains plusieurs mois.

Sur ce point, la convention de collaboration entre le SPAS et les mesures prévoit que l’assistant social, en charge du suivi du jeune, soit informé en cas d’absences non justifiées de plus de trois jours, d’arrêt de la mesure ou de tout autre problème.

8.2 La mesure Migr’Action

Je reprends ci-dessous certains éléments formulés par les initiateurs de Migr’Action dans les documents relatifs à la mesure. Les éléments que je choisis de mettre en évidence sont ceux qui s’attachent à donner les intentions de Migr’Action ainsi que l’organisation des activités sachant que la fiche descriptive formelle figurant dans le catalogue des MIS se trouve dans les annexes de mon travail (Annexe 3, p.172). Dans la partie analytique qui suivra, on retrouvera par ailleurs, au travers du discours des animateurs et des jeunes, les aspects plus concrets et détaillés de ce qui se vit au sein de Migr’Action.

Le programme Migr’Action se déroule entre les murs de l’espace Mozaïk qui est un des espaces sociaux que l’Association Appartenances propose à des personnes migrantes. Pour reprendre le descriptif de la mesure, les participants sont alors « intégrés dans un espace

social ouvert, intergénérationnel, interculturel, interdisciplinaire, qui inclut aussi des

ressources d’appui psychologique »26.

26L’ensemble des citations sont issues alternativement de la fiche descriptive de la mesure figurant dans le catalogue des MIS du SPAS (Annexe 3, p.172) et d’un document de présentation du projet pilote non-officiel datant de 2008 concernant les préoccupations à l’origine du projet Migr’Action

Ce projet a été proposé, en 2008, par une équipe de coordination et d’animation (une psychologue aujourd’hui responsable de la mesure et un sociologue), en réponse à un travail sur la « valorisation des contributions des migrants à la société », travail qui mettait notamment en avant les besoins spécifiques de jeunes adultes migrants en difficulté.

L’idée était de répondre, en complémentarité aux mesures existantes, aux besoins spécifiques des jeunes issus de la migration : manque d’identification à des modèles positifs, manque de soutien continu à long terme, poids des diverses problématiques liées au parcours de migration, solitude, manque de réseaux dans le milieu professionnel, découragement face aux échecs répétés. Selon les initiateurs du projet, le « manque de reconnaissance des compétences acquises dans le pays d’origine, les possibles décalages entre les valeurs familiales ou traditionnelles et celles de la société d’accueil, le manque de repères et de référentiels, la nécessité de reconstruire certaines appartenances, les expériences de ruptures ou de traumatismes, les préjugés subis, les difficultés socio-économiques voire certains conflits de loyauté avec leurs parents » nécessitaient l’élaboration d’un espace qui, habité par un travail d’empowerment, permette que ces obstacles potentiels puissent devenir des ressources.

L'approche se veut centrée « sur le projet de vie et le sens donné par les participant-e-s aux diverses démarches qui mènent à leur entrée dans le monde professionnel, dans le cadre de leur parcours de migrant ». Les activités visent « à activer et valoriser les compétences et ressources des jeunes migrant-e-s » et « à susciter une attitude proactive vis-à-vis du projet de vie ». Ceci passe notamment par le fait de « mettre les jeunes dans des situations qui leur demandent prise d’initiative et engagement ainsi que mise en contexte de leurs compétences ».

Les activités sont imprégnées de certaines préoccupations à l’origine du projet, à savoir, la possibilité d’identification et de communication avec des modèles positifs, la promotion des échanges, l’encouragement à l’action et le suivi individuel à long terme.

Concrètement cela prend forme de la façon suivante :

 Permanence et espace social ouvert chaque après-midi

 Discussions en groupe :

- les animateurs « suscitent les échanges entre jeunes et guident la discussion sur des thèmes liés à l’expérience de migration, à la construction du projet de vie, aux attitudes face à l’intégration socioprofessionnelle, aux appartenances multiples ainsi qu’à d’autres thématiques proposées par les jeunes eux-mêmes »

- les jeunes échangent entre eux sur les obstacles rencontrés

 Rencontres hebdomadaires de groupe :

- Communication avec des modèles positifs, intervenants externes ayant réussi leur intégration, venant parler de leur parcours, des moyens de leur réussite et des difficultés surmontées

- Mise en commun des projets et discussion (projet de vie, parcours migratoire etc.)

 Suivis et entretiens individuels

 Projets et activités individuelles ou collectives (réseautage, organisation d’événements, ateliers ponctuels, etc) et activités de loisirs et sportives