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Contexte global de l’énonciation et contexte immédiat de l’énoncé

CHAPITRE I PROLÉGOMÈNES À L’ANALYSE DIÉGÉTIQUE

I. 1.5.1.3 Procédés de personnalisation langagière

I.1.5.3. Contexte global de l’énonciation et contexte immédiat de l’énoncé

Le titre de cette sous-partie nécessite d’expliquer le mot « contexte ». Selon les auteurs du Dictionnaire des termes littéraires, le contexte est l’« environnement d’un énoncé verbal (mot, phrase, texte), auquel il sert de cadre de référence. Cet environnement peut lui-même être constitué d’énoncés, ou bien être non verbal » (DTL, « contexte » : 116). Indiquons que le contexte verbal est parfois appelé « cotexte » (Ibid.), parce qu’il peut se référer à quelques mots ou à un texte entier. Ainsi, s’installe entre les énoncés une relation sur le plan sémantique.

Par contre, le contexte non verbal possède deux acceptions : 1) la situation de communication et les réponses aux questions suivantes : qui parle ? à qui ? où ? quand ? ; 2) « l’univers » auquel renvoie le fragment textuel (ou le texte) : les faits, les personnes, les lieux et le temps (Ibid.). Cette première acception coïncide avec la situation de discours, expliquée plus haut, parce que le contexte non verbal sert à « déterminer les intentions du locuteur et de l’interlocuteur, [à] connaître son niveau

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social, ses sympathies » (Ibid.). En outre, l’analyse contextuelle se rapproche de la pragmatique, qui, rappelons-le, « étudie la manière dont la situation détermine l’attribution du sens à un énoncé » (Ibid.). Par ailleurs, il est important de souligner que le contexte n’existe aucunement avant l’écriture et avant la lecture. Il est dû aux « représentations que s’en font les actants et les lecteurs » (Ibid.).

Le rôle déterminant du contexte consiste en l’« interprétation des références anaphoriques et déictiques, des mots polysémiques, des homonymies syntaxiques et des autres sources d’ambiguïté » (Ibid.). Ainsi, les éléments provoquant l’ambiguïté, par exemple les jeux de mots reposant sur la capacité créatrice de la langue, relèvent d’« un double contexte, qui rend délicat le choix entre les différentes lectures possibles » (Ibid.). Généralement, « toute attribution de sens passe par la contextualisation d’unités de texte et ceci à différents niveaux : la structure du texte global, l’œuvre d’un auteur, le code littéraire, l’intertextualité, l’horizon d’attente » (Ibid.).

Procédons à l’explication du mot « contexte » dans le cadre de notre travail. Nous recueillons les notions de contexte global de l’énonciation et de contexte immédiat de l’énoncé dans la thèse de doctorat de Chantal Richard, dans la partie consacrée à l’aspect théorique des fonctions de l’hétérolinguisme :

[…] il faudra distinguer les fonctions immédiates des fonctions sous-jacentes : les premières se situent par rapport au contexte immédiat de l’énoncé, mais peuvent différer des fonctions sous- jacentes qui pourront être mieux identifiées dans une perspective plus globale du contexte d’énonciation ; c’est-à-dire par rapport à tout le roman.49

Étant donné que Chantal Richard n’explique pas la signification de ces notions, nous concevons pour chacune une définition étant le fruit de notre analyse interprétative, d’autant plus que nous y recourons souvent dans la suite de notre travail lorsque nous évoquons les raisons du changement de registre et de variété de langue. Ainsi, dans cette première tentative de définition, nous comprenons par contexte global de l’énonciation, la teneur générale des messages que les personnages s’échangent dans un roman, et par contexte immédiat de l’énoncé, la teneur spécifique des répliques que les personnages romanesques s’échangent.

Nous rapportons la suite de cette citation de Chantal Richard, parce qu’elle nous inspire à mener une recherche dans un sens contraire à celui qu’elle propose : « L’interprétation des résultats qui suit chaque analyse de roman sera donc élaborée à partir des fonctions immédiates pour aller vers

49 Chantal Richard, L’hétérolinguisme littéraire dans le roman francophone en Amérique du Nord à la fin du XXe

siècle, Thèse de doctorat, Université de Moncton, 2014, p. 129.

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la description d’un fonctionnement plus global de l’hétérolinguisme dans le roman » (Ibid.). En raison de nos objectifs de recherche, nous adoptons une démarche partant d’un fonctionnement global de l’hétérolinguisme dans les romans de notre corpus. Nous nous focalisons par la suite sur le fonctionnement immédiat de l’hétérolinguisme dans les répliques énoncées par les personnages littéraires.

Nous spécifions donc l’utilité du contexte global de l’énonciation pour la construction du schéma graphique de l’énonciation. Les personnages se distinguent les uns des autres par les valeurs qu’ils transmettent ; celles-ci sont relatées par le narrateur dans les analepses et dans les prolepses. En effet, l’ordre non chronologique du récit permet au narrateur d’alterner le passé, le présent et l’avenir des personnages. Analyser le contexte global de l’énonciation nous permettra précisément de systématiser les éléments qui contribuent à la formation d’une conception du monde chez le héros et les personnages secondaires importants. Notre intention est de représenter d’une manière graphique l’essence de ce qu’ils se disent, la teneur principale des messages qu’ils véhiculent. Par exemple, nous montrerons sur le schéma graphique de l’énonciation le discours socialiste de Rosa Ost, le discours nationaliste de Jeanne Joyal, le discours pédagogique de l’enseignante Alice et le discours hassidique des écolières juives orthodoxes.

Rappelons que nous mènerons une recherche sur le lien entre la conception du monde des personnages littéraires principaux et leur pratique langagière. Par conséquent, l’analyse du contexte immédiat de l’énoncé nous obligera à travailler sur le discours rapporté. D’un côté, ceci nous permettra de décrypter la formation de leur conception du monde à partir de leur pratique langagière. De l’autre, nous étudions les raisons pour lesquelles l’écrivain fait recourir le personnage à tel registre ou à telle variété de langue pour exprimer un message donné.