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Depuis le début de ce travail, nous avons affirmé que l‟espace et le temps constituent des parties constructives des représentations de l‟altérité. A travers le récit d‟Hérodote et jusqu‟à la construction des stéréotypes, nous avons constaté le rôle significatif joué par l‟espace (l‟espace Autre, le territoire, le centre, la périphérie) et par le temps (récit chronologique, présent et passé, tradition et modernité) dans la naissance de l‟image de l‟Autre.

Nous essayerons par la suite d‟approfondir nos recherches sur la manière dont ces deux notions, l‟espace et le temps, engendrent la construction d‟une identité européenne. Plus précisément, nous nous appuierons sur l‟exemple de la presse écrite et étudierons comment celle-ci représente l‟altérité dans l‟espace et dans le temps d‟un journal, afin de confirmer l‟hypothèse selon laquelle la presse fonctionne comme outil de la construction de la temporalité et de la territorialité européenne. De plus, l‟identité européenne est à affirmer à travers une procédure narrative et évolutive, qui se caractérise par le maintien des mythes et des stéréotypes existant dans des sociétés européennes, à l‟égard de l‟Autre. Nous sommes encore loin de l‟édification d‟une identité nouvelle, fondée sur les caractéristiques et les actions communes entre des peuples européens. Garder l‟Autre dans un espace et un temps précis, à travers la presse, agit sur l‟importance et la visibilité que l‟Autre acquiert et, conséquemment, sur sa compréhension.

Quels sont alors les enjeux qui se cachent derrière la topographie et la chronologie de l‟Autre dans la presse? Pourrions-nous prétendre qu‟une politique européenne « prédéterminée » de la représentation de l‟Autre existe ? Et enfin, comment l‟identité européenne se définit-elle à travers l‟existence d‟un temps et

d‟un espace consacrés de façon similaire à l‟Autre ? Mais au-delà de ces interrogations, une question fondamentale s‟impose : il s‟agit de savoir si le discours, dans le cadre de la presse, revendique l‟appartenance à une société européenne en accentuant les différences avec l‟Autre, non-européen, au lieu de se tourner vers les éléments partagés par la culture européenne.

Ce chapitre est donc consacré à l‟analyse du plan de la temporalité et du plan topologique, présents en termes similaires dans la presse française et grecque. Nous posons la question de savoir si l‟identité européenne se construit en s‟opposant à l‟identité chinoise.

4.1 L’identité européenne construite dans le temps ; une

carte chronologique de l’altérité dans la presse écrite.

Dans un cadre mondialisé de la communication, la compression du temps, qui a aboli les distances et a raccourci les délais de la production, de diffusion et de consommation de l‟information, a eu des conséquences fortes sur notre rapport à la culture et à l‟Autre. Pour Jean-François Tétu « les sociétés modernes connaissent un temps rythmé par ce qu’on nomme événement, lequel est censé ‘ouvrir’ la société sur un avenir incertain ou constituer le signe, ou le signal, du changement supposé » [TETU, 1993 ; 713-722]. C‟est à partir de ces événements, qu‟un journal construit l‟actualité, notion purement chronologique de l‟existence des informations où il y a « coexistence temporelle des items dans un même support d’information », toujours selon J.F Tétu. [TETU, 1993 ; 713-722] La presse joue donc un rôle crucial dans l‟installation d‟un cadre chronologique, puisqu‟elle contribue, par son mode de traitement du temps, et par la combinaison particulière de temporalité de l‟urgence et de la crise, à l‟installation d‟un sentiment de saturation ou de répétition.

La question que nous soulevons dans cette partie de notre travail, reste plutôt quantitative que qualitative. Nous n‟essayons pas de montrer comment à travers le récit utilisé dans la presse écrite s‟impose une temporalité médiatique, qui diffère du temps vécu et réel d‟un événement. Il s‟agit là d‟un champ largement étudié. Nos questionnements, au contraire, se concentrent surtout sur la façon dont la presse écrite, par la fréquence des articles qui abordent la thématique de l‟identité chinoise, arrive à construire une image de l‟importance accordée à l‟Autre. Mesurer le nombre de fois où la couverture de la presse écrite se réfère à la Chine, pourrait être une manière de voir à quelle fréquence le public se trouve devant cette identité chinoise. Cependant, cela ne signifiera pas nécessairement que plus le public s‟expose à l‟actualité chinoise, mieux il apprend à connaître l‟Autre. Pour élaborer cette observation nous devrons effectuer une deuxième étude, qualitative cette fois-ci, des discours présentés dans le corpus. Nous ne pouvons pas non plus désigner un chiffre donné, qui justifierait une grande ou une petite couverture de la Chine. L‟objectif de l‟analyse chronologique est de repérer ces instants qui se caractérisent par une augmentation ou une diminution de la fréquence de l‟altérité chinoise dans la presse écrite. L‟objectif est d‟observer des liens éventuels entre le flux de la diffusion de l‟altérité et la construction d‟une temporalité européenne identitaire.

Les schémas suivants présentent la fréquence et la distribution mensuelles des sujets concernant la Chine dans la presse écrite. Le nombre d‟articles publiés dans Le Monde et dans Elefterotypia diffère d‟un mois à l‟autre, mais également d‟un journal à l‟autre.

Fréquence des articles par mois pour l’année 2008 ELEFTEROTYPIA LE MONDE MOIS NOMBRE D'ARTICLES MOIS NOMBRE D'ARTICLES JANVIER 17 JANVIER 46 FEVRIER 9 FEVRIER 35 MARS 35 MARS 62 AVRIL 48 AVRIL 69 MAI 40 MAI 42 JUIN 19 JUIN 40 JUILLET 32 JUILLET 47 AOUT 75 AOUT 93 SEPTEMBRE 18 SEPTEMBRE 39 OCTOBRE 12 OCTOBRE 28 NOVEMBRE 12 NOVEMBRE 34 DECEMBRE 10 DECEMBRE 32 TOTAL 327 TOTAL 567

Tableau 3 : Fréquence des articles par mois pour l‟année 2008.

La première observation que l‟on peut formuler en regardant les deux tableaux, est qu‟il existe une différence importante entre le nombre d‟articles dans les deux journaux. D‟une façon générale, nous constatons que Le Monde présente deux fois plus d‟articles qu‟Elefterotypia. Ce phénomène pourrait trouver son explication dans le fait qu‟en France, un taux plus élevé d‟individus d‟origine étrangère, a conduit à l‟émersion d‟une presse écrite plus ouverte aux sujets qui concernent les autres. En effet, la France, étant un pays avec beaucoup plus d‟étrangers sur son sol, ainsi qu‟ayant connu une vague d‟immigrés issus d‟ex- colonies françaises, est fortement différente de la Grèce, où l‟immigration est une réalité quotidienne depuis seulement ces 20 dernières années.

D‟après nos analyses nous avons constaté que Le Monde publie en moyenne 47.3 articles par mois tandis qu‟Elefterotypia 27.3 articles par mois. Ces résultats, concernent la totalité des données, y compris les reportages et les éditoriaux.

Dans les deux tableaux suivants, nous pouvons observer la répartition mensuelle des articles concernant la Chine au cours de l‟année 2008. Il est important de préciser, que nous obtiendrons là une première impression de la visibilité de la Chine dans la presse écrite : le part la plus élevée des articles sur la Chine correspond surtout aux mois de mars, d‟avril et d‟août pour les deux journaux, tandis que les autres mois, nous notons une faible représentation de l‟identité chinoise. Ce fait peut être compris en ayant recours à l‟actualité de cette époque : aux mois de mars et d‟avril l‟affaire du Tibet présente un grand attrait dans la presse des deux pays. Au mois d‟août les Jeux Olympiques organisés à Pékin suscitent aussi le plus grand intérêt à propos de la Chine de toute l‟année. Le nombre d‟articles en mois d‟août a été calculé à partir des articles des journaux et auxquels nous avons ajouté les articles des suppléments consacrés aux Jeux Olympiques. Afin de conserver l‟objectivité de notre étude et de protéger la diversité de notre corpus, nous n‟avons pas pris en considération les articles qui se réfèrent aux résultats des épreuves sportives pendant les Jeux Olympiques. Nous avons jugé que la catégorie sportive ne coïncidait pas avec nos questionnements sur l‟altérité, et c‟est pour cette raison que nous n‟avons décompté que les articles qui mettent l‟accent sur les traits personnels ou sociaux des athlètes chinois tout au long des Jeux.

Figure 2 : Schéma de la temporalité des nouvelles sur l‟Autre dans Elefterotypia

JANVIER FEVRIER MARS AVRIL MAI JUIN JUILLET AOUT SEPTEMBRE OCTOBRE NOVEMBRE DECEMBRE 0 10 20 30 40 50 60 70 80 0 2 4 6 8 10 12 14 N o m b re d 'ar ticl e s

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