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Partie 1. Ouverture au changement de pratiques, de la prise de conscience au

2.4. Conclusion

Nous avons vu que le métier d’enseignant est pluriel et se fabrique dans des relations multiples, notamment avec l’institution et les élèves. Autant d’influences qui parfois provoquent un glissement entre les bonnes intentions et la réalité de tous les jours.

Certains enseignants prenant conscience d’une irrégularité vont pouvoir modifier ce qu’ils considèrent comme une incohérence identitaire. D’autres s’en accommodent et s’adaptent à des « tensions et les ambiguïtés de la vie en classe pouvant être comprises comme historiquement inévitables plutôt que comme une aberration ou la faute de l'enseignant » [traduction] Murphy (2015, p. 82) citant Alexander (2013, p. 103).

Nous traiterons plus avant les manifestations du changement, des intentions aux phénomènes futurs d’internalisation. Dans cette section, il était surtout question de comprendre la posture de l’enseignant et ce qui se joue au présent dans la complexité de la classe en interrelation avec l’école. Pour comprendre la posture de l’enseignant, il nous faut questionner les croyances et les intentions des enseignants. Bien que déterminés à prendre en compte ces éléments d’importance dans la posture de changement de pratique, nous devons d’abord caractériser comment observer le style interactionnel, soit l’action en classe.

Si nous avons pu apprécier la multiplicité de caractéristiques des enseignants, nous avons aussi pu en relever les similitudes. En filigrane et hors considérations didactiques (contenu, gestion de la classe, etc.), il est question d’une posture centrée plutôt sur l’apprenant (en l’accompagnant au mieux selon ses besoins) ou sur la matière (conduisant et transmettant le savoir pertinent). Justement critiquée et dépassée (Meirieu, 2006), cette opposition fait aussi écho à un soutien de l’autonomie et fait ressortir la question du guidage. Dans le sens du style interactionnel, nous préférons aller dans le sens d’une opposition des sources de l’activité d’apprentissage, impliquant une mesure de cette action observable à un instant T. Rappelons ici que l’élève apprend par et dans son activité, d’autant plus s’il a des difficultés. « Le temps d'engagement dans la tâche rend compte, sur trois années, de 73% de la variance des acquisitions en lecture et mathématiques pour les élèves faibles et de 10% pour les acquisitions des élèves forts » (Bressoux, 1994, p. 7).

Or nous pensons que l’enseignant qui donne de l’autonomie à l’élève, pour lui permettre d’être acteur de son apprentissage, ne peut pas se permettre de prendre le contrôle et donc la place au même instant. Même si l’enseignant peut jouer son rôle de guide, il doit rester en retrait. Comme dans une conversation, où nous ne pouvons être deux à parler de concert ou lors d’une pièce de théâtre, les acteurs ne sont pas les spectateurs. Soit le maître prend l'action à son compte et diminue le pouvoir d'action des élèves, soit il se met en retrait pour qu'ils puissent endosser leur rôle d'acteur de leur apprentissage. Une dimension bipolaire entre l’enseignant-acteur et l’apprenant-acteur (fig.9) nous semble correspondre à l’action que nous cherchons à observer en fonction de la personne.

Fig. 9 Dimension bipolaire enseignant/apprenant-acteur : Le rôle d’acteur principal est porté dans un continuum entre l’enseignant et ses élèves de sorte que si l’un prend le lead l’autre doit s’effacer dans un rôle plus second.

Dans son étude, Alimoglu (2014) est parti de la même idée. Un enseignant occupe l’espace au détriment de ses élèves. Il a observé les comportements des uns et des autres en montrant que les élèves qui s’engageaient le plus avaient des enseignants plus en retrait.

Ce que Lebrun (2011b) revendique depuis longtemps. Dans une situation aussi complexe, il peut apparaître étonnant de se limiter à cette observation. La raison en est justement de rendre possible l’observation de la situation, qui va produire d’autres questions et d’autres observations donnant une vision du système. Au présent, par exemple, nous avons vu l’importance de la REE. Nous verrons que cette relation doit également être interrogée et traitée.

3. Le dispositif de validation mutuelle des compétences (VMC)

« Enseigner, c’est apprendre deux fois »

— Joseph Joubert

3.1. Introduction

La validation mutuelle des compétences (VMC) s’inspire largement de courants et

méthodes préexistantes en l’adaptant à la forme scolaire pour mieux la dépasser. Elle fait écho aux communautés de savoir (Bereiter et Scardamalia, 2010), détourne légèrement les arbres de connaissances (Authier et Lévy, 1999) et promeut l’enseignement mutuel. Ses principes ne sont pas figés, mais apportent des réponses concrètes pour atteindre un objectif pédagogique, soit l’engagement des élèves dans leurs apprentissages par le transfert de la responsabilité de l’apprendre. Elle se veut humaniste dans le sens qu’elle priorise la relation éducative avant toute considération d’acquisition de connaissance.

Nous la considérons comme une innovation par la transformation qui s’opère dans la posture d’enseignant et d’apprenant. Ses apports ne sont pas nouveaux pour autant. Il s’agit de renouer avec les principes fondamentaux nécessaires à un apprentissage en profondeur et l’implication d’une équipe d’apprenante. Ceux-là mêmes dont les professionnels déplorent la faiblesse. Quels sont ces principes, ses origines et les

pédagogies ou méthodes similaires existantes ? Nous proposons ici de détourer le concept et ses prolongements, notamment avec les outils actuels du numérique, qui par cet aspect rend la VMC à la fois moins accessible et plus prometteuse. L’ingénierie du système

proposé dans notre recherche fait l’objet d’un chapitre spécifique dans la section méthodologie générale.