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Partie 1. Ouverture au changement de pratiques, de la prise de conscience au

4.5. Traverser le chaos

4.5.7. Changer les habitudes

Les comportements répétés fréquemment seraient influencés par deux mécanismes concurrents, un processus contrôlé ou délibéré et un processus automatique ou spontané (Fazio, 1990). Les habitudes seraient moins sensibles à des actions purement réfléchies (Ye et Potter, 2007). Il apparaît alors clair que des actions raisonnées auront une portée limitée dans la modification des comportements. « L'habitude est un obstacle connexe qui

empêche les enseignants de modifier leurs pratiques. Plutôt que de travailler à développer de nouvelles compétences ou stratégies, il est tout simplement plus facile de continuer à enseigner de la même façon » [traduction] (Zimmerman, 2006, p. 239).

Ouellette et Wood (1998) ont trouvé que « le comportement passé contribue directement à la performance future dans des contextes qui favorisent le développement des habitudes » (p.65). Par contre, elles ont fait apparaître que dans un contexte instable et irrégulier de comportement, l’intention est un meilleur prédicteur que les anciens comportements pour des comportements futurs, alors que dans le cas d’un comportement journalier ou

hebdomadaire dans un contexte stable, ces comportements étaient un meilleur prédicteur des comportements futurs que l’intention. « Les comportements qui sont bien pratiqués et exécutés dans des contextes stables sont susceptibles de se répéter parce qu'ils peuvent être exécutés rapidement, relativement facilement, en parallèle avec d'autres activités, et avec une attention minimale ou sporadique » (p.66).

Elles insistent sur cette variable d’habitude comme prédicteur de comportement comparable aux autres prédicteurs d’intention (attitudes, normes subjectives, contrôle comportemental) tel qu’illustré par le diagramme modifié de TCI (fig.61). D’après ces auteures, il serait crucial de casser les anciennes habitudes de comportements en

permettant aux individus de réaliser de petites réussites. « Un point potentiel d'échec dans la mise en œuvre des décisions de changement de comportement survient lorsque le comportement a des récompenses à long terme plutôt qu'à court terme » (p.70).

Fig. 61 Diagramme modifié de la TCI (Egmond et Bruel, 2007) dans (Robinson, 2010, p. 15)

Si elles préconisent les récompenses, nous avons un autre regard sur la manière de mettre en œuvre cette prise de conscience. Comme le précise Egmond (2007), il y a deux

approches possibles pour comprendre le comportement. « Un ensemble d'approches étudie et modélise le comportement principalement en fonction de processus et de caractéristiques qui sont conçus comme étant internes à l'individu : attitudes, valeurs, habitudes et normes personnelles. Un second ensemble étudie les comportements en fonction de processus et de caractéristiques externes à l'individu : incitations fiscales et réglementaires, contraintes institutionnelles et pratiques sociales » [traduction] (p.6) Les deux éléments sont bien entendu source d’influence, mais nous optons résolument pour une approche de changement par l’individu. Lecerf-Thomas et Malarewicz (2014) rappellent le lien que l’individu entretient entre notre image de soi et ses actions. « Chaque personne, afin de rester cohérente, crée au sein de son propre mental un monde original en lien avec son univers social. La personne a privilégié des formes mentales et des

réactions émotionnelles au cours de son interaction avec l’environnement. Celles-ci sont le fruit de son histoire génétique, familiale, sociale. Son éducation, ses expériences

émotionnelles, ses apprentissages en ont déterminé les spécificités. Elles sont installées au sein de sa complexité neurologique personnelle. Pour transformer ces mondes spécifiques, il est nécessaire d’inhiber des modes réactionnels venus du passé. Ceux qui ont été

performants sont particulièrement difficiles à abandonner » (p.148). Dès lors, il s’agit de favoriser la conscientisation avec les comportements cohérents en accord dispositif pour former des habitudes et favoriser la conscientisation des incohérences avec les

comportements en inéquation pour s’en débarrasser. Dans une conception où l’utilisateur est à l’origine de ses décisions, comme l’a montré Cheikho (2015), il faut garder à l’esprit que « Les perceptions ou les croyances de l'utilisateur […] leur comportement d'utilisation changent, donc l’utilisateur augmente ou diminue son utilisation ou peut choisir de mettre fin » (p.64) et que « la réussite de la phase adoption dans le processus d’implantation d’une innovation/technologie nécessite la compréhension du comportement des

utilisateurs dans cette phase qui permet de savoir si les utilisateurs continuent à utiliser [le dispositif] » (p.65).

Or, il semble alors que le chaos puisse être un déclencheur pour perturber ces anciennes habitudes. Comme l’illustrent Lyubomirsky, Martin-Krumm et Nelson (2012) par cette déclaration : « la première façon d’intervenir dans le processus d’adaptation serait d’essayer activement de provoquer ou d’accueillir, des expériences inattendues et variables après un changement de vie positif et d’essayer activement de réduire les

expériences inattendues et variables après un changement de vie négatif » (p.141). Certains spécialistes du changement pensent qu’il faut provoquer une impression d’urgence pour que le changement se fasse (Kotter, 2014). Notre parti pris du changement individuel volontaire n’est pas conciliable avec cette vision. Par contre, nous pensons que la prise de conscience du changement se fera d’autant mieux s’il est marqué. « Passer de la

transformation par adaptation naturelle à la transformation par adaptation volontaire (radicale) nécessite une accélération du temps au travers de l’organisation d’une crise managée à cet effet. « Laisser faire le temps, expression populaire bien connue, est le contraire d’une démarche de transformation » (Lecerf-Thomas et Malarewicz, 2014, p. 164).

Leur proposition (fig.62) envisage un élément déclencheur (crise) qui permettra de transformer l’homéostasie vers un nouveau point d’équilibre du système.

Fig. 62 Changement de niveau d’homéostasie (Lecerf-Thomas et Malarewicz, 2014, p. 165)

La question du changement incrémental ou radical a également été traitée sous l’aspect du sentier de dépendance (dependance pathway) « qui décrit l’éventail restreint des choix et des croyances disponibles des acteurs à l’issue d’un processus d’institutionnalisation » (Rey, 2016, p. 18). De sorte, que les changements devraient composer avec

l’environnement commun dans des voies déjà connues par petits pas, permettant un ajustement du révérenciel culturel et identitaire (Fronda, 2008, p. 118).

4.5.8. Traverser le chaos

Ainsi traverser le chaos est un processus de construction personnelle qui nécessite une autorégulation et une prise en compte des améliorations qui se révèlent par des adaptations pratiquées dans son environnement. L’adaptation passe par une prise de conscience de la nécessité. Pourtant, il n’est pas aisé de se sortir de l’action. « Les activités et les processus qui empêchent l’adaptation possèdent donc la capacité à capter

l’attention de l’individu » (Lyubomirsky et al., 2012, p. 137). Ces actions demandent de l’énergie que la science impute à des phénomènes de volition (Kuhl, 2008). Cosnefroy

(2011) ajoute que « la volition s’appuie sur des ressources stratégiques qui se développent avec l’expérience » (p.29). En s’appuyant sur les schèmes de Vergnaud (1996), il parle de

« stratégies volitionnelles adaptées aux caractéristiques des situations » (Ibid). Il s’agirait donc d’une capacité à réagir aux situations imprévues d’après des capacités acquises par les expériences passées. Comme nous l’avons déjà mis en avant dans des concepts de

bricolage (Jorro, 1998), nous pensons que certaines dispositions peuvent être plus adaptées à faire face à l’émergence (Mucchielli, 2007) de nouvelles possibilités et composer avec l’improvisation organisationnelle en profitant de la sérendipité.