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Perspective psychosociale et systémique de la complexité du changement de posture enseignante : Acceptation d'un dispositif technopédagogique de validation mutuelle des compétences en classe

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Perspective psychosociale et systémique de la complexité du changement de posture enseignante : Acceptation d'un dispositif

technopédagogique de validation mutuelle des compétences en classe

RUFFIEUX, Philippe

Abstract

Dans cette recherche doctorale, nous postulons que l'innovation n'est pas le privilège de quelques-uns et qu'il est possible de faire évoluer ses perspectives d'enseignement (Pratt, 2002). Nous avons développé un dispositif technopédagogique de validation mutuelle des compétences (Sqily). Il s'agit d'une méthode d'enseignement mutuel qui met les apprenants dans la position d'enseignant, médiée par un outil numérique en ligne (Ruffieux, 2008).

Différentes propositions d'introduction, leurs effets et les processus d'adoption ont fait l'objet de trois études itératives. Par l'intégration des théories du changement issues de multidomaines, notre recherche-intervention analyse selon l'approche de l'action située (Leblanc, Ria et Veyrunes, 2013) comment les enseignants traversent la courbe du changement (Fullan, 2007), notamment grâce à l'expérience optimale partagée ou Flow (Heutte, Fenouillet, et al., 2016) issu de la psychologie positive. L'évolution de quatre types de dispositions psychologiques identifiées dans cette recherche et la construction d'une logique d'amélioration est discutée.

RUFFIEUX, Philippe. Perspective psychosociale et systémique de la complexité du changement de posture enseignante : Acceptation d'un dispositif

technopédagogique de validation mutuelle des compétences en classe. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2020, no. FPSE 764

URN : urn:nbn:ch:unige-1434874

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:143487

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:143487

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Section des Sciences de l’Éducation

Sous la co-direction de Abdeljalil AKKARI (UNIGE) et Bernard BAUMBERGER (HEP Vaud)

TITRE DE LA THESE

Perspective psychosociale et systémique de la complexité du changement de posture enseignante :

Acceptation d'un dispositif technopédagogique de validation mutuelle des compétences en classe

THESE Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de l’Éducation Par

Philippe RUFFIEUX de Lausanne (VD)

Thèse N° 764 GENEVE Septembre 2020

Numéro d’étudiant : 96-402-847

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UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION SECTION DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION

Perspective psychosociale et systémique de la complexité du changement de posture enseignante :

Acceptation d'un dispositif technopédagogique de validation mutuelle des compétences en classe

Philippe Ruffieux

Composition du jury de thèse

Abdeljalil Akkari (Directeur de thèse), FPSE, Université de Genève

Bernard Baumberger (Directeur de thèse), Haute École Pédagogique Vaud Isabelle Collet, FPSE, Université de Genève

Jean Heutte, Université de Lille

Olivier Maulini, FPSE, Université de Genève

Daniel K. Schneider, TECFA, FPSE, Université de Genève

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Sommaire

1.Introduction générale ...11

Partie 1. Ouverture au changement de pratiques, de la prise de conscience au bouleversement ...20

2.La posture pédagogique des enseignants au quotidien ...21

2.1. Introduction ...22

2.2. La posture pédagogique ...23

2.2.1. Les méthodes pédagogiques ...23

2.2.2. Styles, perspectives et postures d’enseignement ...26

2.3. Le quotidien des enseignants ...33

2.3.1. La relation pédagogique ...33

2.3.2.Entre normes et autonomie ...39

2.4. Conclusion ...45

3.Le dispositif de validation mutuelle des compétences (VMC) ...47

3.1. Introduction ...48

3.2. Validation mutuelle des compétences (VMC) ...49

3.2.1. Les arbres de connaissances (ADC) ...49

3.2.2.L’enseignement mutuel ...52

3.2.3.Apports et limites de la VMC ...55

3.3. Numérique et innovation en milieu éducatif ...59

3.3.1. La diffusion de l'innovation ...59

3.3.2.Le numérique en milieu éducatif ...63

3.4. Conclusion ...70

4.Le pouvoir de changer ...71

4.1. Introduction ...72

4.2. La conduite du changement ...73

4.2.1. Les cinq paradigmes du changement ...73

4.2.2.Des champs de forces aux boucles de changement ...74

4.2.3.Le modèle transthéorique des stades du changement ...75

4.2.4.La trajectoire J-Curve ...76

4.2.5.L’apprentissage expansif et la théorie de l’activité ...78

4.2.6.La science de l’amélioration ...80

4.3. L’Intention de changer ...84

4.3.1. La théorie de l’autodétermination (TAD) ...84

4.3.2.La théorie du comportement planifié (TCP) ...86

4.3.3.L’Attitude envers un comportement ...87

4.3.4.Le modèle d’expectacy-value-cost ...89

4.3.5.Les croyances normatives ...91

4.3.6.La perception de contrôle ...92

4.3.7. L’affordance et expérience utilisateur ...96

4.3.8.L’action située ...101

4.3.9.L’acceptation de la technologie (TAM & UTAUT) ...102

4.4. Le comportement d’engagement ...106

4.4.1. La résistance au changement ...106

4.4.2.L’ouverture au changement ...108

4.4.3.La préoccupation ...109

4.4.4.L’engagement ...111

4.4.5.Les modèles intégrateurs pour expliquer l’engagement ...113

4.4.6.Résistance et engagement chez les enseignants ...115

(6)

4.5. Traverser le chaos ...118

4.5.1. La théorie des comportements interpersonnels (TCI) ...118

4.5.2.Les influences du changement chez les enseignants ...119

4.5.3.Les influences d’engagement dans le chaos ...121

4.5.4.Le retour aux habitudes ...122

4.5.5.Les émotions dans la relation enseignant-élèves ...123

4.5.6.L’expérience optimale (Flow) ...125

4.5.7. Changer les habitudes ...129

4.5.8.Traverser le chaos ...131

4.6. Adoption et post-adoption ...133

4.6.1. Intégrer les changements ...133

4.6.2.Changer l’imaginaire ...135

4.6.3.Changements autorégulés ...136

4.7. Conclusion ...137

Partie 2. Trajectoires d’enseignants dans l’intégration d’un dispositif de VMC 139 ... 5.Méthodologie générale de la recherche ...140

5.1. Choix méthodologiques ...141

5.2. Construction méthodologique ...146

5.3. Dispositif technopédagogique ...151

5.4. Le contexte scolaire des enseignants du canton de Vaud ...167

6.Qui sont les enseignants désireux de modifier leur pratique ? (Étude 1) 170 .. 6.1. Introduction ...171

6.1.1. Objectifs de l’étude ...171

6.1.2. Rappel théorique ...172

6.1.3. Questions de recherche ...172

6.2. Méthode ...173

6.2.1. Participants ...173

6.2.2.Instrument et traitement des données ...173

6.2.3.Mesures ...174

6.3. Résultats ...177

6.3.1. Posture, intentionnalité et ouverture au changement ...177

6.3.2.Articulation des variables ...180

6.4. Discussion ...185

7.Comment passer de l'intention à l'engagement ? (Étude 2) ...189

7.1. Introduction ...190

7.1.1. Rappel théorique ...190

7.1.2. Objectifs de l’étude ...191

7.1.3. Questions de recherche ...192

7.2. Méthode ...194

7.2.1. L’agilité pour accompagner la transformation ...194

7.2.2. Participants et contexte ...195

7.2.3. Mesures ...197

7.3. Comportements planifiés ...199

7.3.1. Des intentions à l’engagement ...199

7.3.2. Enquête complémentaire sur les causes d’immobilisation ...204

7.4. Dispositions psychologiques ...207

7.4.1. Revue de littérature ...207

7.4.2. L’impact des dispositions psychologiques sur l’engagement ...216

7.4.3. Chaos et régulations ...219

7.4.4. Modulation par le dispositif ...222

(7)

7.5. Discussion ...225

7.5.1. Les raisons de l’engagement ...225

7.5.2. Conclusions ...227

7.5.3. Limites et pistes d’amélioration ...229

8.Quelles conditions permettent une intégration du dispositif dans une nouvelle pratique ? (Étude 3) ...234

8.1. Introduction ...235

8.1.1. Objectifs de l’étude ...235

8.1.2. Processus opérationnel ...235

8.2. Méthode ...238

8.2.1. Participants et contexte ...238

8.2.2.Mesures ...240

8.3. Processus singuliers de transformation ...248

8.3.1. Phenix ...248

8.3.2.London ...249

8.3.3.Sidney ...251

8.3.4.Hayden et Kendall ...253

8.3.5.Dakota ...257

8.4. Changement de posture ...260

8.4.1. Des intentions à l’adoption ...260

8.4.2.Effet des interventions ...261

8.4.3.Effet du dispositif ...262

8.4.4.Ressenti des élèves sur le changement ...263

8.5. Interactions élèves-enseignant ...265

8.5.1. Partage de l’activité ...265

8.5.2.Relation dynamique d’interdépendance ...267

8.5.3.Expérience optimale partagée (Flow) ...269

8.5.4.La J-Curve et le Flow ...272

8.5.5.Maintien de la nouvelle posture ...274

8.6. Discussion ...277

8.6.1. Divergences et convergences ...277

8.6.2.Retour sur les questions générales ...280

8.6.3.Synthèse, limites et perspective ...282

9.Conclusion générale ...285

9.1. Synthèse ...286

9.2. Vision globale et apports notables ...295

9.3. Limites et perspectives ...299

10.Bibliographie et listes ...306

(8)

Remerciements

Si la parenthèse se ferme aujourd’hui, c’est surtout parce qu’elle a pu s’ouvrir il y a cinq ans. Ma reconnaissance se tourne en priorité à celles et ceux qui ont rendu possible cette aventure.

Dans l’ombre, mais omniprésente, mon épouse Emanuela, sur qui j’ai toujours pu compter.

Tu étais là pour m’encourager, me soutenir, me secouer lorsque cela était nécessaire. Tes relectures et avis tranchés ont permis de riches remises en question. Avec ma fille Karen, vous avez subi mes humeurs et mes négligences avec allégeance. Vous avez consenti que deux ans deviennent trois, puis quatre et finalement cinq en ayant à cœur que je puisse aller au bout de mon projet. Il n’y aurait pas eu de thèse sans le soutien inconditionnel de ma famille.

Il n’y aurait pas eu de doctorat non plus sans la confiance que m’a témoignée Bernard Baumberger. Plus qu’un directeur de thèse, tu as rendu possible cette aventure audacieuse. En effet, le démarrage de ma thèse en 2015 coïncide avec d’autres événements concomitants à cette ouverture de parenthèse. La mise en œuvre d’une nouvelle formation hybride pour les enseignants dans la droite lignée de la validation mutuelle des compétences et le financement du développement informatique de Sqily.

Ton appui sans réserve a soutenu l’innovation malgré les risques évidents d’instabilités et ta vision positive a toujours su relativiser les problèmes pour consolider un projet qui a mûri. Le démarrage n’a pas été de tout repos dans ces mises en place pratiques ni dans le lancement de la thèse qui n’aurait pu se concrétiser sans Daniel Schneider. Tu as accepté de codiriger ce travail malgré un agenda déjà débordant. Tes larges connaissances ont élargi un horizon par de nombreuses pistes formatrices. Je suis très reconnaissant pour les nombreuses relectures et apports théoriques et méthodologiques de mes deux

codirecteurs qui ont soutenu ma réflexion pour un travail plus abouti.

Cet approfondissement a aussi été le fruit de contrariétés qui se sont révélées

enrichissantes. Ainsi les remarques d’Olivier Maulini m’ont fait me réinterroger sur les bonnes raisons de résister des enseignants, me permettant ainsi une meilleure prise en compte de leur quotidien. Il a aussi été le fruit des apports d’auteurs pour lesquels je voue une grande admiration. Je suis honoré de pouvoir compter parmi le jury, Jean Heutte qui fait partie de ces auteurs inspirants. En cinq ans de recherche, de nombreux contacts et discussions, tantôt informelles, ont permis de nouvelles ouvertures ou fixé des

incertitudes. L’attention étant toujours portée sur la recherche pendant ces années, il est difficile de se souvenir de tous celles et ceux qui ont gravité autour de cette construction.

J’ai une pensée particulière pour mes collègues thésards et notamment Christian

Blanvillain dont la bibliothèque personnelle réserve encore des secrets attractifs. Les plus chevronnés ont partagé leurs expériences ; Isabelle Capron Puozzo pour son soutien sur la méthodologie et Heidi Gautschi pour la partie qualitative. Mais aussi simplement par une écoute attentive très appréciée par Christian Fantoli, toujours disponible. Sans nommer leurs intervenants, je garde un excellent souvenir de chaque atelier proposé par l’université de Genève qui m’ont tous beaucoup apporté. Merci enfin à Abdeljalil Akkari qui a accepté de codiriger cette thèse, puisque la réalité du temps nous a rattrapés, Daniel devant

prendre une retraite bien méritée. Retraite que je souhaite riche en expériences également à Bernard. Vous laisserez un vide difficile à combler.

Ce travail n’aurait bien sûr pas pu se faire sans la collaboration des participants, enseignants et élèves qui ont accepté que je m’immisce dans leur quotidien.

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Liminaire

Ce paragraphe peut paraître déconnecté et surprenant, pourtant il contient la source de cette recherche et la colore. Une réflexion qui s’est enrichie dès mes premières années d’enseignement à l’aube des années 2000 d’un parcours atypique de mon métier en tant qu’enseignant. J’ai toujours pensé que le rôle d’un enseignant devait avoir comme vocation première le développement de l’enfant. En cela, il a une responsabilité fondamentalement éducative. Les savoirs scolaires n’étant que la pointe de l’iceberg de l’école. Il s’agissait pour moi de construire un groupe classe où les élèves pourraient s’épanouir dans toute leur personnalité et dans le respect d’autrui. Le bien-être de tous les élèves et du maître guidait alors une gestion de classe résolument tournée vers les relations humaines bien avant de s’intéresser aux compétences formelles à acquérir.

J’ai eu la chance de côtoyer dans ma carrière de nombreux enseignants qui partagent cet idéal prioritaire d’un regard bienveillant sur leurs élèves. D’autres ont une vision plus instructionnaliste et voient leur fonction comme un apport de connaissances aux élèves.

Le tableau n’est pourtant pas si tranché et ne se résume pas à un yin et yang entre deux idéaux. La vie fait son chemin, les expériences creusent des habitudes et émoussent les bonnes volontés. Comme les gentils messages du couple d’amoureux finissant par se limiter à « t’as pris du pain ? » dix ans plus tard, la bienveillance a bien du mal à s’exprimer dans un environnement régulé par la forme scolaire et les soucis du quotidien. Pourtant, le grand danger de l’école — et pour l’enseignant — est justement de se faire happer par la bureaucratie, les évaluations standardisées en reléguant le côté humain au deuxième plan.

Dans une sorte de cercle vicieux, il sera alors amené à recadrer des élèves qui ne sont plus connectés et logiquement dissipés engendrant des recadrages de la part de l’institution qui alimenteront cette fracture.

Dans les discours pédagogiques qui regrettent la difficulté de mettre en pratique les savoirs des sciences de l’éducation, il est bien plus fréquent d’étudier la performance que de mettre en avant une certaine relation éducative. Et il relève d’une gageure que

d’espérer qualifier une compétence que certains nomment le tact pédagogique. Bien que l’action professionnelle soit cantonnée à la salle de classe, il serait dangereux d’oublier que les élèves arrivent avec leurs problèmes de famille et leurs soucis personnels. Comment enseigner sans prendre en compte l’élève qui a perdu un de ses parents dans un grave accident, celui dont le père est alcoolique ou dont les parents sont en perpétuelles tensions avant un divorce ? Ne pas comprendre le stress d’un élève qui n’a pas fait tel devoir, car il doit s’occuper de ses petits frères ou qu’il arrive en retard parce qu’il doit faire deux heures de trajet suite à un déménagement. Autant de parcours de vie qui doit rappeler que la salle de classe doit d’abord être pour les enfants un lieu de sécurité et de bien-être avant de pouvoir être un lieu d’apprentissage. Mais l’institution n’a pas encore pris suffisamment la mesure de la société et se cantonne en premier lieu à des protections par des règles d’interdictions (de l’usage des smartphones pour régler les problèmes de cyberharcèlement ou dépendance en est un exemple récent). C’est alors à nous

enseignants qu’il revient de remettre l’humain au centre de notre métier.

(10)

Exergue

« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre »

— Marc Aurèle

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Résumé

L’école doit se réinventer. Si elle n’a que peu évolué depuis le XXe siècle, elle ne peut prétendre à une situation satisfaisante. Les nombreuses réformes institutionnelles n’ont que peu d’effet sur une posture d’enseignant ancrée dans des pratiques visant l’excellence d’élèves souvent trop passifs.

Nous postulons que le changement doit s’opérer par le bas et qu’il est nécessaire de reconsidérer les rôles pour retrouver l’essence éducative d’une cohésion de classe. Il est temps de développer des stratégies pour profiter des innovations des quelques aventuriers. Pour cela, il s’agit de comprendre les mécanismes en jeu.

Dans cette recherche doctorale, nous postulons que l’innovation n’est pas le privilège de quelques- uns et qu’il est possible de faire évoluer ses perspectives d’enseignement (Pratt, 2002). Nous avons développé un dispositif technopédagogique de validation mutuelle des compétences. Il s’agit d’une méthode d’enseignement mutuel qui met les apprenants dans la position d’enseignant, médiée par un outil numérique en ligne (Ruffieux, 2008). Différentes propositions d’introduction, leurs effets et les processus d’adoption ont été étudiés. Par l’intégration des théories du changement issues de multidomaines, notre recherche-intervention analyse comment les enseignants traversent les différentes phases de la courbe du changement (Fullan, 2007) et construisent une logique de transformation par l’adaptation du dispositif proposé. Une approche pragmatique (Huberman, 1992) tire des éléments concrets d’ingénierie à partir de la vérification des théories dans la complexité du réel (Morin, 2015).

Pour cela, nous menons trois études itératives qui s’enrichissent mutuellement.

1) Une recherche exploratoire quantitative avec 239 enseignants du secondaire I dans le canton de Vaud confirme que 40% des enseignants désirent changer leur pratique, mais s’y résignent. Leur vision du métier, leur ouverture au changement et sentiment de

compétences sont analysées et discutées.

2) Une étude de cas à visée explicative avec 20 enseignants intéressés analyse le lien entre l’intention et l’engagement suivant les comportements planifiés (Ajzen et Fishbein, 2005).

Lors du changement progressif amené par la méthode Agile (Houle et al., 2015), les enseignants ont montré des différences personnelles de disposition (Katz, 1960) qui ont impacté les possibilités de changement. Ces effets et d’autres facteurs impactant l’engagement sont analysés et discutés.

3) Une étude de cas multiple étudie les trajectoires de cinq enseignants sur une année par l’approche de l’action située (Leblanc, Ria et Veyrunes, 2013; Theureau, 2010). Une

méthodologie mixte est utilisée avec un entretien d’explicitation qui suit la prise vidéo des leçons pendant l’année. Les élèves ont aussi été interrogés. L’intervention propose de minimiser les effets de l’habitude par un changement radical. Les enseignants et les élèves partagent les fluctuations du bien-être (Csikszentmihalyi et LeFevre, 1989). L’enseignant- acteur laisse progressivement la place à l’élève-acteur. Les régulations nécessaires ont construit une certaine culture du changement. Les effets du dispositif, des changements de pratique sont analysés et discutés.

Même les enseignants fortement liés aux croyances normatives peuvent s’emparer d’une innovation sous certaines conditions communes et spécifiques. Une reconstruction de la complexité du système nous donne des moyens d’agir pour les accompagner. Ces nouvelles connaissances forment le socle d’une logique d’amélioration mesurée et itérative à venir.

Mots clefs : changement, posture professionnelle enseignante, enseignement mutuel, flow, disposition psychologique

(12)

Abstract

The school needs to reinvent itself. If it has changed little since the twentieth century, it cannot claim to be in a satisfactory situation. The many institutional reforms have had little effect on a teaching stance rooted in practices aimed at the excellence of pupils who are often too passive. We postulate that change must come from below and that it is necessary to reconsider roles in order to recover the educational essence of classroom cohesion. It is time to develop strategies to take advantage of the innovations of the few adventurers. To do this, it is necessary to understand the mechanisms involved.

In this doctoral research, we postulate that innovation is not the privilege of the few and that it is possible to change one's teaching perspectives (Pratt, 2002). We have developed a techno pedagogical device for the mutual validation of skills. It is a mutual teaching method that puts learners in the position of a teacher, mediated by an online digital tool (Ruffieux, 2008). Different proposals for introduction, their effects and adoption processes have been studied. By integrating theories of change from multiple domains, our intervention research analyses how teachers go through the different phases of the change curve (Fullan, 2007) and build the logic of transformation by adopting the proposed device. A pragmatic approach (Huberman, 1992) draws concrete

engineering elements from the verification of theories in the complexity of reality (Morin, 2015).

To do this, we conduct three iterative studies that are mutually enriching.

1) An exploratory quantitative research with 239 teachers of Secondary I in the canton of Vaud confirms that 40% of the teachers want to change their practice, but are resigned to it.

Their vision of the profession, their openness to change and sense of competence are analysed and discussed.

2) An explanatory case studies with 20 interested teachers analyse the link between intention and commitment according to planned behaviours (Ajzen et Fishbein, 2005). During the progressive change brought about by the Agile method (Houle et al., 2015), the teachers showed personal differences in disposition (Katz, 1960) that impacted the possibilities for change. These effects and other factors impacting engagement are analysed and discussed.

3) A multiple case study examines the trajectories of five teachers over one year using the situated action approach (Leblanc et al., 2013; Theureau, 2010). A mixed methodology is used with an explanatory interview that follows the video recording of the lessons during the year. Students were also interviewed. The intervention proposes to minimize the effects of habit through a radical change. Teachers and students share fluctuations in well-being (Csikszentmihalyi et LeFevre, 1989). The actor-teacher gradually gives way to the actor- student. Necessary regulations have built up a certain culture of change. The effects of the device changes in practice are analysed and discussed.

Even teachers who are strongly bound to normative beliefs can seize an innovation under certain common and specific conditions. A reconstruction of the complexity of the system gives us the means to act to accompany them. This new knowledge forms the basis for the logic of measured and iterative improvement in the future.

Keywords: change, professional teaching posture, mutual teaching, flow, psychological disposition

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1. Introduction générale

« Si vous voulez comprendre Einstein, la naissance du génie et de ses idées, il faut certainement circuler entre le contexte et la personnalité »

— Michel Wieviorka1

1 Source : la conversation scientifique avec Etienne Klein sur France Culture

https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/de-la-notion-de-cause-en-sociologie

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Origines de la recherche

L'école aujourd'hui

L’école fait face à un défi toujours plus grand pour remplir son rôle qui, comme la société, est en constante évolution. « L’école résiste, pourtant c'est le cœur de l'école qui est touché. Elle résiste aux résultats des recherches » (Houssaye, 2014, p. 19). Les

connaissances théoriques peinent à être appliquées et parfois même s’affrontent sur les méthodes. Les réformes se succèdent tantôt dans la promotion d’un principe, tantôt en le désavouant. Les enseignants doivent s’en accommoder dans un métier entre ces

influences institutionnelles, les aléas du quotidien, leur vision du métier et leur personnalité.

L’État ordonnance une école. Mais dans les classes, l’école est plurielle et teintée de chaque sensibilité, par chaque professionnel dans un environnement spécifique.

Cependant, affirmer que chaque enseignant est maître à bord “une fois qu’il a fermé la porte“ sonne comme une conclusion hâtive. La situation d’enseignement-apprentissage est complexe. Elle influence en retour les com23portements de l’enseignant (Bressoux, 1994). Pourtant tous les enseignants connaissent les conditions favorables et luttent au mieux contre celles qui pourraient nuire à la bonne marche de la classe. Au fil des formations et des expériences, ils abordent pour la plupart des postures qui leur

permettent d’enseigner dans de bonnes conditions. Reste qu’autant les résultats aux tests standardisés, que la satisfaction des élèves ou d’eux-mêmes ne sont pas toujours

optimaux. S’ajoute à cela, des perturbations structurelles, comme l’impératif d’intégrer les nouvelles technologies qu’ils ne maîtrisent pas toujours (Tardif et Lessard, 1999).

Nous observons pourtant des enseignants qui se réalisent pleinement dans ces nouveaux défis pendant que d’autres surnagent tant bien que mal dans des conditions qui les font parfois souffrir (Barrère, 2017). Or, les enseignants sont l’essence même de l’école et nous pensons que plus encore que l’institution, ce sont eux qui font évoluer sa culture. La réforme EVM1 aurait-elle été abandonnée si les enseignants l’avaient réellement appliquée en classe ? Nous ne le pensons pas.

De notre point de vue, une des grandes méprises de l’institution scolaire est de se centrer sur les résultats en oubliant le contexte. Reprenant les résultats PISA sur les performances des élèves, notamment en mathématique, l’OCDE (2016) relève d’une part l’échec de tous les pays à offrir un bagage minimal de compétences. Et d’autre part l’effet positif sur les performances des élèves, quels que soient leur niveau socio-économique lorsqu’ils peuvent s’appuyer sur des attentes élevées et un soutien important de la part de leurs enseignants. Il serait notamment une gageure de prétendre faire atteindre le niveau escompté à tous les élèves. Au lieu de blâmer leurs capacités, les actions des enseignants ou le soutien des parents, ne serait-il pas temps de revoir les objectifs et le rôle de l’école afin d’offrir les conditions optimales pour qu’enseignants et élèves retrouvent le goût et le temps de se reconnecter ?

1 Pour plus d’information sur l’école en voie de mutation (EVM), consulter : https://spv-

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De la difficulté des enseignants à changer de pratiques

Si tout enseignant peut passer par toutes sortes de difficultés et qu’aucun n’est immunisé contre la pénibilité de la fonction, il apparaît pourtant surprenant que certains puissent entrevoir des solutions sans oser se lancer dans un chemin semblant insurmontable ou trop périlleux à leurs yeux.

Meirieu (2006) évoquait il y a quinze ans déjà à propos du rôle de l’enseignant la nécessité pour 2020 « d’accompagner un changement d’identité professionnelle, d’autant plus difficile que les modèles identificatoires anciens ne fonctionnent plus et que de nouveaux n’ont pas encore émergé » (p.10). Le problème n’est pas tant l’absence que la multitude de solutions, avec leurs promesses et leurs inconnues. Le terrain regorge d’expérimentations qui n’arrivent pas à se généraliser ou du moins à se diffuser suffisamment pour que le corps enseignant puisse sortir de ses habitudes quasi ancestrales.

Fig. 1 Perpétuer les anciennes pratiques avec de nouveaux outils : Dessin de Serdu en collaboration avec Lebrun (2004)

Ce n’est souvent pas faute d’intérêt des professionnels, mais peut-être plus par crainte de chambouler le fragile équilibre de la classe et d’amplifier un inconfort entre la posture idéale et la posture quotidienne. L’arrivée du numérique en est une illustration flagrante.

Provoquant tantôt un intérêt passionné, mêlé à des résistances importantes quant à leurs implications sur les méthodes pédagogiques. Nous en avons fait l’expérience depuis 2003 (Ruffieux, 2004, 2008, 2012) et arrivons au même constat sur la difficulté à faire profiter les collègues d’un dispositif, quand bien même ils seraient intéressés et convaincus des résultats. À l’occasion de contacts avec des élèves révélés par de telles pratiques, des collègues nous ont approchés pour en savoir plus. Ces échanges bien intentionnés se sont pourtant soldés par des témoignages de blocages tels que “ah ça a l’air vraiment super, mais pas avec cette classe“ ou “y’a trop cette année, peut-être l’année prochaine“. Remarques

ambivalentes qui nous interrogent sur leurs causes.

« Le questionnement autour de la pratique quotidienne de l’enseignant nous paraît une entrée pertinente pour comprendre le métier d’enseignant dans une période de réformes et innovations », prétendaient Riat, Wentzel et Melfi (2012, p. 139). Face à ces constats, s’est imposée à nous la nécessité de comprendre les ressentis des enseignants dans leur métier, les envies ou les résistances qu’ils vivent au quotidien. Ainsi pourrons-nous peut- être les aider à avancer vers la quiétude des rapports avec leurs élèves, malgré une forme scolaire pas toujours en accord avec leurs conceptions.

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Détermination de la recherche

Premières questions de recherche

Anderson & Shattuck (2012) relèvent les préoccupations actuelles des sciences de l’éducation de par l’impact qu’elles espèrent avoir sur le terrain. « Reeves (2000) a

également noté que la question de la mise en œuvre et de l'adoption est d'une importance cruciale et que la recherche en éducation en général a eu un bilan très médiocre »

[traduction] (p.18).

Forts des expériences de terrain (2000-2015) et recherches (2003-2015) sur plus de dix ans validant les avantages d’un tel dispositif pour les élèves, nous nous devions d’étudier les forces en jeu qui favorisent ou retiennent les enseignants à se lancer dans de nouveaux défis. Notre recherche est donc résolument tournée vers les enseignants. Si nous voulons comprendre, voir favoriser un passage à l’acte, la question de l’outil devait également se poser. Par voie de conséquence nous inscrivons parallèlement dans nos projets un travail sur son ergonomie. L’utilisation de cet outil en tant qu’agent de transformation spécifique ne nous empêche pas d’entrevoir une logique comportementale de changement de posture plus large des enseignants face aux innovations.

Nos questions initiales de recherche pourraient s’exprimer ainsi :

Quels sont les mécanismes qui soutiennent une mutation de pratiques des enseignants ? Quelles sont les conditions de changement dans le vécu (catalyseurs, inhibiteurs) pour une adoption d’une nouvelle posture ? Comment aider les enseignants à passer d’une logique de confrontation instruction/éducation à un paradigme de transformation ?

Autant le dispositif proposé, sa méthode d'introduction, que les interactions avec les acteurs (notamment les élèves) sont des leviers que nous pensons pouvoir faire émerger.

Nous n’oublions pas que notre action se fait dans un certain contexte qu’il s’agit de comprendre, comme le discernement du milieu (normes et autres impératifs) ou les personnalités (croyances et postures préexistantes, désirs). Dans cette situation, l’évidence d’une recherche dans la complexité dans le sens de Morin (2015) s’est naturellement révélée à nous. Nous avons fait le deuil d’une recherche de spécialiste au profit d’une compréhension plus holistique et interdisciplinaire. Nous avions aussi le désir de poursuivre la logique itérative de nos recherches initiées il y a une quinzaine d’années (Ruffieux, 2004, 2008, 2012) dans un esprit itératif d’amélioration ; de sorte que chacune de ces recherches a permis de répondre à des questions qui ont forgé les suivantes en

améliorant le dispositif.

Organisation de la recherche

Deux grandes parties suivent cette introduction. Une revue de littérature qui dessine les contours théoriques actuels sur lesquels nous nous positionnons et une partie empirique contenant la recherche. Le plan qui suit (fig.2) ainsi que les annotations qui

l’accompagnent permettront au lecteur d’embrasser l’ensemble de la recherche.

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Fig. 2 Plan de la thèse

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Notre revue de littérature suit trois axes. 1) Les enseignants et leur contexte ; 2) le

dispositif technopédagogique et son implication ; 3) les questions plus spécifiques autour du changement.

Les enseignants sont au cœur de notre réflexion, de notre intérêt. Pourtant définir la posture enseignante reste complexe. C’est à la fois un métier, une fonction, mais aussi une mission, un rôle ; certains diront une vocation, un art (Maulini, 2004). Au-delà de la vision de leur rôle, les influences du quotidien sont autant d’influences qui forgent l’histoire des classes. Nous avons à cœur de relever les connaissances actuelles sur leurs pratiques. Si nous ne désirons pas entreprendre une recherche sur la construction de la personnalité qui demanderait de s’interroger sur les antécédents des enseignants (vécu, formation…), nous questionnons les postures actuelles parfois appelées le style

pédagogique. Pour ce faire nous devons mieux comprendre ce qui se joue dans cette posture. Quelles sont les méthodes actuelles (apports scientifiques, mouvement

pédagogique…), comment les enseignants se les approprient-ils (institution, doxas…) et quelles sont les réalités du terrain (culture scolaire, relation avec les élèves…) qui

influencent leurs actions au quotidien. Dans un cadre particulier d’utilisation d’un dispositif innovant au sens d’une proposition d’artéfact, il s’agira d’en délimiter les avantages et les limites, sa structure et ses possibles évolutions. Enfin, nous produirons notre proposition de compréhension du changement se rapportant à la situation pédagogique innovante à partir des connaissances actuelles sur les étapes du changement (Intention, résistance, engagement, chaos, adoption) en intégrant la situation particulière pour l’enseignant avec cet artéfact.

Notre partie empirique est composée d’une explicitation de la méthodologie générale suivie de trois recherches itératives avant la conclusion.

Notre recherche a été menée de manière itérative, de sorte que chaque étude est construite à partir d’un objectif déterminé, mais repose sur les résultats des études précédentes. Le cadre général, soit les axes principaux, le contexte, notre approche et notre positionnement éthique et épistémologique sont précisés dans la méthodologie.

Nous indiquons par exemple notre sensibilité à l’approche de la complexité issue des travaux d’Edgar Morin (Le Moigne, 1994) qui donne sens à une thèse pragmatique. Le dispositif est alors décrit plus précisément ainsi que les conditions du système proposé ; le terrain, les individus, le chercheur.

La première étude de type quantitatif s’assure que notre objectif d’intervention correspond à un besoin pour certains enseignants et dans quelle proportion. Nous profitons pour vérifier également que d’autres aspects de la littérature sont valides dans le cas plus réduit des enseignants du canton de Vaud. À partir de ces résultats, nous mettons en place une première intervention avec un groupe de volontaires plus restreint. Des difficultés et réussites identifiées dans la méthode proposée, dans le dispositif ou dans les actions des participants, nous proposerons une nouvelle itération. Cette troisième phase sur un groupe encore réduit nous permettra d’aller plus en profondeur en nous appuyant sur les théories de l’action située (Leblanc et al., 2013). Le croisement des observations en classe et des entretiens d’explicitations seront alors à même de nous informer sur les parcours à

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travers la courbe du changement (Fullan, 2007), les éventuelles rechutes (DiClemente et al., 1991) et les soutiens nécessaires pour persister.

De sorte que notre problématique se précise en trois points qui sont autant de niveaux d’implication pour chaque étude.

En premier lieu, nous interrogerons les intentions des enseignants. Ont-ils vraiment envie de changer comme nous le pressentons ? Quelles sont leurs attitudes envers les

propositions ? Quels sont les mécanismes de résistances et à quelles difficultés sont-ils confrontés avant de s’engager ?

Ensuite, nous chercherons à comprendre pourquoi certains arrivent à changer malgré les difficultés rencontrées. Pourquoi certains ne s’engagent-ils pas malgré les bonnes

intentions ? Quelles variables soutiennent ou minimisent les intentions ? Comment vivent- ils ce changement ?

Enfin, nous creuserons les relations plus profondes lors d’un changement. Quels seraient les facteurs aidant ou entravant les actions de transformation ? Quelles conditions

permettraient une adoption dans une certaine pérennité du changement ?

Sans prétendre à une recherche design, nos interventions ne peuvent faire l’économie d’interroger la méthode d’introduction et d’accompagnement autour du dispositif. En filigrane, une quatrième question cherche à développer un modèle de compréhension du changement.

Nous conclurons par les apports et limites de notre thèse, ainsi que les perspectives pour la suite.

Positionnement épistémologique

Notre introduction ne serait pas complète sans préciser succinctement notre

positionnement épistémologique. Bien que nous nous appuyions sans vergogne sur des travaux venus d’horizons multiples, des sciences de l’éducation aux sciences de la gestion, la médecine ou les systèmes d’information (SI) ; usant de concepts de psychologie sociale ou cognitive, des neurosciences ou de l’ergonomie, deux éléments principaux nous guident : une perspective pragmatique et une vision positive de l’être humain.

Notre première intention nous place résolument dans une perspective pragmatique (Van der Maren, 1996). Ainsi, nous poursuivons un effet convergent et cumulatif (Gillberg et Vo, 2011) de la recherche. Sans en produire une théorie générale, il s’agit d’éclaircir et de résoudre des éléments dans un processus continu. Les enjeux méthodologiques visent pourtant bien l’émergence d’une vérité — temporaire — de ce qui fonctionne dans le contexte donné, avec une préoccupation d’application pratique (Huberman, 1992). À ce titre, les tentatives de comprendre — et éventuellement résoudre — des

dysfonctionnements nous poussent à une approche parfois fonctionnaliste dans nos méthodes, par la poursuite d’un idéal optimal. Cependant, nous gardons une sensibilité constructiviste en nous appuyant fortement sur les significations des participants, leurs interactions et leurs contextes (Teddlie et Tashakkori, 2009). Dans ce sens, nous nous

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distançons quelque peu du pragmatisme et du fonctionnalisme par un report au second plan des institutions. Conscients de la pluridisciplinarité des processus (descendants et ascendants), nous avons fait le choix d’interroger plus spécifiquement la position

ascendante. Sans pour autant ignorer l’influence du milieu pour l’enseignant, nous optons pour une émergence des potentialités individuelles (empowerment). La primauté n’est donc pas donnée au système (institution ou dispositif), mais bien aux interactions individuelles.

Le dépassement de l’individu/société jaillit des questions motivationnelles des acteurs (du choix qu’ils font, qu’ils peuvent faire, du sens qu’ils en donnent) tel que le conçoit la 2e école de Chicago. « L’accent est donc mis d’emblée sur la marge de manœuvre dont disposent les individus dans l’application des normes, sur leur rôle social — envisagé au sens de G. H. Mead et non du culturalisme ou du fonctionnalisme — puisqu’ils ne se bornent jamais à appliquer mécaniquement des dispositifs qui prendraient naissance en dehors d’eux-mêmes » (Riutort, 2014, p. 12). C’est à ce titre que notre intervention autour des « processus de socialisation et d’individualisation » comme « deux versants

complémentaires d’un même développement humain » (Bronckart, 2005, p. 4) s’inspire des méthodes transversales des théories de l’action (Ibid.).

Une deuxième intention nous guide. L’approche fondée sur la vision positive de l’être humain avec une forte imprégnation des courants de psychologie humaniste et positive. Il s’agit alors de se focaliser, non pas sur les problèmes, les dysfonctionnements ou les erreurs, mais d’opter pour une vision optimiste (Seligman et Lecomte, 2008) en cherchant à améliorer ce qui fonctionne. Cette quatrième vague de la psychologie est née de la rencontre fortuite entre Martin Seligman et Mihaly Csikszentmihalyi sur la plage de Kona, pendant un séjour à Hawaii à l’occasion de leurs vacances en 1997. Martin Seligman alors nouvellement promu à la présidence de l’ American Psychological Association (APA) collabore avec Mihaly Csikszentmihalyi (à l’origine du concept de Flow) pour réfléchir au moyen d’atteindre les objectifs de ce mandat. Pour les atteindre, ils se dirigent rapidement vers la nécessité de considérer le fonctionnement humain optimal qui donnera lieu au premier congrès de psychologie positive en 1999 (Heutte, 2019, p. 99).

Nous empruntons la définition de Gable (2005) : La psychologie positive est « l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des gens, des groupes et des institutions » (p.104). Actuellement, l’association française et francophone de psychologie positive (AFfPP), présidée par Charles Martin- Krumm se rassemble autour de trois éléments clés de la psychologie positive : une conception humaniste, des fondements scientifiques et une utilité sociale (Heutte, 2019, p. 103).

Lecomte (2008) propose un modèle intégratif de six dimensions fondamentales de l’être humain (fig.3) qui permet d’exprimer les implications psychologiques multiples dans une forme simplifiée. Notre recherche puisera dans plusieurs de ces dimensions à défaut de pouvoir se référer à l’ensemble.

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Fig. 3 Modèle 6D Six dimensions de l’être humain et les courants psychologiques correspondants. (Lecomte, 2008, p. 64)

Si nous n’ignorons pas les effets indéniables d’influence du contexte sur les

comportements humains, nous avons pris le parti de nous focaliser sur l’enseignant dans son environnement. D’une part, il aurait été trop audacieux de prétendre interpréter les écosystèmes (institution, société, etc.), mais également représente pour nous un faible levier d’action. Comme nous aurons l’occasion d’en rediscuter, nous optons pour un changement par la base plutôt que par des réformes en questionnant les conditions favorables. Il nous appartient d’affirmer une sensibilité à l’individualisme méthodologique (Boudon, 2002 ; Vultur, 1997) en mettant l’individu à la base des phénomènes sociaux, en défendant le point de vue d’une autonomie et d’une responsabilité des acteurs plutôt qu’un déterminisme des structures.

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Partie 1. Ouverture au changement de pratiques, de la prise de conscience au

bouleversement

« An explorer can never know what he is exploring until it has been explored »

— Bateson

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2. La posture pédagogique des enseignants au quotidien

« Celui qui n'appliquera pas de nouveaux remèdes doit s'attendre à de nouveaux maux »

— Bacon

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2.1. Introduction

Les sciences de l’éducation et la pédagogie ont un but commun d’améliorer la qualité des apprentissages et visent par là une efficacité de l’enseignement. Ils n’ont malgré tout pas trouvé de consensus sur une visée parfaitement claire de ce qui relèverait d’un profil d’enseignant idéal. Meirieu (1981) inscrit d’ailleurs certaines de ces dissensions par la fonction pédagogique historique pour « éduquer sans contraindre » les hommes en

rappelant aux bons souvenirs de Rousseau, Pestalozzi, Montessori ou Freinet auxquels les multiples sciences, psychologie, philosophie, sociologie, ont essayé d’apporter des « outils d'intelligibilité ». Pourtant cette quête semble hors d’atteinte, tant l’essence même de l’enseignement tient dans une contradiction temporelle. L’enseignant s’emploie à la réflexion didactique sur son action, simultanément qu’il vit cette action. De sorte que l’enseignant doit continuellement jongler entre ces conceptions théoriques et son

expérience pratique. Il se construit, avec sa personnalité, entre des concepts qu’il a appris et des expériences qu’il vit au quotidien.

L’enseignant bienheureux doit faire le deuil de la perfection et de l’efficience à tout prix, pour profiter de la relation éducative et « ce qu'elle comporte d'aventure proprement humaine » (Ibid.). Et pour autant, le message de l’efficacité et les attaques de l’école n’ont jamais été aussi présents, avec des attentes toujours plus fortes de performances des élèves, d’éducation et de développement humain, sans être d’accord sur les moyens d’y parvenir. Bien entendu, ces éléments reflètent des questionnements sociétaux entre une vision taylorienne tournée vers la croissance et une humaniste dont le concept de plus en plus présent de décroissance vise d’autres objectifs (Barrère, 2015). La vérité se trouve certainement dans l’articulation de ces visions, par la réflexion et la lutte contre les évidences et conclusions trop hâtives. Dans son questionnement sur le développement professionnel des enseignants, Lameul (2016) explicitait ces visions par deux logiques institutionnelles. La logique techno-économique et la logique participative. Dans la première, il s’agit de développer des standards, des classements par un pilotage descendant. Dans la deuxième, la priorité est mise sur les besoins et les ressources locales. Le « bien vivre ensemble au niveau d’un établissement est présenté comme indispensable pour accomplir au mieux, les missions éducatives » (p.15). Les exemples de réussite de cette deuxième logique existent et ont fait leurs preuves. Combien de fois l’école finlandaise est-elle prise en exemple pour son homogénéité de classes sociales, ses dépenses modérées et son autonomie organisationnelle (Maulini et Thurler, 2014, p.

215) ?

Regardons maintenant ce qui relève du choix idéologique, des influences et contradictions du quotidien, mais aussi des possibles qui s’ouvrent en faisant un pas de côté.

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2.2. La posture pédagogique

2.2.1. Les méthodes pédagogiques

Le métier d’enseignant a ceci de particulier qu’il impose au professionnel d’avoir une double position d’exécutant (en appliquant des méthodes) et d’intégrateur (en évaluant ces méthodes). Un observateur externe et provocateur pourrait prétendre que les sciences de l’éducation faillissent à expliquer leur domaine. Puisque les méthodes parfois

contradictoires qui s’en inspirent sont rarement appliquées. Alors que la physique ou la médecine remplacent une connaissance par les nouvelles découvertes, la pédagogie les fait coexister. Que pouvons-nous conclure de ces contradictions ?

Des mouvements pédagogiques contradictoires

Conscients que nous prenons ici un raccourci en opposant les courants de la pédagogie traditionnelle et la pédagogie nouvelle (Grootaers, 2007), nous pensons qu’elles

représentent bien les antinomies insolubles auxquelles l’enseignant est confronté.

La pédagogie traditionnelle se concrétise par un enseignement simultané et magistral où l’enseignant est le tenant du savoir (Docq, Lebrun et Smidts, 2008). Il doit instruire ses élèves en leur transmettant de la connaissance. Cette pratique directive demande une certaine discipline pour que la classe fonctionne. C’est le modèle que nous avons dans la plupart de nos sociétés et qui se construit dès le XVe siècle avec les collèges et la

congrégation jésuites pour éduquer les jeunes à la foi chrétienne, puis les écoles du

peuple pour instruire les pauvres pour qu’ils s’insèrent dans la société avant les besoins de la révolution industrielle, suivie de l’école de Jules Ferry qui n’a que peu évolué depuis près d’un siècle et demi.

La pédagogie nouvelle prend sa source principalement chez Rousseau (Meirieu, 2011) qui oppose les rôles par l’image de l’enseignant remplissant un vase vide au jardinier qui cultive son jardin. En cela, il s’approche de la maïeutique de Socrate, en cherchant à ce que l’élève trouve les forces en lui pour se développer. La prise en compte d’un équilibre entre les forces et les besoins de l’apprenant est centrale. Nous pouvons considérer ces trois vecteurs que nommait Pestalozzi comme la tête (connaître), la main (pouvoir) et le cœur (vouloir) visant la liberté, comme principe fondateur de l’éducation nouvelle.

L’enseignant étant là pour accompagner les élèves dans une certaine construction individuelle, active et autodéterminée.

Bien qu’assez marqués, ces mouvements ne sont pas imperméables et nombre

d’enseignants vont puiser tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre, à juste titre d’ailleurs (Tang et al., 2017). Aucune n’est irréprochable. La vision behavioriste et skinnerienne est

réductrice à un comportement de réponses aux stimulus (Lecomte, 2008; St-Yves, 1981).

Elle oublie complètement le besoin social de l’apprentissage des compétences de haut niveau. La vision socioconstructiviste fait perdre les entrainements indispensables à la mémorisation et les apports théoriques de base au profit d’une découverte chronophage.

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Certaines pratiques sont plus adaptées à certaines situations ou à certains élèves. « Un enseignement directif semble plus efficace aux premiers stades de la scolarité, alors que plus tard, un enseignement moins directif s’avère plus productif » (Duru-Bellat, 2001, p.

324). Nous pensons que chacune de ces positions pédagogiques charrie son lot de difficultés, de limites et de risques. L’enseignement transmissif représente un défi au niveau de l’égalité des apprentissages. Si certains pourront apprendre dans ces conditions, cela leur demandera une attention ou un travail supplémentaire hors de la classe. Les difficultés ou les élèves qui ne suivent pas sont souvent identifiés très tard. Alors qu’un enseignement moins directif nécessite une structure claire et une implication des élèves qu’il faut construire et entretenir.

Nous pouvons trouver dans la littérature autant de tenants que d’adversaires d’un côté comme de l’autre. Un nombre croissant de recherches s’évertuent à montrer les bienfaits d’un enseignement centré sur les besoins de l’élève — les institutions montrent d’ailleurs un regain d’intérêt face aux compétences transversales (jugement critique, collaboration, etc.) — alors même qu’une partie des recherchent s’y opposent — allant jusqu’à douter de l’existence des compétences transversales — cherchant démontrer des effets opposés, comme l’augmentation des inégalités (Bissonnette et Boyer, 2018). Sous couvert

d’efficacité, il y a là un débat philosophique de société. Les détracteurs des pédagogies actives présupposent que la « réussite scolaire aboutira dans un second temps à une réussite sociale » (Talbot, 2012, p. 5). L’école est vue comme un instrument d’instruction.

Comme Talbot, nous pensons que ces recherches se trompent de cible en oubliant les autres missions de l’école et qu’elles « décrivent l’enseignant efficace et non les pratiques d’enseignement efficaces » (Ibid.).

Les objets consensuels de l’apprentissage efficace

Les désaccords entre ces multiples théories sont des richesses. Cependant, pour faire avancer la science, nous devons régler les contradictions et les incompatibilités.

Heureusement, dans ce foisonnement, des tentatives d’articuler le meilleur des deux mondes existent — c’est une des raisons de notre proposition de dispositif — mais quelles sont-elles ? Quels en sont les points communs et sur quoi les sciences de l’éducation sont actuellement d’accord ? Les quatre piliers de l’apprentissage (Dehaene, 2018) que les neurosciences nous posent offrent une bonne synthèse actuelle des éléments à promouvoir pour faciliter l’apprentissage, soit :

1) L’attention : C’est être concentré sur l’objet d’apprentissage en étant conscient que le reste lui échappe.

2) L’engagement actif : C’est faire l’effort de se questionner, d’émettre des prédictions, de produire.

3) Le retour sur erreur : C’est échouer et recevoir des feedbacks constructifs pour réguler.

4) La consolidation : C’est créer des automatismes pour libérer des ressources pour d’autres apprentissages

En filigrane de ces quatre piliers, nous retrouvons des impératifs constituant la

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métacognition, l’implication des élèves et l’apprentissage social. Dans sa méta-analyse, Hattie (2008) présente les mêmes constats et relève des besoins pour l’apprenant de savoir ce qu’il apprend et pourquoi. De pouvoir être corrigé par des feedbacks formatifs et d’apprendre par les pairs. Autant ces éléments renforcent la justesse d’une action

behavioriste, autant ils sont valides dans une vision plus constructiviste des connaissances.

La différence se situant dans la source (de l’attention et des feedbacks) qui est soit la source du savoir (l’enseignant, une machine), soit l’échange avec les pairs (construction du savoir) et dans les buts d’accomplissement plutôt axés sur la performance (répondre juste) ou la maîtrise (confronter des doutes).

Encore une fois, ce consensus sur le fonctionnement de l’apprentissage se heurte à l’opposition des méthodes à appliquer. Aux méthodes constructivistes, notamment celles basées sur l’enseignement mutuel sur lesquelles nous reviendrons largement, où l’élève apprend avec l’objectif de pouvoir réexpliquer ce qu’il a appris, s’opposent les méthodes progressistes, comme l’enseignement explicite (Rosenshine, 2012) où l’enseignant dirige chaque étape de l’apprentissage. L’application d’une méthode plutôt qu’une autre va immanquablement influer sur sa manière d’enseigner. Elle pose la question centrale du rôle de l’enseignant. Elle pose et oppose les questions de guidage (Kirschner, Sweller et Clark, 2006) qui est encouragé (autonomisation) ou craint (perte de repères).

Un décalage entre posture idéale et posture réelle

Les enseignants désireux de pouvoir agir au mieux se heurtent à ces propositions des méthodes, mais aussi à des oppositions dogmatiques sur la finalité de l’école et à leurs propres contradictions et déviances dans leur application concrète en classe.

Même lorsque les enseignants indiquent leur attachement de principe à l’enseignement centré sur l’élève, les recherches constatent des décalages avec leur pratique. Les enseignants vivent aujourd’hui un conflit cognitif entre une formation qui prône les bienfaits des pédagogies sociocognitives et un environnement résolument tourné vers la transmission. Un rapport de l’OCDE (2015) relève cette contradiction des enseignants qui

« s’accordent en général à dire que l’enseignement doit donner un rôle actif aux élèves » (p.4) et appliquent pourtant des pratiques plutôt passives. Chbat (2004) fait le même constat, mais note aussi que les enseignants s’efforcent de se distancer d’une approche magistrale et cherchent à modifier de leurs pratiques. « Toute initiative occasionnant une interruption du monologue du maître est interprétée comme une transformation radicale de l’approche magistrale en une approche mixte justifiant la classification de la méthode globale comme non magistrale ou comme magistrale interactive » (p.150). Dans sa recherche plus de la moitié seulement des enseignants (34/61) affirment pratiquer une approche mixte, alors qu’une petite minorité (11/61) déploie une méthode résolument non magistrale. Mais les déclarations d’intention peinent à être transformées en actes. Polly et Hannafin (2011) ont, par exemple, suivi pendant un an une cohorte d’enseignants qui suivaient des ateliers de formations pour changer leur pratique.

Ils ont relevé « un manque d'alignement entre les pratiques observées par les enseignants et celles mises en évidence lors des ateliers de travail » [traduction] (p.126). Finalement, moins de 14% du temps était réellement dévolu aux tâches centrées sur l’apprenant et

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aligné avec la pédagogie promulguée par le projet. Le reste du temps, l’enseignant restait dans une posture d’enseignement directif. Par contre, ils ont relevé une certaine

conscience des enseignants à ne pas avoir atteint leur objectif pédagogique et des pistes d’améliorations possibles. Un des décalages notables a été que les enseignants pensaient la moitié du temps avoir une posture centrée sur l’apprenant en leur offrant des conditions de manipuler du matériel, alors qu’ils fournissaient des directives explicites. Ils relèvent aussi qu’une partie des individus ne s’est pas engagée dans ces pratiques actives alors qu’une autre s’est concentrée sur ses actions sans interroger sa posture qui restait directive. Ils ont également pointé du doigt l’environnement scolaire, notamment pour maintenir l’ordre dans la classe (élèves à besoin particulier, problèmes de comportement).

Ce glissement lors de la pratique en classe aurait plusieurs causes. D’une part, la structure historique de l’école. D’après Houssaye (2014), « c’est dans la première moitié du XXe siècle que tout s'est joué. Les progressistes administratifs ont écrasé les progressistes pédagogiques » (p.29). Dans ces conditions, seuls les plus téméraires ont réussi à articuler pédagogie centrée sur l'élève et école centrée sur l'enseignant ; dépendamment des impératifs du quotidien sur lequel nous nous attarderons dans les chapitres à venir. Il s’agit surtout d’appréhensions, parce que les enseignants « craignent que le temps

d’apprentissage soit trop long et que les problèmes organisationnels (gestion de la classe, temps de préparation et complexification de la tâche de l’enseignant) soient

insurmontables » (Delémont, 2006, p. 11) et de retour à la sécurité d’un cours magistral qui

« sert de filet de sécurité si le dialogue ne prend pas, s'il faut accélérer par rapport au programme ou s'il faut tenir une classe difficile » (Houssaye, 2014, p. 33).

2.2.2. Styles, perspectives et postures d’enseignement

La compréhension de ce qui se joue en classe, passe par la posture de l’enseignant dans l’application des méthodes. Des concepts relativement proches fournissent une abondante littérature sur la question de la posture professionnelle de l’enseignant, de son action en rapport à ses conceptions pédagogiques, de son rôle et de sa personnalité. Plus

généralement, on parlera de style d’enseignement lorsque nous cherchons à caractériser un comportement du professionnel dans sa classe directement influencé par les idées qu’il se fait de son rôle. Il est d’autant plus important qu’il détermine la relation entre

l’enseignant et ses élèves, mais aussi avec la matière. Il incite les actions des élèves, leur motivation à s’engager dans leur apprentissage.

Les modèles fondateurs du style

Dans une revue de littérature sur le sujet, Karsenti (1994) rappelle que l’intérêt pour le style d’enseignement devient marqué à partir des années 60. Bien que les modèles soient nombreux, ils identifient des éléments similaires. Díaz Larenas et al. (2011) remarquent que le concept est défini de manières diverses selon les auteurs.

Un parti pris défendu par Ryans (1960) est de différencier des caractéristiques qui

déterminent le style de l’enseignant « à la fois par des facteurs personnels variant peu et des facteurs situationnels changeant constamment » (Karsenti, 1994, p. 56). Le style serait

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une action en classe guidée par les croyances (Heimlich et Norland, 2002) et philosophie de l’enseignant (Brown, 2001). Oliver et Shaver (1966) différencient le but de mémorisation (style récitation) et le but de maïeutique (style socratique) desquels émanent les actions en classes. L’enseignant peut voir son rôle comme une dichotomie autoritaire-

démocratique en visant l'acquisition des connaissances ou un rôle humaniste (Campbell et Kryszewska, 1995) que l’on retrouve dans les douze styles que Bennett (1976) a arrangés dans un continuum d’informel à formel. Pour Antoniou (2013) qui cite Bibace (1981), les styles d'enseignement sont pour la plupart « un continuum où le style le plus centré sur l'étudiant (facilitateur) se trouve à une extrémité et le style le plus centré sur l'enseignant (assertif) se trouve à l'autre extrémité » [traduction] (p.1629), que l’on oppose souvent comme posture centrée sur l’enseignant et la matière ou centrée sur l’étudiant et l’autonomie.

Fig. 4 Schématisation du concept de style d'enseignement (Silver et Hanson, 1980) dans (Karsenti, 1994, p. 73)

Silver et Hanson (1980) s'appuient sur ces deux éléments du style (vision et application) pour schématiser le style d’enseignement (fig.4). Il serait identifiable par des

comportements observables. Ce serait notamment le cas pour la manière de planifier, communiquer, gérer qui in fine influencerait le climat de classe (Berliner, 1983). Ce même climat de classe dont Genoud (2004) expose dans sa thèse comme étant la rencontre entre les caractéristiques personnelles de l’enseignant et celle de ses élèves. Si certaines définitions ont cherché à déterminer des indicateurs multiples, tous ces éléments sont intimement liés à la relation entre le maître et ses élèves qui se construit à partir de la personnalité de l'enseignant et celles des élèves qui forment la classe.

Antoniou (2013), qui a étudié l’effet que peut avoir une formation sur les styles

d’enseignement auprès d’enseignants spécialisés, reprend la définition de Kaplan (1995) comme « les comportements personnels de l'enseignant et les supports utilisés en interaction avec l’apprenant » [traduction]. Il le qualifie en quatre caractéristiques : 1) Assertive (informe directement, guide et donne des feedbacks aux étudiants) ; 2) Suggestive (offre des opportunités de répondre de synthétiser et d’activer des connaissances antérieures) ; 3) Collaborative (écoute les expériences et explore les compréhensions des étudiants ; 4) Facilitative (facilitant l’expression et l’autonomie des étudiants).

Il est bien difficile d'appréhender tous les rôles de l'enseignant. Comme le présente Altet (1988), il s'active sur trois plans: 1) Didactique : Il est le médiateur entre l'apprenant et

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l'objet d'apprentissage, il planifie. 2) Relationnel : Il est modèle et agent socialisateur.

3) Personnel : Il représente l'autorité et gère la classe.

Jorro (2002) donne 4 postures associées à 4 mondes selon les situations :

• L'instructeur dans le monde de la performance (réussite / classement)

• L'entraîneur dans le monde de la maîtrise (effort / progression)

• Le didacticien dans le monde de la construction (médiation)

• Le passeur dans le monde de la compréhension (altérité)

Ce style serait donc amené à évoluer selon le contexte. Bordeleau (1983) définit quatre stades qui tendent vers plus d'indépendance laissée par l'enseignant. Si les enseignants sont plutôt contrôlants de prime abord et centrés sur la structure et la matière, c'est par peur de perdre le contrôle. C'est seulement avec le temps qu'ils pourront créer un lien d'interdépendance et valoriser le développement des élèves. Les difficultés du contexte scolaire influencent le style pédagogique pour tendre vers un style managérial. Cette position que nous retrouvons aussi sous d'autres termes qui voient l'enseignant comme un expert transmetteur de connaissance.

À partir de ces conceptions, de nombreuses échelles proposent d’identifier le style. Grasha (1996) propose un modèle relativement consensuel dans différentes recherches. Le Grasha- Riechmann Teaching Style Inventory (TSI) comprend cinq styles liés à une orientation face à la connaissance (enseignant transmetteur de connaissances ou facilitateur d’une

construction par l’apprenant) et face à la structuration de l’autorité (enseignant tenant de l’autorité ou déléguant une autonomie aux étudiants). Les 5 styles d’enseignement d’après Grasha (1994) tiré de Mete et Bakır (2016) seraient 1) Expert : l’enseignant transmet la connaissance ; 2) Autorité formelle : il apporte des feedbacks positifs ou négatifs. Donne les objectifs ; 3) Modèle personnel : montre comment penser et se comporter ;

4) Facilitateur : va accompagner le développement de l’indépendance et la responsabilité ; 5) Délégant : laisse la responsabilité aux étudiants. Se considère comme personne-

ressource.

Stevenson (2014) a pour sa part relevé d’autres instruments, dont notamment le

Staffordshire Evaluation of Teaching Styles (SETS) (Mohanna, Chambers et Wall, 2007; Wall, 2007) qui comprend six dominantes en fonction de sa position vis-à-vis de la matière, de son enseignement plus ou moins frontal et sa relation avec les élèves. Le Teaching Goals Inventory (TGI) (Angelo et Cross, 2012) comprend cinq habillés tournées plus

spécifiquement vers le rôle des enseignants pour aider à améliorer l’efficacité ; tournées vers le raisonnement, la réussite scolaire, les valeurs, le futur professionnel ou le

développement personnel des étudiants.

Plus spécifiquement, Reeves (1994) s’est intéressé à l’enseignement par l’informatique computer-based education. Il en a tiré quatorze dimensions bipolaires (élève ou enseignant) allant de la philosophie de l’éducation (instruire ou construire) au contrôle exercé sur l’étudiant en passant par le statut de l’erreur.

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On peut également, en considérant d'autres transformations, se demander quels peuvent être les effets complexes, phénotypiques et indirectement génotypiques, de la

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