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CHAPITRE 3 : LES ÉGLISES D'OCCIDENT ET D'ORIENT DEVIENNENT UN

5. Constantin

5.2. Le concile de Nicée

La querelle arienne, tirée du nom d'Arius prêtre d'Alexandrie, dont les enseignements et les prédications connaissent un vif succès, se voit interrompue vers 318, par l'évêque Alexandre qui lui interdit de propager plus longtemps sa doctrine. La querelle porte sur la théologie de la Trinité, et, comme Origène, Denys d'Alexandrie, Lucien d'Antioche, Arius « […] cherchait à combattre les formules simplistes d'une piété populaire qui confondait presque entièrement le Christ et Dieu le Père, ce qui contredisait toute la Bible et rendait impossible toute élaboration théologique de la foi chrétienne110 ». Il refuse de se soumettre à l'évêque Alexandre, qui riposte en convoquant un concile de tous les évêques d'Égypte et de Cyrénaïque, où il obtint la condamnation d'Arius. Suite à cela, Arius se rend chez Eusèbe de Césarée où avec son appui, il entreprend de défendre ses

108 Éd. R. Draguet, p. 7, ligne 16; Vie d'Antoine, 3, in PG, vol. 26, col. 844B. « Cité par » P. BROWN. Le renoncement

à la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, p. 266.

109 É. TROCMÉ. « Le christianisme des origines au concile de Nicée » dans Histoire des Religions II, p. 351. 110 Ibid., p. 352.

thèses. Il gagne l'appui de l'évêque d'Eusèbe de Nicomédie qui réunit dans sa ville un concile qui le réhabilite et encourage Arius, à envoyer à l'évêque Alexandre un exposé de sa doctrine. Alexandre refuse le pardon d'Arius et se lance à son tour dans une campagne contre Arius. Arius compose un exposé populaire de ses idées, la Thalie et rentre à Alexandrie, où il retrouve une audience composée d'une bonne partie de ses fidèles. « La ville fut remplie des discussions des tenants des deux camps et les païens ironisèrent abondamment sur ces débats surprenants, où la théologie la plus abstraite était mise en chansons111. » Constantin envoie « […] à Alexandrie son conseiller ecclésiastique, l'évêque Ossius de Cordoue qui, comme lui-même, considérait ses discussions d'Orientaux avec ahurissement et impatience. Informé par son émissaire et sollicité de divers côtés d'intervenir, Constantin convoqua alors à Nicée […] un concile œcuménique, auquel les évêques du monde entier étaient conviés112 ». Une réplique en quelque sorte du concile d'Arles de 314, adaptée à la nouvelle situation. L'événement allait créer pour l'histoire du christianisme un important précédent

[…] non seulement parce que les Églises se voyaient dotées d'un organe suprême de nature collégiale, mais aussi parce que le concile œcuménique acquérait […] une fonction doctrinale. La confession de foi, jusqu'ici étroitement liée au culte, et la réflexion théologique, encore très peu contrôlée par l'autorité ecclésiastique, allaient de ce fait perdre leur autonomie et se fondre en un « dogme » de caractère juridique, dont l'existence devait modifier profondément les conditions de l'unité chrétienne et la vie de chaque Église locale113.

Le concile de Nicée s'ouvrit en 325 et réunit un nombre jusque-là inégalé d'évêques. Toutes les parties de l'Empire y étaient représentées et chacun des participants vouait une admiration à Constantin. Sur la question arienne,

[l]e concile entreprit donc d'élaborer, sur la base de la confession baptismale de Césarée de Palestine, un « symbole » énonçant la christologie orthodoxe. « Aux titres de « Dieu de Dieu, lumière de lumière », on ajouta en particulier celui de « consubstantiel au Père », […] qui dans le passé avait été l'expression du « monarchianisme » de Sabellius et de tous ceux qui effaçaient la distinction entre le Christ et son Père. Cette surprenante addition […] ne fut acceptée que sur l'insistance personnelle de Constantin, à qui le concile ne pouvait rien refuser114.

111 Ibid., p. 353. 112 Ibid.

113 Ibid. 114 Ibid., p. 354.

Au moment de signer le texte, l'empereur fit savoir que ceux qui s'y refuseraient seraient exilés sur le champ par les autorités impériales. Arius et ses partisans égyptiens furent les seuls à résister à ce chantage et furent expédiés au loin. Tous les autres se rallièrent. Malgré les dispositions initiales conciliantes envers l'Église schismatique de Mélèce de Lycopolis, « […] dans l'espoir de les faire entrer dans l'unité catholique. […] cette tentative devait échouer comme la répression avait échoué face au schisme donatiste115 ». Lors du banquet de clôture du concile, l'Empereur exhorta les évêques à l'union, la modestie et au zèle missionnaire. Il promit la distribution annuelle de blé aux pauvres et aux clercs des Églises et offrit des cadeaux pour chacun. Les évêques éblouis par une telle générosité, Constantin avait réalisé l'unité des Églises catholiques, qui prit pour la première fois « […] une forme visible. Les schismatiques étaient invités à s'associer à cette unité sans condition humiliante. Les rares mauvais esprits qui avaient rejeté la confession de foi commune avaient pris le chemin de l'exil. Tout cela était pour une large part l'œuvre de Constantin et lui permettait désormais d'intervenir directement dans les affaires ecclésiastiques pour coordonner et renforcer l'action des évêques116 ».

Constantin se présentait comme l'« évêque du dehors » et « égal des apôtres », bien qu'il se fit baptiser à la veille de sa mort en 337. Certains évêques se rendent compte rapidement de la perte de liberté qu'instituait cette nouvelle coopération avec l'État. Peu de temps après, « […] Eusèbe de Nicomédie, Maris de Chalcédoine et Théognis de Nicée firent savoir publiquement qu'ils n'avaient signé la confession de foi, que par crainte de l'empereur, et désiraient se rétracter117 ». Ils furent expédiés sur le champ en Gaule par Constantin, qui ordonna l'élection de nouveaux évêques. Théodore de Laodicée, soupçonné de vouloir imiter ses collègues, reçut un avertissement brutal qui le rendit discret. Dès 325,

Constantin faisait la police de la foi à l'intérieur du corps épiscopal. […] au cours des décennies suivantes, les autorités impériales allaient faire du pouvoir ainsi acquis l'usage le plus imprévisible et le plus préjudiciable aux intérêts des Églises qu'elles prétendaient défendre. L'Église avait cru se trouver un ami haut placé ; elle s'était donné un maitre. Elle allait avoir fort à faire pour échapper à la captivité dorée qui lui était brusquement imposée118.

115 Ibid., p. 355. 116 Ibid. 117 Ibid., p. 356. 118 Ibid., p. 356.

À grands traits, nous avons pu voir à l'œuvre la dynamique constitutive de la formation et de la concrétisation de ce qu'avait cherché à instituer l'Église, c’est-à-dire établir et asseoir sa doctrine, dans un cadre qui lui permettrait d'imposer sa supériorité. Ainsi les politiques doctrinales de l'Église, qui se voulaient être une police pour la discipline de ses fidèles, ont rencontrées les politiques de l'État et de leur chef qui sont devenues police de la foi toutes deux opérant sous l'influence d'une théorie masculine rationnelle très ancienne, qui cherchait à expliquer l'origine du monde « […] par une lutte entre des réalités « physiques » et la prédominance de l'une sur les autres. […]119 ». Nous avons évoqué l'importance et l'influence de cette explication dualiste du monde, qui marqua un tournant décisif dans l'histoire de la pensée rationnelle.

6. Le dualisme de la séparation du corps et de l'esprit se décline dans une relation : pouvoir,

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