• Aucun résultat trouvé

Concevoir des situations d’apprentissage collectif

Chapitre 4. L A QUESTION DE LA MOTIVATION

5.3. L’apprentissage collectif et ses problématiques de conceptionconception

5.3.4. Concevoir des situations d’apprentissage collectif

Un scénario de formation est qualifié de collaboratif lorsque l’intention initiale qui a guidé sa conception est la mise en place d’un apprentissage collaboratif, par définition centré sur les interactions (Dillenbourg 2002). Dans ce cas les phases-clés du scénario reposent sur des activités collectives. Toutefois, un scénario d’apprentissage collaboratif inclut également des phases complémentaires d’introduction de concepts, de débriefing, d’entraînement ou

d’évaluation, qui peuvent être menées individuellement : un dispositif CSCL peut donc être qualifié de dispositif de formation mixte (cf. explications détaillées dans la section 5.4).

Les scénarios collaboratifs sont le plus souvent séquentiels, parfois itératifs (Dillenbourg 2002). La nécessité de proposer des scénarios facilement appropriables par les formateurs, tuteurs et apprenants justifie le faible recours à des scénarios non-linéaires, dont le degré de complexité est obligatoirement plus élevé.

Les situations d’apprentissage collectif composant un dispositif CSCL ont besoin d’être scénarisées afin de s’assurer que le déroulement effectif de l’activité corresponde au mieux à ce que le concepteur a prévu (David et al. 2008 ; Dillenbourg 2002) et génère les interactions adaptées pour atteindre les objectifs pédagogiques visés. La conception de ce type de situation d’apprentissage se focalise en premier lieu sur les interactions à obtenir entre les apprenants : dans un scénario d’activité collective, plus que le contenu pédagogique, c’est le processus de collaboration qui est central (Weinberger et al. 2009). La particularité des scénarios collaboratifs est de définir un ensemble de consignes concernant la façon dont les participants doivent interagir (Dillenbourg 2002), il s’agit de spécifier

« une histoire ou un scenario que les étudiants et tuteur doivent jouer de la même façon que des acteurs interprètent le script d’un film1. » (Dillenbourg 2002).

Dillenbourg (1999) identifie plusieurs approches pour concevoir les situations d’apprentissage collaboratif. Ces approches se répartissent en deux grandes catégories complémentaires : structuration de l’activité a priori (définition d’un scénario prescrit) et régulation des interactions en cours d’activité.

Approches basées sur la structuration du scénario en amont de l’activité.

L’une de ces approches consiste à définir les conditions initiales de l’activité, c’est-à-dire les principes concernant l’organisation des groupes (taille du groupe, constitution définie par le tuteur ou laissée aux choix des apprenants, etc.) et les consignes des tâches à effectuer.

Une autre approche vise à définir un contrat de collaboration à travers un scénario basé sur des rôles. Dans ce cas, ce sont les rôles spécifiés qui génèrent des interactions spécifiques entre les participants. On retrouve ici des caractéristiques des jeux de rôle pédagogiques (présentés dans la section 3.4.3). Certaines méthodes consistent par exemple à créer des déséquilibres entre les participants au niveau des savoirs ou compétences détenus. De cette façon, dans la mesure où la résolution de la mission proposée suppose de réunir l’ensemble des informations ou de mettre en œuvre des compétences complémentaires, les échanges entre participants sont indispensables. Ce principe de définition de rôles asymétriques est à la base de la méthode

jigsaw, activité devenue désormais un classique dans le domaine du CSCL (Hernández-Leo 2007). Une autre démarche consiste à placer les apprenants dans la peau de personnages ayant des fonctions ou des points de vue différents des leurs afin de leur faire prendre du recul ou

1

d’envisager une situation sous un angle différent. D’autres types de rôles les placent au cœur d’une situation conflictuelle les forçant à adopter un autre regard sur les évènements.

Approche basée sur la régulation de l’activité lors de sa mise en œuvre.

Cette approche de l’apprentissage collaboratif met l’accent sur le contrôle et la régulation des échanges par un tuteur au cours de l’activité. Le formateur ou tuteur a, dans ce cas, un rôle central dans l’activité, d’autant plus crucial dans les groupes de grande taille et lorsque les activités ont été moins structurées en amont de l’exécution. Outre les interactions entre les apprenants, parfois régulées par le tuteur, des interactions constructives ont également lieu entre le tuteur et les apprenants, notamment à travers les rétroactions fournies par le tuteur sur les activités effectuées.

Dans la logique de la première approche de scénarisation visant à décrire les activités a priori, Walckiers et De Praetere (2004) soulignent que, lors de la conception de dispositifs d’apprentissage collaboratif, il ne faut pas négliger la définition du planning du déroulement de la formation afin de s’assurer de conserver une dynamique continue du dispositif, tout en octroyant une certaine liberté aux participants.

A l’inverse du besoin de scénarisation mis en évidence ici, une caractéristique spécifique de la conception de situations d’apprentissage collectif concerne la nécessaire flexibilité de ces situations. Dillenbourg (2002) indique qu’une scénarisation trop prescriptive d’une activité est contre-productive : si les situations d’apprentissage collectif doivent imposer un certain niveau de contraintes pour s’assurer d’une certaine efficacité de l’activité, une collaboration trop contrainte risque de parasiter les mécanismes naturels d’interaction entre les participants.

Hernández-Leo (2007) identifie problèmes-clés relatifs à la conception de CSCL :

la conception de scénarios collectifs visant à générer des interactions spécifiques entre les participants est une activité complexe. Elle doit être effectuée avec beaucoup d’attention et encore plus lorsque le public cible (enseignants et apprenants) n’est pas familier avec ce type de situation d’apprentissage. Les difficultés résident par ailleurs dans le délicat équilibre à trouver au niveau de la scénarisation ;

un langage de modélisation devrait être utilisé pour formaliser les scénarios afin qu’ils soient automatiquement interprétés par les ordinateurs ;

les formateurs ou concepteurs pédagogiques ne sont pas familiers avec les langages informatiques.

A partir de ces constats, Hernández-Leo propose donc de recourir à un environnement auteur graphique pour soutenir la formalisation des scénarios d’apprentissage. Ce type d’outil est également jugé intéressant par Weinberger et al. (2009) qui insistent sur sa nécessaire capacité à permettre l’élaboration de scénarios à différents niveaux de granularité, d’une simple activité à un cours global. Les environnements d’aide à la conception et les langages de formalisation qui y

sont intégrés doivent permettre l’orchestration d’activités de natures diverses, et notamment l’articulation entre des activités d’apprentissage individuelles et des activités collectives.

De plus, Hernández-Leo se dirige vers une approche de l’assistance à la conception basée sur l’utilisation de patrons. Cette approche est considérée comme plus fonctionnelle et moins rigide que les approches traditionnelles de conception pédagogique. Dans le chapitre 6 différentes approches de l’assistance à la conception, et notamment l’approche par patrons, sont étudiées.

.

Synthèse : conception et activités d’apprentissage collectives

A travers les cadres de description étudiés ici nous retenons que la conception d’activités collectives d’apprentissage passe par la définition d’un scénario d’interactions se traduisant par :

la définition de rôles parfois différents pour les acteurs du scénario, la spécification des paramètres de constitution des groupes, l’indication du caractère synchrone ou asynchrone des échanges,

et surtout la spécification des aspects distribués du scénario s’appliquant aussi bien aux tâches, aux participants et aux outils.

Ces principes de conception alimentent notre travail, les scénarios LRPG ayant comme caractéristique principale de mettre en œuvre des activités d’apprentissage collectives. Nous nous situons plus particulièrement dans une approche de conception de scénarios en amont de l’exécution et laissons donc de côté les aspects liés à la régulation du scénario en cours d’activité.

L’une des particularités de la conception de scénarios d’apprentissage collectif consiste à trouver le bon équilibre de scénarisation : il s’agit de susciter des interactions sources d’apprentissage tout en prenant soin de ne pas adopter une démarche trop prescriptive qui risquerait d’altérer les caractéristiques qui rendent justement ces échanges sources d’apprentissage.

5.4. Conception de dispositifs de formation aux multiples